Lettre-décision n° LET-R-113-2006

le 27 avril 2006

Consultations sur le champ d'application de l'alinéa 151(4)c) de la Loi sur les transports au Canada

Contexte

[1] Le 7 mars 2006, le Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) et la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) ont demandé à l'Office d'ajuster l'indice des prix composite afférent au volume conformément à l'alinéa 151(4)c) de la Loi sur les transports au Canada (LTC) afin de refléter les coûts supplémentaires que CN et CP supporteront à compter de la campagne agricole 2006-2007 pour louer des wagons-trémies à la Commission canadienne du blé (CCB). À l'appui de cette requête, CP a remis à l'Office une copie confidentielle de ses contrats de location avec la CCB. Même si CN n'a pas déposé d'entente officielle avec la CCB, car aucune entente n'a encore été conclue, elle a remis à l'Office une copie confidentielle d'une liste de conditions et d'une lettre d'intention confidentielle détaillée signées par CN et la CCB qui exposent les conditions et modalités particulières qui dicteront la convention de bail.

[2] Jusqu'à récemment, la CCB a toujours fourni gratuitement à CN et à CP les wagons-trémies qui font l'objet de la présente requête. La CCB a néanmoins fait savoir aux compagnies de chemin de fer régies qu'à compter de la campagne agricole 2006-2007, les wagons-trémies du gouvernement seraient mis hors service et elle a donc proposé à CN et à CP de conclure des contrats de location pour qu'elles puissent continuer d'utiliser les wagons-trémies qui leur étaient jusque-là fournis gratuitement.

[3] Étant donné que les demandes de rajustement de l'indice des prix composite afférent au volume conformément à l'alinéa 151(4)c) de la LTC présentées par CN et CP entraînent l'application d'une disposition de la LTC qui n'a pas encore été appliquée ou interprétée par l'Office, dans sa décision no LET-R-70-2006 datée du 15 mars 2006, l'Office a sollicité les observations de l'industrie sur le sens qu'il faut attribuer à l'expression « coûts supplémentaires » que l'on trouve à l'alinéa 151(4)c) de la LTC.

[4] L'Office a reçu des mémoires des parties suivantes : CN; CP; la Farmer Rail Car Coalition (qui bénéficie de l'appui de nombreux intervenants de l'industrie); le ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et du Développement rural de l'Alberta; Keystone Agricultural Producers; le ministère des Transports et des Services gouvernementaux du Manitoba; le ministère des Transports et de la Voirie de la Saskatchewan; la CCB; la Western Grain Elevator Association; la Saskatchewan Grain Car Corporation; et la Saskatchewan Association of Rural Municipalities (SARM).

[5] Même si l'Office n'exposera pas en détail ces mémoires, la qualité des mémoires reçus malgré un si court préavis a grandement facilité la compréhension et l'examen par l'Office des questions soulevées par la requête de rajustement du revenu admissible maximal de CN et de CP aux termes de l'alinéa 151(4)c) de la LTC.

Dispositions législatives pertinentes

[6] L'article 147 de la LTC prévoit ce qui suit :

« wagon-trémie du gouvernement » Wagon-trémie fourni à une compagnie de chemin de fer régie par le gouvernement fédéral, le gouvernement d'une province ou la Commission canadienne du blé.

[7] L'alinéa 151(4)c) de la LTC prévoit ce qui suit :

Les règles suivantes s'appliquent à l'indice des prix composite afférent au volume :

c) l'Office ajuste l'indice afin de tenir compte des coûts supplémentaires supportés par les compagnies de chemin de fer régies pour l'obtention de wagons à la suite de l'aliénation, notamment par la vente ou location, ou de la mise hors de service de wagons-trémies du gouvernement.

Observation préliminaire

[8] Dans leurs demandes respectives de rajustement, CN et CP ont présenté une demande de confidentialité à l'égard du contrat de location et/ou de la liste de conditions et de la lettre d'intention exposant les modalités de bail avec la CCB et, selon le cas, de leurs observations sur l'impact que ces baux auront sur l'indice des prix composite afférent au volume. L'Office a analysé ces documents et est d'avis qu'ils sont confidentiels et qu'il ne doivent pas être divulgués au public. C'est pourquoi ils seront tenus confidentiels.

Question

[9] L'Office doit déterminer si les ententes conclues entre les compagnies de chemin de fer régies et la CCB au sujet de la location des wagons-trémies déclenchent l'application de l'alinéa 151(4)c) de la LTC et, dans l'affirmative, si les compagnies de chemin de fer régies doivent supporter des coûts supplémentaires à cause de ces contrats de location.

Analyse et constatations

[10] Même si les contrats de location entre CP et la CCB et la liste de conditions et la lettre d'intention précisant les conditions de location entre CN et la CCB sont confidentiels, des éléments cruciaux ont été divulgués au public par CN, CP et la CCB afin de déterminer les questions en l'espèce. En premier lieu, toutes les parties confirment que les conventions de location prévoient le paiement d'un loyer à la CCB par chaque compagnie de chemin de fer régie à compter de la campagne agricole 2006-2007. En deuxième lieu, toutes les parties confirment qu'en vertu des deux conventions de location, les wagons-trémies continueront d'être entretenus par les compagnies de chemin de fer régies, comme ils l'étaient avant la mise hors service par la CCB des wagons-trémies du gouvernement.

[11] La première question est de savoir si les modalités de location conclues entre les compagnies de chemin de fer régies et la CCB déclenchent l'application de l'alinéa 151(4)c) de la LTC. Dans un mémoire reçu, il est observé que l'article 147 de la LTC définit « wagon-trémie du gouvernement » comme un wagon-trémie fourni à une compagnie de chemin de fer régie par le gouvernement fédéral, le gouvernement d'une province ou la CCB. Selon cette définition, il est soutenu qu'étant donné que les wagons-trémies faisant l'objet de la demande d'ajustement de CN et de CP continueront d'être fournis par la CCB aux compagnies de chemin de fer régies, les wagons-trémies demeurent des wagons-trémies du gouvernement au sens de l'article 147 de la LTC. Par conséquent, comme ces wagons-trémies demeurent des wagons-trémies du gouvernement, l'alinéa 151(4)c) de la LTC ne s'applique pas en l'occurrence.

[12] L'objet de l'alinéa 151(4)c) de la LTC est d'assurer que le régime du revenu admissible maximal reconnaît les coûts supplémentaires supportés par les compagnies de chemin de fer régies à cause de l'aliénation, par vente ou location, ou de la mise hors de service des wagons-trémies du gouvernement. Cela fait un certain nombre d'années que les wagons-trémies du gouvernement sont fournis gratuitement aux compagnies de chemin de fer régies par le gouvernement du Canada, le gouvernement d'une province ou la CCB. Étant donné que les compagnies de chemin de fer régies ont uniquement assumé les coûts d'entretien de ces wagons, le seul poste du coût de ces wagons compris dans la base des coûts enchâssée dans les recettes de l'année de référence de chacune des compagnies de chemin de fer régies en vertu du revenu admissible maximal a trait à l'entretien.

[13] En prévision de l'aliénation, notamment par vente ou location, ou de la mise hors service des wagons-trémies du gouvernement, l'alinéa 151(4)c) de la LTC a été adopté afin d'obliger l'Office à ajuster l'indice des prix composite afférent au volume pour refléter les « coûts supplémentaires » que doivent supporter les compagnies de chemin de fer régies pour se procurer d'autres wagons-trémies afin de remplacer ceux qui leur étaient fournis jusque-là gratuitement.

[14] En l'espèce, même si les wagons-trémies qui font l'objet de la demande de rajustement de CN et de CP sont toujours fournis par la CCB aux compagnies de chemin de fer régies, l'alinéa 151(4)c) de la LTC est néanmoins déclenché. Cela signifie qu'étant donné la mise hors service de ces wagons-trémies du gouvernement, les compagnies de chemin de fer régies doivent désormais conclure des conventions de location avec la CCB pour garantir l'accès à d'autres wagons-trémies en remplacement de ceux qui leur étaient fournis jusque-là gratuitement.

[15] Ainsi, et dans la mesure où les compagnies de chemin de fer régies supportent des « coûts supplémentaires » à cause des conventions de location avec la CCB, l'alinéa 151(4)c) de la LTC prévoit que l'Office doit ajuster l'indice des prix composite afférent au volume pour refléter ces coûts.

[16] Pour ce qui est de la deuxième question, à savoir si les compagnies de chemin de fer régies doivent supporter des coûts supplémentaires à cause des conventions de location avec la CCB, l'Office a reçu un certain nombre de mémoires qui préconisent différentes interprétations qu'il faut attribuer à l'expression « coûts supplémentaires » que l'on trouve à l'alinéa 151(4)c) de la LTC. Même si les mémoires divergent dans leur interprétation de l'expression « coûts supplémentaires », ils présentent néanmoins trois éléments cruciaux en commun.

[17] En premier lieu, la majorité des parties reconnaissent que l'alinéa 151(4)c) de la LTC n'autorise pas l'Office à revoir et à actualiser les coûts qui se rattachent aux wagons-trémies du gouvernement actuellement enchâssés dans le revenu admissible maximal sans qu'il y ait une modification à l'obligation qui incombe aux compagnies de chemin de fer régies d'assurer l'entretien des wagons-trémies.

[18] À cet égard, l'Office constate que les participants qui ont mentionné un examen et une actualisation des coûts se rattachant aux wagons-trémies du gouvernement actuellement enchâssés dans le revenu admissible maximal font allusion à un rapport du personnel de l'Office daté du 28 octobre 2005. Dans ce rapport, le personnel de l'Office, en guise de première mesure à son analyse générale de l'ajustement à effectuer en vertu de l'alinéa 151(4)c) de la LTC, a soustrait un montant estimatif des coûts d'entretien enchâssés dans le revenu admissible maximal au titre des wagons-trémies du gouvernement.

[19] Les consultations menées par le personnel de l'Office et le rapport publié ultérieurement le 28 octobre 2005 ont été entrepris et préparés à la demande de Transports Canada. Étant donné que l'analyse était purement spéculative et prospective en l'absence d'un scénario de cession définitif, le personnel de l'Office a été invité à formuler un certain nombre d'hypothèses, notamment celle selon laquelle le projet de loi C-44, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada, était en vigueur. Le projet de loi C-44 proposait de modifier l'alinéa 151(4)c) de la LTC pour conférer à l'Office le pouvoir d'ajuster l'indice des prix composite afférent au volume afin de refléter l'évolution générale des coûts supportés par les compagnies de chemin de fer régies au titre des wagons-trémies du gouvernement à la suite de leur aliénation, notamment par vente ou location, ou de leur mise hors service. Le projet de loi C-44 est cependant mort au Feuilleton en novembre 2005 et la modification de l'alinéa 151(4)c) n'a jamais reçu force de loi.

[20] Étant donné que l'objet du revenu admissible maximal et le libellé actuel de l'alinéa 151(4)c) de la LTC ne prévoient pas l'examen général des coûts d'entretien enchâssés dans le revenu admissible maximal, l'Office n'est pas habilité, comme semblent le penser certains participants, à soustraire un montant estimatif des coûts d'entretien des wagons enchâssés dans le revenu admissible maximal au titre des wagons-trémies du gouvernement en vertu du mandat actuel qui lui est conféré par l'alinéa 151(4)c) de la LTC.

[21] À cet égard, l'Office convient avec la SARM que toute crainte que les éléments des coûts enchâssés dans le revenu admissible maximal ne reflètent possiblement pas fidèlement les coûts effectivement supportés par les compagnies de chemin de fer régies pour le transport du grain de l'Ouest est une crainte d'ordre politique dont il faut faire part aux législateurs plutôt qu'à l'Office, dont le mandat consiste uniquement à faire respecter les dispositions de sa loi habilitante.

[22] Le deuxième élément en commun qu'affichent les mémoires reçus est que tous les participants qui ont convenu que la LTC ne prévoyait pas un examen général des coûts supportés par les compagnies de chemin de fer régies au titre des wagons-trémies s'accordent à penser que l'expression « coûts supplémentaires » que l'on trouve à l'alinéa 151(4)c) de la LTC englobe, au minimum, les coûts de propriété supplémentaires (soit d'immobilisations soit de location) supportés par les compagnies de chemin de fer régies pour se procurer des wagons-trémies à cause de l'aliénation, par vente ou location, ou de la mise hors service des wagons-trémies du gouvernement.

[23] La divergence d'opinion entre l'interprétation par les compagnies de chemin de fer régies et le reste de l'industrie concernant le sens donné à l'expression « coûts supplémentaires » est axée sur le fait que cette expression envisage ou non la neutralisation des coûts de location supplémentaires supportés par les compagnies de chemin de fer régies, en totalité ou en partie, par les économies dont pourraient bénéficier les compagnies de chemin de fer régies lors de l'obtention de wagons-trémies, lesquelles les dégagera d'une obligation dont elles sont entièrement dédommagées dans la base des coûts enchâssée dans le revenu admissible maximal (p. ex. au titre de l'entretien).

[24] En l'occurrence, l'Office a soigneusement examiné les conventions de location avec la CCB et est d'avis que la divergence d'opinion sur l'interprétation de l'expression « coûts supplémentaires » n'a aucune incidence sur les procédures en l'espèce. En effet, un examen attentif des conventions de location révèle qu'elles ne contiennent ni ne contiendront la moindre clause qui dégage les compagnies de chemin de fer régies d'une obligation dont elles sont entièrement dédommagées en vertu de la base des coûts enchâssée dans le revenu admissible maximal. Toutes les parties concernées, y compris la CCB, reconnaissent que le seul changement résultant de ces ententes de location est que les compagnies de chemin de fer régies, à compter de la campagne agricole 2006-2007, devront supporter des coûts de location au titre des wagons-trémies de la CCB.

[25] Ainsi, et en l'absence de dispositions qui dégageraient les compagnies de chemin de fer régies d'une obligation dont elles sont entièrement dédommagées par la base des coûts enchâssée dans le revenu admissible maximal, le mandat de l'Office en l'occurrence est fort simple. Il consiste à ajuster l'indice des prix composite afférent au volume pour refléter les coûts supplémentaires de location que devront supporter les compagnies de chemin de fer régies au titre de la location des wagons de la CCB à compter de la campagne 2006-2007.

[26] Étant donné qu'il n'existe aucun fait qui permette à l'Office de déterminer si les coûts supplémentaires de location supportés par les compagnies de chemin de fer régies doivent être neutralisés, en tout ou en partie, par des économies de coûts réalisées par les compagnies de chemin de fer régies dans l'obtention des wagons-trémies, l'Office remettra sa décision en la matière jusqu'au moment où un scénario de cession dégagera les compagnies de chemin de fer régies d'une obligation dont elles sont entièrement dédommagées en vertu du revenu admissible maximal.

[27] Le dernier élément en commun entre les mémoires reçus est que tous les participants reconnaissent que les coûts supplémentaires supportés par les compagnies de chemin de fer régies doivent être calculés au prorata pour en exclure les coûts supplémentaires supportés à d'autres fins que le transport du grain de l'Ouest. L'Office a soigneusement examiné les conventions de location entre CN, CP et la CCB, et il est d'avis que les deux conventions offrent à CN et à CP une certaine flexibilité dans l'utilisation des wagons-trémies. En effet, il n'y a aucune restriction qui oblige d'une façon quelconque CN et CP à n'utiliser les wagons-trémies que pour le transport du grain de l'Ouest.

[28] Compte tenu de ce qui précède, tout rajustement de l'indice des prix composite afférent au volume afin de refléter les coûts supplémentaires de location supportés par CN et CP pour louer les wagons-trémies de la CCB sera calculé de manière à ce que seuls les coûts supplémentaires de location supportés pour le transport du grain de l'Ouest se reflètent dans le rajustement.

[29] L'Office constate que certains participants se demandent s'il est vraiment nécessaire que les compagnies de chemin de fer régies louent les wagons-trémies de la CCB, en s'appuyant sur le constat que les compagnies de chemin de fer régies possèdent un grand nombre de wagons-trémies qui sont immobilisés en raison des déséquilibres de l'offre et de la demande des wagons-trémies. L'alinéa 151(4)c) de la LTC ne permet pas à l'Office d'évaluer le « caractère raisonnable » des coûts supplémentaires supportés par une compagnie de chemin de fer régie, mais uniquement de tenir compte de ces coûts. En termes simples, en adoptant l'alinéa 151(4)c) de la LTC, le Parlement n'a pas voulu que l'Office puisse évaluer le caractère raisonnable des décisions commerciales et opérationnelles prises par les compagnies de chemin de fer régies pour obtenir d'autres wagons-trémies à la suite de l'aliénation, par vente ou location, ou de la mise hors service des wagons-trémies du gouvernement. Quoi qu'il en soit, en pondérant les coûts supplémentaires supportés par les compagnies de chemin de fer régies pour obtenir d'autres wagons afin de refléter la durée où ces wagons sont utilisés pour le transport du grain de l'Ouest, l'Office remédie partiellement à cette préoccupation.

Conclusion

[30] Compte tenu de ce qui précède, l'Office, aux termes de l'alinéa 151(4)c) de la LTC, ajustera l'indice des prix composite afférent au volume pour la campagne agricole 2006-2007 afin de refléter les coûts supplémentaires de location que devront supporter CN et CP pour louer les wagons-trémies de la CCB. Les coûts supplémentaires de location qui entreront en ligne de compte devront néanmoins être pondérés pour s'assurer que seuls les coûts supplémentaires supportés pour le transport du grain de l'Ouest se reflètent dans l'ajustement.

[31] L'ajustement ou toute autre méthodologie pertinente permettant d'opérer un tel ajustement fera partie intégrante de la décision de l'Office relative à l'indice des prix composite afférent au volume pour la campagne agricole 2006-2007 qui doit être rendue le 30 avril 2006 ou avant cette date.


Avis dissident du membre Mary-Jane Bennett

[32] Aux termes des articles 150 et 151 de la LTC, le revenu touché par une compagnie de chemin de fer régie pour le transport du grain de l'Ouest (ici CN et CP) ne peut pas dépasser le revenu admissible maximal que nous appellerons ci-après le plafond du revenu. Ce revenu maximal est déterminé par l'Office chaque année et avant le 30 avril de chaque année selon la formule décrite aux articles 150 et 151 de la LTC. L'un des éléments de la formule est un indice d'inflation, appelé indice des prix composite afférent au volume. Compte tenu de la rubrique « F » du paragraphe 151(1) de la LTC, l'Office fixe l'indice des prix composite afférent au volume selon ce qu'il estime approprié.

[33] Traditionnellement, l'Office a analysé ce qu'il décrit dans ses rapports avec l'industrie comme un « ensemble d'intrants » qui sont ajustés chaque année pour établir l'indice des prix composite afférent au volume. Actuellement, six intrants composent cet ensemble, à savoir le travail, le carburant, les matériaux, la location de wagons n'appartenant pas au gouvernement, la dépréciation et les coûts en capital. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'il n'existe aucune restriction législative quant aux intrants qui composent cet ensemble. De fait, pour la campagne 2006-2007, un autre intrant est envisagé par l'Office qui ajoutera au facteur travail les avantages sociaux des compagnies de chemin de fer et la rémunération à bénéfice accordée en capital action.

[34] L'élément de litige ici résulte des nouveaux contrats de location qui ont été signés ou sont envisagés entre les deux compagnies de chemin de fer et la Commission canadienne du blé (CCB). Bien que CP ait conclu un contrat avec la CCB, CN n'a pas officiellement signé de contrat. Étant donné que la question dont l'Office est saisi traite sans équivoque d'un examen détaillé des contrats de location pour déterminer les coûts d'entretien et de location afin d'opérer les rajustements voulus dans l'indice des prix composite afférent au volume, cet avis dissident ne traite que de l'entente conclue entre CP et la CCB. Sans divulgation intégrale de l'entente de CN, ce membre émet des réserves quant à l'hypothèse selon laquelle aucune clause d'entretien ne sera enchâssée en définitive dans l'entente de CN.

[35] Historiquement, les wagons-trémies du gouvernement ont été fournis aux compagnies de chemin de fer gratuitement par les divers gouvernements et par la CCB, ces dernières étant responsables des coûts d'entretien connexes des wagons-trémies. Compte tenu de la mise hors service de ces wagons du parc et des nouveaux contrats de location conclus entre la CCB et CP, on peut se poser des questions sur les coûts d'entretien enchâssés dans la formule. Ces coûts ont été supportés les années où les wagons étaient fournis gratuitement aux compagnies de chemin de fer qui en assumaient l'entretien. Faut-il que ces coûts d'entretien enchâssés soient reportés et ajoutés chaque année par l'entremise de l'indice d'inflation? On trouvera la réponse en lisant l'alinéa 151(4)c) de la LTC.

[36] Dans leurs mémoires sur l'alinéa 151(4)c), les compagnies de chemin de fer se concentrent sur le terme « supplémentaires » qui autorise des rajustements de l'indice pour refléter « les coûts supplémentaires supportés par les compagnies de chemin de fer régies afin de se procurer des wagons à la suite de l'aliénation, par vente ou location, ou de la mise hors service des wagons-trémies du gouvernement ». Pour les compagnies de chemin de fer, « supplémentaires » désigne « une augmentation ou un ajout » et, par conséquent, « coûts supplémentaires » signifie « une majoration des coûts par rapport austatu quo ». Ainsi, les coûts d'entretien enchâssés persistent et les nouveaux coûts de location sont ajoutés à la formule.

[37] Un avis contraire est formulé par les autres parties, notamment par la CCB, Keystone Agricultural Products, la province du Manitoba, la Saskatchewan Grain Car Corporation, la Saskatchewan Association of Rural Municipalities, la Western Grain Elevator Association, le ministère des Transports et de la Voirie de la Saskatchewan et la Farmer's Rail Car Coalition et les associations qui en sont membres. Ces parties font allusion au fait que les dispositions sur le plafond du revenu reposent sur une toile de fond mathématique. Compte tenu du contexte mathématique, le Parlement doit avoir délibérément voulu que le mot « supplémentaire » désigne à la fois des fluctuations « positives et négatives » de la valeur car le mot dont il est dérivé, « supplément », est défini comme « un changement de variable ». L'une des parties fait observer à juste titre que l'emploi par l'Office du terme « supplémentaire » signifie un changement positif ou négatif dans ses rapports sur le calcul de l'indice des prix composite afférent au volume dans le cadre de l'établissement des plafonds de revenu pour le transport du grain de l'Ouest pour la campagne agricole 2005-2006. Selon la définition avancée par ces parties, il est loisible à l'Office d'éliminer les coûts enchâssés et d'y ajouter les nouveaux coûts de location. Cela peut se traduire par un changement positif ou négatif de la variable.

[38] Pour ce membre, le fait de permettre aux anciens coûts d'entretien de demeurer enchâssés dans la formule du plafond de revenu qui, en premier lieu, n'a aucun fondement dans la réalité et, en deuxième lieu, sera ajustée à la hausse une année après l'autre, entraînera à coup sûr des changements pour le moins curieux dans le régime de plafond du revenu. Le régime de plafond du revenu a été conçu et mis en place dans le seul but de mettre à l'abri les expéditeurs de grains contre une tarification excessive par les compagnies de chemin de fer. Le fait que les anciens coûts d'entretien restent enchâssés aura pour effet de fausser les résultats, de ne pas refléter le vrai état des facteurs de production dans la formule et aura donc un effet négatif sur les coûts de transport du grain pour les expéditeurs qui devaient bénéficier des dispositions sur le plafonnement du revenu.

[39] Ce membre considère le terme « supplémentaire » et estime qu'il n'est pas ambigu et qu'il doit être interprété sur la toile de fond mathématique de son emplacement dans la LTC. À titre subsidiaire, si l'on peut affirmer que sa définition est ambiguë, le mot « supplémentaire » doit être lu à la lumière du caractère raisonnable des conséquences qui résulteront de l'interprétation qu'on en donne. C'est ce que certains auteurs juridiques l'ont qualifié de « règle d'or de l'interprétation des lois ». Dans l'affaire R. c. Paul (1982)1 RCS 621, la Cour suprême du Canada a adopté à l'unanimité ce qui suit qui est extrait deMaxwell sur l'interprétation des lois :

Lorsque le libellé d'une loi, dans son sens ordinaire et sa construction grammaticale, aboutit à une contradiction manifeste du but apparent du texte ou à une complication ou une absurdité qui peut difficilement avoir été délibérée, on peut lui substituer une construction qui modifie le sens des termes et même la structure de la phrase. Cela peut se faire en s'écartant des règles grammaticales, en attribuant un sens inhabituel à certains mots ou en les rejetant carrément au motif que l'Assemblée législative n'aurait pas pu délibérément donner ce sens à ses termes et que les modifications apportées sont tout bonnement des corrections d'un libellé fautif pour lui redonner son vrai sens. [traduction]

[40] Lorsque, comme dans le cas qui nous intéresse, l'exercice est déterminé par une formule mathématique, les mots que le Parlement a employés doivent être lus dans cette optique. « Supplémentaire » doit se voir attribuer son sens mathématique. D'autant plus qu'en agissant autrement, on risque d'enchâsser des millions de dollars dans la formule, ce qui aura pour effet de créer artificiellement une augmentation des coûts d'expédition du grain qui résulteront chaque année de l'indice d'inflation. Il est impensable que le Parlement ait voulu dans l'article 150 de la LTC procurer des avantages aux expéditeurs de grains en fixant un revenu admissible maximal uniquement pour fausser ces avantages dans l'article suivant par des coûts inévitables. Toute lecture qui aboutit à un résultat aussi absurde ou mal à propos doit être évitée. Ce membre interprète le mot « supplémentaire » comme autorisant un changement positif ou négatif d'une variable. C'est pourquoi j'aurais déduit les coûts d'entretien enchâssés inévitables et n'aurais ajouté que les coûts de location se rapportant à CP.

Date de modification :