Lettre-décision n° LET-AT-A-82-2013

Renversée par la décision 2014 CAF 288 du 9 décembre 2014

le 5 juin 2013

Demande présentée par Marley Greenglass contre Air Canada concernant sa politique permettant le transport d’animaux de compagnie dans la cabine des aéronefs, relativement à l’allergie de Mme Greenglass aux chiens.

No de référence : 
U 3570/13-01171

[1] Dans la décision no LET-AT-A-10-2013 (décision sur l’ouverture des actes de procédure), l’Office a conclu, de façon préliminaire, que les mesures d’accommodement ci-après concernant l’allergie aux chats prises par Air Canada conformément à la décision no 227-AT-A-2012 constituent également l’accommodement approprié pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie à d’autres animaux de compagnie acceptés dans la cabine, y compris les chiens :

- lorsqu’un préavis d’au moins 48 heures est donné par les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chats et que les meilleurs efforts sont pris pour en faire autant lorsque la personne donne un préavis de moins de 48 heures :

  • séparation des sièges confirmée avant l’embarquement du vol qui garantit qu’il y a au moins cinq rangées de sièges entre une personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chats et les chats transportés dans la cabine comme animaux de compagnie, notamment durant l’embarquement et le débarquement, et entre le siège et les toilettes.
  • Si les flottes actuelles ou futures d’Air Canada contiennent des aéronefs qui n’ont pas de systèmes de circulation d’air et de ventilation dotés de filtres HEPA ou qui n’assurent pas de l’air frais non recirculé, Air Canada doit alors mettre en place une interdiction de transporter des chats comme animal de compagnie dans la cabine d’un aéronef où se trouve une personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chats afin de fournir l’accommodement approprié.

[2] Dans la décision sur l’ouverture des actes de procédure, Air Canada a eu l’occasion de répondre aux présentations de Mme Greenglass sur les déficiences et les obstacles/accommodements appropriés, et de déposer des arguments sur les contraintes excessives relativement à la conclusion préliminaire de l’Office sur l’accommodement approprié et de proposer une autre forme d’accommodement. Mme Greenglass a par la suite eu l’occasion de déposer une réplique.

[3] Dans cette décision, l’Office finalise sa conclusion préliminaire sur l’accommodement approprié et se penche sur d’autres questions, qui sont abordées ci-après.

OBSERVATION PRÉLIMINAIRE

Question soulevée par Air Canada

[4] Dans sa réponse, Air Canada soulève des préoccupations concernant son obligation de transporter des chiens aidants et ce que cela signifie pour les mesures d’accommodement à fournir aux personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens.

[5] Mme Greenglass a commenté les préoccupations d’Air Canada dans sa réplique.

Analyse et constatation

[6] L’Office reconnaît que les personnes ayant une déficience ont communément recours à des chiens aidants, y compris dans le contexte de voyages aériens, et accepte de considérer les présentations des parties concernant le transport de chiens aidants dans la cabine dans sa détermination sur les mesures d’accommodement à fournir aux personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens.

QUESTIONS

[7] L’Office examine les questions suivantes :

  • Mme Greenglass est-elle une personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chiens? 
  • Le cas échéant, quelle est la détermination finale de l’Office concernant l’accommodement approprié pour Mme Greenglass et les autres personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens?
  • La politique/procédure d’Air Canada concernant le transport de chiens dans la cabine d’un aéronef à bord duquel se trouvent des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens constitue-t-elle un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Greenglass et des autres personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens? Le cas échéant, quelles mesures correctives devraient être ordonnées?

LA LOI

[8] Lorsqu’il doit statuer sur une demande en vertu du paragraphe 172(1) de la LTC, l’Office applique une procédure particulière en trois temps pour déterminer s’il y a eu obstacle abusif aux possibilités de déplacement d’une personne ayant une déficience. L’Office doit déterminer :

  1. si la personne qui est l’auteur de la demande a une déficience aux fins de la LTC;
  2. si la personne a rencontré un obstacle du fait qu’on ne lui a pas fourni l’accommodement approprié pour répondre aux besoins liés à sa déficience. Un obstacle est une règle, une politique, une pratique, un obstacle physique, etc. qui a pour effet de priver la personne ayant une déficience de l’égalité d’accès aux services offerts aux autres voyageurs par le fournisseur de services de transport;
  3. si l’obstacle est « abusif ». Un obstacle est abusif  à moins que le fournisseur de services de transport puisse prouver qu’il y a des contraintes qui rendraient l’élimination de l’obstacle déraisonnable, peu pratique ou impossible, de sorte qu’il ne peut pas fournir l’accommodement sans se voir imposer une contrainte excessive. Si l’obstacle est jugé abusif, l’Office ordonnera que des mesures correctives soient prises pour éliminer l’obstacle abusif.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

Démarche de l’Office pour conclure à l’existence d’une déficience

[9] Bien qu’il existe des cas où la déficience est évidente (p. ex. une personne qui se déplace en fauteuil roulant), il y en a d’autres où des éléments de preuve supplémentaires sont nécessaires pour établir à la fois l’existence d’une déficience et le besoin d’accommodement. Dans pareils cas, l’Office peut avoir recours à la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un instrument mondialement reconnu de classification normalisée du fonctionnement et des handicaps en lien avec des problèmes de santé, d’autres publications de l’OMS, ou de la documentation médicale.

[10] Conformément à la CIF, pour l’Office, une déficience comprend trois dimensions : une invalidité, une limitation d’activité et une restriction de participation. Les décisions précédentes de l’Office exigent que les trois dimensions soient établies pour qu’il y ait déficience aux termes de la partie V de la LTC.

Invalidité

[11] La CIF définit l’invalidité comme une perte ou une anomalie d’une partie du corps (c.-à-d. d’une structure), ou une perte ou un écart d’une fonction de l’organisme (c.-à-d. d’une fonction physiologique). Selon la CIF, le terme « anomalie » est strictement un écart important par rapport aux normes statistiques établies. L’existence d’une invalidité peut être temporaire ou permanente.

[12] Pour déterminer si l’état de santé d’une personne équivaut à une invalidité, l’Office se sert de la CIF, d’autres publications de l’OMS comme la Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes (CIM-10), ou de la documentation médicale.

[13] Comme le montrent des décisions antérieures de l’Office concernant les accommodements pour les personnes ayant des allergies, la catégorie des « réactions d’hypersensibilité », qui est incluse dans les fonctions des systèmes hématopoïétique et immunitaire de la CIF, englobe les fonctions de la réaction de l’organisme après sensibilisation accrue à des substances étrangères comme dans les sensibilités à divers antigènes. Cette catégorie inclut explicitement les allergies. En fonction de ce qui précède, l’Office a conclu qu’une allergie constitue une invalidité.

Limitation d’activité

[14] Le modèle de déficience de la CIF définit la limitation d’activité comme une difficulté qu’une personne peut éprouver dans l’exécution d’une activité. La limitation d’activité qui se rattache à une invalidité a donc trait à la présence de symptômes et des difficultés qui en découlent, quel que soit le contexte.

[15] Selon la CIF, une limitation d’activité peut se traduire par un écart plus ou moins grand, tant en qualité qu’en quantité, dans la capacité d’exécuter l’activité de la manière et dans la mesure escomptée de la part de gens n’ayant pas une invalidité.

[16] Il n’est pas nécessaire qu’une limitation d’activité se situe à l’extrémité de l’éventail, quoique, aux fins de la détermination de l’Office concernant la déficience, la limitation d’activité doit être suffisamment importante pour entraîner une difficulté inhérente à accomplir une tâche ou une action.

[17] Dans des décisions antérieures, l’Office s’est dit d’avis qu’en ce qui concerne les allergies, la limitation d’activité est la réaction allergique d’une personne lorsqu’elle est exposée à un allergène. Il s’est également dit d’avis que, pourvu que les éléments de preuve démontrent que le demandeur manifeste une réaction allergique d’une ampleur suffisante pour créer une difficulté inhérente à accomplir une tâche ou une action (comme dans le cas de difficultés respiratoires), cela suffit pour établir l’existence d’une limitation d’activité.  

Restriction de participation

[18] La restriction de participation est définie par la CIF comme étant un problème qu’une personne peut éprouver dans des situations de vie réelles.

[19] Contrairement à une limitation d’activité, une restriction de participation dépend du contexte, dans ce cas, le réseau de transport fédéral. L’Office détermine alors l’existence d’une restriction de participation en comparant l’accès d’une personne au réseau de transport fédéral avec celui d’une personne qui ne se heurte pas à une limitation d’activité. 

Fardeau de la preuve

[20] Il incombe au demandeur de fournir des éléments de preuve suffisamment convaincants pour établir l’existence d’une déficience sur le plan de l’invalidité, de la limitation d’activité et de la restriction de participation.

[21] La norme qui s’applique à ce fardeau de la preuve est la prépondérance des probabilités, qui exige que la partie qui a le fardeau prouve que sa position est plus probable que celle de l’autre partie. Si les positions des deux parties sont également probables, la partie qui a le fardeau de la preuve ne se sera pas acquittée de son fardeau.

LE CAS PRÉSENT

Mme Greenglass est-elle une personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chiens?

[22] Pour appuyer son affirmation selon laquelle elle est allergique aux chiens, Mme Greenglass a déposé le formulaire d’évaluation de l’Office visant à déterminer une déficience rempli par son médecin.

Invalitidé

[23] Mme Greenglass affirme qu’elle a une grave allergie aux chiens et de l’asthme. Dans le formulaire d’évaluation de l’Office visant à déterminer une déficience, le médecin de Mme Greenglass décrit son état de santé comme suit : [traduction] « bronchite asthmatique et rhinite allergique ».

[24] Air Canada n’a formulé aucun commentaire sur la preuve médicale déposée concernant l’allergie aux chiens de Mme Greenglass.

Analyse et constation

[25] Comme il est indiqué plus haut, l’Office a déjà statué qu’une allergie est une invalidité selon le modèle de déficience de la CIF. Selon la preuve médicale déposée, l’Office convient que Mme Greenglass a une allergie aux chiens. L’Office conclut donc que Mme Greenglass a une invalidité.

Limitation d’activité

[26] Dans le formulaire d’évaluation visant à déterminer une déficience, le médecin de Mme Greenglass décrit les limitations fonctionnelles associées au cas de bronchite asthmatique et de rhinite allergique de Mme Greenglass comme étant l’essouflement, et il décrit les médicaments/interventions médicales connexes, comme étant l’inhalothérapie, notamment des substances béta-agonistes, des stéroïdes par voie orale et de l’épinéphrine injectable.

[27] Air Canada note que même si Mme Greenglass indique être incapable de s’asseoir à proximité d’un chien lorsqu’elle se trouve à bord d’un aéronef, il n’y a aucune indication de cette proximité. Air Canada renvoie aux cas antérieurs sur les déficiences liées à l’allergie aux chats déterminés par l’Office et fait valoir que dans le cas des chats, des élément de preuve ont montré que certaines personnes allergiques ne pouvaient pas se trouver dans la même pièce qu’un chat, et que le cas de Mme Greenglass semble impliquer un différent degré de sensibilité.

Analyse et constatation

[28] Dans la décision no 66-AT-A-2010, dans laquelle l’Office a déterminé que Mme Covell, Mme Daviau et Dr Spence étaient des personnes ayant une déficience au sens de la partie V de la LTC en raison de leur allergie aux chats, l’Office a indiqué qu’il était d’avis que les demandeurs ne sont pas tenus de préciser les circonstances exactes dans lesquelles ils auront une réaction pour permettre à l’Office d’établir l’existence d’une limitation d’activité. L’Office a d’ailleurs reconnu dans cette décision que les personnes allergiques affichent une grande variété de symptômes dont la gravité et la durée peuvent grandement varier en fonction de la nature de l’allergie, de la concentration et de la proximité des allergènes présents et de la durée d’exposition de la personne aux allergènes.

[29] Comme il est indiqué plus haut, aux fins de la détermination de l’Office concernant la déficience, la limitation d’activité doit être suffisamment importante pour entraîner une difficulté inhérente à accomplir une tâche ou une action. En se fondant sur la preuve médicale et les présentations de Mme Greenglass, l’Office conclut que cette dernière se heurte à une limitation d’activité se manifestant sous la forme de réactions allergiques lorsqu’elle est mise en présence de chiens, et cette limitation est d’une ampleur suffisante pour créer une difficulté inhérente à accomplir une tâche ou une action.

Restriction de participation

[30] Mme Greenglass affirme être incapable de s’asseoir à proximité d’un chien dans un aéronef. Elle explique qu’un chien qui se trouvait dans la rangée devant elle à bord d’un vol Toronto-Phoenix lui a causé des problèmes de santé, qui ont fait en sorte que son vol a été retardé. Elle a pris des médicaments (Benadryl, Ventalin, etc.) et a enfilé un masque avec filtre à charbon pour éviter [traduction] « d’être dans un état très grave. » Mme Greenglass explique qu’à terme, le chien a été déplacé, mais qu’à ce moment‑là, elle éprouvait déjà des difficultés et a dû augmenter sa dose de médicaments tout au long du vol. Elle affirme qu’elle ne s’est pas servie de ses EpiPens, mais qu’elle a eu une deuxième attaque en conséquence de la première, et qu’il lui a fallu plusieurs jours pour récupérer.

Analyse et constatation

[31] L’Office accepte la description de la réaction de Mme Greenglass à la présence d’un chien à bord du vol en question en tant que preuve de restrictions de participation fondées sur des faits dans le contexte d’un voyage aérien. L’Office conclut que Mme Greenglass doit éviter ou réduire son exposition aux allergènes de chiens, et que la politique actuelle d’accepter les chiens dans la cabine des aéronefs entraîne une restriction de participation puisque, en conséquence de cette politique, Mme Greenglass ne peut pas voyager de la même façon que les personnes qui ne sont pas allergiques aux chiens.

Conclusion

[32] L’Office conclut que Mme Greenglass a une invalidité et qu’elle se heurte à des limitations d’activité et à des restrictions de participation si elle est mise en présence de chiens lorsqu’elle voyage par avion.

[33] L’Office conclut donc que Mme Greenglass est une personne ayant une déficience au sens de la partie V de la LTC en raison de son allergie aux chiens.

Démarche de l’Office pour conclure à l’existence d’un obstacle

[34] L’Office définit un obstacle dans le réseau de transport fédéral comme étant une règle, une politique, une pratique, un obstacle physique, etc. :

  • qui est soit direct, c’est-à-dire qu’il s’applique à une personne ayant une déficience;
  • qui est soit indirect, c’est-à-dire que, bien qu’il soit le même pour tous, il a pour effet de priver une personne ayant une déficience d’un avantage;
  • et qui prive une personne ayant une déficience de l’égalité d’accès aux services accessibles aux autres voyageurs de sorte que le fournisseur de services doit fournir un accommodement.

[35] Pour qu’il y ait existence d’un obstacle, le problème doit avoir un lien avec la déficience de la personne. Par exemple, un problème de service à la clientèle ne devient pas un obstacle du simple fait qu’il est éprouvé par une personne ayant une déficience.

[36] Les fournisseurs de services ont l’obligation d’offrir un accommodement aux personnes ayant une déficience. Une personne ayant une déficience rencontre un obstacle à ses possibilités de déplacement si elle démontre qu’elle avait besoin d’un accommodement qu’on ne lui a pas fourni, ce qui revient à la priver de l’égalité d’accès aux services accessibles aux autres passagers dans le réseau de transport fédéral.

[37] Un service ou une mesure dont le but est de répondre aux besoins liés à la déficience d’une personne constitue un « accommodement approprié ». S’il est déterminé que la personne a bénéficié d’un accommodement approprié, on ne peut pas affirmer qu’elle a rencontré un obstacle. Il incombe au demandeur de fournir des éléments de preuve suffisamment convaincants pour établir son besoin d’accommodement et pour prouver que ce besoin n’a pas été satisfait. La norme de preuve qui s’applique au fardeau de la preuve est la prépondérance des probabilités.

LE CAS PRÉSENT

Quelle est la détermination finale de l’Office concernant l’accommodement approprié pour Mme Greenglass et les autres personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens?

[38] Comme il a été indiqué plus haut, l’Office a conclu, de façon préliminaire, que les mesures d’accommodement qu’il a ordonnées pour régler la question de l’allergie aux chats constituent également l’accommodement approprié pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie à d’autres animaux de compagnie acceptés dans la cabine, y compris les chiens. Dans sa détermination finale concernant l’accommodement approprié, l’Office considérera également les présentations des parties relatives au transport des chiens aidants.

[39] Comme il est indiqué dans la décision no 430-AT-A-2011 (décision sur l’accommodement approprié), l’Office a déterminé les mesures d’accommodement qu’Air Canada doit fournir pour répondre aux allergies aux chats en se fondant sur la preuve que les filtres HEPA utilisés à bord des aéronefs de la flotte d’Air Canada sont conçus pour éliminer entre 99 et 99,97 pour cent des contaminants dont la taille des particules est de 0,3 micron. L’Office a convenu que la taille des squames d’animaux (environ 2,5 microns) est beaucoup plus grosse que les particules de 0,3 micron que peuvent retenir les filtres. Par conséquent, l’Office a conclu que ces filtres sont efficaces pour retenir les pneumallergènes de chats. L’Office a également conclu que l’air dans la cabine est frais et entièrement non recirculé et que cela contribue efficacement à gérer les risques d’exposition aux pneumallergènes de chats transportés dans la cabine de l’aéronef.

[40] En fonction des conclusions susmentionnées concernant la filtration et la circulation de l’air, l’Office a ordonné à Air Canada de prévoir une séparation de cinq rangées de sièges dans les aéronefs qui ont des systèmes de circulation d’air et de ventilation munis de filtres HEPA ou qui fournissent uniquement de l’air frais non recirculé, et d’interdire que des chats de compagnie soient transportés dans la cabine d’un aéronef où se trouve une personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chats à bord des aéronefs qui ne sont pas munis de filtres HEPA ou qui ne fournissent pas uniquement de l’air frais non recirculé.

[41] Même si les mesures d’accommodement susmentionnées visent les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chats, l’Office a établi dans la décision sur l’ouverture des actes de procédure que, comme les squames d’animaux mesurent environ 2,5 microns et que les filtres HEPA utilisés dans les aéronefs de la flotte d’Air Canada sont conçus pour éliminer entre 99 et 99,97 pour cent des contaminants dont la taille des particules est de 0,3 micron, ces mêmes filtres seront aussi efficaces pour retenir les squames d’autres animaux. L’Office a également établi que si l’air qui circule est uniquement de l’air frais non recirculé, toutes les squames d’animaux contenues dans l’air de la cabine seront éliminées et l’air sera remplacé par de l’air frais. Par conséquent, l’Office a conclu que la filtration et la circulation de l’air à bord des aéronefs d’Air Canada permettent de retenir ou d’expulser les autres allergènes d’animaux tout aussi efficacement que les allergènes de chats.

Positions des parties

Air Canada

[42] Air Canada a déposé un article publié sur le site Web « My Health News Daily » le 26 juillet 2012, qui indique qu’une protéine sécrétée par un chat [traduction] « pénètre dans l’air après avoir été fixée sur les poils et la peau du chat » et comme elle est si petite et légère, elle peut rester en suspens dans l’air pendant des heures. L’article cite également DMark Larché, professeur en immunologie de l’Université McMaster : [traduction]  « Les pneumallergènes de chiens ne restent pas dans l’air de la même façon que ceux des chats. » Air Canada fait valoir que, par conséquent, les accommodements ordonnés par l’Office pour répondre aux allergies aux chats, notamment la séparation de cinq rangées de sièges, pourraient ne pas être nécessaires dans la même mesure pour les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens.

[43] Air Canada affirme qu’elle ne peut pas fournir l’accommodement lié à l’allergie aux chats aux personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens, car ce faisant, ces personnes risquent d’avoir un « faux sentiment de confort » attribuable à l’obligation du transporteur de transporter des passagers ayant une déficience qui voyagent avec un chien aidant. Air Canada fait valoir que ces chiens sont plus fréquemment transportés dans la cabine que des chats aidants au servant à fournir un soutien émotionnel.

Mme Greenglass

[44] Mme Greenglass est d’accord avec la conclusion préliminaire de l’Office selon laquelle l’accommodement que l’Office a ordonné à Air Canada pour répondre aux allergies aux chats constitue également l’accommodement approprié pour les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens.

[45] En réponse aux commentaires d’Air Canada concernant les chiens aidants, Mme Greenglass propose qu’Air Canada établisse une politique visant à réserver une section dans l’aéronef où les animaux seraient interdits. Mme Greenglass recommande par ailleurs qu’Air Canada réserve une section de 10 à 15 sièges à bord de chaque vol pour accommoder les passagers ayant une allergie aux chiens (et autres animaux de compagnie). Elle explique que les sièges invendus dans cette section seraient offerts au grand public le plus tard possible, et après que les sièges dans cette section seraient vendus, Air Canada n’aurait aucune obligation d’accommoder les personnes ayant une allergie à un animal à bord de ce vol. Mme Greenglass explique que le reste de l’aéronef pourrait accueillir des chiens aidants, et si des personnes se présentaient à l’embarquement sans avoir donné de préavis, certains passagers pourraient être déplacés, si nécessaire, de sorte que les chiens aidants ne soient pas près de la section où les animaux sont interdits.  

Analyse et constatations finales

[46] Même si l’article déposé par Air Canada indique que les pneumallergènes de chiens ne restent pas en suspens dans l’air de la même manière que les pneumallergènes de chats, Air Canada n’a pas déposé d’élément de preuve précisant en quoi les caractéristiques de suspension dans l’air des pneumallergènes de chiens diffèrent des pneumallergènes de chats, ni les conséquences de telles différences sur les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens. Air Canada n’a pas donné de raisons qui viendraient appuyer la conclusion selon laquelle des mesures différentes sont nécessaires pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens comparativement aux personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chats compte tenu de la façon différente dont les pneumallergènes restent en suspens dans l’air. Par ailleurs, Air Canada n’a fourni aucun élément de preuve démontrant que les particules de squames de chiens ne seraient pas efficacement retenues par les filtres HEPA ou que l’air entièrement frais qui circule ne débarrasserait pas la cabine de ces particules.

[47] Mme Greenglass propose qu’une section où les animaux seraient interdits soit établie à bord de chaque vol. L’Office convient qu’une telle mesure atténuerait efficacement le risque d’exposition aux pneumallergènes si des chiens sont transportés dans la cabine d’un aéronef. Toutefois, comme une telle mesure s’appliquerait également aux vols à bord desquels il n’y a pas de passager ayant une déficience en raison d’une allergie aux chiens, la question n’entre pas dans le mandat d’examen par l’Office de la demande de Mme Greenglass. La détermination de l’accommodement approprié par l’Office en l’espèce se limite à évaluer le risque d’exposition à des pneumallergènes de chiens uniquement si des chiens sont transportés dans la cabine d’un aéronef où se trouve une personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chiens. Cette mesure pourrait être mise en œuvre de façon volontaire par Air Canada afin de fournir les mesures d’accommodement, mais l’Office ne peut pas l’ordonner, car cela déborde de la portée du cas présent.  

[48] Par conséquent, l’Office conclut que les mesures d’accommodement qu’il a ordonnées pour répondre aux allergies aux chats constituent également l’accommodement approprié nécessaire pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens (que ce soit des animaux aidants ou des animaux de compagnie).

[49] Plus particulièrement, l’Office conclut, de façon définitive, que les mesures ci-après constituent l’accommodement approprié nécessaire pour répondre aux besoins de Mme Greenglass et des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens acceptés dans la cabine, lorsqu’un préavis d’au moins 48 heures est donné par les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens et que les meilleurs efforts sont pris pour en faire autant si ces personnes donnent un préavis de moins de 48 heures.

En ce qui a trait aux chiens transportés en tant qu’animaux de compagnie

[50] À bord des aéronefs qui ont des systèmes de circulation d’air et de ventilation munis de filtres HEPA ou qui fournissent uniquement de l’air frais non recirculé :

  • une séparation de sièges confirmée avant l’embarquement du vol qui garantit qu’il y a au moins cinq rangées de sièges entre une personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chiens et les chiens transportés dans la cabine comme animaux de compagnie, notamment durant l’embarquement et le débarquement, et entre le siège de la personne allergique et les toilettes;
  • une interdiction de transporter des chiens de compagnie dans la cabine d’un aéronef à bord duquel se trouve une personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chiens.

[51] À bord des aéronefs qui n’ont pas de systèmes de circulation d’air et de ventilation munis de filtres HEPA ou qui ne fournissent pas uniquement de l’air frais non recirculé :

  • une interdiction de transporter des chiens de compagnie dans la cabine d’un aéronef à bord duquel se trouve une personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chiens.

[52] En ce qui a trait à l’interdiction, lorsqu’un préavis de moins de 48 heures est donné par les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens, il faut interdire les chiens de compagnie si aucun passager voyageant avec un chien de compagnie n’a déjà réservé un siège à bord du vol choisi. Si une personne qui voyage avec un chien de compagnie a déjà réservé un siège à bord du vol, les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens doivent pouvoir bénéficier du même accommodement prévoyant l’interdiction de transporter des chiens de compagnie dans les 48 prochaines heures sur le prochain vol disponible à bord duquel aucun passager voyageant avec un chien de compagnie n’a déjà réservé un siège. Si le prochain vol disponible dépasse la période prévue de 48 heures, les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens doivent se voir accorder la priorité et obtenir les mesures d’accommodement applicables si elles ont donné un préavis d’au moins 48 heures.

En ce qui a trait aux chiens aidants

[53] À bord des aéronefs qui ont des systèmes de circulation d’air et de ventilation munis de filtres HEPA ou qui fournissent uniquement de l’air frais non recirculé :

  • une séparation de sièges confirmée avant l’embarquement du vol qui garantit qu’il y a au moins cinq rangées de sièges entre une personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chiens et les chiens aidants, notamment durant l’embarquement et le débarquement, et entre le siège de la personne allergique et les toilettes.

[54] À bord des aéronefs qui n’ont pas de systèmes de circulation d’air et de ventilation munis de filtres HEPA ou qui ne fournissent pas uniquement de l’air frais non recirculé :

  • donner la priorité de réservation à quiconque de la personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chiens et de la personne voyageant avec un chien aidant effectue sa réservation en premier. Une personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chiens et un chien aidant ne seront pas acceptés sur un même vol à bord d’un aéronef qui n’est pas muni de filtres HEPA ou qui n’offre pas uniquement de l’air frais non recirculé.

[55] L’Office estime que, comme aucune déficience ne devrait avoir plus d’importance qu’une autre, le fait de donner la priorité de réservation à la personne qui fait sa réservation en premier représente un moyen neutre du point de vue des déficiences pour déterminer quel passager doit être mis sur un autre vol.

La politique/procédure d’Air Canada concernant le transport de chiens dans la cabine d’un aéronef à bord duquel se trouvent des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens constitue-t-elle un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Greenglass et des autres personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens?

Positions des parties

[56] Air Canada a mis en évidence sa politique/procédure concernant le transport d’animaux de compagnie dans la cabine en réponse à une première plainte que Mme Greenglass a déposée directement auprès du transporteur. À cet égard, Air Canada a demandé que Mme Greenglass l’avise de sa situation pour d’éventuels voyages et l’a assurée qu’Air Canada ferait tous les efforts possibles pour veiller à ce qu’elle ne soit pas assise près d’un passager qui voyage avec un animal de compagnie. Si des animaux de compagnie étaient déjà prévus à bord du vol qu’elle a choisi, Air Canada trouverait un autre vol pour Mme Greenglass.

[57] Mme Greenglass soutient qu’elle a suivi les procédures d’Air Canada et a communiqué avec le transporteur avant son vol de Toronto à Phoenix afin de l’informer de sa situation. Elle ajoute qu’elle a expliqué une fois de plus sa situation lors de l’enregistrement, mais un chien se trouvait encore sous le premier siège de la classe affaires. Mme Greenglass est d’avis qu’Air Canada n’a pas suivi sa propre procédure et elle fait valoir qu’il faudrait qu’Air Canada donne plus de formation à son personnel pour que la situation ne se reproduise pas avec d’autres voyageurs.

Analyse et constatations finales

[58] Air Canada ne fournit aucune des mesures établies dans les constatations finales de l’Office concernant l’accommodement approprié énoncés aux paragraphes 50 à 54 et, par conséquent, elle ne répond pas aux besoins des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens.

[59] L’Office conclut donc que la politique/procédure d’Air Canada qui concerne le transport de chiens dans la cabine d’un aéronef à bord duquel se trouve une personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chiens constitue un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Greenglass et des autres personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens.

Démarche de l’Office pour conclure à l’existence d’un obstacle abusif

[60] Un obstacle est abusif à moins que le fournisseur de services puisse justifier son existence. Dès lors que l’Office a déterminé qu’une personne ayant une déficience a rencontré un obstacle, le fournisseur de services peut soit :

  • fournir l’accommodement approprié ou offrir une autre solution qui répond tout autant aux besoins de la personne liés à sa déficience. En pareil cas, l’Office déterminera les mesures correctives qui s’imposent pour veiller à ce que l’accommodement approprié soit fourni;
  • justifier l’existence de l’obstacle en prouvant qu’il ne peut pas fournir l’accommodement approprié ou toute autre forme d’accommodement sans se voir imposer une contrainte excessive. Il revient au fournisseur de services de démontrer qu’il se verra imposer une contrainte excessive s’il fournit l’accommodement. À défaut de ce faire, l’Office conclura que l’obstacle est abusif et il ordonnera des mesures correctives pour veiller à ce que l’accommodement soit fourni.

[61] Dans les situations où le fournisseur de services est d’avis qu’il ne peut pas fournir l’accommodement adapté aux besoins de la personne ayant une déficience, il doit justifier l’existence de l’obstacle.

[62] Le critère que doit respecter un fournisseur de services pour justifier l’existence d’un obstacle comporte trois éléments. Le fournisseur de services doit prouver :

  1. que la source de l’obstacle est rationnellement liée à la prestation des services de transport;
  2. que la source de l’obstacle a été adoptée en fonction d’une conviction honnête et de bonne foi qu’elle était nécessaire à la prestation des services de transport;
  3. qu’il ne peut pas fournir un accommodement quelconque sans se voir imposer une contrainte excessive.

Fardeau de la preuve

[63] Il incombe au fournisseur de services de fournir des preuves suffisamment convaincantes pour établir selon la prépondérance des probabilités que l’obstacle est justifié (c.-à-d. que la fourniture  de l’accommodement entraînerait une contrainte excessive).

Si un fournisseur de services s’acquitte du fardeau de la preuve, l’Office conclura que l’obstacle n’est pas abusif et il n’ordonnera pas de mesures correctives. 

La politique/procédure d’Air Canada concernant le transport de chiens dans la cabine d’un aéronef à bord duquel se trouvent des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens constitue-t-elle un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Greenglass et des autres personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens?

Positions des parties

Air Canada

[64] Air Canada soutient qu’elle peut appliquer une zone tampon entre un passager ayant une allergie grave aux chiens et un chien transporté en tant qu’animal de compagnie dans la cabine. Elle fait valoir que l’extrême rareté des chats aidants ou de soutien émotionnel fait en sorte que l’accommodement vise pratiquement tous les chats qui se trouveraient dans la cabine. Air Canada affirme toutefois que ce ne serait pas le cas pour les chiens. Air Canada indique qu’elle a transporté environ 1 000 chiens aidants en 2012, et que ce nombre n’inclut pas les passagers qui n’avisent pas qu’ils voyageront avec un chien aidant ou de soutien émotionnel à bord des vols à destination et en partance des États‑Unis.

[65] Air Canada renvoie au Règlement sur les transports aériens, DORS/88‑58, modifié, et affirme que même si elle exige qu’un passager qui veut voyager avec un chien aidant fournisse un préavis au moins 48 heures avant le départ du vol, elle acceptera les requêtes présentées même si l’avis est plus court. Air Canada ajoute qu’en vertu des règles de la politique Nondiscrimination on the Basis of Disability in Air Travel (14 CFR, partie 382) du département des Transports des États-Unis visant les vols exploités à destination et en partance des États-Unis et les vols nationaux et internationaux à codes partagés mis en marché par un transporteur américain, Air Canada a l’obligation de transporter les chiens aidants ou de soutien émotionnel dans la cabine des aéronefs même si elle ne reçoit pas de préavis. Air Canada déclare que lorsqu’elle ne reçoit pas de préavis, elle se voit dans l’impossibilité de prévoir avant le départ du vol une séparation de sièges pour les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens, ou d’informer d’avance le passager ayant une allergie de la présence d’un chien aidant ou de soutien émotionnel à bord de son vol.

[66] Air Canada fait valoir qu’il existe différentes races de chiens dont certains sont moins allergéniques que d’autres, et renvoie aux différentes tailles de chiens aidants dont certains ont la largeur de deux sièges.

[67] En ce qui a trait aux affirmations susmentionnées, Air Canada conclut que l’accommodement donnerait un faux sentiment de confort aux passagers ayant une déficience en raison d’une allergie grave aux chiens si elle devait fournir l’accommodement pour répondre aux allergies aux chats, mais seulement lorsqu’il est question des chiens qui sont transportés en tant qu’animaux de compagnie dans la cabine et non des deux types de chiens, soit les chiens de compagnie ainsi que les chiens aidants et de soutien émotionnel.

[68] Air Canada fait également valoir que la prévalence des allergies aux chiens doit être prise en compte avant que des mesures d’accommodement lui soient imposées. Air Canada déclare avoir reçu 20 formulaires État de santé des personnes désirant voyager de la part de passagers ayant une allergie aux chats depuis la mise en œuvre des mesures correctives ordonnées dans la décision sur l’accommodement approprié. En se fondant sur la déclaration de Dr Gordon Sussman (l’expert sur les allergies retenu par l’Office dans le cadre de décisions concernant d’autres plaintes en matière d’allergies, y compris les cas d’allergies aux chats) selon laquelle les allergies aux chats sont beaucoup plus communes que les allergies aux chiens, Air Canada affirme qu’il y a beaucoup plus de chiens aidants que de personnes ayant une déficience en raison d’une allergie grave aux chiens.

[69] Air Canada soutient qu’il n’est pas nécessaire de créer une séparation de sièges pour les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens, et que le fait d’imposer de telles mesures entraînerait un fardeau excessif pour le transporteur. Air Canada ajoute que chaque fois qu’elle doit mettre en œuvre une forme d’accommodement, elle doit fournir de la formation et modifier son Manuel du personnel de bord puis le faire approuver par Transports Canada si la procédure porte sur l’environnement des cabines d’aéronef.

Mme Greenglass

[70] Mme Greenglass se demande pourquoi Air Canada ne pourrait pas établir une politique visant à réserver une section dans l’aéronef où les animaux seraient interdits, si en 2012 elle n’a transporté que 1 000 chiens aidants, plus quelques personnes qui n’ont pas donné de préavis. Mme Greenglass fait valoir que le reste de l’aéronef pourrait accueillir les chiens aidants et que si [traduction] « une personne se présentait à l’embarquement sans avoir donné de préavis, certains passagers pourraient être déplacés [...] de sorte que les chiens aidants ne soient pas près de la section où les animaux sont interdits ».

Analyse et constatations

[71] Air Canada prétend que son obligation, en vertu de la règle 14 CFR (partie 382) des États‑Unis, de transporter des animaux aidants ou de soutien émotionnel sans préavis l’empêcherait de prévoir, avant le départ du vol, une séparation de sièges pour les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens, ou d’informer d’avance le passager ayant une allergie de la présence d’un chien aidant ou de soutien émotionnel à bord de son vol. Cette affirmation est forcément vraie si une personne voyageant avec un animal aidant ou de soutien émotionnel ne donne pas de préavis, comme l’Office l’a fait remarquer à Air Canada dans la décision no LET‑AT-A-17-2012 dans le cadre de la détermination des cas d’allergies aux chats, mais l’alinéa 382.27(c) de la règle 14 CFR (partie 382) permet aux transporteurs d’exiger un préavis pour certains services, notamment le transport d’animaux de soutien émotionnel dans la cabine. L’Office note par ailleurs que, conformément à l’alinéa 382.27(c) de la règle 14 CFR (partie 382), les transporteurs peuvent :

  • exiger un préavis pour le transport d’un animal aidant à bord d’un segment de vol qui doit durer 8 heures ou plus; 
  • exiger qu’un passager ayant une déficience s’enregistre une heure avant le délai limite d’enregistrement visant le grand public s’il veut recevoir des services et des accommodements de la liste de l’alinéa 382.27(c) de la règle 14 CFR (partie 382), qui comprend :
    • le transport d’un animal de soutien émotionnel ou psychiatrique dans la cabine;
    • le transport d’un animal aidant à bord d’un segment de vol qui doit durer 8 heures ou plus.

[72] Par conséquent, il appert qu’Air Canada peut, dans certaines situations, exiger un préavis de la personne qui voyage avec un chien aidant ou un chien de soutien émotionnel ou psychiatrique (chiens aidants) à bord d’un vol en provenance ou à destination des États‑Unis. Lorsqu’aucun préavis n’est donné, Air Canada n’a pas démontré qu’elle ne pourrait pas mettre en œuvre des procédures pour prévoir une séparation de sièges dans une période de temps limitée après l’enregistrement d’une personne voyageant avec un chien aidant, par exemple, en déplaçant soit la personne avec un chien aidant, soit la personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chiens.

[73] Finalement, même si Air Canada a affirmé avoir transporté plus de 1 000 chiens aidants en 2012, elle n’a pas prouvé qu’il arrive fréquemment qu’une personne voyageant avec un chien aidant et une personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chiens voyagent à bord du même vol. En fait, l’Office est d’avis qu’Air Canada ne serait pas souvent appelée à prévoir une séparation de sièges le jour du voyage, considérant ce qui suit :

  • l’absence de préavis de la part d’une personne ayant une déficience qui voyage avec un chien aidant se limite aux vols en partance et à destination des États-Unis;
  • le nombre de chiens aidants transportés est négligeable (selon les chiffres avancés par Air Canada, cela représenterait environ 2,74 chiens aidants par jour dans l’ensemble de son réseau) par rapport au très grand nombre de vols exploités chaque année par Air Canada, en comptant ceux en partance et à destination des États-Unis;
  • comme le souligne Dr Sussman, le fait que les allergies aux chiens sont beaucoup moins communes que les allergies aux chats, et la preuve d’Air Canada montrant qu’elle n’a reçu que 20 formulaires État de santé des personnes désirant voyager de la part de passagers ayant une allergie aux chats depuis la mise en œuvre de l’accommodement relatif à l’allergie aux chats ordonné par l’Office; considérant que les allergies aux chiens sont moins communes, il arriverait rarement que des accommodements soient nécessaires parce qu’une personne voyageant avec un chien aidant et une personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chiens voyagent à bord du même vol.

[74] L’Office a conclu que, à bord des aéronefs qui n’ont pas de systèmes de circulation d’air et de ventilation munis de filtres HEPA et qui ne fournissent pas uniquement de l’air frais non recirculé, l’accommodement approprié est qu’Air Canada donne la priorité de réservation à quiconque de la personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chiens et de la personne voyageant avec un chien aidant effectue sa réservation en premier. L’Office est conscient qu’Air Canada pourrait être tenue de refuser l’embarquement à une personne voyageant avec un chien aidant, en contravention de la règle 14 CFR (partie 382.117), qui exige que les transporteurs aériens acceptent de transporter les animaux aidants. Toutefois, l’Office note que d’après le site Web d’Air Canada, les types d’aéronefs de sa flotte principale actuelle sont les mêmes que ceux ayant fait l’objet d’une évaluation dans le cadre des cas d’allergies aux chats, lesquels aéronefs sont munis de filtres HEPA ou fournissent uniquement de l’air frais non recirculé. Compte tenu des normes élevées actuelles en matière de filtration d’air et de systèmes de circulation et de ventilation, l’Office ne s’attend pas à ce qu’Air Canada acquière des aéronefs qui n’ont pas ces caractéristiques ou qui répondraient à des normes plus basses en matière de filtration d’air et de systèmes de circulation et de ventilation. Dans cette situation imprévue, pour les mêmes raisons que celles indiquées plus haut, l’Office estime qu’il arriverait rarement qu’Air Canada ait à refuser l’embarquement à une personne voyageant avec un chien aidant à bord d’un vol en partance ou à destination des États‑Unis. Néanmoins, l’Office est conscient que la règle 14 CFR (partie 382.9) prévoit un mécanisme de dégagement de responsabilité en cas de conflit entre diverses dispositions législatives afin de bien considérer les dispositions des lois étrangères applicables aux transporteurs étrangers, ce qui permet ainsi à Air Canada de demander de se dégager de son obligation d’accepter des chiens aidants à bord d’un vol en partance ou à destination des États‑Unis à bord duquel se trouverait une personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chiens et qui a fait sa réservation en premier sur un aéronef qui n’a pas de systèmes de circulation d’air et de ventilation munis de filtres HEPA ou qui ne fournit pas uniquement de l’air frais non recirculé.

[75] En ce qui a trait au commentaire d’Air Canada à propos des différentes races et tailles de chiens, l’Office est d’avis qu’Air Canada n’a pas démontré en quoi la fourniture de l’accommodement approprié pourrait lui imposer une contrainte excessive. L’Office est également d’avis qu’elle n’a pas démontré en quoi une formation sur la fourniture de l’accommodement approprié à élaborer pour son personnel, ou toute modification exigée à son Manuel du personnel de bord, lui imposerait une contrainte excessive.

[76] Air Canada est d’avis que l’Office devrait tenir compte de la prévalence des déficiences en raison d’une allergie aux chiens avant d’ordonner des mesures correctives quelconques. Un fournisseur de services a toutefois l’obligation de fournir un accommodement, peu importe le nombre de personnes ayant une déficience qui ont besoin d’un accommodement, à moins que la fourniture de cet accommodement impose au transporteur une contrainte excessive. Air Canada n’a pas non plus démontré que certaines obligations lui imposeraient une contrainte excessive si elle devait fournir les mesures d’accommodement appropriées susmentionnées afin de répondre aux besoins des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens.

[77] L’Office conclut qu’Air Canada n’a pas démontré qu’elle ne pouvait pas prévoir une séparation de sièges avant le départ afin de répondre aux besoins des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens à bord d’un vol qui transporte un chien (que ce soit un animal aidant ou de compagnie).

[78] L’Office conclut donc, de façon préliminaire, que la politique/procédure d’Air Canada portant sur le transport de chiens dans la cabine d’un aéronef à bord duquel se trouve une personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chiens constitue un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Greenglass et des autres personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens.

CONCLUSION

[79] Voici les déterminations finales et la conclusion préliminaire de l’Office :

Déterminations finales

Déficience

[80] L’Office conclut que Mme Greenglass est une personne ayant une déficience au sens de la partie V de la LTC en raison de son allergie aux chiens.

Obstacle/Accommodement approprié

[81] L’Office conclut que les mesures ci-après constituent l’accommodement approprié nécessaire pour répondre aux besoins de Mme Greenglass et des personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens si ces personnes donnent un préavis d’au moins 48 heures, et que les meilleurs efforts sont pris pour en faire autant si elles donnent un préavis de moins de 48 heures :

En ce qui a trait aux chiens transportés en tant qu’animaux de compagnie

[82] À bord des aéronefs qui ont des systèmes de circulation d’air et de ventilation munis de filtres HEPA ou qui fournissent uniquement de l’air frais non recirculé :

  • une séparation de sièges confirmée avant l’embarquement du vol qui garantit qu’il y a au moins cinq rangées de sièges entre une personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chiens et les chiens de compagnie, notamment durant l’embarquement et le débarquement, et entre le siège de la personne allergique et les toilettes;
  • une interdiction de transporter des chiens de compagnie dans la cabine d’un aéronef à bord duquel se trouve une personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chiens.

[83] À bord des aéronefs qui n’ont pas de systèmes de circulation d’air et de ventilation munis de filtres HEPA ou qui ne fournissent pas uniquement de l’air frais non recirculé :

  • une interdiction de transporter des chiens de compagnie dans la cabine d’un aéronef à bord duquel se trouve une personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chiens.

[84] Lorsqu’un préavis de moins de 48 heures est donné par les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens, il faut interdire le transport de chiens de compagnie si aucun passager voyagent avec un chien de compagnie n’a déjà réservé un siège à bord du vol choisi. Si une personne qui voyage avec un chien de compagnie a déjà réservé un siège à bord du vol, les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens doivent se voir fournir cette même mesure (interdiction), dans les 48 prochaines heures, sur le prochain vol disponible à bord duquel aucun passager voyageant avec un chien de compagnie n’a déjà réservé un siège. Si le prochain vol disponible dépasse la période prévue de 48 heures, les personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens doivent se voir accorder la priorité et obtenir les mesures d’accommodement applicables si elles donnent un préavis d’au moins 48 heures.

En ce qui a trait aux chiens aidants

[85] À bord des aéronefs qui ont des systèmes de circulation d’air et de ventilation munis de filtres HEPA ou qui fournissent uniquement de l’air frais non recirculé :

  • une séparation de sièges confirmée avant l’embarquement du vol qui garantit qu’il y a au moins cinq rangées de sièges entre une personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chiens et les chiens aidants, notamment durant l’embarquement et le débarquement, et entre le siège de la personne allergique et les toilettes.

[86] À bord des aéronefs qui n’ont pas de systèmes de circulation d’air et de ventilation munis de filtres HEPA ou qui ne fournissent pas uniquement de l’air frais non recirculé :

  • donner la priorité de réservation à quiconque de la personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chiens et de la personne voyageant avec un chien aidant effectue sa réservation en premier. Une personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chiens et un chien aidant ne seront pas acceptés à bord du même aéronef s’il n’est pas muni de filtres HEPA ou ne fournit pas uniquement de l’air frais non recirculé.

[87] Comme Air Canada ne fournit pas à l’heure actuelle les mesures d’accommodement appropriées, l’Office conclut que la politique/procédure d’Air Canada portant sur le transport de chiens dans la cabine d’un aéronef à bord duquel se trouve une personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chiens constitue un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Greenglass et des autres personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens.

Conclusion préliminaire

Obstacle abusif

[88] L’Office conclut, de façon préliminaire, que la politique/procédure d’Air Canada portant sur le transport de chiens dans la cabine d’un aéronef à bord duquel se trouve une personne ayant une déficience en raison de son allergie aux chiens constitue un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Greenglass et des autres personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens.

DEMANDE DE JUSTIFICATION

[89] L’Office conclut qu’il convient de donner à Air Canada l’occasion de présenter des éléments de preuve au moyen d’une demande de justification, afin de donner suite à la conclusion préliminaire susmentionnée, ce qui sera suivi d’une période permettant à Mme Greenglass de déposer une réplique.

[90] Air Canada doit justifier pourquoi l’Office ne devrait pas rendre définitive sa conclusion préliminaire concernant l’obstacle abusif à l’égard de l’accommodement approprié à fournir aux personnes ayant une déficience en raison de leur allergie aux chiens.

[91] Par conséquent, Air Canada a jusqu’au 26 juin 2013 pour déposer ses présentations auprès de l’Office et en fournir une copie à Mme Greenglass, et lorsqu’elle recevra cette copie, Mme Greenglass disposera de sept jours pour déposer sa réplique auprès de l’Office, et en remettre une copie à Air Canada. Il revient aux parties de veiller à ce que leurs présentations soient transmises, par écrit, à l’intérieur des délais consentis à toutes les parties à l’instance.

[92] Afin que les instances de l’Office soient efficaces, l’Office accepte de prolonger les délais seulement dans des circonstances exceptionnelles. Les facteurs que l’Office prend en compte dans toute demande de prolongation se trouvent en ligne à l’adresse http://www.otc‑cta.gc.ca/fra/prolongation. Les parties doivent accompagner une telle demande d’éléments de preuve clairs et convaincants.

[93] Chaque partie doit s’assurer que ses présentations se limitent aux questions auxquelles elle a obtenu le droit de répondre et qui sont visées dans la demande de justification susmentionnée.

Membre(s)

Raymon J. Kaduck
J. Mark MacKeigan
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