Lettre-décision n° LET-R-178-2006

le 5 juillet 2006

Exigence d'obtenir un certificat d'aptitude pour Great Canadian Railtour Company Ltd.

No de référence : 
R 8005/G1

Contexte

La présente lettre fait suite à la lettre de Great Canadian Railtour Company Ltd. (GCRC) datée du 13 janvier 2006 et aux lettres datées du 16 janvier 2006 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) et de la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (CP) concernant le champ de compétence dont relèvent les activités de GCRC, question qui déterminera si GCRC doit obtenir un certificat d'aptitude.

Dans le cadre de son examen des activités ferroviaires au Canada et dans sa décision no LET-R-308-2005 datée du 22 novembre 2005, l'Office des transports du Canada (l'Office) a demandé à GCRC de fournir des observations sur la question de savoir si elle exploite un chemin de fer relevant de l'autorité législative du Parlement, auquel cas elle doit obtenir un certificat d'aptitude aux termes du paragraphe 90(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 (LTC). Une copie de la décision a également été envoyée à CN et à CP pour recueillir leurs commentaires.

Dans la décision no LET-R-308-2005, l'Office a repris les dispositions législatives de la LTC et les principes constitutionnels applicables concernant l'exigence du certificat d'aptitude. L'Office a également déclaré que GCRC semblait exploiter un chemin de fer sous réglementation fédérale pour lequel on exigeait un certificat d'aptitude.

Question

L'Office doit déterminer si les excursions ferroviaires offertes par GCRC sur les lignes ferroviaires de CN et de CP représentent des activités d'exploitation d'une ligne de chemin de fer relevant du fédéral, activités pour lesquelles un certificat d'aptitude est exigé aux termes du paragraphe 90(1) de la LTC.

Positions des parties

GCRC affirme dans sa réplique qu'elle n'exploite pas une ligne de chemin de fer relevant de l'autorité législative du Parlement, puisque son entreprise et ses activités d'exploitation ferroviaire ne sont pas visées par l'alinéa 92(10)a) de la Loi constitutionnelle de 1867. Comme ses excursions se déroulent par l'entremise de l'entreprise ferroviaire de CN et de CP et qu'elles sont assujetties au contrôle opérationnel et à la direction de ces compagnies, GCRC affirme que ce sont ces compagnies de chemin de fer nationales qui assurent la liaison entre les provinces. GCRC affirme qu'elle n'est pas « une ligne de chemin de fer reliant les provinces les unes aux autres » [traduction].

GCRC fait valoir qu'elle entretient du matériel roulant et d'autres types d'équipement dans le but de veiller au confort des passagers qui participent aux excursions. Elle affirme toutefois que ces activités commerciales ne constituent pas une entreprise de chemin de fer.

GCRC affirme que ses services ne sont pas intégrés à CN ou à CP, ne sont pas une partie intégrante de ces compagnies et n'entretiennent pas de liens avec elles qui pourraient les assujettir à la compétence législative du Parlement.

CN affirme que son propre certificat d'aptitude couvre l'utilisation de l'équipement de GCRC sur ses lignes et qu'il devrait en demeurer ainsi.

CN cite, à l'appui de sa position, la décision no LET-R-190-1997, datée du 30 juin 1997. Dans cette décision, l'Office a déterminé qu'il incombait à CN et à CP de lui prouver que les divers services ferroviaires offerts entre autres par les commissions de transport, les exploitants de services ferroviaires spécialisés et dans le cadre d'activités industrielles ou d'expédition sur les lignes qui relèvent de la compétence du Parlement bénéficiaient de l'assurance responsabilité réglementaire.

CN fait également référence à la décision no LET-R-204-1998 datée du 20 juillet 1998, dans laquelle l'Office a conclu que GO transit n'avait pas besoin d'être titulaire d'un certificat d'aptitude pour les activités se déroulant sur les lignes de CN ou de CP. CN est d'avis que la situation examinée par l'Office dans cette décision est similaire, voire identique, à celle de GCRC.

CN affirme que les services des commissions de transport et des exploitants de services ferroviaires spécialisés offerts sur ses lignes sont assurés par des équipes de CN en vertu de contrats conclus entre elle-même et les promoteurs de ces services. Dans certains cas, les contrats prévoient que CN sera également responsable de fournir et d'entretenir l'équipement requis. Dans d'autres cas, les services de locomotive et d'entretien sont assurés par des tiers. CN affirme que l'exploitation ferroviaire demeure en tout temps sous l'emprise des équipes et des répartiteurs de CN. Elle estime donc être elle-même la compagnie de chemin de fer qui doit posséder le certificat d'aptitude.

CP affirme que GCRC n'est pas tenue de posséder un certificat d'aptitude.

Analyse de l'Office

Plusieurs dispositions législatives comprises au sein de la partie III de la LTC et dispositions constitutionnelles sont pertinentes à l'étude de la présente affaire.

Au sens de l'article 87 de la LTC, un « chemin de fer » relève de l'autorité législative du Parlement et comprend :

  1. les embranchements et prolongements, les voies de garage et d'évitement, les ponts et tunnels, les gares et stations, les dépôts et quais, le matériel roulant, l'équipement et les fournitures, ainsi que tous les autres biens qui dépendent du chemin de fer;
  2. les systèmes de communication ou de signalisation et les installations et équipements connexes qui servent à l'exploitation du chemin de fer;

Un chemin de fer est assujetti à l'autorité législative du Parlement des façons suivantes si :

  • les travaux et entreprises ferroviaires relient ou traversent les frontières d'une province (alinéa 92(10)a) de la Loi constitutionnelle de 1867);
  • une compagnie exploite un chemin de fer qui traverse les frontières internationales (alinéa 88(2)b) de la LTC);
  • les travaux sont déclarés être à l'avantage général du Canada (alinéa 92(10)c) de la Loi constitutionnelle de 1867);
  • le chemin de fer est possédé, contrôlé, loué ou exploité par une personne exploitant un chemin de fer relevant de l'autorité législative du Parlement (alinéa 88(2)b) de la LTC); ou
  • le chemin de fer fait partie intégrante d'une entreprise ferroviaire fédérale existante.

Le paragraphe 90(1) de la LTC prévoit que nul ne peut construire ou exploiter un chemin de fer sans être titulaire d'un certificat d'aptitude. Cette exigence s'applique également aux personnes qui exercent leurs activités d'exploitation au moyen de droits de circulation sur le chemin de fer d'une autre compagnie.

L'Office a récemment examiné, dans la décision no 273-R-2001 datée du 24 mai 2001, la question de savoir si des activités d'exploitation comme celles de GCRC, effectuées sur les lignes ferroviaires d'autres compagnies de chemin de fer, nécessitaient l'obtention d'un certificat d'aptitude. La décision portait sur une demande de l'Agence métropolitaine de transport (AMT), qui désirait obtenir un certificat d'aptitude pour exploiter un service de trains de banlieue sur les emprises ferroviaires appartenant à CN et à CP dans la région métropolitaine de Montréal.

La demande de l'AMT était unique, car toutes ses activités d'exploitation ferroviaire se faisaient à partir de l'infrastructure des deux chemins de fer nationaux. Après avoir examiné la LTC, y compris les définitions des mots « exploitation » et « chemin de fer » fournies à l'article 87 de la LTC, l'Office a déterminé que l'AMT serait admissible à l'obtention d'un certificat d'aptitude si elle pouvait démontrer qu'elle possédait les attributs nécessaires afin d'être qualifiée d'entreprise de chemin de fer relevant de l'autorité législative du Parlement et distincte de CN et de CP.

L'Office a conclu que le chemin de fer visé par la demande de l'AMT était bel et bien un chemin de fer distinct de CN et de CP. Par contre, l'Office a également conclu que l'AMT n'avait pas la qualité requise pour se voir délivrer un certificat d'aptitude, car il a été déterminé qu'elle n'était pas un chemin de fer relevant de l'autorité législative du Parlement. Les principes établis par l'Office en lien avec la demande de l'AMT sont utiles et applicables au cas présent. En effet, aux termes des dispositions pertinentes de la LTC, GCRC devra obtenir un certificat d'aptitude si : (i) il est établi que GCRC exploite un chemin de fer que ces activités d'exploitation sont distinctes de celles de CN et de CP et (ii) les activités d'exploitation ferroviaire de GCRC relèvent de l'autorité législative du Parlement.

GCRC exploite un service d'excursions ferroviaires dans l'Ouest canadien. Elle offre quatre itinéraires : le trajet « Kicking Horse » entre Vancouver (Colombie-Britannique), Banff et Calgary (Alberta); le trajet « Yellowhead » entre Vancouver (Colombie-Britannique) et Jasper (Alberta); le trajet « Fraser Discovery » entre Whistler (Colombie-Britannique) et Jasper (Alberta); et le trajet « Whistler Mountaineer » entre North Vancouver et Whistler (Colombie-Britannique). GCRC utilise les lignes ferroviaires de CN et de CP dans ses activités d'exploitation, mais les éléments de preuve actuellement au dossier indiquent qu'elle exploite bel et bien un chemin de fer au sens de la LTC, lequel est distinct de celui de CN et de CP. On entend par là qu'étant donné que GCRC utilise son propre matériel roulant et ses propres infrastructures ferroviaires (cour de remisage ferroviaire de Kamloops, gare de Vancouver), elle assure la mise en marché et le contrôle des activités d'exploitation des excursions ferroviaires.

Les excursions offertes par GCRC constituent une exploitation ferroviaire distincte même si elles se déroulent sur les lignes ferroviaires de CN et de CP et qu'elles sont, par conséquent, assujetties au contrôle opérationnel de ces compagnies. Le type d'ententes opérationnelles conclues entre GCRC, CN et CP est commun et permet aux entreprises ferroviaires étrangères comme GCRC d'effectuer leurs activités sur les lignes d'autres compagnies de chemin de fer. Les activités d'exploitation ferroviaire conservent leur caractère distinct malgré ces ententes.

Pour que l'Office puisse déterminer que GCRC n'exploite pas un chemin de fer pour lequel un certificat d'aptitude est exigé aux termes de la LTC, il lui faudrait conclure que les activités d'exploitation entourant les excursions ferroviaires sont intégrées à celles de CN et de CP. Ces activités seraient ainsi couvertes par les certificats d'aptitude actuels de CN et de CP. De toute évidence, ce n'est pas le cas ici. L'Office note que les certificats d'aptitude actuels de CN et de CP ne couvrent pas les excursions ferroviaires offertes par GCRC.

Comme la preuve actuellement au dossier indique que GCRC exploite un chemin de fer au sens de la LTC, la prochaine étape consiste à déterminer si ce chemin de fer relève de l'autorité législative du Parlement.

Dans le cas présent, l'information au dossier indique que GCRC exploite un chemin de fer interprovincial entre la Colombie-Britannique et l'Alberta. Il s'agit donc d'une entreprise assujettie à l'autorité législative du Parlement en vertu de l'alinéa 92(10)a) de la Loi constitutionnelle de 1867. Le fait que ces activités d'exploitation se déroulent sur des chemins de fer de compétence fédérale (de CN et de CP) n'a aucun effet sur la qualité d'entreprise ferroviaire relevant du fédéral de GCRC, qualité qui lui est conférée par la Constitution.

CN fait valoir que, dans la décision no LET-R-190-1997, l'Office était d'avis qu'il incombait à CN et à CP de lui prouver que les divers services et activités ferroviaires offerts sur les lignes de CN et de CP faisaient l'objet d'une assurance responsabilité réglementaire. Les deux compagnies de chemin de fer ont affirmé dans leur réplique qu'elles avaient pour politique d'exiger que tous les tiers exploitant de l'équipement sur leurs lignes de chemin de fer se munissent de l'assurance réglementaire. Cependant, il n'y a à ce jour aucune preuve au dossier indiquant qu'une telle assurance est en place pour les activités d'exploitation effectuées par des tiers comme GCRC sur les lignes de CN et de CP.

Après avoir examiné sa loi habilitante, l'Office conclut que la LTC ne lui permet pas de déléguer son mandat d'intérêt public de s'assurer que toutes les activités d'exploitation des chemins de fer de compétence fédérale font l'objet, en tout temps, d'une assurance responsabilité adéquate. Dit simplement, l'Office doit vérifier le caractère réglementaire de l'assurance responsabilité pour toutes les activités d'exploitation des chemins de fer relevant du fédéral. L'Office effectue cet examen en délivrant un certificat d'aptitude et en maintenant un processus de surveillance constante.

CN a également fait valoir que les activités d'exploitation de GCRC sont similaires, voire identiques, à celles de GO Transit. CN estime donc que l'Office devrait rendre la même décision à propos de GCRC que dans la décision no LET-R-204-1998. L'Office affirme respectueusement son désaccord. Le train de banlieue de GO Transit est exploité entièrement à l'intérieur des frontières ontariennes. Go Transit n'a donc pas qualité pour obtenir un certificat d'aptitude, car il ne s'agit pas d'une entreprise de chemin de fer relevant de l'autorité législative du Parlement.

Il arrive que les services ferroviaires spécialisés ou offerts par les commissions de transport comme GO Transit à Toronto, AMT à Montréal ou Westcoast Express à Vancouver ne relèvent pas de l'autorité législative du Parlement. Dans ces situations, l'Office a pour seul mandat de s'assurer que CN et CP disposent de l'assurance responsabilité réglementaire pour parer aux risques additionnels que représente l'exploitation de ces services locaux de chemin de fer sur leurs lignes. Comme les services ferroviaires spécialisés ou offerts par les commissions de transport ne relèvent pas de l'autorité législative du Parlement, l'Office n'a pas compétence à leur égard. Il incombe alors aux autorités provinciales pertinentes de s'assurer que ces activités d'exploitation locales respectent les normes de la province en matière d'assurance responsabilité.

À la lumière de ce qui précède et comme les éléments de preuve au dossier indiquent que GCRC exploite un chemin de fer relevant du fédéral et pour lequel un certificat d'aptitude est requis, GCRC dispose d'une période de vingt (20) jours à partir de la date de réception de la présente lettre pour justifier pourquoi l'Office ne devrait pas, aux termes de l'article 26 de la LTC, exiger qu'elle présente une demande de certificat d'aptitude aux termes de la section I de la partie III de la LTC ou lui ordonner de cesser ses activités d'exploitation ferroviaire parce qu'elle n'est pas titulaire du certificat d'aptitude requis.

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