Lettre-décision n° LET-P-A-67-2011
Plainte relative aux prix offerts par Jazz Aviation S.E.C. entre Toronto (Ontario) et Timmins (Ontario)
Introduction
Le 16 décembre 2010, Deryk Jackson a déposé une plainte auprès de l'Office des transports du Canada (Office) relativement au caractère déraisonnable allégué des prix offerts par Jazz Aviation S.E.C., représentée par son commandité, Commandité Aviation Inc. exerçant son activité sous le nom d'Air Canada Jazz (Air Canada Jazz) pour ses services offerts entre Toronto (Ontario) et Timmins (Ontario).
Dans sa décision no LET-P-A-24-2011, l'Office a transmis une copie de la plainte à Air Canada Jazz et a ouvert les actes de procédure. Le 24 mars 2011, Air Canada a déposé des présentations au nom d'Air Canada Jazz. Dans le cadre de ces présentations, Air Canada a déposé une déclaration du professeur Baumol qu'elle a affirmé être confidentielle. Air Canada a aussi soumis une lettre par courrier ordinaire dans laquelle elle signale que la déclaration du professeur Baumol, de même que son curriculum vitae, ont été déposés antérieurement auprès de l'Office et qu'ils ont été traités comme étant confidentiels.
Le 31 mars 2011, dans sa décision no LET-P-A-44-2011, l'Office a rappelé à Air Canada qu'il ne pouvait s'en remettre à des documents déposés antérieurement dans d'autres causes distinctes ou à des décisions rendues dans ces causes pour ce qui est de la confidentialité. L'Office a indiqué qu'Air Canada doit déposer une demande de confidentialité accompagnée des motifs justifiant sa position et préciser en vertu de quels articles de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée (LTC) ou des Règles générales de l'Office des transports du Canada, DORS/2005‑35 (Règles générales) elle fait la demande. Le 4 avril 2011, Air Canada a déposé sa demande de confidentialité.
Questions
- Est-ce que le curriculum vitae et la déclaration du professeur Baumol sont pertinents au regard de l'instance en vertu du paragraphe 24(2) des Règles générales?
- Est-ce qu'un préjudice précis serait vraisemblablement causé par la divulgation du curriculum vitae et de la déclaration, en vertu des alinéas 66(8)b) et c) de la LTC et du paragraphe 24 (2) des Règles générales?
Dispositions pertinentes
LTC
66 (8) L'Office peut prendre toute mesure, ou rendre toute ordonnance, qu'il estime indiquée pour assurer la confidentialité des renseignements ci-après qu'il examine dans le cadre du présent article :
a) les renseignements qui constituent un secret industriel;
b) les renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes financières importantes à la personne qui les a fournis ou de nuire à sa compétitivité;
c) les renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver des négociations — contractuelles ou autres — menées par la personne qui les a fournis.
Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1 (LAI)
20. (1) Le responsable d'une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :
(…)
b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;
c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;
d) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d'autres fins.
Règles générales
24. (2) L'Office verse dans ses archives publiques le document faisant l'objet d'une demande de traitement confidentiel s'il estime que le document est pertinent au regard de l'instance et que sa divulgation ne causerait vraisemblablement pas de préjudice direct, ou que l'intérêt du public à le divulguer l'emporte sur le préjudice direct qui pourrait en résulter.
Analyse et détermination
1) Curriculum vitae du professeur Baumol
Présentations
Air Canada affirme que le curriculum vitae du professeur Baumol doit être considéré comme étant des renseignements personnels confidentiels en vertu de l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C., 1985, ch. P-21. Elle fait valoir qu'il contient des renseignements concernant un individu identifiable, notamment des renseignements relatifs à son éducation et à ses antécédents professionnels. Selon Air Canada, l'article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et le paragraphe 19(1) de la LAI interdisent la divulgation du curriculum vitae.
M. Jackson souligne que le curriculum vitae du professeur Baumol est accessible en ligne sur le site Web de l'Université de New York et qu'il est donc du domaine public. Par conséquent, M. Jackson fait valoir qu'il serait illogique d'accueillir la demande voulant que le curriculum vitae demeure confidentiel.
Dans sa réponse, Air Canada fait valoir que M. Jackson n'a pas établi la pertinence du curriculum vitae du professeur Baumol. En outre, M. Jackson n'a soulevé aucune question quant aux compétences ou à l'expertise du professeur Baumol.
Air Canada prétend que le professeur Baumol n'a pas consenti à ce que son curriculum vitae soit déposé dans cette affaire et que par conséquent Air Canada n'a pas le pouvoir de consentir à sa divulgation. Enfin, M. Jackson n'a pas établi les préjudices qu'il subirait si le document était traité comme étant confidentiel.
Analyse
Air Canada a fait valoir que M. Jackson n'a pas établi la pertinence du curriculum vitae du professeur Baumol. L'Office a examiné le curriculum vitae qui fait l'objet de la demande de confidentialité déposée par Air Canada et conclut, en vertu du paragraphe 24(2) des Règles générales, qu'il est pertinent au regard de l'instance. Air Canada a déposé une déclaration du professeur Baumol à l'appui de ses décisions tarifaires. Pour donner une crédibilité à cette déclaration, Air Canada a aussi déposé le curriculum vitae du professeur Baumol. L'Office est d'avis que le curriculum vitae démontre les compétences et le domaine d'expertise du professeur Baumol.
Air Canada prétend que le curriculum vitae du professeur Baumol comporte des renseignements personnels confidentiels notamment sur son éducation et ses antécédents professionnels comme le définit l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, et qu'aux termes de l'article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et du paragraphe 19(1) de la LAI il ne devrait pas être divulgué.
Toutefois, il incombe à Air Canada de démontrer le préjudice direct en vertu du paragraphe 24(2) des Règles générales. Le paragraphe 24(2) prévoit que l'Office verse dans ses archives publiques le document faisant l'objet d'une demande de traitement confidentiel s'il estime que le document est pertinent au regard de l'instance et que sa divulgation ne causerait vraisemblablement pas de préjudice direct, ou que l'intérêt du public à le divulguer l'emporte sur le préjudice direct qui pourrait en résulter. Si Air Canada ne satisfait pas aux critères, la règle générale en matière de divulgation s'applique.
Air Canada n'a pas établi de préjudice direct précis que pourrait causer la divulgation du curriculum vitae. Air Canada a signalé que le curriculum vitae comportait des renseignements sur l'éducation et les antécédents professionnels du professeur Baumol, mais elle n'a pas expliqué la nature et la portée du préjudice que pourrait causer la divulgation du curriculum vitae. De vagues prétentions relativement à un préjudice non précisé ne suffisent pas.
De plus, le curriculum vitae du professeur Baumol est déjà du domaine public, car il est accessible sur le site Web de l'Université de New York. L'Office a examiné le curriculum vitae fourni par Air Canada et le curriculum vitae accessible à partir de l'hyperlien fourni par M. Jackson, et conclut que l'éducation et les antécédents professionnels du professeur Baumol apparaissent cLAIrement dans le curriculum vitae accessible au public à partir de l'hyperlien. Il existe des différences mineures entre les deux versions, mais le curriculum vitae accessible à partir de l'hyperlien fourni par M. Jackson comporte en fait davantage de détails et est plus à jour que celui fourni par Air Canada.
Enfin, les pièces jointes au curriculum vitae du professeur Baumol se rapportent à ses témoignages devant des conseils, des commissions, des tribunaux et des cours, de même qu'aux titres de nombreux livres et articles qu'il a publiés. Les témoignages et les publications ne sont pas des renseignements personnels.
Par conséquent, l'Office conclut qu'Air Canada n'a pas établi le préjudice direct précis qu'elle allègue. Il n'y a aucune preuve que la divulgation du curriculum vitae du professeur Baumol causerait vraisemblablement un préjudice direct précis à Air Canada.
2) Déclaration du professeur Baumol
Présentations
Air Canada a déposé une déclaration du professeur Baumol qu'elle affirme être confidentielle, car elle contient des renseignements de nature commerciale qui ont toujours été traités comme étant confidentiels par Air Canada. Elle comprend aussi des renseignements précis sur d'autres routes, de même que sur des facteurs pris en compte par Air Canada dans ses décisions tarifaires.
Air Canada fait aussi valoir que la déclaration du professeur Baumol constitue des renseignements commerciaux de nature confidentielle, car sa divulgation causerait des pertes financières importantes, nuirait à la compétitivité d'Air Canada et entraverait ses relations et ses négociations contractuelles avec des tierces parties.
M. Jackson affirme qu'il lui est impossible de commenter la demande de confidentialité, car il ignore le contenu de la déclaration. Il ajoute qu'il ne peut juger la déclaration à partir de la paraphrase d'Air Canada. Il souligne aussi que le professeur Baumol est l'auteur de nombreux articles et manuels dans le domaine économique et qu'il a fait, par exemple, une autre déclaration sur le réseau de transport canadien, en particulier sur le transport ferroviaire, laquelle déclaration est publique. M. Jackson conclut qu'il semble que le professeur Baumol soit un universitaire qui est tout à fait disposé à ce que ses arguments soient du domaine public.
Air Canada prétend que M. Jackson n'a pas établi la pertinence et l'intérêt public de la divulgation de la déclaration du professeur Baumol.
Enfin, Air Canada fait valoir que la LAI reconnaît que les renseignements de la nature de ceux que contient la déclaration du professeur Baumol ne peuvent être rendus publics. Le responsable d'une institution fédérale ne jouit d'aucune discrétion pour ce qui est de décider si des renseignements de cette nature doivent être divulgués, car l'alinéa 20(1)b) de la LAI emploie l'expression « est tenu (…) de refuser la communication » plutôt que « peut refuser la communication ». Selon Air Canada, la déclaration serait automatiquement protégée de la divulgation en vertu de l'alinéa 20(1)b) de la LAI dans le contexte d'une demande d'accès à l'information.
Analyse
Air Canada a fait valoir que M. Jackson n'a pas établi la pertinence et l'intérêt public de la divulgation de la déclaration du professeur Baumol. L'Office a examiné la déclaration qui fait l'objet d'une demande de confidentialité déposée par Air Canada et conclut, en vertu du paragraphe 24(2) des Règles générales, qu'elle est pertinente au regard de l'instance. Air Canada s'est rapportée à cette déclaration pour expliquer ses décisions tarifaires.
Il incombe à Air Canada de prouver le préjudice direct et, et si elle ne satisfait pas aux critères, la règle générale en matière de divulgation s'applique. Air Canada n'a pas établi de préjudice direct précis que pourrait causer la divulgation de la déclaration. Air Canada n'a pas expliqué la nature et l'étendue du préjudice que pourrait causer la divulgation de la déclaration pour les motifs exposés ci‑dessous.
Pratique antérieure
Air Canada a indiqué que l'Office a déjà considéré la déclaration du professeur Baumol comme étant confidentielle en vertu des alinéas 66(8)b) et c) de la LTC. L'Office a fait cette détermination dans des causes en 2001 et 2002.
La Cour fédérale et la Cour d'appel fédérale ont fourni une orientation relativement aux concepts se rapportant aux alinéas 20(1)c) et d) de la LAI. L'Office note que les alinéas 20(1)c) et d) de la LAI se rapportent aux mêmes concepts que ceux visés aux alinéas 66(8)b) et c) de la LTC (causer des pertes financières importantes, nuire à sa compétitivité et entraver les relations et les négociations contractuelles).
Il y a des similitudes entre le paragraphe 24(2) des Règles générales et les alinéas 20(1)c) et d) de la LAI. Le paragraphe 24(2) dit « causerait vraisemblablement » et les alinéas 20(1)c) et d) de la LAI disent « risquerait vraisemblablement de [causer/nuire/entraver] ». Toutefois, la terminologie employée au paragraphe 24(2) de la version anglaise des Règles générales semble plus forte avec l'emploi du terme « likely » plutôt que « reasonably ». (Nota : le texte français utilise dans les deux cas le terme « vraisemblablement ».) Quoi qu'il en soit, l'Office estime que la jurisprudence élaborée au sujet des alinéas 20(1)c) et d) de la LAI peut être pertinente et applicable à certains égards. L'Office est donc d'avis qu'il doit revoir sa pratique antérieure qui a consisté à traiter la déclaration du professeur Baumol comme étant confidentielle.
Renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes financières importantes et de nuire à la compétitivité d'Air Canada
Air Canada a fait valoir qu'aux termes de l'alinéa 66(8)b) de la LTC la divulgation causerait des pertes financières importantes et nuirait à sa compétitivité.
En vertu du paragraphe 24(2) des Règles générales, l'Office doit apprécier les faits pour pouvoir déterminer si Air Canada a établi que la divulgation risquerait vraisemblablement de causer un préjudice direct. Le préjudice appréhendé doit être davantage qu'une conjecture. La Cour d'appel fédérale en a conclu ainsi dans l'affaire Canada Packers Inc. c. Canada (Ministre de l'Agriculture), [1989] 1 C.F. 47 (C.A.F.). Dans l'affaire SNC Lavalin Inc. c. Canada (Ministre de la Coopération internationale), [2003] A.C.F. no 870 (QL), la Cour fédérale a indiqué qu'il ne suffit pas que le demandeur établisse que la communication pourrait lui causer un préjudice. Elle a affirmé qu'une hypothèse, quelque écLAIrée qu'elle soit, ne répond pas aux critères du risque vraisemblable de perte financière ou de préjudice à la position concurrentielle.
Dans l'affaire Canadian Pacific Hotels Corp. c. Canada (Attorney General), [2004] CF 444 (C.F.), la Cour fédérale a jugé que la preuve présentée par la demanderesse relevait du domaine de la conjecture. La demanderesse faisait valoir essentiellement que la divulgation des principales modalités des baux de la Couronne pourrait l'exposer à une concurrence beaucoup plus forte que celle à laquelle elle avait dû faire face dans le passé à l'égard du Jasper Park Lodge. Toutefois, la Cour fédérale était d'avis qu'une plus forte concurrence ne donne pas lieu à un risque vraisemblable de pertes financières appréciables ou d'atteinte à la position concurrentielle de la demanderesse. Le lien était trop faible et la preuve correspondante insuffisante.
La Cour fédérale et la Cour d'appel fédérale ont demandé une preuve précise; des déclarations générales du genre de celles présentées par Air Canada ne suffisent pas. Dans l'affaire Brookfield Lepage Johnson Controls Facility Management Services c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), [2003] CFPI 254 (C.F. 1re inst.), confirmée par 2004 CAF 214 (C.A.F.)(requête en autorisation d'interjeter appel refusée, [2005] CSC), la Cour fédérale a examiné la preuve, y compris l'affidavit supplémentaire, et a conclu qu'à part des déclarations générales selon lesquelles un préjudice serait probablement subi, le demandeur n'a pas établi comment les concurrents pourraient utiliser les documents de façon qu'il existe un risque vraisemblable de préjudice probable s'ils étaient communiqués. Il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve permettant de conclure à l'existence d'un fondement tendant à établir que le demandeur subirait une perte financière ou un préjudice, ou qu'un concurrent ferait un profit financier. En l'espèce, Air Canada n'a présenté aucune preuve permettant de conclure qu'un concurrent pourrait utiliser la déclaration à son avantage et au détriment d'Air Canada.
En revanche, la Cour fédérale a conclu que la Société canadienne des postes (SCP) avait une probabilité raisonnable de subir un préjudice si certains renseignements étaient divulgués à l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC). Dans l'affaire Dussault c. Canada (Agence des douanes et du revenu), [2003] CF 973 (C.F.), la Cour fédérale en est arrivée à cette conclusion pour les motifs énoncés ci-après. D'abord, selon le témoignage du directeur, les renseignements non encore divulgués donneraient à un analyste perspicace un portrait assez juste de la structure et de la nature de la rémunération négociée par la SCP dans l'accord. Les concurrents de la SCP pourraient se servir de ces renseignements pour tenter de supplanter la SCP dans la prestation à l'ADRC des services visés par l'accord. Deuxièmement, le directeur a affirmé que, si les renseignements étaient divulgués, il était fort probable qu'ils seraient utilisés par les concurrents de la SCP pour supplanter la SCP dans la fourniture à l'ADRC des services visés par l'accord. Troisièmement, la demanderesse travaillait pour un organisme d'information et de relations publiques représentant UPS, un concurrent de la SCP. En l'espèce, l'Office ne dispose d'aucune preuve du genre de celles soumises dans l'affaire Dussault c. Canada démontrant que la déclaration donnerait un portrait assez juste de la structure d'Air Canada pour ses décisions tarifaires. La déclaration ne permet pas de démontrer un lien entre les routes visées dans la présente affaire, car elle vise d'autres routes complètement. L'Office ne voit pas comment des concurrents pourraient utiliser la déclaration au détriment d'Air Canada.
Air Canada a fait des déclarations générales voulant que la divulgation de la déclaration du professeur Baumol causerait des pertes financières importantes et nuirait à la compétitivité d'Air Canada. Toutefois, Air Canada n'a soumis aucune évidence étayant ses déclarations générales. Il n'y a aucune preuve détaillée qui permet de convaincre l'Office de refuser la divulgation de la déclaration.
Air Canada ne soumet que des hypothèses quant à un préjudice possible. Les conjectures sont des motifs insuffisants pour empêcher la divulgation de la déclaration. Comme le montre la jurisprudence, le seuil est la probabilité, et non la possibilité ou les conjectures. La preuve doit comporter une explication établissant que ces résultats sont vraisemblables.
Hormis des déclarations générales selon lesquelles un préjudice serait probablement subi, Air Canada n'a pas établi comment ses concurrents pourraient utiliser la déclaration du professeur Baumol de sorte qu'elle subirait vraisemblablement un préjudice direct précis une fois la déclaration en question divulguée. Air Canada affirme que la déclaration du professeur Baumol comporte des renseignements précis concernant d'autres routes, de même que des renseignements sur les facteurs pris en compte par Air Canada dans ses décisions tarifaires. Toutefois, Air Canada n'explique pas comment ces renseignements sont susceptibles de causer des pertes financières importantes ou de nuire à sa compétitivité.
Par conséquent, l'Office conclut qu'Air Canada n'a pas démontré le préjudice direct précis qu'elle allègue. Il n'y a aucune preuve que la divulgation de la déclaration du professeur Baumol risquerait vraisemblablement de causer des pertes financières importantes ou de nuire à la compétitivité d'Air Canada.
Renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d'entraver les relations et les négociations contractuelles d'Air Canada avec des tierces parties
Air Canada a fait valoir que la divulgation entraverait ses relations et ses négociations contractuelles avec des tierces parties, aux termes de l'alinéa 66(8)c) de la LTC. Air Canada a la charge de démontrer, suivant la prépondérance des probabilités, que la divulgation de la déclaration causerait vraisemblablement un préjudice précis.
Dans l'affaire Saint John Shipbuilding Ltd. c. Canada (Ministre des Approvisionnements et Services), [1990] 107 N.R, (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a déclaré que la demanderesse doit démontrer l'existence d'une obstruction dans les négociations contractuelles réelles. Le seuil doit être établi par la probabilité et non une simple possibilité ou des conjectures. La Cour d'appel fédérale a conclu que la demanderesse n'a pas soumis tous les éléments probants à cet égard et que la preuve était insuffisante pour étayer une conclusion.
Dans l'affaire St. Joseph Corp. c. Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), [2002] A.C.F. no 361 (C.F.), la Cour fédérale a déclaré que la demanderesse doit démontrer l'existence d'une obstruction dans les négociations contractuelles réelles, et qu'il n'y avait pas de preuve à cet égard. L'affidavit ne faisait qu'émettre des hypothèses quant à la probabilité d'un préjudice. Les énoncés étaient très généraux et ne corroboraient pas l'argument selon lequel la divulgation des documents demandés entraînerait un risque vraisemblable de préjudice probable. C'est aussi le cas dans l'affaire 131 Queen Street Ltd. c. Canada (Procureur général), [2007] A.C.F. no 510, où la Cour fédérale a jugé que la preuve par affidavit ne renfermait pas d'éléments probants. Des affirmations non étayées ou une preuve fondée sur des hypothèses selon lesquelles la divulgation entraînerait un risque vraisemblable de préjudice probable ne suffisaient pas (voir aussi Société Radio-Canada c. Commission de la capitale nationale, [1998] 147 F.T.R. 264 et Société Gamma Inc. c. Canada (Secrétariat d'État), [1994] 79 F.T.R. 42).
L'Office n'est pas convaincu qu'Air Canada s'est acquittée de son fardeau. Air Canada a fait plusieurs déclarations générales voulant que la divulgation de la déclaration du professeur Baumol entraverait ses relations et ses négociations contractuelles avec des tierces parties. Toutefois, elle n'a pas soumis de preuve étayant ses déclarations. Comme le montre la jurisprudence, Air Canada doit démontrer une entrave aux relations et aux négociations contractuelles réelles. Toutefois, aucune preuve n'a été déposée démontrant qu'Air Canada est actuellement engagée dans des négociations contractuelles avec des tierces parties ou que ses relations contractuelles pourraient être touchées. La simple concurrence accrue n'est pas un motif suffisant pour refuser la divulgation de la déclaration. Des problèmes hypothétiques sont insuffisants. Les déclarations générales d'Air Canada se résument en fait à de simples affirmations non étayées d'éléments de preuve quant à la probabilité qu'il pourrait y avoir entrave à ses relations et à ses négociations contractuelles avec des tierces parties.
Hormis des déclarations générales selon lesquelles un préjudice serait probablement subi, Air Canada n'a pas établi comment ses concurrents pourraient utiliser la déclaration du professeur Baumol de sorte qu'elle subirait vraisemblablement un préjudice direct précis si la déclaration était divulguée. Air Canada a affirmé que la déclaration du professeur Baumol comportait des renseignements précis concernant d'autres routes, de même que des renseignements sur les facteurs pris en compte par Air Canada dans ses décisions tarifaires. Toutefois, elle n'a pas expliqué en quoi ces renseignements sont liés à la probabilité d'entrave à ses relations et à ses négociations contractuelles avec des tierces parties.
Par conséquent, l'Office conclut qu'Air Canada n'a pas démontré le préjudice direct précis qu'elle allègue. Il n'y a aucune preuve que la divulgation de la déclaration du professeur Baumol risquerait vraisemblablement de causer une entrave aux relations et aux négociations contractuelles d'Air Canada avec des tierces parties.
La déclaration dans le contexte d'une demande d'accès à l'information en vertu de la LAI
En se fondant sur l'alinéa 20(1)b) de la LAI, Air Canada a fait valoir que les renseignements du type de ceux contenus dans la déclaration du professeur Baumol ne peuvent être rendus publics. Selon Air Canada, le responsable d'une institution fédérale n'a aucune discrétion pour décider si des renseignements de cette nature doivent être divulgués. L'alinéa 20(1)b) de la LAI emploie l'expression « est tenu (…) de refuser la communication » plutôt que « peut refuser la communication ». Selon Air Canada, la déclaration serait automatiquement protégée de la divulgation en vertu de l'alinéa 20(1)b) de la LAI dans le contexte d'une demande d'accès à l'information.
L'argument soumis par Air Canada est fondé sur la LAI. Les critères définis dans la jurisprudence des Cours fédérales relativement à l'alinéa 20(1)b) ne se retrouvent pas dans la LTC ou dans les Règles générales. L'Office doit évaluer une demande de confidentialité conformément à ses cadres législatif et réglementaire, comme elle l'a fait en statuant qu'Air Canada n'avait pas démontré le préjudice direct précis qu'elle allègue, conformément au paragraphe 24(2) des Règles générales.
Dans cette affaire, l'Office ne traite pas une demande d'accès à l'information. On ne peut présumer que la déclaration du professeur Baumol serait automatiquement protégée de la divulgation dans le contexte d'une demande d'accès à l'information. Puisqu'Air Canada a présenté un argument hypothétique, l'Office ne statuera pas sur celui-ci.
Conclusion
Pour ces raisons, l'Office conclut que le curriculum vitae et la déclaration sont pertinents au regard de l'instance et que leur divulgation ne causerait vraisemblablement aucun préjudice direct précis. Par conséquent, l'Office rejette la demande de confidentialité d'Air Canada. Conformément au paragraphe 24(2) des Règles générales, l'Office verse le curriculum vitae et la déclaration du professeur Baumol dans ses archives publiques.
DÉLAIS
Considérant que la divulgation de ces documents pourrait avoir une incidence sur la demande de M. Jackson déposée devant l'Office, l'Office accorde à M. Jackson la possibilité de formuler des commentaires, conformément à l'article 3 des Règles générales.
Afin que l'Office puisse examiner la question en temps opportun, M. Jackson dispose de sept (7) jours civils à compter de la date de cette lettre pour prendre connaissance de la déclaration et du curriculum vitae ci-joints et pour déposer ses observations auprès de l'Office et les signifier à Air Canada. Air Canada disposera ensuite de trois (3) jours civils à compter de la date de réception de la réponse de M. Jackson pour déposer ses observations auprès de l'Office, et en signifier également une copie à M. Jackson.
Il incombe aux parties de veiller à ce que leurs présentations soient déposées dans les délais impartis.
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