Décision n° 85-R-2008
le 29 février 2008
DEMANDE présentée par Edward et Rita Antler en vertu des articles 102 ou 103 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée, en vue d'obtenir un passage privé en travers de la voie ferrée de la Ottawa Valley Railway Company, une filiale de RaiLink Canada Ltd., au point milliaire 65,15 de la subdivision Cartier, dans le canton de Dryden, dans la province d'Ontario.
Référence no R8050/041-065.15
CONTEXTE
Le 18 août 1932, en vertu de la partie II de la Loi sur les terres publiques, la Couronne a remis à Gustave F. Antler, une terre de 73,88 acres sous forme d'une « concession à titre gratuit ». Ladite terre était constituée d'une parcelle du lot cinq, quatrième concession, canton de Dryden, et, selon le document, elle était divisée par l'emprise de la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique et l'emprise de la route 17.
Edward et Rita Antler (les demandeurs) sont propriétaires de la terre depuis 1994. En 1998, un passage, qui avait été enlevé vers la fin des années 60, a été remis en place et les demandeurs ont subséquemment signé une entente relative à un passage privé (l'entente) qui prévoyait, entre autres choses, des frais annuels de 100 $.
En août 2007, RaiLink Canada Ltd. (RaiLink), exploitante actuelle de la ligne de chemin de fer, a fait savoir aux demandeurs que les frais annuels passeraient à 400 $ et qu'ils seraient par la suite augmentés de cinq pour cent par année. Les demandeurs se sont opposés aux augmentations proposées et ont déposé une demande de redressement auprès de l'Office des transports du Canada (l'Office).
QUESTION
Les demandeurs ont-ils droit à un passage convenable à l'endroit en question en vertu de la loi? Si non, l'Office est-il habilité à déterminer si un passage convenable est nécessaire à la jouissance, par les demandeurs, de leur terre?
POSITIONS DES PARTIES
Les demandeurs
Les demandeurs indiquent qu'ils ont engagé un important montant d'argent dans la construction et l'entretien du passage en question, afin de pouvoir jouir pleinement de leur terre. Les demandeurs reconnaissent avoir signé l'entente en 1998 qui comprenait des frais annuels de 100 $, mais ils estiment maintenant qu'ils ne devraient pas être tenus de payer des frais pour accéder à leur terre et que toute imposition de frais annuels à cet égard était inacceptable. Les demandeurs sont d'avis que RaiLink contrevient à l'entente en tentant d'augmenter les frais annuels et, par conséquent, ils demandent à l'Office de déterminer si l'article 102 de la Loi sur les transports au Canada (la LTC) s'applique au passage en question.
RaiLink
RaiLink fait valoir que puisque le passage privé en question est utilisé par les demandeurs depuis de nombreuses années, la présente demande ne peut être traitée comme une nouvelle demande de passage privé. Il s'agit plutôt d'un différend entre deux parties concernant les frais payables à RaiLink par les demandeurs, annuellement, pour traverser la voie ferrée de la compagnie de chemin de fer et accéder à leur terre. RaiLink souligne que les demandeurs ont signé une entente pour l'utilisation de ce passage et se sont dits disposés et s'attendent à devoir passer un marché avec RaiLink relativement à l'utilisation et à l'entretien du passage, comme ils le font depuis maintes années.
Selon RaiLink, l'imposition de frais annuels de 400 $ aux demandeurs est pleinement raisonnable et, de fait, ce montant est bien en-dessous de la variation marchande acceptable. Dans le cadre d'une récente étude, RaiLink a déterminé que la valeur marchande était de 500 $ et plus, selon le passage. RaiLink ajoute que les passages privés représentent une obligation plus grande sur le plan de l'exploitation ferroviaire que les revenus qu'ils génèrent.
RaiLink soutient que les dispositions de la LTC citées par les demandeurs ne sont pas pertinentes à leur seule prétention que les frais exigés par RaiLink sont trop élevés relativement à l'entente. RaiLink indique que les demandeurs n'ont pas invoqué la nécessité d'un nouveau passage ou le fait que le passage actuel ne convient pas à leurs besoins ni à leur utilisation. En ce qui a trait à l'article 103 de la LTC, RaiLink indique que la seule disposition de la LTC applicable en l'espèce est le paragraphe (3), qui exige des demandeurs qu'ils paient pour l'entretien du passage.
RaiLink indique qu'elle est tout à fait en droit de s'attendre à ce que les demandeurs paient la somme de 400 $ au titre de frais annuels, lesquels seraient par la suite assujettis à une hausse de 5 pour cent par année, pour avoir accès à ce passage privé. Elle est toutefois disposée à accepter la somme de 200 $, avec une hausse annuelle de 5 pour cent pour les cinq prochaines années. RaiLink ajoute qu'après ces cinq années, elle devra pouvoir hausser les frais, en fonction de ses coûts d'exploitation et de la juste valeur marchande.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
Dans le cas présent, aux termes de l'article 102 de la LTC, l'Office doit déterminer si la terre en question a été divisée à la suite de la construction de la ligne de chemin de fer et si au moment de la construction de la voie ferrée, le titre de propriété s'appliquait ou non à un bien-fonds unique, non divisé. En l'instance, la terre en question était déjà divisée par l'emprise ferroviaire lorsqu'elle a été consentie par la Couronne, en trois parcelles distinctes, au premier propriétaire, Gustave Antler.
L'Office estime qu'en ce qui a trait au droit des demandeurs à un passage privé, conformément à l'article 102 de la LTC, la terre de chaque côté de la voie ferrée était toujours dévolue à la Couronne au moment de la construction de la ligne de chemin de fer et, par conséquent, les demandeurs n'ont pas de droit législatif à un passage privé. L'Office rejette la demande aux termes de l'article 102 de la LTC.
En ce qui a trait à l'article 103 de la LTC, l'Office peut trancher la question si la compagnie de chemin de fer et le propriétaire d'une terre contigüe à la voie ferrée ne s'entendent pas. En l'instance, une entente existe. Bien que les demandeurs croient que RaiLink n'a pas respecté le contrat, aucun document ne confirme que l'une ou l'autre des parties a résilié l'entente, conformément au paragraphe 8 de l'entente qui se lit comme suit :
Cette entente entrera et demeurera en vigueur pour une période d'un (1) an, à compter du 1er jour d'octobre 1998, et sera reconduite d'année en année. Elle peut toutefois être résiliée par toute partie sur avis écrit, à l'autre partie, portant une date de résiliation de l'entente d'au moins un (1) mois de la signification de l'avis. Tous droits et privilèges accordés par ladite entente prendront fin à la même date. [Traduction libre]
L'Office estime que les deux parties sont toujours assujetties aux modalités de ladite entente, y compris les frais annuels de 100 $. De plus, l'entente ne prévoit pas que ces frais puissent être haussés à la discrétion de RaiLink tant qu'elle demeure en vigueur.
Comme l'entente est toujours en vigueur, l'Office n'a pas la compétence de statuer sur la demande en vertu de l'article 103 de la LTC et, par conséquent, rejette la demande.
Advenant la résiliation de cette entente, les demandeurs peuvent faire une nouvelle demande, au besoin, en vertu de l'article 103 de la LTC, auquel moment l'Office trancherait sur toute question litigieuse. Cela inclurait la détermination de la réparation à accorder, le cas échéant, si une simple servitude est créée sans dommage réel ou important pour la compagnie de chemin de fer ou sa propriété.
Membres
- J. Mark MacKeigan
- Geoffrey C. Hare
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