Discours du président et premier dirigeant, Scott Streiner au symposium mondial 2019 de l’IATA sur l’accessibilité, Dubaï, Émirats arabes unis

 

Discours du président et premier dirigeant, Scott Streiner au symposium mondial 2019 de l’IATA sur l’accessibilité, Dubaï, Émirats arabes unis

Personne n’est laissé pour compte :
Travailler ensemble pour accroître l’accessibilité du transport aérien

Priorite au texte prononce

Je tiens à remercier l’IATA de m’avoir invité à prendre la parole aujourd’hui. J’aimerais aussi féliciter l’Association d’avoir organisé une conférence internationale consacrée à l’accessibilité du transport aérien, et chacun d’entre vous d’y participer.

Pendant les deux journées que dure l’événement, quelque 24 millions de passagers du monde entier auront pris l’avion. C’est l’équivalent de tous les habitants du Danemark, de la Libye, du Costa Rica et de Singapour réunis. C’est un nombre considérable. Le nombre de voyageurs aériens a doublé depuis 2005, et devrait encore doubler d’ici 2037.

Que nous traversions l’océan pour faire des affaires, que nous parcourions les continents pour voir des êtres chers ou visiter des endroits différents, que nous partions de collectivités éloignées pour nous rendre dans des grands centres afin d’obtenir des soins médicaux, ou que nous nous envolions pour entreprendre un nouveau chapitre de notre vie dans une nouvelle ville, les voyages aériens font maintenant partie intégrante de la vie moderne.

Les personnes qui prennent l’avion sont de plus en plus nombreuses à avoir des incapacités. La population mondiale des personnes handicapées s’élève maintenant à environ un milliard et demi. Près d’une personne sur cinq a une incapacité, et à mesure que la population vieillit, cette proportion augmente. En 2016, 8,5 % de la population mondiale était âgée de 65 ans ou plus; en 2050, ce pourcentage doublera. Un sondage de l’IATA a révélé qu’entre 2016 et 2017 seulement, les demandes des passagers aériens pour une assistance avec fauteuil roulant ont bondi de 30 %.

Nous avons tous des personnes handicapées dans notre vie. Peut-être avez-vous une grand-mère qui utilise un déambulateur ou une canne, un père qui est malentendant, un conjoint qui souffre de douleurs chroniques, un enfant qui a une allergie grave, un collègue qui est aveugle ou un voisin qui souffre d’un trouble de stress post-traumatique. Peut-être avez-vous vous-même une incapacité.

L'accessibilité n'est pas le problème de quelqu'un d'autre. L’élimination des obstacles auxquels font face les personnes handicapées afin qu’elles aient un accès égal aux avantages et aux plaisirs du voyage est l’affaire de tous.

L’accessibilité est une question de dignité humaine et d’inclusion. C’est pourquoi elle est reconnue comme un droit fondamental dans plusieurs instruments et traités internationaux, y compris la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies.

Mais rendre le voyage aérien accessible n'est pas seulement la bonne chose à faire. C'est aussi la chose intelligente à faire. Les personnes qui ont l’habitude de voyager ne voudront pas arrêter de prendre l’avion simplement parce qu’elles développent une incapacité en vieillissant, et les personnes qui ont une incapacité de longue date ayant limité leurs déplacements par le passé souhaiteront prendre l’avion plus souvent. L’accessibilité est essentielle pour stimuler la demande et augmenter les facteurs de charge à mesure que le nombre de personnes handicapées ayant un revenu disponible et un désir de voyager augmente. L’amélioration de l’accessibilité donne à l’industrie une longueur d’avance. Ne pas le faire équivaut à laisser de l’argent sur la table

Les transporteurs aériens et les aéroports reconnaissent de plus en plus que l’amélioration de l’accessibilité est non seulement bonne en soi, mais elle est bonne pour les affaires.

Plus tôt cette année, les assemblées générales de l’IATA et du Conseil international des aéroports ont adopté à l’unanimité des résolutions soulignant leur engagement à faire progresser l’aviation accessible. Et l’accessibilité a été l’un des principaux sujets de discussion de l’Assemblée générale triennale de l’OACI, qui a eu lieu il y a un mois à Montréal. Lors de l’Assemblée générale, les participants ont fortement appuyé un document rédigé par le Canada et coparrainé par l’Australie, l’IATA et l’ACI, qui soulignait l’importance de l’aviation accessible et de l’action coopérative nécessaire pour y parvenir.

Nous sommes sur une bonne lancée. Il y a une volonté commune de faire progresser le transport aérien accessible. Maintenant, la question est de savoir quelle est la voie à suivre. Quels sont les principaux facteurs qui nous permettront de prendre des mesures concrètes et significatives pour aller de l’avant?

La réponse à cette question comporte deux volets : l’innovation et l’harmonisation.

L’innovation

Commençons par l’innovation.

Le dicton « la nécessité est mère de l’invention » existe dans de nombreuses langues. L’impératif de l’accessibilité devrait nous inciter à mobiliser notre inventivité afin d’éliminer les obstacles pour les voyageurs handicapés.

Des progrès ont déjà été réalisés grâce à l’engagement et à la créativité des exploitants, des ingénieurs, des organismes de réglementation et des personnes handicapées. Il y a trente ans, une personne qui avait besoin d’une aide à la mobilité, d’un chien-guide ou d’une bouteille d’oxygène pour se déplacer de façon autonome aurait fait face à de nombreux obstacles pendant son voyage et aurait peut-être simplement choisi de rester à la maison. Aujourd’hui, ces personnes ont beaucoup plus de facilité à voyager en avion. Mais il faut faire davantage.

L’innovation peut se faire dans divers domaines.

Nous pouvons innover en matière de politiques en établissant la bonne combinaison de normes, d’attentes et d’incitatifs. L’accessibilité devrait être une question de prévoyance, et non le fruit d’une réflexion après coup. Nous devons nous rapprocher le plus possible de l’accessibilité universelle en tenant compte de l’accessibilité dès la conception, au moment de la construction, et en offrant de la formation sur l’accessibilité. Des politiques saines peuvent contribuer à faire en sorte que, tout comme la sécurité et la sûreté, l’accessibilité soit à la fois intégrée à notre planification et bien ancrée dans nos pratiques.

Au Canada, nous venons tout juste de terminer une importante refonte réglementaire visant précisément cet objectif en matière de transport. En juin, après trois ans de consultations auprès de l’industrie et des personnes handicapées, un examen des pratiques exemplaires, un long exercice de rédaction et une analyse approfondie des répercussions, l’Office des transports du Canada (OTC) a finalisé le nouveau Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées.

Ce règlement intègre et actualise les dispositions de deux anciens règlements et de six codes de pratique volontaires en un seul instrument, efficace et juridiquement contraignant. Il énonce les obligations en matière d’accessibilité des compagnies aériennes, des aéroports et des autres fournisseurs de services de transport, dont celles-ci :

les sièges de transfert, les espaces réservés aux aides à la mobilité, les plateformes élévatrices, les rampes, les sorties et les toilettes doivent être conçus pour être accessibles;

les fauteuils roulants doivent être mis à la disposition des passagers par les aéroports et les compagnies aériennes à partir du moment où une personne arrive à l’aérogare au début de son voyage jusqu’au moment où elle quitte l’aérogare à la fin de celui-ci;

des aires de soulagement pour les chiens d’assistance doivent être aménagées dans les aérogares;

les sites Web, les guichets libre-service, les consignes de sécurité et les systèmes de divertissement en vol doivent être accessibles;

les passagers de vols intérieurs qui ont besoin de deux sièges pour voyager en raison d’un handicap, peut-être parce qu’ils ne peuvent pas prendre l’avion sans accompagnateur, ne paient qu’un seul siège; et le personnel qui interagit avec les voyageurs handicapés doit être formé pour le faire d’une manière éclairée, réceptive et respectueuse de la dignité de ces voyageurs.

Bien sûr, l’innovation ne s’arrête pas aux politiques. La politique fournit un cadre qui vise à orienter les actions, et ces actions doivent comprendre l’innovation dans l’équipement, les installations et les services.

Ici aussi, le Canada a pris l’initiative.

En examinant les résultats de nos consultations et de notre analyse de la réglementation, nous avons constaté qu’il y avait un problème que les nouvelles règles ne suffiraient pas à résoudre : l’entreposage et le transport des fauteuils roulants et d’autres aides à la mobilité. Au cours des dernières années, ces aides sont devenues de plus en plus grandes, plus complexes sur le plan technologique et plus adaptables. Bien qu’il s’agisse clairement d’une bonne nouvelle pour les personnes à mobilité réduite, cela signifie également que les transporteurs aériens et les manutentionnaires ont de plus en plus de difficulté à entreposer et à transporter ces aides à la mobilité. Celles-ci sont comme un prolongement de la personne handicapée et, trop souvent, elles subissent des dommages pendant les déplacements.

L’OTC a pensé que le dialogue entre les intervenants pourrait permettre de trouver des solutions novatrices à ces défis. Ainsi, en juin 2018, nous avons mis sur pied un groupe de travail international composé de transporteurs, de l’IATA et d’autres associations de l’industrie, de fabricants d’aéronefs, de fabricants d’aides à la mobilité, de manutentionnaires au sol, d’organismes de réglementation et de groupes de défense des droits des personnes handicapées, et lui avons demandé d’examiner des options. Les délibérations de ce groupe ont donné lieu à un rapport final réfléchi, qui est publié sur le site Web de l’OTC et comprend quatre recommandations pratiques à mettre en œuvre à court terme :

l’élaboration d’un « passeport universel pour les aides à la mobilité » contenant des renseignements comme les dimensions de ces aides à la mobilité et la façon de les manipuler, que les voyageurs handicapés peuvent utiliser avec n’importe quel transporteur aérien;

la création d’une liste de vérification normalisée pour la manipulation des aides à la mobilité que le personnel de tous les transporteurs et des entreprises de manutention au sol peut utiliser;

des efforts ciblés pour améliorer les communications entre les passagers et les transporteurs au sujet des aides à la mobilité au moment de la réservation, avant le voyage et le jour du déplacement;

la préparation de documents de formation supplémentaires et normalisés à l’intention des agents de réservations, du personnel des transporteurs et des aéroports, et des manutentionnaires au sol.

L’IATA ainsi que d’autres représentants de l’industrie s’efforcent de mettre en œuvre ces recommandations, avec la participation continue de la communauté des personnes handicapées et de l’OTC. Parallèlement, les intervenants continuent de réfléchir aux options à plus long terme qui nécessiteraient des remaniements plus profonds, comme l’amélioration des méthodes de fixation dans les soutes, le réaménagement des soutes des nouveaux aéronefs, l’équipement de chargement spécialisé, et des aides à la mobilité mieux adaptées aux déplacements.

Il n’est pas étonnant de constater que certaines des innovations les plus prometteuses proviennent des personnes handicapées elles-mêmes, c’est-à-dire les personnes qui comprennent le mieux les obstacles auxquels elles font face et ce qu’il faut pour les éliminer.

Prenons, par exemple, Chieko Asakawa, qui détient un doctorat en génie et est aveugle depuis l’accident qu’elle a eu dans une piscine à l’âge de 14 ans. Elle a joué un rôle de premier plan dans l’élaboration des premiers programmes de synthèse vocale sur le Web et a reçu la Médaille d’honneur du Japon pour sa contribution exceptionnelle à la recherche sur l’accessibilité. Maintenant professeure à l’Université Carnegie Mellon et IBM Felllow, elle se consacre à l’élaboration de solutions en matière d’accessibilité, souvent grâce à l’intelligence artificielle. Parmi ces solutions, citons une valise qui fait retentir une alarme lorsqu’un voyageur est sur le point d’entrer en collision avec quelqu’un d’autre, et une application de navigation utilisant la technologie Bluetooth pour guider les voyageurs aveugles dans les aéroports vers les restaurants, les toilettes et les portes d’embarquement.

Ces types de technologies pourraient avoir un impact majeur sur la capacité des personnes aveugles, et d’autres personnes, de se déplacer librement et en toute sécurité dans des aérogares bondées. Lors d’une conférence TED inspirante, Mme Asakawa a expliqué l’importance de l’indépendance pour les personnes handicapées, affirmant ceci : [traduction] « mon objectif est de pouvoir voyager et faire des choses qui vous paraissent simples ».

Josh Wintersgill est un autre exemple de personne handicapée qui stimule l’innovation. Ce jeune homme de 25 ans, de Bristol, au Royaume-Uni, a reçu un diagnostic d’amyotrophie spinale à l’âge de 18 mois et se déplace en fauteuil roulant électrique depuis l’âge de 10 ans. Insatisfait de l’emploi qu’il occupait après ses études universitaires, il a décidé de lancer une entreprise axée sur la résolution du problème des déplacements inconfortables des passagers à mobilité très restreinte entre les fauteuils roulants et les sièges d’avion.

Il en a résulté le siège easyTravelseat, qui permet à ces passagers de demeurer dans le même siège pendant leur transfert de leur fauteuil roulant et vers celui-ci, ce qui accélère et facilite le processus pour tout le monde, le rend plus respectueux et offre une sécurité accrue en cas d’urgence. Cette innovation a valu à M. Wintersgill le prix Stelios pour les entrepreneurs handicapés au Royaume-Uni en 2018, et le premier prix South West Great British Entrepreneur of the Year en 2019.

Lorsqu’on lui a demandé ce que l’industrie pouvait faire pour faciliter le déplacement sécuritaire et respectueux des voyageurs entre les fauteuils roulants et les sièges, M. Wintersgill a répondu : [traduction] « Il n’y a aucune raison qui empêche l’adoption d’un processus international normalisé. À tout le moins, toutes les compagnies aériennes et tous les aéroports devraient disposer d’une certaine forme d’équipement de transfert approprié pour soulever les passagers. Cela assurerait une meilleure protection à la fois pour les passagers et pour les fournisseurs d’une aide spécialisée. »

L’harmonisation

Cela nous amène au deuxième facteur clé pour maximiser l’accessibilité du transport aérien : l’harmonisation.

La créativité, la persévérance et la collaboration entre les personnes handicapées, les chercheurs, les gouvernements et l’industrie peuvent se traduire par des percées spectaculaires qui éliminent les obstacles qui existent depuis longtemps dans le transport aérien. Mais la pleine valeur de ces percées peut être atteinte lorsqu’il existe une certaine uniformité des approches partout dans le monde.

L’harmonisation est bonne pour les passagers handicapés. Le transport aérien s’étend souvent au-delà des frontières, et il n’y a aucune raison pour qu’une personne handicapée reçoive un équipement et des services radicalement différents au point d’origine et à son lieu de destination. L’existence de droits multiples est la recette idéale pour semer la confusion et susciter la frustration. L’uniformité à l’échelle du réseau de transport permet une expérience plus harmonieuse et moins stressante.

L’harmonisation est également positive pour les transporteurs. L’obligation de suivre une multiplicité de règles qui diffèrent selon l’État peut être compliquée et coûteuse. L’uniformité simplifie le respect des règles et assure que celles-ci sont équitables.

Enfin, l’harmonisation est positive pour les décideurs. La nécessité de réinventer la roue pour chacune des administrations exige davantage de fonds publics et risque de susciter l’insatisfaction de nombreux intervenants. Des approches communes à l’échelle mondiale simplifient l’élaboration des politiques et augmentent la probabilité du soutien des intervenants.

La façon la plus simple d’améliorer l’harmonisation consiste à partager les pratiques exemplaires. C’est pourquoi le Canada dirige les travaux de l’OACI en vue de compiler un recueil de politiques et de pratiques en matière d’accessibilité du transport aérien provenant du monde entier. Ce recueil sera un outil unique que les transporteurs, les organismes publics et les personnes handicapées pourront utiliser pour améliorer l’accessibilité du transport aérien.

L’harmonisation peut également être favorisée par la publication de documents d’orientation et de recommandations élaborés conjointement par l’industrie, la communauté des personnes handicapées et les organismes de réglementation – comme l’a fait le groupe de travail international sur l’entreposage et le transport des aides à la mobilité.

Finalement, les normes et pratiques recommandées internationales adoptées par l’OACI contribuent à promouvoir l’harmonisation. L’annexe 9 de la Convention de Chicago contient déjà un ensemble de pratiques recommandées – numéros 8.27 à 8.40 – visant à assurer l’accessibilité dans les aéroports et à bord des avions. Il est important que les exploitants et les États connaissent et suivent ces pratiques, et que le texte de l’annexe 9 – comme celui de tous les instruments internationaux – soit revu périodiquement pour s’assurer qu’il reflète l’expérience cumulative, les leçons apprises et les changements technologiques.

Quelle que soit la stratégie, il vaut la peine de viser l’harmonisation, pourvu qu’elle favorise l’accessibilité. L’harmonisation ne devrait pas consister à passer au plus petit dénominateur commun, mais plutôt à appliquer de façon uniforme les pratiques exemplaires permettant d’éliminer les obstacles pour les voyageurs handicapés tout en tenant compte des réalités opérationnelles des transporteurs. La présente conférence est un pas important dans cette direction.

Conclusion

Avant de conclure, j’aimerais revenir à 2014, lorsque l’OACI a lancé l’initiative « Aucun pays laissé de côté ».

L’initiative était fondée sur l’idée que les vols devaient être uniformément sécuritaires partout dans le monde, que la mise en œuvre de normes et de pratiques recommandées devait être harmonisée, et que les pays ayant besoin d’aide pour atteindre ces objectifs devaient recevoir cette aide.

L’accessibilité repose sur les mêmes types de principes. Une grand-mère qui se déplace en fauteuil roulant devrait-elle être incapable de se rendre par avion au mariage de son petit-fils? Un père ayant des problèmes auditifs devrait-il être incapable de comprendre les exposés sur la sécurité en vol? Un collègue aveugle devrait-il rater sa correspondance parce qu’il est incapable de trouver sa porte d’embarquement?

Bien sûr que non.

En travaillant ensemble, nous pouvons faire en sorte que les personnes handicapées vivent des expériences de transport aérien qui sont aussi exemptes d’obstacles que possible.

En travaillant ensemble, nous pouvons faire croître le marché du transport aérien en assurant aux personnes handicapées que l’avion est une option sécuritaire et viable pour elles.

En travaillant ensemble, nous pouvons nous assurer non seulement qu’aucun pays n’est laissé de côté, mais aussi qu’aucune personne n’est laissée de côté.

Je vous remercie de votre attention.

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