Décision n° 96-R-2012

le 22 mars 2012

DEMANDE présentée par la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique en vertu du paragraphe 98(2) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée.

No de référence : 
R8045/11-03630

DEMANDE

[1] La Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (CP) a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) pour faire approuver la construction d’une nouvelle gare intermodale, qui sera connue comme étant l’installation intermodale d’Edmonton. Cette gare intermodale s’étendra entre les points milliaires 88,21 et 89,77 de la subdivision Leduc de CP, dans la ville d’Edmonton, dans la province d’Alberta, comme l’illustrent les plans nos 01-G00, 01-C-001, 01-C002 et 01-C-003 du 20 mai 2011.

Évaluation environnementale

[2] La demande comprenait une évaluation environnementale du projet produite conformément aux exigences de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, L.C. (1992), ch. 37 (LCÉE). Aux termes de l’alinéa 5(1)d) de la LCÉE, l’évaluation environnementale d’un projet s’impose avant que l’Office n’exerce son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 98 de la LTC. Aux termes de la LCÉE, l’Office, de concert avec toute autre autorité responsable, doit veiller à ce qu’un examen environnemental préalable soit effectué avant de prendre une décision irrévocable relativement au projet.

[3] Dans la décision nº LET-R-30-2012, l’Office a déterminé, aux termes de l’alinéa 20(1)a) de la LCÉE, que la gare proposée ne devrait pas entraîner d’effets négatifs significatifs sur l’environnement si l’on tient compte de la mise en œuvre des mesures d’atténuation proposées par CP et acceptées par l’Office. De plus, l’Office a avisé CP que s’il autorisait le projet de construction en vertu de l’article 98 de la LTC, cette autorisation serait assujettie aux conditions associées à la détermination relative à l’évaluation environnementale rendue dans la décision nº LET-R-30-2012.

[4] Pour les besoins de sa demande présentée en vertu du paragraphe 98(2) de la LTC et de l’évaluation environnementale réalisée aux termes de la LCÉE, CP a publié un avis dans le Edmonton Journal des 11 et 14 juin 2011, dans Edmonton Sun du 13 juin 2011 et dans LeducWetaskiwin Pipestone Flyer du 16 juin 2011. Les intervenants disposaient d’un délai de 30 jours pour déposer tout commentaire au sujet de la demande de CP. Aucun commentaire n’a été reçu.

Consultation des autochtones

[5] Tel qu’il est décrit dans son rapport d’évaluation environnementale, précédemment déposé auprès de l’Office, le 21 février 2011, CP a rencontré les aînés de la nation crie d’Enoch et le 22 février 2011, elle a organisé une visite afin qu’ils puissent examiner le site de l’installation proposée. CP soutient qu’aucune préoccupation spécifique n’a été soulevée et qu’elle poursuivra un dialogue ouvert avec la nation crie d’Enoch tout au long de la phase de construction.

[6] L’Office a examiné le dossier et est convaincu que la consultation de CP avec le groupe autochtone a été appropriée.

FONDEMENT LÉGISLATIF

[7] L’article 98 de la LTC prévoit ce qui suit :

(1) La construction d’une ligne de chemin de fer par une compagnie de chemin de fer est subordonnée à l’autorisation de l’Office.

(2) Sur demande de la compagnie, l’Office peut accorder l’autorisation s’il juge que l’emplacement de la ligne est convenable, compte tenu des besoins en matière de service et d’exploitation ferroviaires et des intérêts des localités qui seront touchées par celle-ci.

QUESTION

[8] L’emplacement de la ligne est-il convenable compte tenu des besoins en matière de service et d’exploitation ferroviaires et des intérêts des localités qui seront touchées par la ligne?

EMPLACEMENT DE LA LIGNE DE CHEMIN DE FER

[9] Le site de l’installation intermodale proposée comprend approximativement 103 hectares de terrain. CP a acquis toutes les terres détenues par des propriétaires privés requises pour l’installation intermodale. Les terrains sont situés dans un emplacement stratégique aux limites sud de la ville d’Edmonton, adjacents à la subdivision Leduc de CP et du corridor routier Queen Elizabeth II.

[10] La subdivision Leduc est une ligne principale à voie unique et constitue un secteur clé du réseau ferroviaire de CP, étant une partie intégrante du corridor Edmonton-Calgary. Selon CP, l’emplacement du site optimisera la capacité d’intégration des réseaux ferroviaires et routiers importants de la région d’Edmonton.

[11] Le trafic du corridor Edmonton-Calgary est en augmentation et compte un minimum de 14 mouvements de trains par jour, avec pas moins de 16 à 18 trains par jour. Il s’agit de trains directs entre Edmonton et Calgary, entre Wetaskiwin et Edmonton ainsi que des aiguilleurs locaux.

[12] Selon CP, l’installation proposée est située le long d’un corridor de transport routier et de service public, un emplacement idéal pour une installation intermodale. CP ajoute que l’installation proposée a été conçue pour accueillir et protéger un couloir pipelinier existant parallèle à la subdivision Leduc et intégrer des caractéristiques relatives au transport avec une perturbation minimale.

[13] L’installation intermodale proposée comporte la construction de 28 voies distinctes, comprenant des voies dédiées à la construction de trains, des voies de rassemblement, des voies d’accès, des voies de stockage, des voies de travail, des voies pour locomotives, une voie pour les réparations sur place, une voie pour conteneurs vides ainsi que des voies de déchargement automatique.

BESOINS EN MATIÈRE DE SERVICE ET D’EXPLOITATION FERROVIAIRES

[14] CP affirme que le gouvernement fédéral a reconnu que l’infrastructure canadienne doit être préparée pour soutenir la croissance phénoménale du commerce de la région Asie-Pacifique et a élaboré une stratégie nationale grâce à l’Initiative de la Porte et du Corridor de l’Asie‑Pacifique. CP déclare que le transport ferroviaire joue un rôle crucial dans cette stratégie en raison de sa capacité de transporter du trafic intermodal sur de longues distances allant du point d’entrée de Port Metro Vancouver aux corridors à travers le Canada.

[15] CP indique que son installation intermodale existante fonctionne au-delà de sa capacité nominale et fait face à de nombreuses contraintes qui ne permettront pas à CP de répondre à la croissance prévue des volumes de trafic. En outre, l’installation intermodale existante est située sur un emplacement loué limité par une zone urbaine dense n’offrant aucune possibilité d’expansion. CP ajoute qu’Alberta Transportation, la propriétaire de ces terres, cherche à utiliser ce territoire à d’autres fins à l’expiration de la location.

[16] CP prévoit une augmentation annuelle de 10 à 12 pour cent du trafic intermodal en partance et à destination de la ville d’Edmonton. CP affirme que l’une des raisons expliquant cette croissance est qu’Edmonton constitue un point de distribution clé pour une région importante comprenant le Nord de l’Alberta, le Nord-Est de la Colombie-Britannique et les Territoires du Nord-Ouest. CP indique que la croissance de l’industrie de l’énergie se poursuit dans ces régions et que le trafic de conteneurs par Edmonton augmentera au fur et à mesure que des villes telles que Fort McMurray, Peace River et Grand Prairie continueront de se développer.

[17] CP affirme que ses activités intermodales et automobiles sont situées sur trois sites distincts à Edmonton, entraînant de nombreux défis liés à l’efficacité de ses activités qui ne permettront pas à CP de répondre à la croissance prévue des volumes de trafic. CP explique que les activités ferroviaires sont influencées par la configuration des voies de l’installation intermodale existante. Il n’existe qu’un aiguilleur permettant l’accès aux voies intermodales et l’installation n’est donc accessible aux trains intermodaux que dans une seule direction.

[18] CP ajoute que les camions en provenance de n’importe quel corridor routier principal d’Alberta ne peuvent pas accéder directement à l’installation intermodale existante. CP déclare que chaque camion peut avoir à attendre jusqu’à 35 minutes aux portes de l’installation existante pour y entrer, contribuant ainsi à l’augmentation de la congestion routière et des émissions des véhicules.

[19] CP fait valoir qu’en raison de la croissance du trafic intermodal et du besoin d’une efficacité supérieure, elle propose de construire une installation pour desservir Edmonton et ses centres de distribution clés. CP ajoute que puisqu’elle a été en mesure de sécuriser un site important, il existera un espace suffisant pour également construire une nouvelle installation de manutention automobile. CP soutient qu’elle sera en mesure de consolider trois sites distincts en un seul et unique site à efficacité élevée.

[20] L’Office reconnaît les restrictions d’espace et la congestion associées aux installations existantes, l’importance de la ligne de chemin de fer pour CP, et la capacité de cette dernière d’étendre ses services pour répondre aux besoins dans la zone d’Edmonton. L’Office est donc convaincu que l’emplacement de la ligne de chemin de fer est raisonnable, si l’on tient compte des exigences relatives à l’exploitation et aux services ferroviaires.

INTÉRÊTS DES LOCALITÉS

Nature des activités

[21] CP soutient que la conception de la gare intermodale prévue garantira la sécurité des activités. La vitesse des trains dans la gare sera limitée à 10 milles (16 kilomètres) à l’heure et tous les véhicules automobiles qui circulent dans les limites de la propriété ne devront pas dépasser une vitesse de 25 kilomètres à l’heure. CP ajoute que la gare intermodale proposée sera sécurisée par des clôtures de périmètre, des barrières et des caméras. L’accès en sera réglementé par des guérites à l’entrée. Le traitement des camions à l’arrivée et au départ s’effectuera aux guérites.

[22] CP soutient que jusqu’à quatre lignes seront conçues pour l’utilisation du trafic de camions à l’arrivée et que la conception améliorée et l’intégration des activités de transport ferroviaire et par camion réduiront les temps de fonctionnement au ralenti/d’attente pour accéder à l’installation proposée à seulement 12 minutes. Une bascule de pesage pour camions sera également installée pour veiller à ce que les camions quittent l’installation proposée sans surcharge.

[23] CP affirme que conformément au plan d’exploitation proposé, le trafic conteneurisé et automobile sera généralement conçu pour prendre fin ou débuter à l’installation proposée, éliminant ainsi le besoin de trafic intermodal pour se déplacer dans la zone urbaine dense d’Edmonton. CP ajoute que l’installation proposée éliminera le besoin pour les trains intermodaux de bloquer les passages à niveau publics comme c’est actuellement le cas avec les activités d’aiguillage de l’installation intermodale existante. De plus, l’installation proposée ne contient aucun passage à niveau public existant et, en conséquence, l’accueil des longs trains intermodaux requis pour un mouvement de marchandises efficace sera possible.

[24] CP fait valoir que les blocs de wagons intermodaux et de transport automobile seront efficacement soulevés ou déplacés hors des trains sur de longues voies de rassemblement pour la circulation en provenance et à destination de l’installation proposée. Le nombre de trains prenant en charge le trafic intermodal et automobile sera assujetti à des changements, car CP adapte son plan d’exploitation intégré et équilibré pour répondre aux besoins spécifiques des clients et traiter les futures augmentations des volumes de trafic.

Localités

[25] Le 20 janvier 2011, CP a tenu une séance d’information publique pour consulter la population. Selon CP, les participants ont formulé des commentaires positifs concernant l’installation proposée et les préoccupations soulevées ont été largement associées à d’autres projets régionaux à proximité.

[26] Comme il est indiqué ci-dessus, CP a publié des avis de sa demande les 11, 13, 14 et 16 juin 2011. Aucun commentaire n’a été reçu.

[27] En outre, à l’appui du projet, CP a soumis des lettres provenant de Orient Overseas Container Line OOCL (USA) Inc., Hapag Lloyd Canada Inc., Rene Transport Ltd. et Overland Container Transportation Services, qui viennent appuyer l’installation intermodale proposée. Hapag Lloyd fait valoir que la concurrence potentielle avec l’installation de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada entraînera l’amélioration des services et des prix concurrentiels pour les transporteurs.

Constatation de l’Office

[28] L’Office prend en considération les arguments de CP à l’égard de l’emplacement de la ligne, du besoin de services ferroviaires et de l’intérêt des localités. De plus, l’Office a tenu compte des observations de OOCL (USA) Inc., Hapag Lloyd Canada Inc., Rene Transport Ltd. et Overland Container Transportation Services concernant l’avantage découlant de la construction proposée d’une installation intermodale lui permettant d’obtenir des services améliorés et des prix concurrentiels.

[29] L’Office étudie également les commentaires reçus grâce au processus de consultation publique. En l’occurrence, bien qu’une consultation publique ait eu lieu, CP indique qu’il n’y a pas eu d’opposition au projet ou de préoccupation à son égard, et aucun commentaire n’a été déposé auprès de l’Office.

[30] En tenant compte de l’ensemble des propositions, l’Office conclut que l’emplacement prévu de la gare de triage de CP est raisonnable, compte tenu des intérêts des localités qui seront touchées par la ligne.

CONCLUSION

[31] Par conséquent, l’Office, en vertu du paragraphe 98(2) de la LTC, et sous réserve des conditions suivantes, autorise la construction d’une ligne de chemin de fer qui sera connue comme étant l’installation intermodale d’Edmonton, dans la ville d’Edmonton, dans la province d’Alberta.

CONDITIONS

[32] CP doit :

  1. mettre en place les mesures d’atténuation, les pratiques exemplaires et les procédures nécessaires pour protéger l’environnement, comme l’indiquent le rapport d’évaluation environnementale(rapport Dillon) et les documents relatifs;
  2. Pour une clarification supplémentaire concernant les effets liés aux nuisances sonores, mettre en œuvre des mesures particulières d’atténuation du bruit durant la construction, comme suit :
    • les activités de construction seront limitées aux heures de clarté du jour (c.-à-d., les heures entre le lever et le coucher du soleil de tout jour de construction en particulier);
    • l’équipement de construction correspondant aux normes de dispositifs d’insonorisation, des silencieux ou des enveloppes sera utilisé, lorsque cela est possible :
    • le fonctionnement au ralenti inutile de l’équipement de construction ne sera pas autorisé;
    • la vitesse du trafic des véhicules de construction sera limitée, de manière appropriée, pour réduire l’impact sonore;
    • les employés seront informés des mesures de contrôle du bruit à utiliser sur le site et recevront une formation appropriée;
    • un compresseur fixe dédié sera utilisé pour charger le réseau de distribution des lignes souterraines pour l’entretien de la pression de freinage;
    • un entretien régulier de l’équipement et des locomotives sera entrepris;
    • l’équipement et les locomotives ne seront utilisés qu’en cas de nécessité; un fonctionnement au ralenti inutile ne sera pas autorisé; la mise au ralenti nécessaire sera minimisée par des dispositifs d’arrêt automatiques;
    • la politique d’arrêt manuel de CP, laquelle exige l’arrêt des locomotives lorsque certaines conditions sont présentes (par exemple, température de l’air), sera appliquée.
  3. ne causer aucune variation dans ces mesures d’atténuation, pratiques et procédures sans l’autorisation préalable de l’Office.

Membre(s)

J. Mark MacKeigan
Jean-Denis Pelletier, ing.
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