Lettre-décision n° LET-C-A-48-2019

le 4 juillet 2019

Demande présentée par Tomasz Tanski et Gloria Tanski (demandeurs) contre Air Canada.

Numéro de cas : 
18-03278

RÉSUMÉ

[1] Les demandeurs ont déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) contre Air Canada concernant le refus de la compagnie de les transporter, ainsi que leur chien, de Toronto (Ontario) à Bogotá (Colombie), le 24 septembre 2017.

[2] Les demandeurs réclament un remboursement d’un montant de 441,43 $ pour les dépenses suivantes :

  • taxis à destination et en provenance de l’aéroport – 80 $;
  • repas pour deux personnes – 300 $;
  • second certificat du vétérinaire – 41,43 $;
  • dommages-intérêts généraux (frais de route et impression) – 20 $.

[3] Ils demandent également que l’Office ordonne à Air Canada d’arrêter d’appliquer des critères d’entrée erronés.

[4] L’Office doit déterminer si Air Canada a correctement appliqué les conditions de son tarif intitulé International Passenger Rules and Fares Tariff, NTA(A) No. 458 (tarif), conformément au paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (RTA).

[5] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office conclut qu’Air Canada n’a pas respecté les conditions de son tarif en refusant de transporter les demandeurs. L’Office offre à Air Canada la possibilité de donner, d’ici le 5 août 2019, les raisons pour lesquelles l’Office ne devrait pas ordonner de mesures correctives à son endroit.

CONTEXTE

[6] Les demandeurs devaient se rendre de Toronto à Bogotá avec leur chien le 24 septembre 2017. Au moment de l’enregistrement, Air Canada leur a refusé le transport en alléguant que le certificat sanitaire international de santé émis par l’Agence canadienne d’inspection des aliments (certificat sanitaire) pour leur chien ne respectait pas les critères d’entrée sur le territoire de la Colombie pour les animaux de compagnie. Après avoir obtenu un nouveau certificat sanitaire, ils ont pu s’envoler vers Bogotá trois jours plus tard, soit le 27 septembre 2017.

OBSERVATION PRÉLIMINAIRE

[7] Air Canada a émis un chèque d’un montant de 441,43 $ à l’ordre des demandeurs pour les dépenses réclamées, chèque dont ils ont accusé réception. Par conséquent, l’Office ne tiendra pas compte de cet aspect de la demande.

LA LOI ET LES DISPOSITIONS TARIFAIRES PERTINENTES

[8] Le paragraphe 110(4) du RTA exige que le transporteur aérien, lors de l’exploitation d’un service international applique correctement les conditions de transport énoncées dans son tarif.

[9] Si l’Office conclut qu’un transporteur aérien n’a pas correctement appliqué son tarif, l’article 113.1 du RTA confère à l’Office le pouvoir d’ordonner au transporteur :

  1. de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées;
  2. de verser des indemnités à quiconque pour toutes dépenses qu’il a supportées en raison de la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport.

[10] La règle 55(a)(7) du Tarif d’Air Canada prévoit ce qui suit :

Le passager est tenu de prendre toutes les dispositions nécessaires et assume l’entière responsabilité du respect de la législation et de la réglementation douanière ou gouvernementale autre, ainsi que des exigences ou restrictions imposées par le pays, la province, l’État ou le territoire à destination duquel l’animal est transporté, notamment l’obligation de fournir des certificats de santé ou de vaccination valides, au besoin.

[11] La règle 65(D) du tarif d’Air Canada énonce :

Aucune responsabilité n’incombe au transporteur s’il détermine en toute bonne foi que ce qu’il croit être la loi, les demandes, les ordonnances, les exigences ou les règlements gouvernementaux applicables exigent qu’il refuse de transporter un passager, et qu’il refuse effectivement de le faire.

[12] La règle 75 du tarif d’Air Canada énonce :

Le transporteur doit refuser d’embarquer un passager ou le faire descendre à un point quelconque pour l'une des raisons suivantes :

A. DEMANDES OU RÈGLEMENTS GOUVERNEMENTAUX

Chaque fois que cette mesure est nécessaire pour se conformer à un règlement gouvernemental ou à une directive d’un responsable du gouvernement, ou pour se conformer à une demande du gouvernement aux fins de transport d’urgence ayant trait à la défense nationale ou chaque fois que cette mesure est nécessaire ou souhaitable en raison des conditions météorologiques ou de toute autre situation indépendante de la volonté du transporteur (y compris, notamment, les cas fortuits ou de force majeure, les conflits de travail, les grèves, les mouvements populaires, les embargos, les guerres, les hostilités ou les perturbations), qu’elle soit réelle ou signalée ou qu’elle menace de se produire.

POSITIONS DES PARTIES

Les demandeurs

[13] Les demandeurs déclarent que le 20 septembre 2017, leur chien a été examiné par un vétérinaire breveté qui a émis un certificat sanitaire pour l’animal le 21 septembre 2017. Ils ajoutent qu’au moment de l’enregistrement de leur vol du 24 septembre, un agent d’Air Canada les a informés que le certificat sanitaire de leur chien ne répondait pas aux critères d’entrée en Colombie pour les animaux de compagnie. Selon l’agent, le certificat doit avoir été émis dans les 48 heures précédant l’arrivée du chien en Colombie. Les demandeurs affirment que l’agent leur a recommandé de réserver un autre vol et de se procurer un nouveau certificat sanitaire pour leur chien.

[14] Les demandeurs sont alors rentrés chez eux et ont réservé des places sur un autre vol pour Bogotá le 27 septembre 2017. Ils ont également consulté le site Web de l’Instituto Colombiano Agropecuario (ICA) et n’y ont trouvé aucune mention de l’obligation de 48 h pour le certificat. Les demandeurs affirment que l’ICA exige un certificat sanitaire du pays d’origine émis depuis 10 jours au maximum et un examen clinique par un vétérinaire dans les huit jours précédant le voyage.

[15] Compte tenu des critères de l’ICA, les demandeurs ont communiqué avec le service à la clientèle d’Air Canada pour expliquer la situation et s’assurer que leur certificat serait accepté lors de leur vol du 27 septembre 2017. Ils affirment avoir alors été informés que, pour être accepté, leur certificat sanitaire doit être accompagné d’une confirmation écrite du délai de 10 jours par l’ambassade colombienne. Après avoir communiqué par courrier électronique avec l’ambassade colombienne à Ottawa et le consulat colombien à Toronto, les demandeurs ont reçu une confirmation écrite selon laquelle un certificat sanitaire émis 10 jours avant le voyage est valide. Les demandeurs ont alors pris contact avec le service à la clientèle d’Air Canada pour les aviser qu’ils avaient reçu confirmation de la validité du certificat sanitaire de leur chien, mais ils affirment qu’on leur a dit une nouvelle fois que le certificat doit avoir été émis dans les 48 heures précédant l’arrivée du chien en Colombie. Étant donné la position d’Air Canada, les demandeurs ont fait refaire l’examen vétérinaire et obtenu un nouveau certificat sanitaire pour leur chien le 26 septembre 2017.

[16] Les demandeurs déclarent avoir respecté la règle 55(A)(7) du tarif d’Air Canada puisqu’ils étaient en règle avec les exigences d’entrée des animaux de la Colombie au moment de leur enregistrement pour leur vol d’origine du 24 septembre 2017, et que c’est Air Canada qui n’a pas respecté les conditions de son tarif en leur refusant à tort le transport.

[17] Les demandeurs font également savoir que rien n’indique, dans la règle 55(A)(7) du tarif, qu’Air Canada peut appliquer une condition différente de celle énoncée par le pays de destination. Ils font valoir que, si Air Canada applique une condition qui diverge d’une règle étrangère, alors la règle 55(A)(7) est ambiguë, imprécise et déraisonnable, car les passagers sont dans l’impossibilité de s’y conformer. Les demandeurs précisent également que rien dans le tarif d’Air Canada ou sur son site Web n’indique que le transporteur aérien s’appuie sur le Travel Information Manual de l’Association du transport aérien international (TIMATIC) ou une autre source quelconque pour déterminer les conditions prévalant à l’étranger.

[18] Les demandeurs conçoivent qu’Air Canada ait pu appliquer une condition devenue obsolète, mais font remarquer que, si tel a été le cas, Air Canada a fait preuve de négligence en omettant de mettre à jour ses conditions d’entrée.

[19] À l’appui de leurs dires, les demandeurs ont remis les documents suivants à l’Office :

  • le certificat sanitaire d’origine de leur chien, daté du 21 septembre 2017;
  • les conditions d’entrée de l’ICA pour l’importation et l’exportation d’animaux de compagnie;
  • la correspondance avec l’ambassade de la Colombie et le consulat colombien, respectivement le 25 et le 26 septembre 2017;
  • la facture du vétérinaire pour le second certificat sanitaire de leur chien, daté du 26 septembre 2017.

Air Canada

[20] Air Canada fait savoir qu’elle a agi en conformité avec les renseignements du TIMATIC en vigueur le jour en question. Elle déclare que, selon le TIMATIC, les demandeurs doivent être en possession d’un certificat vétérinaire pour leur chien qui ait été émis dans les 48 heures précédant leur arrivée en Colombie. Pour illustrer ses arguments, Air Canada a fourni une copie de la disposition du TIMATIC à laquelle son agent s’est conformé.

[21] Air Canada déclare que l’Office a déterminé à maintes reprises qu’Air Canada pouvait légitimement se fier à des bases de données externes, en l’occurrence le TIMATIC.

[22] Air Canada soutient qu’elle a toujours agi de bonne foi en déterminant que les demandeurs ne possédaient pas les documents requis pour voyager avec leur chien de Toronto à Bogotá, et souligne que la règle 75 l’autorise à refuser le transport « dès qu’une telle mesure est nécessaire pour respecter une réglementation gouvernementale ».

[23] Air Canada soutient que, conformément à la règle 65(D) de son tarif, elle ne saurait être tenue responsable de ses actes si, en toute bonne foi, elle a déterminé que ce qu’elle a interprété comme étant une règle applicable exigeait qu’elle refuse de transporter le chien des demandeurs.

ANALYSE ET DÉTERMINATIONS

[24] Il incombe au demandeur de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le transporteur n’a pas correctement appliqué les conditions de transport énoncées dans son tarif ou qu’il ne les a pas appliquées de façon uniforme.

[25] La règle 55(A)(7) du tarif précise que les passagers doivent prendre toutes les dispositions pour respecter les lois applicables et en assumer la pleine responsabilité. Les éléments de preuve établissent que le gouvernement colombien exige que les animaux soient déclarés exempts de maladies contagieuses ou parasitaires huit jours avant leur arrivée en Colombie. Les demandeurs ont respecté cette exigence en présentant le certificat sanitaire d’origine de leur chien daté du 21 septembre 2017. Par conséquent, l’Office conclut que les demandeurs ont suivi la règle 55(A)(7) du tarif au moment de leur enregistrement pour leur vol initial, soit le 24 septembre 2017.

[26] Air Canada soutient que, en refusant de transporter les demandeurs et leur chien, elle a agi en conformité avec les renseignements du TIMATIC en vigueur le jour en question. L’Office remarque que le TIMATIC de septembre 2017 – sur lequel s’est appuyée Air Canada – précise que la Colombie exige un certificat sanitaire émis deux jours avant l’arrivée du chien dans le pays.

[27] Si par le passé l’Office a accepté que le transporteur aérien s’appuie sur des sources d’information externes, c’est qu’en l’occurrence les renseignements de ces sources étaient exacts. À titre d’exemple, dans la décision no 22-C-A-2019 (Wang c. Air Canada), les demandeurs s’étaient vus refuser le transport à bord d’un vol d’Air Canada en raison de la durée de validité insuffisante de leurs visas, comme le précisait le TIMATIC. Les demandeurs n’étaient pas en mesure de prouver au transporteur que les dispositions prises leur permettaient de renouveler leurs visas et, par conséquent, de se conformer à ces exigences. L’Office avait constaté qu’aucun élément de preuve n’établissait que les exigences sur les visas d’entrée en Chine ou de sortie de Chine figurant dans le TIMATIC étaient fausses, et les passagers n’avaient fourni aucun document officiel du consulat auquel le transporteur aurait pu se fier.

[28] Cependant, dans le cas présent, les demandeurs ont communiqué avec les représentants d’Air Canada pour les informer que les renseignements du site Web de la Colombie entraient en contradiction avec ceux du TIMATIC, et en ont finalement apporté la preuve émanant du consulat de Toronto et de l’ICA à Bogotá. Malgré cela, Air Canada ne leur a pas confirmé qu’elle accepterait ces éléments comme preuve des conditions requises pour voyager en Colombie avec un chien. Par conséquent, les demandeurs n’avaient d’autre choix que de se conformer aux exigences erronées et plus strictes précisées dans le TIMATIC pour pouvoir se rendre en Colombie. À la lumière de ce refus d’accepter une preuve émanant d’une source autre que le TIMATIC, l’Office considère que le transporteur n’est pas en droit de se fier au TIMATIC lorsque l’information qui s’y trouve se révèle fausse.

[29] L’Office est d’avis a priori que si Air Canada se voit présenter une information qui contredit le contenu du TIMATIC, le transporteur doit consulter d’autres sources d’information pour décider des conditions à appliquer avant de refuser de transporter des passagers.

[30] Compte tenu de ce qui précède, l’Office conclut qu’Air Canada n’a pas appliqué de manière appropriée la règle 75(A) de son tarif, comme l’exige le paragraphe 110(4) du RTA, en refusant de transporter les demandeurs et leur chien le 24 septembre 2017.

[31] Air Canada affirme que la règle 65(D) de son tarif l’exonère de sa responsabilité, car elle a agi de bonne foi en déterminant les critères d’entrée en Colombie pour les animaux de compagnie. En l’occurrence, Air Canada n’a présenté aucune preuve ni avancé d’arguments selon lesquels elle aurait essayé de vérifier les critères d’entrée en Colombie des animaux de compagnie, lorsque des renseignements contradictoires lui ont été présentés, pour déterminer quels critères s’appliquaient. Par conséquent, l’Office conclut que, dans ces circonstances, le fait de s’appuyer uniquement sur le TIMATIC ne peut pas donner lieu à une décision en toute bonne foi. C’est pourquoi l’Office décide qu’Air Canada ne peut pas se prévaloir de la règle 65(D) de son tarif pour échapper à sa responsabilité dans ce cas.

[32] S’il s’avère qu’un transporteur a échoué à appliquer adéquatement les conditions de son tarif, l’étape suivante consiste généralement à rendre une ordonnance, conformément à l’article 113.1 du RTA. Cependant, étant donné que les demandeurs veulent une ordonnance qui aurait des répercussions importantes sur le fonctionnement du transporteur, l’Office laisse à Air Canada la possibilité d’émettre des commentaires sur les mesures correctives que l’Office envisage actuellement.

DEMANDE DE JUSTIFICATION

[33] L’Office offre à Air Canada la possibilité de donner, d’ici le 5 août 2019, les raisons pour lesquelles l’Office ne devrait pas rendre d’ordonnance, conformément au paragraphe 113.1(a) du RTA, en exigeant qu’Air Canada :

  1. mette au point des politiques et des procédures permettant au personnel de confirmer les conditions d’entrée par l’intermédiaire de sources autres que le TIMATIC, si on lui présente de l’information qui contredit celle du TIMATIC;
  2. informe l’Office des mécanismes en place pour corriger les erreurs du TIMATIC, afin de s’assurer de l’application des bonnes conditions d’entrée et, en particulier, de l’application correcte des conditions d’entrée en Colombie pour les animaux de compagnie.

Membre(s)

Elizabeth C. Barker
Mary Tobin Oates
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