Discours du président et premier dirigeant, Scott Streiner, à la conférence annuelle de l'Institut canadien des ingénieurs en transports, à Ottawa, le 3 juin 2019

L’égalité en mouvement : Concevoir et construire pour des transports accessibles

Le 15 avril marquait la tenue du 123e marathon de Boston. Cette course est célèbre pour de nombreuses raisons, notamment parce qu’il s’agit du plus ancien marathon du monde. Cette année, toutefois, il manquait quelque chose : pour la première fois depuis 1981, Rick Hoyt n’y participait pas, car il se remettait d’une pneumonie.

L’absence de Rick a été remarquée non seulement parce qu’il a participé aux 37 courses précédentes, mais aussi parce qu’il a été le premier à terminer la course en étant poussé dans un fauteuil roulant spécialement conçu par son père ou, plus récemment, par un ami de la famille.

Rick est atteint de paralysie cérébrale depuis sa naissance. Dès le début de sa vie, les médecins ont dit à ses parents qu’il serait toujours incapable de réagir et ont suggéré qu’il soit placé dans un établissement. Ses parents n’étaient pas de cet avis, en partie parce qu’ils voyaient comment les yeux de Rick les suivaient dans une pièce. Ils ont donc finalement embauché des ingénieurs pour concevoir un ordinateur grâce auquel Rick pourrait former des mots en utilisant le mouvement de sa tête. Rick avait 11 ans à l’époque. Une fois l’obstacle à la communication levé, il est rapidement devenu évident qu’il était à la fois très intelligent et doué. Il a commencé à fréquenter l’école publique et a obtenu un diplôme en éducation spécialisée de l’Université de Boston.

Rick s’est intéressé pour la première fois à la course en 1977, lorsqu’il a demandé à participer à une course pour un joueur de crosse qui était paralysé. Son père Dick, sans être en forme, a accepté de le pousser et ils ont tous les deux attrapé la piqûre de la course. Mais ils se sont aussi rendu compte qu’un fauteuil roulant ordinaire était beaucoup trop lourd et encombrant pour la course. Ils se sont donc de nouveau tournés vers une équipe d’ingénieurs, qui a conçu un fauteuil roulant élégant et léger, doté d’une seule roue avant et de poignées hautes. Rick et Dick ont couru plus de 1 100 épreuves en utilisant ce modèle, dont 257 triathlons et 72 marathons. La conception révolutionnaire de leur fauteuil roulant si particulier a également mené à la création de la poussette de jogging, qui a permis à des millions de parents de jeunes enfants de rester en forme tout en faisant le bonheur de leurs enfants.

Beaucoup de gens font face à des défis comme ceux auxquels Rick est confronté. En effet, un Canadien sur cinq a une déficience. C’est peut-être un de vos parents ou de vos grands-parents qui utilise un fauteuil roulant, une canne ou un déambulateur; votre fille ou votre fils qui est aux prises avec un trouble d’apprentissage; votre frère ou votre sœur qui souffre d’une allergie grave; un voisin qui est sourd; ou un collègue qui est aveugle. C’est peut-être vous.

L’accessibilité est l’affaire de tous. Et sur le plan conceptuel, l’accessibilité n’a rien de compliqué : il s’agit simplement de prévenir et d’éliminer les obstacles pour que nous puissions tous participer pleinement et équitablement à tous les aspects de la vie, que nous soyons handicapés ou non.

L’accessibilité est un droit de la personne pour chacun d’entre nous. Et aider à en prendre conscience est une responsabilité que nous partageons tous.

L’Office des transports du Canada

À l’Office des transports du Canada, ou OTC, nous avons un rôle particulier à jouer à cet égard. L’OTC est l’organisme de réglementation et tribunal indépendant le plus ancien au Canada. Nous existons depuis 1904, mais notre mandat en matière de transports accessibles – l’un de nos trois mandats principaux – est beaucoup plus récent et date de 1988.

Les outils dont nous disposons pour nous acquitter de nos mandats comprennent l’élaboration et le respect des règlements; le règlement des différends entre les fournisseurs de services de transport et leurs clients par la facilitation, la médiation et le processus décisionnel formel; et la communication aux fournisseurs de services et aux voyageurs de renseignements sur leurs droits et leurs responsabilités liés au transport.

Aux fins d’accessibilité, nous supervisons toutes les compagnies aériennes et tous les aéroports ainsi que les services interprovinciaux et internationaux de transport ferroviaire, maritime et de transport par autocar.

Notre vision est de faire du réseau de transport national du Canada le réseau le plus accessible au monde. L’objectif est ambitieux, mais nous croyons que dans un pays dont les valeurs fondamentales comprennent la dignité humaine, l’égalité et l’inclusion, nous ne devons viser rien de moins.

Bien entendu, la concrétisation de cet objectif passe par des mesures pratiques. Parfois, ces étapes impliquent la modernisation d’installations et d’équipements existants. Mais il est au moins aussi important d’éviter tout d’abord de créer des obstacles en appliquant le principe de l’accessibilité universelle. Nous devons planifier, concevoir et construire de manière à optimiser l’accès pour tout le monde, en tout temps.

Il s’agit bien sûr d’une question de justice sociale, mais pas seulement. C’est aussi un impératif commercial. Au fur et à mesure que la population vieillit et que la proportion de voyageurs handicapés augmente, leur donner la possibilité de se déplacer dans les gares, de monter à bord des trains, des avions, des traversiers et des autocars ainsi que d’atteindre leur destination sans difficulté inutile permet d’élargir la clientèle et de stimuler l’activité économique.

Bref, l’accessibilité est dans l’intérêt de tous. Cependant, l’améliorer peut entraîner des coûts et des efforts à court terme, et nous devons prendre des mesures concrètes pour y parvenir.

D’importants changements visant à encourager de telles mesures seront apportés aux lois et aux règlements fédéraux.

La Loi canadienne sur l’accessibilité

Mercredi dernier, pendant la Semaine nationale de l’accessibilité, la Chambre des communes a adopté à l’unanimité une version du projet de loi C-81, la Loi canadienne sur l’accessibilité, qui intègre tous les amendements adoptés précédemment par le Sénat. Cela signifie que dès que le projet de loi recevra la sanction royale – ce qui devrait se faire rapidement –, il deviendra loi.

La Loi canadienne sur l’accessibilité est la première loi exhaustive sur l’accessibilité au niveau fédéral. Elle exigera que la fonction publique fédérale et les secteurs sous réglementation fédérale élaborent des plans, obtiennent de la rétroaction et fassent rapport sur les progrès réalisés afin que les domaines de l’environnement bâti, de l’emploi, des communications, de l’approvisionnement et de la prestation de services soient exempts d’obstacles.

Fait tout aussi important, cette loi historique énonce un certain nombre de principes directeurs. Elle souligne qu’un handicap vient compliquer la participation égale d’une personne à la société en raison de son interaction avec un obstacle. Elle contient un engagement à garantir le droit de toute personne à l’égalité des chances d’épanouissement, quels que soient ses handicaps. Et elle met l’accent sur le principe « rien sur nous ne se fera sans nous », qui garantit que les personnes handicapées participeront pleinement à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques et des mesures visant à prévenir et à éliminer les obstacles.

Enfin, la Loi canadienne sur l’accessibilité donne à l’OTC de nouveaux outils pour atteindre l’objectif d’avoir des transports accessibles. Ces outils comprennent des pouvoirs d’inspection et d’application de la loi renforcés, la capacité d’accorder une aide financière pour faciliter la participation des personnes handicapées aux audiences portant sur leurs plaintes, et le pouvoir de verser des indemnités pour souffrances et douleurs lorsqu’une plainte liée à un handicap est jugée fondée.

Le Règlement sur les transports accessibles pour les personnes handicapées

Avant même que le projet de loi C-81 ne soit présenté au Parlement, l’OTC travaillait à moderniser les règles visant à assurer l’accessibilité du réseau de transport national. En mai 2016, nous avons lancé un examen de tous les règlements que nous prenons et appliquons afin de nous assurer qu’ils sont conformes aux modèles d’affaires actuels et nouveaux, aux attentes des utilisateurs et aux meilleures pratiques dans le domaine de la réglementation. La première étape de cette vaste Initiative de modernisation de la réglementation était axée sur l’accessibilité et a donné lieu à plus de deux ans de consultations auprès de groupes de défense des droits des personnes handicapées, de représentants de l’industrie et d’autres Canadiens intéressés.

Il en est résulté un projet de Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées, publié le 9 mars pour une dernière série de consultation auprès des intervenants et du public. Ce projet de règlement intègre et actualise deux règlements existants et six codes de pratique volontaires en un seul instrument, polyvalent et juridiquement contraignant. Nous espérons que la version finale du règlement sera publiée d’ici l’été.

Le règlement énonce les obligations des compagnies aériennes, des aéroports et des autres gares, des compagnies de transport ferroviaire de passagers, des exploitants de traversiers et des compagnies de transport interprovincial par autocar dans six grands domaines :

  • Communications
  • Formation des employés
  • Parcs de véhicules et équipement
  • Installations des gares, des aérogares et des terminaux portuaires
  • Services
  • Contrôle frontalier et contrôle de sûreté

Plus précisément, le règlement exige par exemple que :

  • les sièges de transfert, les espaces réservés aux aides à la mobilité, les appareils élévateurs, les rampes, les sorties et les toilettes soient conçus pour être accessibles et répondent aux normes d’accessibilité de l’Association canadienne de normalisation;
  • l’assistance avec un fauteuil roulant soit fournie par les aéroports depuis le débarcadère jusqu’à l’enregistrement, et par les compagnies aériennes de l’enregistrement à l’embarquement dans l’avion;
  • des aires de soulagement pour les chiens d’assistance soient aménagées dans les gares et les aérogares;
  • les sites Web, les guichets libre-service, les consignes de sécurité et les systèmes de divertissement à bord soient accessibles;
  • les personnes qui doivent voyager avec un accompagnateur en raison de leur handicap obtiennent sans frais le siège de cet accompagnateur à bord des vols intérieurs;
  • le personnel qui interagit avec les voyageurs handicapés soit formé pour le faire de façon éclairée, adaptée et respectueuse de la dignité de ces voyageurs.

La plupart de ces dispositions entreront en vigueur un an après la publication du Règlement, tandis que d’autres obligations plus complexes prendront effet dans deux ou trois ans. Le non-respect de toute exigence pourrait entraîner l’imposition d’une sanction administrative pécuniaire par un agent verbalisateur de l’OTC.

L’adoption de ce règlement novateur promet de faciliter considérablement les déplacements des personnes ayant divers types de handicaps. L’OTC s’est engagé à mettre en œuvre un programme de sensibilisation, de surveillance et d’application de la loi pour s’assurer que cette promesse se réalise.

Le Forum sur les aides à la mobilité et le transport aérien

En même temps, nous savons que les règles seules ne peuvent résoudre tous les problèmes. Au cours de nos consultations sur le nouveau règlement, il est devenu évident qu’il fallait faire davantage en ce qui concerne l’entreposage et le transport à bord des avions des aides à la mobilité, comme les fauteuils roulants. Au cours des dernières années, ces appareils sont devenus plus gros, plus sophistiqués sur le plan technologique et plus adaptables. C’est une bonne nouvelle pour les personnes à mobilité réduite. Mais cela s’ajoute aussi aux défis que posent le chargement, l’entreposage et le transport sécuritaires par les compagnies aériennes et leurs agents de manutention au sol.

En juin 2018, l’OTC a organisé un forum multipartite pour examiner comment nous pouvons travailler ensemble pour relever ces défis. Ce travail a réuni des représentants de la communauté des personnes handicapées, des compagnies aériennes, des fabricants d’aéronefs, des fabricants d’aides à la mobilité, des agents de manutention au sol ainsi que des organismes de réglementation du Canada et de l’étranger.

Les recommandations découlant de ces discussions seront publiées cet été et devraient permettre de déterminer les mesures qui peuvent être adoptées à court terme et les options à plus long terme à explorer. Ces options à plus long terme auront d’importantes dimensions techniques. De la conception des aides à la mobilité elles-mêmes à la création de meilleurs dispositifs de levage, de la forme des portes des soutes aux types de techniques d’immobilisation utilisées dans les soutes, ce sont les ingénieurs – en collaboration avec les personnes handicapées et d’autres intervenants – qui seront appelés à trouver des solutions pratiques permettant d’augmenter le nombre d’aides à la mobilité qui peuvent être transportées dans les avions tout en réduisant le nombre de celles qui sont endommagées accidentellement.

Le rôle des ingénieurs

Ce n’est là qu’un des nombreux domaines où les transports accessibles vont faire appel à la participation, à l’expertise et à l’imagination des ingénieurs.

Lorsque la Loi canadienne sur l’accessibilité et le Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées entreront en vigueur, nous aurons besoin d’ingénieurs pour nous aider à concevoir des entrées, des ascenseurs et des passages entièrement accessibles dans les gares, les aérogares et les terminaux portuaires. Des quais de gare ferroviaire et des wagons accessibles. Des guichets d’enregistrement et des tableaux d’affichage accessibles. Des toilettes accessibles à bord des avions et des trains. Des formulaires et renseignements en ligne accessibles.

Nous tous – des personnes handicapées aux organismes de réglementation en passant par les fournisseurs de services de transport – nous tournerons vers vous pour trouver des approches novatrices afin d’offrir le réseau de transport le plus accessible possible. Nous aurons besoin d’améliorations progressives dans certains domaines, et de percées – des façons entièrement nouvelles de comprendre et d’éliminer les obstacles – dans d’autres.

Les nouveaux régimes législatif et réglementaire aideront à créer un marché pour vos meilleures idées.

Mon exposé tirant à sa fin, j’aimerais revenir à ce que je disais au début concernant Rick et Dick Hoyt. Aujourd’hui, une statue de l’équipe de coureurs père-fils se dresse au point de départ du marathon de Boston. Comme Terry Fox, dont la statue s’élève en face du Parlement, et d’autres qui ont fait preuve de vision et de courage face aux handicaps et à d’autres défis, les Hoyt sont devenus des héros, avec raison. Leur histoire est une extraordinaire histoire d’amour, de persévérance et de résilience.

Mais les Hoyt ne sont pas les seuls héros de cette histoire. Les ingénieurs qui ont conçu l’ordinateur ayant permis à Rick de communiquer et de mettre fin à son isolement, puis le fauteuil roulant qui lui a permis de participer à tant de courses, y jouent un rôle tout aussi important. Sans leur ingéniosité, leurs compétences et leur dévouement, Rick – et bien d’autres personnes – n’aurait pas été en mesure de vivre aussi pleinement et de contribuer autant à la société.

En accord avec le thème de cette conférence – BOLD Thinking and Transformative Solutions: Today! Not Tomorrow [Réflexion et solutions transformatrices AUDACIEUSES : Aujourd’hui! Pas demain] – je vous encourage à trouver des occasions d’incarner un tel héroïsme. Quelle meilleure façon de changer les choses dans le domaine que vous avez choisi?

Merci de votre attention.

 
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