Décision n° 82-C-A-2009

le 10 mars 2009

le 10 mars 2009

RELATIVE à une plainte déposée par Vlad Kouznetchik contre Air Canada.

Référence no M4120-3/08-04087


Introduction et questions

[1] Vlad Kouznetchik a déposé une plainte auprès de l'Office des transports du Canada (Office) concernant le refus d'Air Canada de l'indemniser car Spanair, S.A. (Spanair), un partenaire Star Alliance d'Air Canada, aurait refusé de le transporter en classe affaire sur le vol 5649 de Spanair, d'Ibiza à Madrid, Espagne, le 20 septembre 2007.

[2] Est-ce que les modalités et conditions régissant Aéroplan ou le tarif énonçant les conditions d'Air Canada liées au transport international s'appliquent au cas présent?

[3] Est-ce qu'Air Canada a mis son tarif à la disposition de M. Kouznetchik, tel que le prescrit le paragraphe 116(1) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (RTA)?

[4] Comme l'indiquent les motifs exposés ci-dessous, l'Office conclut que :

  1. Le transport de M. Kouznetchik a été effectué aux termes d'un billet direct combiné obtenu auprès d'Aéroplan, et non avec un billet d'Air Canada acheté en ligne ou en partage de codes. Les vols de M. Kouznetchik étaient donc régis par les modalités et conditions d'Aéroplan et les tarifs des différents transporteurs sur leurs segments respectifs du voyage. Nommément, le segment en cause était exploité par Spanair et non Air Canada. Au moment du voyage, Spanair n'était pas un licencié aux termes de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée (LTC). Par conséquent, l'Office n'a pas la compétence d'ordonner un redressement contre Spanair, même si M. Kouznetchik en avait fait la demande. Dans le même ordre d'idées, Aéroplan n'est ni un licencié ni un transporteur aérien aux termes de la LTC et du RTA, et par conséquent, ne relève pas de la compétence de l'Office.
  2. Air Canada a mis son tarif à la disposition de M. Kouznetchik puisqu'il est disponible sur le site Web d'Air Canada et à tous les aéroports qu'elle dessert.

[5] Par conséquent, l'Office rejette la plainte.

Faits

[6] M. Kouznetchik a échangé ses milles Aéroplan pour l'achat d'un billet d'avion en classe affaire avec plusieurs transporteurs du groupe Star Alliance, y compris Air Canada et Spanair, en partance de Toronto (Ontario), Canada, le 6 septembre 2007. Le retour, prévu le 26 septembre 2007, était aussi à Toronto. L'itinéraire était Toronto/Francfort/Londres/Ibiza/Madrid/Zurich/Berlin/Vienne/New York/Toronto.

[7] Air Canada a refusé d'indemniser M. Kouznetchik pour un présumé déclassement de service sur le vol 5649 de Spanair, d'Ibiza à Madrid, le 20 septembre 2007.

Preuves et mémoires

[8] M. Kouznetchik soutient que Spanair ne l'a pas transporté en classe affaire sur son vol 5649 du 20 septembre 2007 d'Ibiza à Madrid et que le transporteur a prétendu que le code « Y » sur sa carte d'embarquement correspondait à la classe « Avant ». Dans la preuve jointe à sa plainte, M. Kouznetchik a inclus un tableau de Spanair énonçant quatre classes de service : Économie, Économie , Avant et Affaire. Les différences entre les classes Avant et affaire, tel qu'énoncées dans le tableau, sont : (i) les sièges du milieu demeurent inoccupés en classe affaire et (ii) les voyageurs en classe affaire reçoivent 250 points Spanair Plus, tandis que ceux en classe Avant en reçoivent 150. Cette dernière différence ne semble pas pertinente, puisqu'il n'y a habituellement pas d'attribution de points lorsque le voyage est acheté par échange de points, comme dans le cas de M. Kouznetchik.

[9] M. Kouznetchik prétend qu'Air Canada a enfreint plusieurs articles du RTA. Il affirme qu'Air Canada n'a pas énoncé ses conditions de transport en matière de remplacement par une classe de service différente dans son tarif international énonçant les règles applicables aux passagers et au prix, CTA(A) no 458 (tarif international). De plus, selon M. Kouznetchik, Air Canada n'a pas correctement appliqué les conditions existantes de transport de son tarif international. Il prétend aussi que les conditions de transport en matière de déclassement et de remboursement involontaires sont injustifiées et déraisonnables. Il ajoute qu'Air Canada a exercé une discrimination à son égard en revenant sur sa promesse de l'indemniser pour le déclassement, et que le transporteur n'a pas mis son tarif international à sa disposition.

[10] M. Kouznetchik demande à l'Office d'ordonner à Air Canada qu'elle indique clairement dans son tarif international (et applique comme il se doit) les conditions de transport en matière de déclassement, s'abstienne d'exercer de la discrimination injustifiée à l'égard des passagers, publie son tarif international sur son site Web, l'indemnise et, au besoin, modifie son tarif international.

[11] Air Canada soutient qu'elle a mis à la disposition de M. Kouznetchik une copie de son tarif CTA(A) no 784 intitulé « Passenger Tariff containing Rules and Regulations, Rates, and Charges applicable to the Aeroplan Frequent Flyer Program for Transportation of Passengers and Baggage between Points in Canada and Points Outside of Canada and also between Points Wholly in Canada » le 25 avril 2008 et que le tarif est aussi disponible sur le site Web d'Aéroplan.

[12] Air Canada déclare que M. Kouznetchik a acheté un billet « prime-voyage Star Alliance » d'Aéroplan qui comprenait différents vols avec différents partenaires Star Alliance. Elle explique que les modalités et conditions d'Aéroplan s'appliquaient au billet de M. Kouznetchik. Air Canada souligne aussi que son tarif international ne s'appliquait seulement qu'au segment en partance de New York, New York, États-Unis d'Amérique vers Toronto le 26 septembre 2007, parce qu'elle exploitait ce segment.

[13] Air Canada souligne que le vol 5649 de Spanair d'Ibiza à Madrid le 20 septembre 2007 n'était pas exploité en vertu d'une entente de partage de codes et qu'Air Canada n'était ni le promoteur, ni l'exploitant du service aérien. Elle fait valoir que le billet était apparenté à un billet direct combiné et que l'Office n'a pas la compétence d'obliger Air Canada à répondre des actions de Spanair en l'absence d'une entente de partage de codes.

[14] Air Canada fait valoir que, bien que son code « Y » réfère à la classe économie, le même code chez Spanair fait référence à la classe affaire. Elle ajoute que le talon de la carte d'embarquement du passager du vol 5649, indiquant le code « Y », a été émis par Spanair pour un vol exploité par cette dernière.

[15] Air Canada souligne que, bien que son tarif international ne s'applique pas dans le cas présent, ses tarifs se trouvent sur son site Web à www.aircanada.com et qu'ils sont disponibles dans tous les aéroports qu'elle dessert. Air Canada souligne que, dans les situations où son tarif international s'applique, les règles 80(C)(1) et 90(D) énoncent les conditions de remplacement par une classe de service différente.

[16] Air Canada soutient que M. Kouznetchik n'a pas démontré que ces règles sont injustifiées et déraisonnables et que le transporteur a exercé une discrimination injustifiée à l'égard de ses passagers et leur a causé des préjudices et désavantages déraisonnables. Air Canada fait valoir que M. Kouznetchik n'a pas prouvé qu'elle a enfreint le RTA et réitère qu'elle n'a pas omis de respecter les dispositions de son tarif international puisqu'il ne s'applique pas dans le cas présent.

[17] Air Canada ajoute que M. Kouznetchik n'a ni évalué ni prouvé l'étendue des dommages qui lui ont été causés, ainsi que le lien entre le manquement présumé d'Air Canada et les dommages présumés. Elle fait valoir qu'aux termes des modalités et conditions d'Aéroplan, même si le segment Ibiza-Madrid de son voyage de avait été réservé en classe économie, M. Kouznetchik aurait été imputé de la même façon que s'il avait réservé tout le voyage en classe affaire et aucune indemnisation ne lui serait due. Air Canada demande que l'Office rejette la plainte de M. Kouznetchik.

[18] M. Kouznetchik croit que tous les segments de son billet étaient couverts par les tarifs d'Air Canada. Il conteste les arguments d'Air Canada que le code « Y » de Spanair réfère à la classe affaire. Il soutient que toute référence à Aéroplan n'est pas pertinente puisque cette dernière n'est pas un transporteur et ne peut ni déposer de tarif, ni émettre de billets.

Analyse et constatations

Quelles conditions s'appliquent au transport en cause?

La relation entre Air Canada et Aéroplan

[19] Un élément clé de cette affaire repose sur la relation entre Air Canada et Aéroplan. D'entrée de jeu, M. Kouznetchik a fait valoir qu'Air Canada était responsable des actions d'Aéroplan. Air Canada a soutenu qu'Aéroplan est une entité indépendante et qu'elle ne la contrôle pas. À cette fin, dans sa décision no LET-C-A-3-2009, dont M. Kouznetchik a obtenu copie, l'Office a demandé à Air Canada de lui fournir plus d'informations sur l'histoire du programme Aéroplan, la structure corporative d'Aéroplan et les principaux liens contractuels entre Air Canada et Aéroplan. Air Canada a fourni ces informations le 9 février 2009.

[20] Selon Air Canada, Aéroplan a été créée en juillet 1984 en tant que programme incitatif pour les grands voyageurs et les activités du programme étaient intégrées avec celles d'Air Canada jusqu'à la fin 2001. En janvier 2002, Aéroplan a commencé ses activités en tant que société en commandite légalement séparée (Aéroplan LP), et Air Canada en était la propriétaire unique. En 2003-2004, à la suite de sa restructuration sous la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, L.R.C., 1985, ch. C-36, Air Canada est devenue une filiale détenue en propriété exclusive de Gestion ACE Aviation Inc., qui était aussi la seule propriétaire d'Aéroplan LP. Aéroplan a été convertie en fiducie de revenu et le 25 juin 2008, est devenue une société ouverte, « Groupe Aeroplan Inc. »

[21] Une fois départie d'Aéroplan, la relation entre Air Canada et Aéroplan était (et est toujours) régie par différents contrats. Selon le contrat principal, Air Canada paie sa participation au programme de récompense et les frais sont déterminés par le nombre de milles Aéroplan alloués aux clients d'Air Canada sur ses vols. En retour, Aéroplan achète un nombre minimal de sièges d'Air Canada qu'Aéroplan offre comme récompense à ses membres qui échangent leur milles. À son tour, Air Canada doit acheter un nombre minimal de milles Aéroplan. Selon l'entente principale, Aéroplan gère la promotion du programme et la base de données d'informations sur les passagers d'Air Canada, et elle fournit un service de centre d'appels. Air Canada paie pour avoir accès à la base de données.

[22] Dans sa lettre du 9 février 2009, Air Canada décrit les arrangements ayant trait à la réservation du voyage de M. Kouznetchik et les conclusions à faire :

La réservation de M. Kouznetchik a été faite par le biais du centre d'appel d'Aéroplan, exploité par des employés d'Air Canada détachés à Aéroplan, en utilisant le système de réservation RES III d'Air Canada. Celle-ci est responsable de l'exploitation et de la mise à jour du système de réservations. Elle accomplit ces activités pour Aéroplan, agissant comme son agent. Aéroplan paie Air Canada pour les services de ses agents. Aéroplan n'a pas payé Air Canada pour les segments du voyage de M. Kouznetchik exploités par les autres transporteurs, y compris Spanair.

Ceci n'implique aucunement que le tarif d'Air Canada doit s'appliquer au voyage de M. Kouznetchik. Le fait que le billet de M. Kouznetchik soit sur le stock de billets 014 (stock de billets d'Air Canada) ne signifie pas que le tarif d'Air Canada doit s'appliquer au voyage. Air Canada soutient que la réservation de M. Kouznetchik avec Aéroplan au stock de billets d'Air Canada pour voyager avec d'autres lignes aériennes s'apparente à un billet direct combiné. En effet, Aéroplan a demandé à Air Canada de réserver un billet direct combiné avec d'autres lignes aériennes membres de Star Alliance pour M. Kouznetchik. [traduction]

[23] L'Office conclut que les descriptions de la structure du lien entre Air Canada et Aéroplan aident à déterminer si Air Canada est responsable des allégations de M. Kouznetchik ou non. L'Office conclut qu'Aéroplan et Air Canada sont deux entités distinctes.

La nature du billet

[24] M. Kouznetchik a acheté un billet prime-voyage d'Aéroplan en échangeant ses milles Aéroplan. Le transport était divisé en plusieurs segments exploités par différents partenaires Star Alliance, y compris des segments exploités par Air Canada et Spanair. Air Canada nie qu'il s'agissait d'un billet en partage de codes. En fait, elle maintient que les numéros de vol sur l'itinéraire d'Aéroplan reflètent les codes des transporteurs et ceci démontre qu'il ne s'agissait pas d'un billet en partage de codes. L'Office conclut que le billet aller-retour visant différents transporteurs pour un voyage continu est un billet direct combiné. Dans le cours normal des choses, les différents transporteurs exploitent selon leurs propres tarifs.

Les modalités et conditions d'Aéroplan

[25] L'Office note l'argument d'Air Canada qui veut que le dépôt d'un « Tarif Aéroplan » auprès de l'Office par Air Canada en 2006 ne reflète pas l'état d'Aéroplan à ce moment et que son état actuel en tant que service autonome de marketing de fidélisation ne justifierait pas le dépôt des conditions d'Aéroplan par Air Canada. Dans sa lettre, Air Canada fait valoir que le « Tarif Aéroplan » déposé par Air Canada était en fait un artéfact (un exercice de routine par suite d'une demande par l'Office à Air Canada de déposer les conditions d'Aéroplan) à un moment où Aéroplan était un programme de fidélisation d'Air Canada sans identité légale distincte. Pour ces raisons, l'Office est d'accord avec le mémoire d'Air Canada. Aux fins de clarté dans cette décision, l'Office réfère aux conditions d'Aéroplan qui s'appliquent au voyage de M. Kouznetchik comme les « modalités et conditions d'Aéroplan ».

L'applicabilité des modalités et conditions d'Aéroplan

[26] Dans ce cas, puisque l'exploitant du segment du voyage en cause était Spanair et non Air Canada, c'est le tarif de Spanair qui doit s'appliquer, en plus des modalités et conditions d'Aéroplan. Ces dernières régissent la relation de réservation entre Aéroplan et son membre. Si le déclassement présumé n'a pas été fait par Aéroplan, Spanair devrait être responsable, aux termes des dispositions de son tarif, du remboursement de la différence en valeur entre un vol en classe Avant et un vol en classe affaire sur le segment pour lequel elle fournissait le transport. M. Kouznetchik a choisi de ne pas déposer de plainte contre Spanair auprès de l'Office.

Compétence de l'Office

Au sujet de Spanair

[27] L'Office conclut que Spanair n'était pas un licencié aux termes de la LTC au moment où M. Kouznetchik voyageait. Par conséquent, l'Office n'a pas la compétence d'ordonner un redressement contre Spanair, même si M. Kouznetchik en avait fait la demande.

Au sujet d'Aéroplan

[28] En se basant sur les descriptions fournies dans la lettre d'Air Canada du 9 février 2009, l'Office conclut qu'Aéroplan n'est ni un « licencié » aux termes de la LTC, ni un « transporteur aérien » aux termes de l'article 110 du RTA. Par conséquent, l'Office n'a pas de compétence au sujet d'Aéroplan.

Le tarif international d'Air Canada et les allégations de M. Kouznetchik

[29] Puisque l'Office a conclu que les conditions applicables dans le cas présent ne sont pas celles du tarif international d'Air Canada, mais celles des tarifs d'Aéroplan et de Spanair, l'Office rejette les allégations suivantes de M. Kouznetchik :

  1. Air Canada n'a pas appliqué les conditions énoncées dans son tarif international en matière de déclassement et de remboursement involontaires et, par conséquent, a enfreint le paragraphe 110(4) du RTA;
  2. Air Canada n'a pas énoncé, dans son tarif international, les conditions de transport en matière de remboursement de services achetés mais non utilisés à la suite de la réticence ou de l'inaptitude du transporteur aérien à fournir le service et, par conséquent, a enfreint l'alinéa 107(1)l) du RTA;
  3. les conditions de transport d'Air Canada énoncées dans son tarif international en matière de déclassement et de remboursement involontaires sont injustifiées et déraisonnables, et enfreignent le paragraphe 111(1) du RTA;
  4. Air Canada a enfreint plusieurs arrêtés précédents de l'Office.

[30] Au sujet de l'allégation de M. Kouznetchik qu'Air Canada a exercé une discrimination injustifiée à son égard en revenant sur son offre de remboursement sans raison valide, en contravention des alinéas 111(2)a) et c) du RTA, l'Office conclut que l'allégation décrite par M. Kouznetchik ne fait pas partie des responsabilités contractuelles d'Air Canada. Elle n'avait aucune obligation contractuelle d'effectuer un remboursement dans ce cas, et tout remboursement ou remboursement envisagé le serait à titre de faveur. Par conséquent, l'Office rejette cette allégation.

Est-ce qu'Air Canada a mis le tarif applicable à la disposition de M. Kouznetchik?

[31] L'Office note qu'Air Canada a mis à la disposition de M. Kouznetchik une copie des modalités et conditions d'Aéroplan le 25 avril 2008. L'Office n'a aucune preuve réfutant le mémoire d'Air Canada.

[32] L'Office note aussi que le tarif international d'Air Canada est disponible sur le site Web de celle-ci et à tous les aéroports qu'elle dessert. Compte tenu de ceci, l'Office conclut qu'Air Canada a mis le tarif applicable à la disposition de M. Kouznetchik.

Membres

  • Raymon J. Kaduck
  • J. Mark MacKeigan

Membre(s)

Raymon J. Kaduck
J. Mark MacKeigan
Date de modification :