Le président et premier dirigeant Scott Streiner s'adressant à l'Association des administrations portuaires canadiennes le 8 septembre 2016

Discours donné par le président et premier dirigeant, Scott Streiner, le 8 septembre 2016 au cogrès annuel de l'Association des administrations portuaires canadiennes à Thunder Bay

La version prononcée fait foi

Scott Streiner photo

Je suis ravi d’avoir aujourd’hui l’occasion de vous parler des rôles que remplit l’Office des transports du Canada pour assurer le bon fonctionnement du transport maritime et des mesures que nous prenons pour moderniser notre trousse d’outils.

L’histoire et la prospérité du Canada ‒ en fait, certains diraient son existence même ‒ sont étroitement liées au transport maritime.

Cela s’explique d’abord par sa géographie.

Trois océans bordent les côtes canadiennes, ce qui constitue le plus long littoral au monde.

Il a été crucial, à toutes les époques de l’histoire du Canada, d'assurer le transport de personnes et de marchandises sur les voies maritimes en utilisant les ports et les installations portuaires comme points de jonction entre la terre et les eaux. On n’a qu’à penser :

  • aux peuples autochtones qui se sont déplacés sur les lacs et les rivières pendant des millénaires pour faire des échanges, avant même que les Européens franchissent l’océan Atlantique;
  • aux barges de York qui ont transporté les fourrures qu’échangeaient les Autochtones et les communautés européennes après leur arrivée;
  • au plus d’un million d’immigrants débarqués au Quai 21 à Halifax pour commencer leur nouvelle vie;
  • au développement de la voie maritime du Saint-Laurent – le réseau de navigation en eau profonde le plus long au monde.

Actuellement, les navires de fort tonnage ont remplacé les canots et, au lieu des pelleteries, des cargaisons de millions de tonnes de marchandises de tout genre – passant de l’huile canola aux automobiles et du charbon aux ordinateurs – transitent dans les ports chaque année.

Tout comme le secteur du transport maritime et les ports se sont développés au rythme de l'évolution du Canada en tant que pays, l'Office des transports du Canada a évolué en réponse aux besoins du domaine du transport.

Mandat de l’Office

L’Office a été fondé en 1904 sous l’appellation de Commission des chemins de fer, ce qui fait de nous le plus ancien tribunal indépendant et organisme de réglementation au Canada.

Au cours de ses 112 années d’existence, l’Office a évolué en réponse à l'économie, aux priorités nationales et aux technologies.

L’Office remplit actuellement un mandat triple :

  • voir au bon fonctionnement et à l'efficacité du réseau national des transports;
  • protéger le droit fondamental des personnes ayant une déficience d'accéder aux services de transport;
  • offrir une protection aux voyageurs aériens.

Pour s’acquitter de ce triple mandat, l’Office dispose de trois outils :

  • l’établissement de règles de base sous forme de règlements exécutoires, et de lignes directrices, de codes de pratiques et de notes d’interprétation d’application volontaire;
  • le règlement des différends qui surviennent entre les fournisseurs de services de transport, d’une part, et leurs clients et voisins, d’autre part;
  • la communication de renseignements sur le réseau national des transports et les services que nous offrons.

L’Office exerce plusieurs rôles propres au transport maritime.

L’un de ces rôles, que beaucoup de vous connaissez, découle de la Loi sur le cabotage. Cette loi établit les restrictions et les conditions applicables à la prestation des services de transport maritime dans les eaux canadiennes au moyen de navires battant pavillon étranger.

Dans le cadre du processus d’examen des demandes sous le régime de cette loi, l’Office détermine si un navire canadien adapté est disponible – et dans le cas de transport de passagers, si un service maritime adéquat identique ou comparable est offert.

Chaque année, l’Office reçoit près de 100 demandes de licence de cabotage. Dans approximativement cinq cas, une offre d'un navire canadien est déposée auprès de l'Office, ce qui déclenche un processus décisionnel formel.

En application de plusieurs lois, nous intervenons également dans le règlement de différends dans le secteur du transport maritime, dont certains portent sur les droits exigés par les administrations portuaires.

Les plaintes relatives aux droits de pilotage peuvent aussi viser :

  • les administrations de pilotage;
  • la Corporation de Gestion de la Voie Maritime du Saint-Laurent;
  • la Corporation du Pont international de la voie maritime;
  • la société Les Ponts Jacques-Cartier et Champlain Inc.

En somme, le mandat conféré à l’Office en matière de règlement des différends dans chacun de ces cas est de faire en sorte que les droits exigés par les administrations qui exercent une emprise considérable sur le marché sont justes et raisonnables tout en leur permettant d'être autosuffisants.

Enfin, l'Office a des responsabilités relatives au mouvement de pétrole lorsqu'un état d'urgence est déclaré, de même qu'aux accords intra-conférence.

Tendances dans le transport maritime

Un nombre de vecteurs de changement affecte le transport maritime ainsi que vos activités et, par conséquent, les nôtres.

Parfois, les innovations qui génèrent un changement sont étonnamment simples, comme le recours à des conteneurs d’expédition.

Comme vous le savez peut être, l'avènement de la conteneurisation est redevable à un camionneur frustré. Alors que Malcolm McLean attendait que toutes les diverses marchandises transportées dans son camion soit chargées sur un navire, il s’est rendu compte qu'il y avait là perte de temps et d’argent.

À cette époque, un navire de charge pouvait passer autant de temps dans un port à être chargé ou déchargé qu’à faire route vers sa destination.

M. McLean s’est ensuite porté acquéreur d’une société de transport maritime. À l'aide d'un premier navire, il a assuré le transport de 58 conteneurs de Newark à Houston... il y a de cela quelque 60 ans. Le chargement des conteneurs a coûté seulement 16 cents la tonne, comparativement aux 5-6 $ par tonne qu'aurait engendré le chargement de marchandises à bord d'un vraquier standard.

Ce changement a permis une réduction de coûts et une amélioration de l’efficacité. Il a aussi favorisé la production juste à temps et la constitution de chaînes d’approvisionnement mondiales, que nous tenons maintenant pour acquises.

De fait, la recherche a révélé qu’à eux seuls, les conteneurs d’expédition ont stimulé la mondialisation plus que tous les accords commerciaux conclus au cours des 50 dernières années.

Aujourd’hui, les plus grands navires peuvent transporter des charges de plus de 19 000 EVP (conteneurs de vingt pieds).

L’élargissement du canal de Panama a récemment été achevé, doublant sa capacité, ce qui pourrait avoir des incidences sur le plan du transport de marchandises à l’échelle mondiale.

De plus en plus, le chargement et le déchargement des conteneurs sont effectués par des grutiers travaillant à distance, dans un bureau, et maniant des leviers pour commander jusqu’à trois grues à la fois.

Ces percées ont contribué à écourter les périodes d’inactivité, à accélérer les expéditions et à écologiser les activités : des facteurs qui ont à la fois influencé la mondialisation de la production et du commerce et subi ses effets.

De nouveaux accords commerciaux, comme l’accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne et, s’il est ratifié, le Partenariat transpacifique, accentueront ces tendances. Selon certaines estimations, l’AECG donnera lieu à une augmentation de 250 000 conteneurs par année dans les ports canadiens. De plus, il modifiera les limites de cabotage imposées par la Loi sur le cabotage en autorisant les navires immatriculés en Union européenne et battant son pavillon à transporter à des fins non commerciales des conteneurs vides entre les ports canadiens, à transporter le fret international entre les ports de Montréal et d'Halifax, et à offrir des services de dragage.

Cependant, les vents du changement ne soufflent pas tous dans la même direction.

Le Baltic Dry Index, qui suit les coûts du transport des marchandises en vrac et sert de baromètre de la vigueur économique, a atteint un creux record plus tôt cette année. Il s’est depuis en partie rétabli, mais cette chute signale le fléchissement et l’imprévisibilité de l’activité économique mondiale en général, particulièrement le transport maritime.

En passant, j’ai récemment appris l’historique de cet indice. En fait, il tire son nom d’un café à Londres que fréquentaient des marchands et des propriétaires de navire. Le café Virginia and Baltic a été nommé ainsi en raison de deux des marchandises les plus précieuses étant échangées à l’époque : le tabac de la Virginie et le suif des pays baltes.

Le transport maritime a toujours connu des hauts et des bas au gré du commerce international, et anticiper les besoins futurs est un jeu auquel on se fait toujours avoir. La capacité de la flotte mondiale a doublé entre 2010 et 2013, mais parce que l’économie mondiale demeure stagnante, la demande n’a pas progressé au même rythme.

Une solution a consisté à mettre des navires à la ferraille. Dans d’autres cas, les tarifs sont si faibles qu’ils créent des navires « zombie », dont le rendement couvre à peine les intérêts sur les créances des exploitants et non leurs investissements en capital.

Pour faire face à cette situation, des sociétés de transport maritime ont fusionné, tandis que d'autres ont contracté des alliances de vaste envergure, ont assumé d’énormes dettes... et, dans certains cas, ont fermé leurs portes. La mise sous séquestre de la société Hanjin la semaine dernière n’était que la plus récente et dénote la situation particulièrement inquiétante de l’industrie mondiale du transport maritime.

Donc, cette industrie bénéficie d’occasions considérables – que ce soit les nouveaux navires et les nouveaux marchés et les nouvelles technologies de pointe –, mais elle doit aussi surmonter de sérieuses épreuves. Nous devons tous surveiller de près les tendances.

Entre-temps, plus près de chez nous, les administrations portuaires du Canada doivent de plus en plus exploiter les ports en faisant preuve d’un degré élevé de transparence, favoriser la durabilité de l’environnement, et mobiliser les collectivités locales – tout en faisant face aux problèmes posés par les infrastructures vieillissantes ou inadéquates.

Bien sûr, il ne s’agit pas uniquement de défis financiers, mais aussi de défis sociaux.

De nombreuses villes se sont développées autour des ports que vous exploitez, et elles en dépendent toujours aujourd’hui. Comme la déférence traditionnelle des Canadiens a été remplacée par une assurance accrue, vos clients et vos voisins se font entendre davantage et n’hésitent pas à exprimer leurs préoccupations par rapport à des questions comme les prix, le bruit, la pollution et, en ce qui concerne les peuples autochtones, leurs droits territoriaux et de consultation. Il y va du succès durable des ports et de la prospérité du pays de répondre efficacement à ces préoccupations.

Toutes ces tendances – passant de l’expansion des navires et de la baisse des tarifs aux attentes en matière de reddition de compte – ont une incidence sur l'intérêt public et l’administration publique. L’Office doit suivre le rythme. Laissez-moi glisser quelques mots à ce sujet.

Réagir au changement

Restructuration

L’une de mes priorités quand j’ai assumé la charge de président et premier dirigeant était d’outiller l’Office pour qu’il puisse relever les défis devant lui.

Le 1er avril, une nouvelle structure organisationnelle a été mise en place pour concrétiser les trois objectifs suivants : le renforcement de la capacité dans les secteurs clés, l’amélioration de l’efficacité, et l’accent sur l’exécution.

Le but de cette restructuration est de :

  • regrouper les fonctions de nature stratégique dans la nouvelle direction générale de l’analyse et de la liaison;
  • clarifier la répartition des rôles dans les deux directions opérationnelles : l’une qui se concentre sur les décisions réglementaires et la conformité; et l’autre qui est chargée de régler les différends;
  • créer une équipe spécialisée dans la direction générale du règlement des différends, qui s’emploie à faciliter le règlement des différends dans les secteurs ferroviaire et maritime et à effectuer leur médiation.

Ces modifications renforceront l’agilité et l’engagement de l’Office – qui sont des éléments clés pour notre capacité d'exécuter efficacement notre mandat dans un environnement en évolution constante.

Modification législative

Il se peut également que des modifications soient apportées sur le plan de la législation.

Comme vous le savez, un rapport sur la Loi sur les transports au Canada a été déposé l’an dernier. Le ministre des Transports se penche actuellement sur les recommandations qui ont été formulées et prend part aux dernières discussions à ce sujet avec les intervenants.

L’Office s'engage à fournir au ministre et aux parlementaires tous les renseignements et toutes les analyses qui pourront leur être utiles.

De toute évidence, en tant qu’organisme principal chargé avant tout de l’application de la Loi sur les transports au Canada, l’Office peut formuler des observations sur ce qui fonctionne efficacement en ce moment, de même que sur ce qui ne fonctionne pas.

Parmi les démarches qui, selon nous et selon notre expérience doivent être examinées attentivement, il y a celles qui permettraient à l’Office :

  • de se pencher de sa propre initiative sur certains enjeux, surtout si un problème est évident;
  • de rendre des ordonnances générales pour régler les problèmes systémiques dans un secteur donné et assurer des conditions équitables;
  • de recueillir, d’analyser et d’échanger largement les données sur le rendement.

Initiative de modernisation de la réglementation

Mais ce n’est pas uniquement la législation qui doit être revue périodiquement. Il faut aussi le faire pour la réglementation. C’est pourquoi nous entreprenons un examen de l’ensemble des règlements qu’applique l’Office, dont certains n’ont pas été actualisés depuis plus de deux décennies.

Notre initiative de modernisation de la réglementation vise à faire en sorte que :

  • les dispositions réglementaires sont claires et conformes aux pratiques commerciales actuelles;
  • les obligations réglementaires imposées aux parties sont seulement aussi contraignantes que nécessaire pour l'atteinte des objectifs d'intérêt public;
  • les règlements mis à jour nous permettent de cerner facilement et de corriger les cas de non-conformité.

Notre calendrier est ambitieux : nous comptons achever les consultations auprès des intervenants et du public et rédiger de nouveaux règlements en 2017. Nous prévoyons obtenir l'approbation des règlements et les mettre en œuvre en 2018.

La plupart des règlements que nous examinons concernent plus directement les secteurs aérien et ferroviaire que le transport maritime. Cependant, des règlements touchent également certaines de vos activités – par exemple, ceux qui traitent des exigences en matière d’accessibilité à l’égard des passagers qui passent par vos installations.

De plus, d’autres intervenants pourraient demander l’élaboration de nouvelles dispositions réglementaires portant sur le transport maritime. Et, bien entendu, des changements plus généraux touchant le réseau national des transports peuvent avoir des incidences sur les ports, même si elles sont indirectes.

Je vous encourage donc à suivre notre initiative de modernisation et à communiquer vos commentaires sur toute option de réglementation.

Prestation de services de médiation

Je tiens aussi à vous encourager à avoir recours à nos services de règlement de différends.

L’Office dispose d’un éventail de mécanismes pour régler les différends touchant le réseau national des transports.

L’un de ces mécanismes est le processus décisionnel formel. Durant le processus décisionnel formel, les parties présentent des arguments et des preuves à une formation de membres de l’Office. Ces membres exercent comme des juges, prennent des décisions exécutoires sans appel, et possèdent tous les pouvoirs d’une cour supérieure.

Comme une cause en justice, le processus décisionnel formel peut prendre plusieurs mois, peut comporter des frais substantiels et peut avoir une incidence sur les relations. Il ne s’ensuit pas nécessairement que le processus décisionnel formel soit à éviter, mais il ne devrait pas être le premier recours envisagé en cas de différend entre des parties.

Des approches moins formelles et plus collaboratives peuvent aider à trancher les différends de façon plus rapide et créative. La médiation pourrait être l’un de nos mécanismes les plus puissants, mais elle est actuellement sous-utilisée.

La médiation peut servir, par exemple, à régler un problème mettant aux prises une administration portuaire et une compagnie de chemin de fer, avec le consentement des deux parties.

Les médiateurs spécialisés et impartiaux de l’Office appuient la recherche d’une solution qui satisfait les deux parties, qui répond à leurs besoins et qui réduit les frictions. Nos services de médiation sont gratuits, et toutes les discussions tenues au cours de la procédure de médiation sont strictement confidentielles – même si le différend n'est pas réglé et est soumis au processus décisionnel formel.

Mobilisation des intervenants

Les services de ce genre qu’offre l’Office ne sont pas connus de tous.

C’est pourquoi nous faisons des efforts pour augmenter notre visibilité. Nous voulons nous assurer que les intervenants, et le public, savent que l’Office existe et qu’il peut les aider.

Nos portes sont ouvertes et nous tenons à faire notre travail de façon impartiale, factuelle, innovatrice et engagée.

Conclusion                                

Comme Malcolm McLean qui attendait impatiemment que les marchandises transportées dans son camion soient transbordées à bord des navires, vous avez sans doute des observations à formuler sur les enjeux du réseau national des transports.

Si vous avez des suggestions susceptibles d'aider l’Office à assurer le bon fonctionnement du réseau, n’hésitez pas à m’en faire part.

J’espère que vous ferez connaître vos vues sur les moyens de moderniser notre réglementation. Je vous invite aussi à nous informer de toute question qui vous préoccupe.

Ensemble, nous pouvons favoriser la croissance du secteur maritime du Canada – même en période de turbulence – et contribuer à la prospérité et au bien‑être de la population canadienne. Comme à l’époque où un canot d’écorce de bouleau a évolué la première fois dans les eaux canadiennes, peut-être à un endroit non loin d’ici.

Je vous remercie de votre attention.

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