Lettre-décision n° LET-AT-A-17-2022
Objet : Demande présentée par Elaine Browne au nom du demandeur mineur contre WestJet, au titre du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 (LTC).
RÉSUMÉ
[1] Le demandeur, un enfant mineur représenté par Mme Browne, a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) contre WestJet dans laquelle il affirme que les personnes handicapées approuvées par WestJet pour participer à son programme « une personne, un tarif » (1p1t) devraient pouvoir réserver leurs billets par l’intermédiaire du système de réservation en ligne. À l’heure actuelle, WestJet exige que les passagers du programme 1p1t téléphonent à son bureau des soins particuliers pour faire leurs réservations.
[2] Le demandeur réclame une ordonnance pour que WestJet rende son système de réservation en ligne accessible à tous, ou encore qu’elle dédie une ligne de réservation aux personnes handicapées.
[3] Le 1er décembre 2021, l’Office a émis la décision LET-AT-A-62-2021 (décision provisoire) dans laquelle il a conclu que le demandeur est une personne handicapée et qu’il a rencontré des obstacles à ses possibilités de déplacement lorsque sa capacité de faire des réservations dans le cadre du programme 1p1t a été restreinte par les heures d’ouverture limitées du bureau des soins particuliers et lorsqu’il a attendu excessivement longtemps au téléphone avant de parler avec un agent du bureau des soins particuliers. Dans la présente décision, l’Office examinera la question de savoir si WestJet peut éliminer ces obstacles sans se voir imposer une contrainte excessive et, dans l’affirmative, si des mesures correctives sont nécessaires.
[4] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office conclut que WestJet n’a pas démontré que cette dernière se verrait imposer une contrainte excessive si elle devait éliminer ces obstacles aux possibilités de déplacement du demandeur. Par conséquent, l’Office conclut que le demandeur a rencontré des obstacles abusifs à ses possibilités de déplacement au sens du paragraphe 172(1) de la LTC.
[5] En ce qui concerne le temps excessivement long que le demandeur a passé à attendre au téléphone pour joindre le bureau des soins particuliers, l’Office reconnaît que la mise en place d’une ligne directe au bureau des soins particuliers a réduit de manière importante le temps d’attente moyen. L’Office conclut donc qu’aucune autre mesure corrective n’est nécessaire.
[6] Toutefois, afin de moins limiter les heures d’ouverture du bureau des soins particuliers, l’Office ordonne à WestJet d’instaurer une ou plusieurs des mesures correctives présentées dans la décision provisoire pour que les passagers qui disposent d’un numéro d’autorisation au programme 1p1t puissent :
- utiliser le système de réservation en ligne;
- envoyer un courriel au bureau des soins particuliers pour faire une réservation;
- faire des réservations 24 heures sur 24, 7 jours par semaine par téléphone, comme tous les autres passagers.
CONTEXTE
[7] Le 29 juin 2021, Mme Browne a été en attente pendant cinq heures au téléphone, puis neuf heures le lendemain, pour réserver des billets aller-retour pour le demandeur et son accompagnateur. Le demandeur avait déjà reçu l’autorisation de WestJet pour participer au programme 1p1t. Il a déposé une demande contre WestJet dans laquelle il affirme que les personnes handicapées autorisées par WestJet à participer au programme 1p1t devraient avoir la possibilité de réserver leurs billets au moyen du système de réservation en ligne.
[8] Dans la décision provisoire, l’Office a reconnu les deux obstacles ci-dessus et a ordonné à WestJet soit de faire des présentations sur la manière dont elle propose d’éliminer ces obstacles, soit de démontrer qu’elle ne peut pas les éliminer sans se voir imposer une contrainte excessive. L’Office a aussi donné l’occasion à WestJet de se prononcer sur la faisabilité des mesures correctives possibles proposées dans la décision provisoire.
[9] L’Office a conclu qu’il a compétence pour ordonner toute mesure corrective prévue au paragraphe 172(2) de la LTC s’il conclut qu’un obstacle est abusif, parce qu’aucun règlement sur l’accessibilité pris dans le cadre de la LTC n’est applicable à l’incident présent. Finalement, l’Office a ordonné à WestJet de fournir des statistiques sur le temps d’attente moyen des passagers au téléphone pour rejoindre le bureau des soins particuliers pour les mois d’août, de septembre, d’octobre et de novembre 2021.
LA LOI
Accessibilité
[10] La demande a été présentée au titre du paragraphe 172(1) de la LTC, qui prévoit ce qui suit :
Même en l’absence de disposition réglementaire applicable, l’Office peut, sur demande, enquêter sur toute question relative à l’un des domaines visés au paragraphe 170(1) pour déterminer s’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes handicapées.
[11] Comme énoncé dans la décision 33-AT-A-2019 (décision d’interprétation) concernant les demandes relatives à l’accessibilité, l’Office détermine s’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement d’une personne handicapée en utilisant une approche en deux parties.
Partie 1 : Il revient au demandeur de démontrer, selon la prépondérance des probabilités :
- qu’il a un handicap, c’est-à-dire toute déficience notamment physique, intellectuelle, cognitive, mentale ou sensorielle, tout trouble d’apprentissage ou de la communication (ou toute limitation fonctionnelle) de nature permanente, temporaire ou épisodique, manifeste ou non et dont l’interaction avec un obstacle nuit à la participation pleine et égale d’une personne dans la société;
et
- qu’il a rencontré un obstacle, c’est-à-dire tout élément — notamment un élément de nature physique ou architecturale, qui est relatif à l’information, aux communications, aux comportements ou à la technologie ou qui est le résultat d’une politique ou d’une pratique — qui nuit à la participation pleine et égale dans la société des personnes ayant des handicaps notamment physiques, intellectuels, cognitifs, mentaux ou sensoriels, des troubles d’apprentissage ou de la communication ou des limitations fonctionnelles. Il doit y avoir un certain lien entre le handicap et l’obstacle.
Partie 2 : Si l’Office détermine qu’un demandeur a un handicap et qu’il a rencontré un obstacle, il incombe alors à la partie défenderesse de prendre l’une ou l’autre des mesures suivantes :
- expliquer, en tenant compte des solutions proposées par le demandeur, comment elle propose d’éliminer l’obstacle en apportant une modification générale à la règle, à la politique, à la pratique, à la technologie ou à la structure physique visée ou, si la modification générale n’est pas possible, en adoptant une mesure d’accommodement personnalisée;
ou
- démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle ne peut pas éliminer l’obstacle sans se voir imposer une contrainte excessive.
[12] Dans cette décision, l’Office se penchera sur la deuxième des deux parties de cette approche.
Mesures correctives
[13] Au titre du paragraphe 172(2) de la LTC, lorsque l’Office conclut qu’il existe un obstacle abusif, il a le pouvoir d’ordonner toute mesure parmi les suivantes :
a) la prise de mesures correctives indiquées;
b) le versement d’une indemnité destinée à couvrir les frais supportés par une personne handicapée en raison de l’obstacle en cause, notamment les frais occasionnés par le recours à d’autres biens, services ou moyens d’hébergement;
c) le versement d’une indemnité pour les pertes de salaire subies par une telle personne en raison de l’obstacle;
d) le versement d’une indemnité — dont le montant maximal, rajusté chaque année conformément à l’article 172.2, est de 20 000 $ — pour les souffrances et douleurs subies par une telle personne en raison de l’obstacle;
e) le versement d’une indemnité — dont le montant maximal, rajusté chaque année conformément à l’article 172.2, est de 20 000 $ — s’il en vient à la conclusion que l’obstacle résulte d’un acte délibéré ou inconsidéré.
POSITIONS DES PARTIES
WestJet
[14] WestJet indique que bien des personnes handicapées peuvent faire des réservations sur son site Web ou par téléphone à son centre d’appels, mais qu’il n’est pas possible d’utiliser le site Web pour réserver deux sièges pour un passager qui se déplace avec un accompagnateur sur un seul billet. Par le passé, les réservations dans le cadre du programme 1p1t étaient traitées par l’intermédiaire de son centre d’appels, mais en raison de la complexité de ces réservations, les agents réguliers du centre avaient souvent de la difficulté à effectuer les réservations correctement. WestJet a mis sur pied le bureau des soins particuliers pour que les réservations dans le cadre du programme 1p1t reçoivent une attention particulière et soient correctement traitées afin que l’expérience de voyage du client soit agréable. Des agents ont reçu une formation précise pour inscrire des informations manuellement au moyen de multiples programmes informatiques et ainsi avoir accès à des types et à des catégories de billets spécifiques pour réserver des sièges qui sont habituellement bloqués et pour gérer les sièges qui ne peuvent pas être occupés par d’autres passagers.
[15] WestJet soutient que les passagers qui veulent effectuer une réservation dans le cadre du programme 1p1t en passant par le bureau des soins particuliers ne sont pas les seuls à être pénalisés par des temps d’attente très longs au téléphone, parce que de nombreuses réservations complexes ne peuvent pas se faire sur son site Web et doivent être faites par le centre d’appels. À titre d’exemple, elle mentionne les réservations pour des mineurs non accompagnés, des passagers qui se déplacent avec des animaux de compagnie ou d’assistance, ou encore des passagers qui utilisent des codes promotionnels pour acheter leurs billets d’avion.
[16] WestJet soutient que pour prolonger les heures du bureau des soins particuliers, il lui faudrait embaucher des agents supplémentaires qui auraient besoin d’une formation de base au centre d’appels et d’une formation précise pour le bureau des soins particuliers. WestJet estime que cette mesure lui coûterait environ 1 000 000 CAD la première année et quelque 750 000 CAD annuellement par la suite. WestJet soutient qu’en raison des difficultés financières actuelles de l’industrie du transport aérien, ces coûts représentent une contrainte excessive.
[17] WestJet indique que le 16 août 2021 elle a ouvert une ligne téléphonique menant directement au bureau des soins particuliers, ce qui a réduit le temps d’attente au téléphone pour les passagers du programme 1p1t qui sont ainsi placés directement dans la file d’attente du bureau des soins particuliers. Elle indique que d’août à novembre 2021 le bureau des soins particuliers a reçu en moyenne 3 198 appels par mois pour des réservations 1p1t et d’autres types de réservations complexes. WestJet fait valoir que le temps d’attente moyen au téléphone entre août et novembre 2021 était d’environ quatre minutes. Le temps d’attente moyen par mois était ventilé comme suit :
- 260 secondes en août 2021;
- 94 secondes en septembre 2021;
- 169 secondes en octobre 2021;
- 427 secondes en novembre 2021.
[18] WestJet soutient qu’il faudrait apporter des changements importants à son site Web et aux systèmes logiciels Cority et Sabre pour permettre aux passagers qui ont un numéro 1p1t d’utiliser son système de réservation en ligne. Elle affirme qu’elle ne peut pas changer unilatéralement ses systèmes logiciels. Sabre est un système de service passager fourni par un tiers et dont se servent de nombreux transporteurs pour gérer les réservations et les itinéraires de vol. WestJet utilise Cority pour sauvegarder les renseignements médicaux des passagers du programme 1p1t. Ce logiciel ne peut pas être connecté au site Web de WestJet ou à Sabre pour les réservations faites avec un numéro 1p1t, car aucun logiciel intermédiaire ne permet ce type d’échange de renseignements. Comme solution de sécurité supplémentaire, seuls les agents du bureau des soins particuliers ont accès à Cority dans lequel ils doivent saisir un code de sécurité pour consulter le dossier électronique des patients. Par conséquent, WestJet soutient qu’elle a démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle ne peut pas autoriser les passagers du programme 1p1t à faire des réservations par le système de réservation en ligne sans se voir imposer une contrainte excessive.
[19] WestJet affirme que pour accepter, traiter, sauvegarder ou transmettre les renseignements de cartes de crédit, elle doit prendre les renseignements de paiement pour les réservations 1p1t en respectant les normes de sécurité de l’industrie. Elle peut accepter les renseignements de cartes de crédit par téléphone, par exemple, mais pas par courriel. WestJet soutient qu’il est donc impossible pour les passagers du programme 1p1t d’envoyer un courriel au bureau des soins particuliers pour compléter une réservation.
[20] WestJet affirme que la pandémie de COVID-19 a eu un effet sans précédent sur l’industrie du transport aérien. Elle témoigne de baisses puis de remontées importantes causées par l’application ou le retrait de restrictions de vol par les autorités gouvernementales, ce qui a fait fluctuer la demande en transport aérien. En raison du caractère imprévisible des nouveaux variants, les transporteurs ont eu de la difficulté à prévoir la demande. WestJet soutient que l’Office ne devrait pas prendre des décisions qui auront une incidence importante sur les transporteurs durant ces périodes sans précédent et qu’il devrait attendre que l’industrie recommence à fonctionner normalement avant d’ordonner des changements importants.
Le demandeur
[21] Le demandeur soutient que si les passagers du programme 1p1t et autres pouvaient faire leurs réservations en ligne, cela réduirait le besoin de former des agents pour travailler au bureau des soins particuliers et ferait baisser les coûts connexes pour WestJet.
[22] Le demandeur remet en question l’affirmation de WestJet selon laquelle il en coûterait 1 000 000 CAD la première année et 750 000 CAD annuellement par la suite pour prolonger les heures d’ouverture du bureau des soins particuliers. Il se demande pourquoi certains agents du centre d’appels ne pourraient pas être formés pour répondre à la ligne téléphonique du bureau des soins particuliers en dehors des heures d’ouverture actuelles, pour ainsi combler la lacune pour les passagers qui ont besoin de faire leurs réservations en dehors de ces heures. Le demandeur laisse également entendre que le bureau des soins particuliers recevrait moins d’appels durant ses heures d’ouverture si une certaine souplesse était possible en dehors de ces heures.
[23] Le demandeur fait valoir qu’avec la réservation en ligne, il ne devrait pas être nécessaire d’avoir accès aux renseignements médicaux du passager. Le système de réservation devrait seulement vérifier que le numéro 1p1t est actif et appartient au passager qui fait la réservation. Une fois cette étape franchie, il ne devrait pas être nécessaire de parler avec un agent pour faire la réservation, car tous les renseignements pertinents, y compris les renseignements médicaux, ont déjà été recueillis. Au besoin, WestJet pourrait faire un suivi auprès du passager en lui téléphonant après qu’il a terminé sa réservation en ligne.
[24] Le demandeur suggère que les passagers pourraient fournir leurs renseignements de carte de crédit en ligne ou au moment où WestJet crée un dossier 1p1t. Lorsque la réservation est associée au numéro 1p1t, elle pourrait se faire sans qu’un appel au bureau des soins particuliers ne soit nécessaire. Le demandeur fait valoir que le transporteur n’aurait donc pas besoin de plus d’agents. Le demandeur compare cette situation à l’achat de vêtements en ligne, où vos renseignements de crédit sont déjà enregistrés pour les prochaines fois.
[25] Comme solution de rechange, le demandeur propose la création d’une adresse courriel spéciale gérée par des agents du bureau des soins particuliers par laquelle les passagers du programme 1p1t pourraient réserver et payer deux sièges en ligne, puis envoyer un courriel au bureau des soins particuliers pour se faire créditer le deuxième siège.
ANALYSE ET DÉTERMINATIONS
Obstacle 1 : Lorsque la capacité du demandeur de faire des réservations dans le cadre du programme « une personne, un tarif » a été restreinte par les heures d’ouverture limitées du bureau des soins particuliers
[26] Dans la décision provisoire, l’Office a donné à WestJet l’occasion de se prononcer sur la faisabilité de permettre aux passagers qui ont un numéro d’autorisation au programme 1p1t :
- d’utiliser le système de réservation en ligne;
- d’envoyer un courriel au bureau des soins particuliers pour faire une réservation;
- de faire des réservations 24 heures sur 24, 7 jours par semaine, par téléphone, comme les autres passagers, afin d’éliminer cet obstacle aux possibilités de déplacement du demandeur.
[27] Les mesures nécessaires pour éliminer des obstacles à l’accessibilité sous-entendent habituellement un certain fardeau pour les fournisseurs de services de transport; toutefois, la contrainte est dite excessive seulement lorsqu’il est impossible, irréaliste ou déraisonnable d’éliminer l’obstacle en raison de questions économiques, opérationnelles ou liées à la sécurité. Une simple déclaration de contrainte excessive ne suffit pas pour en prouver l’existence; selon une décision de la Cour suprême du Canada dans Conseil des Canadiens avec déficiences c VIA Rail Canada Inc., 2007 CSC 15, au paragraphe 226, une preuve concrète est nécessaire pour établir l’existence d’une contrainte excessive.
[28] L’Office conclut que WestJet n’a pas étudié en profondeur les options pour instaurer les mesures correctives proposées, ni démontré qu’elle se verrait imposer une contrainte excessive si elle devait mettre en place l’une ou plusieurs de ces mesures. En ce qui concerne la première mesure proposée, WestJet fait valoir que des limites techniques de solutions logicielles risquent de restreindre la capacité de passagers détenant un numéro 1p1t d’utiliser le système de réservation en ligne (soit l’impossibilité, sur son site Web, de réserver deux sièges pour un passager sur un seul billet). Cependant, elle n’indique pas pourquoi il est impossible d’apporter quelques changements à ses systèmes, combien il en coûterait pour les modifier ou l’incidence de telles modifications sur son budget de fonctionnement. À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que WestJet n’a pas réussi à démontrer que la mise en place de la première mesure corrective constituerait une contrainte excessive.
[29] WestJet fait valoir qu’il lui est impossible d’autoriser des personnes handicapées à envoyer un courriel au bureau des soins particuliers pour réserver des vols, car les renseignements de carte de crédit ne peuvent pas être pris par courriel. Elle n’indique pas pourquoi il ne serait pas possible de sauvegarder de manière sécuritaire les renseignements de carte de crédit des passagers pour utilisation future, comme d’autres compagnies le font. De même, WestJet n’a pas abordé ni envisagé d’autres usages du courriel, comme la création d’une adresse spéciale menant au bureau des soins particuliers par laquelle un passager pourrait communiquer son numéro 1p1t, l’information sur l’itinéraire qu’il voudrait réserver, et son numéro de téléphone pour qu’un agent du bureau des soins particuliers puisse le rappeler afin de conclure la transaction et de prendre les renseignements de sa carte de crédit. L’Office conclut donc que WestJet n’a pas réussi à démontrer qu’elle se verrait imposer une contrainte excessive si elle devait instaurer la deuxième mesure proposée. Le demandeur suggère également de donner la possibilité de réserver deux sièges en ligne, puis d’envoyer un courriel au bureau des soins particuliers pour demander le remboursement du deuxième siège, après qu’une demande dans le cadre du programme 1p1t a été approuvée, mais l’Office fait remarquer que cette solution pourrait créer un fardeau financier involontaire pour certaines personnes handicapées.
[30] En ce qui concerne l’option qui permettrait aux passagers détenant un numéro d’autorisation au programme 1p1t de faire des réservations par téléphone 24 heures sur 24, 7 jours par semaine, WestJet n’a pas présenté de justification pour soutenir son affirmation selon laquelle le prolongement des heures d’ouverture du bureau des soins particuliers lui coûterait environ 1 000 000 CAD la première année et quelque 750 000 CAD annuellement par la suite, et elle n’a pas indiqué l’incidence de ces dépenses sur son budget de fonctionnement. WestJet n’a pas non plus étudié ou envisagé d’autres options pour instaurer cette mesure corrective. Par exemple, comme l’a suggéré le demandeur, WestJet pourrait former certains agents du centre d’appels pour répondre aux passagers du programme 1p1t en dehors des heures d’ouverture du bureau des soins particuliers. L’Office conclut donc que WestJet n’a pas réussi à démontrer que la mise en place de cette mesure corrective lui imposerait une contrainte excessive.
[31] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que WestJet n’a pas démontré que l’élimination de l’obstacle lui imposerait une contrainte excessive. Par conséquent, l’Office conclut que le demandeur a rencontré un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement au sens du paragraphe 172(1) de la LTC lorsque sa capacité de faire une réservation dans le cadre du programme a été restreinte par les heures d’ouverture limitées du bureau des soins particuliers.
Obstacle 2 : Lorsque le demandeur a attendu excessivement longtemps au téléphone avant de parler avec un agent du bureau des soins particuliers
[32] Dans la décision provisoire, l’Office a aussi donné l’occasion à WestJet de se prononcer sur la faisabilité de réduire le temps d’attente au téléphone pour joindre le bureau des soins particuliers, afin d’éliminer cet obstacle. WestJet indique que, le 16 août 2021, elle a ouvert une ligne téléphonique menant directement au bureau des soins particuliers, ce qui a réduit de façon importante le temps d’attente des passagers du programme 1p1t comparativement au temps qu’a passé la représentante du demandeur au téléphone en juin 2021. L’Office conclut que le temps d’attente moyen de sept minutes est raisonnable et que WestJet a démontré qu’elle pouvait éliminer cet obstacle sans se voir imposer une contrainte excessive. Par conséquent, l’Office conclut que le demandeur a rencontré un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement, mais qu’aucune autre mesure n’est nécessaire puisque WestJet a déjà mis en place une mesure corrective adéquate.
INDEMNISATION
Positions des parties
WESTJET
[33] WestJet fait valoir qu’elle a respecté toutes ses obligations au titre des parties 1, 2 et 3 du Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées, de sorte que, si l’Office conclut à la présence d’un obstacle abusif, il peut seulement exiger d’elle qu’elle prenne les mesures correctives qu’il estime justifiées, et il ne peut pas accorder une indemnisation.
[34] WestJet ajoute que la pandémie de COVID-19 a causé des difficultés à l’industrie aérienne et affecté chaque facette de ses activités. WestJet soutient que les problèmes relevés dans le cas présent sont temporaires et que lorsque ses activités reviendront à la normale, elle embauchera et gardera en poste plus d’employés, ce qui devrait contribuer à réduire le volume d’appels par agent et le temps d’attente. WestJet fait valoir que, parce que le demandeur a été capable de réserver un itinéraire et qu’elle a répondu à ses besoins, aucune indemnisation ne devrait être accordée.
LE DEMANDEUR
[35] Le demandeur affirme que le 29 juin 2021, Mme Browne a été en attente au téléphone pendant cinq heures, puis pendant neuf heures le lendemain, et qu’elle a dû prendre congé du travail pour réserver les billets. Toutefois, le demandeur n’a pas réclamé d’indemnisation et n’a pas non plus formulé de commentaire sur la question.
Analyse et détermination
[36] Dans la décision provisoire, l’Office a déterminé qu’aucun règlement pris dans le cadre de la LTC ne s’applique au cas présent. Il a aussi avisé les parties que, si l’Office conclut que le demandeur a rencontré un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement, il peut ordonner toute mesure corrective prévue au paragraphe 172(2) de la LTC. Par conséquent, l’Office peut ordonner le versement d’une indemnité pour souffrances et douleurs dans le cas présent, en vertu de l’alinéa paragraphe 172(2)d).
ORDONNANCE
[37] Afin d’éliminer l’obstacle abusif aux possibilités de déplacement du demandeur que sont les heures d’ouverture limitées du bureau des soins particuliers, l’Office ordonne à WestJet d’instaurer l’une ou plusieurs des mesures correctives suivantes pour que les passagers qui disposent d’un numéro d’autorisation au programme 1p1t puissent :
- utiliser le système de réservation en ligne;
- envoyer un courriel au bureau des soins particuliers pour faire une réservation;
- faire une réservation 24 sur 24, 7 jours par semaine par téléphone, comme tous les autres passagers.
[38] En outre, l’Office ouvre les actes de procédure sur la possibilité d’indemniser le demandeur pour souffrances et douleurs.
[39] Comme première étape, l’Office donne au demandeur l’occasion de réclamer des indemnités pour souffrances et douleurs, et d’indiquer le montant réclamé ainsi que les arguments pour justifier ce montant. Les justifications doivent être liées aux souffrances et aux douleurs subies par le demandeur lui-même, et non par une autre personne, comme sa représentante. Le demandeur a jusqu’à 17 h, heure locale de Gatineau, le 26 avril 2022 pour fournir ces renseignements à l’Office et en fournir une copie à WestJet.
[40] WestJet aura ensuite jusqu’à 17 h, heure locale de Gatineau, le 15e jour ouvrable après avoir reçu l’information du demandeur, pour déposer sa réponse auprès de l’Office et en fournir une copie au demandeur. Dans sa réponse, WestJet doit indiquer à l’Office laquelle ou lesquelles des mesures correctives elle prendra pour éliminer l’obstacle, ainsi que la date prévue de mise en œuvre de la ou des mesures choisies, et elle doit fournir une copie de sa réponse au demandeur. WestJet peut aussi répondre à la demande d’indemnisation pour souffrances et douleurs présentée par le demandeur.
[41] Le demandeur aura ensuite jusqu’à 17 h, heure locale de Gatineau, le cinquième jour ouvrable après avoir reçu la réponse de WestJet pour déposer une réplique auprès de l’Office et en fournir une copie à WestJet.
[42] Toute correspondance et tout acte de procédure doivent renvoyer au cas no 21-50245 et être déposés auprès du Secrétariat de l’Office par courriel à l’adresse : secretariat@otc-cta.gc.ca.
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