Le président et premier dirigeant Scott Streiner prononce un discours à L'Association canadienne des automobilistes le 4 juin, 2018

La version prononcée fait foi

S’envoler : Un aperçu du processus de création du Règlement sur la protection des passagers aériens

Quel plaisir que d’être à l’assemblée générale annuelle de l’Association canadienne des automobilistes, l’ACA, le plus important groupe de défense des droits des consommateurs dans le domaine des voyages!

Les êtres humains se sont toujours déplacés. En effet, plusieurs de nos meilleures histoires proviennent des voyages que nous osons faire au-delà de nos horizons familiers. Au VIIe siècle, le moine chinois Xuanzang a entrepris un pèlerinage de 17 ans pour découvrir les origines du bouddhisme et a écrit le premier récit de voyage au cours de cette odyssée. Au XIIIe siècle, Marco Polo, un marchand vénitien, a passé 24 ans à parcourir l’Asie avant de retourner à sa Venise natale pour documenter ses voyages alors qu’il languissait en prison. Au XIVe siècle, l’érudit marocain, Ibn Battuta, a voyagé dans le monde musulman et au-delà, visitant et écrivant sur ce qui constitue aujourd’hui 44 pays de la Chine au Mali. Au XVIIIe siècle, le navigateur et cartographe britannique, le capitaine James Cook, a fait deux fois le tour du monde en bateau, en cartographiant Terre-Neuve, Hawaï, la Nouvelle-Zélande et une grande partie de la région du Pacifique.

Et en 1926, la fille de 17 ans d’immigrants autrichiens juifs est partie de New York pour traverser les États-Unis en autostop. Un demi-siècle plus tard, elle a été parmi les premières à entrer en Chine après le dégel des relations amorcé par la visite de Richard Nixon à Mao Tsé-toung.

Cette femme était ma grand-mère, une voyageuse intrépide et une intellectuelle curieuse. Y a-t-il quelque chose qui lie le voyage de ma grand-mère en Chine, en 1970, au départ de Xuanzang de ce pays ou aux visites qui y ont fait Marco Polo, Ibn Battuta et le capitaine Cook des siècles plus tôt?

Je crois que la réponse est oui. Nous nous aventurons au-delà de nos villes et villages à cause du désir de découvrir des endroits différents et de nouvelles cultures, de la réalisation que nous apprenons souvent davantage sur nous-mêmes lorsque nous sommes dans des milieux nouveaux, du désir de voir sa famille et ses amis et des occasions de faire des affaires. Le voyage nous enrichit en nous emplissant d’expériences et d’intuitions et, aussi, comme l’observait Gustave Flaubert, plus modeste, parce que nous constatons la petitesse de l’espace que nous occupons dans le monde.

Voyager dans ce pays et autour du globe n’a jamais été aussi facile. À peine 115 ans après le premier décollage de la machine volante des frères Wright à Kitty Hawk, le vol des humains a réduit ce qui aurait exigé des mois de voyage sur un gros navire de bois à quelques heures dans un tube métallique traversant le ciel à toute vitesse. Ce qui était naguère l’étoffe des rêves est passé de la merveille à un luxe, puis à un événement quotidien.

Les vols sont plus sûrs, moins nombreux et moins coûteux en dollars réels que jamais auparavant. Les profits des compagnies aériennes dépassent maintenant les 60 milliards de dollars par année, avec des marges de 15 pour cent en Amérique du Nord, grâce à des facteurs de charge records et à la stabilité des prix du carburant et des frais connexes. L’an dernier, les gens ont embarqué et débarqué des avions 140 millions de fois au Canada. Les voyages en avion sont devenus une partie aussi intégrale de la vie moderne que les téléphones cellulaires et l’Internet.

La plupart du temps, nos vols sont sans accident et s’estompent rapidement de notre mémoire. Mais lorsque quelque chose va de travers, cela peut être très frustrant. C’est en partie parce que nous sentons que nous avons très peu de contrôle sur les événements et peu d’information sur leurs raisons d’être. C’est aussi en partie parce que nous ne sommes pas certains de nos droits ni ne savons vers qui nous tourner pour obtenir des explications et des recours.

Aujourd’hui, je souhaite parler des démarches que l’Office des transports du Canada, l’OTC, prend pour aider à régler ces questions, et obtenir vos commentaires et votre soutien.

L'Office des transports du Canada

L’OTC est le plus vieil organisme autonome de réglementation et tribunal expert au Canada. Il a été créé sous le nom de Commission des chemins de fer du Canada, le 1er février 1904, tout juste 45 jours après l’évènement de Kitty Hawk, bien qu’il faudra encore 34 ans avant que sa compétence soit élargie au transport aérien.

À titre d’organisme de réglementation et de tribunal expert, l’OTC travaille indépendamment du gouvernement. Il est composé de membres, des décideurs-experts nommés par le gouverneur en conseil, soutenus par 250 fonctionnaires professionnels.

Aujourd’hui, l’OTC a trois mandats de base : veiller à ce que le réseau national de transport fonctionne de manière efficace et harmonieuse, protéger le droit fondamental des personnes ayant une déficience à un réseau de transport accessible, et offrir aux voyageurs aériens un régime de protection du consommateur.

Un nouveau cadre législatif

Nous avons obtenu un nouvel outil pour faire progresser le troisième de ces mandats lorsque le projet de loi C-49 a reçu la sanction royale, le 23 mai dernier, après une délibération et un débat parlementaires d’un an. Pour la première fois, l’OTC sera en mesure de créer un règlement qui établira un ensemble commun d’obligations des compagnies aériennes envers les passagers.

Jusqu’à maintenant, les conditions de transport des compagnies aériennes étaient établies exclusivement dans des documents appelés tarifs que les compagnies aériennes rédigeaient elles-mêmes. Le rôle de l’OTC consiste à traiter les plaintes selon lesquelles les compagnies aériennes ne respectent pas leurs propres tarifs et, dans certains cas, d’examiner si les conditions des tarifs sont raisonnables.

La démarche fondée sur les tarifs et les plaintes a produit certaines améliorations à l’égard des droits des passagers grâce aux décisions formelles de l’OTC, mais en bout de ligne, elle s’est avérée inadéquate tant pour les voyageurs que pour l’industrie qui a besoin de prévisibilité et de règles du jeu équitables. Comme il était indiqué dans le rapport de 2015 de l’Examen de la Loi sur les transports au Canada dirigé par David Emerson, « ce système produit des résultats sous optimaux et fragmentaires pour l’industrie, les consommateurs et l’organisme de réglementation même [...] le statu quo est intenable ».

Le gouvernement et le Parlement reconnaissent qu’il faut plus que des tarifs et c’est pourquoi ils ont apporté et présenté les modifications récentes à la Loi sur les transports au Canada. Plusieurs autres compétences, y compris l’UE et les É.-U., ont une réglementation qui précise les responsabilités des compagnies aériennes envers les passagers. Il est temps que le Canada crée un règlement qui tient compte des leçons apprises dans d’autres pays, des valeurs et de la nature des voyages aériens au Canada.

Le travail de l’OTC est de préparer ce règlement.

Principes directeurs

Ce travail sera guidé par quatre objectifs principaux établis en novembre 2016 à partir de notre expérience d’administrateur principal de la Loi sur les transports au Canada.

  • Le premier est la clarté. Les obligations des compagnies aériennes devraient être décrites de façon concise et en langage clair, et non en texte juridique et bavard difficile à déchiffrer.
  • Le deuxième rôle est la transparence. Les passagers devraient obtenir des renseignements pertinents sur leurs droits et pouvoir trouver ces renseignements facilement sans devoir cliquer à travers une multitude de pages ou feuilleter de longs documents.
  • Le troisième objectif est l’équité. Les normes minimales de traitement et d’indemnisation établies en vertu du règlement devraient tenir compte du sens canadien de ce qui est juste et raisonnable dans différentes circonstances, tout en respectant les réalités opérationnelles des compagnies aériennes.
  • Le dernier objectif est la cohérence. Les voyageurs qui connaissent les mêmes difficultés devraient avoir droit au même traitement minimal, sans égard à la compagnie aérienne avec qui ils font affaire. Un ensemble de règlements exécutoires fera beaucoup pour l’atteinte de ce résultat, mais bien sûr, rien n’oblige une compagnie aérienne à s’en tenir à ce plafond si elle veut rehausser sa proposition sur un marché compétitif.

Même avant que le Parlement accorde à l’OTC le pouvoir de faire des règlements, nous prenions des mesures pour atteindre nos buts :

  • Dès l’automne 2016, nous avons demandé aux dirigeants des cinq plus grandes compagnies aériennes du pays d’afficher le résumé succinct en langage clair de leurs tarifs dans des endroits bien en vue sur leur site Internet et d’utiliser les magazines de bord et le système de divertissement pour informer les passagers de leurs droits.
  • Nous avons utilisé le pouvoir d’« agir de notre propre initiative » en matière de transport aérien international pour lancer une enquête sur les services de SkyGreece qui était au bord de la faillite, en 2015, sur les retards sur l’aire de trafic d’Air Transat à Ottawa en 2017 et sur les interruptions de vols de Sunwing à Toronto et à Montréal en avril dernier.
  • Depuis l'automne 2016, nous avons lancé de modestes efforts d’information publique pour sensibiliser les voyageurs aériens à leurs droits et à l’existence des recours par l’intermédiaire de l’OTC sur les questions qu’ils n’arrivent pas à régler directement avec les compagnies aériennes. Ces efforts ont contribué à une hausse vertigineuse du nombre de plaintes relatives au transport aérien que nous recevons, soit d’environ 800 par année de 2013 à 2015 aux 6 000 reçues l’an dernier.
  • Nous avons fait en sorte que notre processus de règlement des différends soit aussi simple et efficient que possible en créant un formulaire de plainte en ligne facile à utiliser et en ayant recours à la facilitation et à la médiation informelles pour régler plus de 95 pour cent des plaintes relatives au transport aérien.

Nous miserons sur cette expérience alors que nous développons le nouveau règlement sur la protection des passagers aériens. Ce règlement établira la façon dont les compagnies aériennes doivent communiquer à leurs passagers leurs droits et les recours dont ils disposent. Il établira les normes minimales de traitement, et dans certains cas, d’indemnisation, si votre vol est annulé ou retardé, si on vous refuse l’embarquement, si vos bagages sont perdus ou endommagés, si votre vol attend sur l’aire de trafic pendant plus de trois heures ou si vous voyagez avec des enfants qui doivent être assis près de vous. Et il exigera que les tarifs comportent les conditions de transport des instruments de musique.

Il y a beaucoup de chemin à faire. Nous savons que, compte tenu du haut niveau d’intérêt pour les questions de voyage aérien, les Canadiens veulent avoir leur mot à dire sur ce règlement, et ils veulent aussi que les nouvelles règles entrent en vigueur sans retard indu.

Pour répondre à ces attentes, nous avons lancé un processus de consultation complet lundi dernier, quelques jours seulement après l’entrée en vigueur des modifications à la Loi sur les transports au Canada. Ce processus durera trois mois et offrira aux gens de multiples voies pour partager leurs idées. Nous avons monté un site Internet dédié — protectionpassagersaeriens.ca — qui présente un document de travail, un questionnaire convivial et un lien pour envoyer les présentations écrites. Nous ferons des sondages dans les aéroports à travers le pays et nous nous assoirons avec les principaux intervenants, y compris l’ACA. Nous tiendrons des séances de consultation publique à Toronto le 14 juin, à Vancouver, Calgary et Yellowknife pendant la semaine du 18 juin, à Winnipeg, Montréal, et Halifax pendant la semaine du 25 juin et à Ottawa pendant la semaine du 3 juillet. Nous organiserons également une tribune téléphonique pendant la première semaine de juillet pour toute personne qui souhaite faire des commentaires verbaux et qui ne peut assister à l’une des séances en personne.

Entrer dans les détails

C’est la première fois qu’on demande aux Canadiens de commenter les détails du règlement sur la protection des passagers aériens. Jusqu’à maintenant, la discussion était axée sur les concepts larges et non sur les détails. Permettez-moi de décrire quelques scénarios que le règlement couvrira et le type d’enjeux qu’ils soulèvent.

Considérons les retards et les annulations des vols. Nous savons tous comment on se sent lorsque l’heure de départ prévue de notre vol indiquée à l’écran de l’aéroport est sans cesse remise à plus tard ou lorsque nous ratons une correspondance parce que notre vol a décollé en retard. La loi prévoit que le nouveau règlement doit établir la norme minimale de traitement et l’indemnisation minimale lorsque ce genre de situations relève du contrôle d’une compagnie aérienne, établit la norme minimale de traitement si elles relèvent du contrôle d’une compagnie aérienne mais qu’elles sont dues à des raisons de sécurité, et oblige la compagnie aérienne à s’assurer que les passagers complètent leur itinéraire si elles échappent au contrôle de la compagnie aérienne. Nous demandons aux Canadiens leur avis sur ce que devrait être la norme minimale de traitement et d’indemnisation. À quelle fréquence la compagnie aérienne devrait-elle actualiser l’information? Quel genre de responsabilité la compagnie aérienne devrait-elle assumer pour la nourriture, l’eau et les accommodements? Comment la longueur du retard devrait-elle influencer les normes de traitement requises? Lorsqu’une indemnisation s’impose, l’échelle mobile de 250 à 600 euros de l’UE est-elle un bon point de repère?

Une situation à laquelle on porte une attention particulière est le refus d’embarquement en raison de surréservation qui relève du contrôle de la compagnie aérienne. Les gens sont très frustrés lorsqu’ils arrivent à l’enregistrement avec une réservation confirmée pour découvrir qu’ils ont été déplacés à un prochain vol sans leur consentement parce la compagnie aérienne, qui compte sur un certain nombre d’absences, a vendu plus de réservations qu’il y a de sièges dans l’avion. Alors nous nous nous pensons sur la questions de savoir si l’indemnisation minimale dans un tel cas devrait être particulièrement élevée, ce qui inciterait les compagnies aériennes à travailler dur pour trouver des volontaires disposés à prendre un vol ultérieur. Une personne qui prend une année de congé sera peut-être heureuse d’attendre quelques heures en échange d’une indemnisation qui couvrirait une grande partie du coût de son billet, ce qui éviterait de devoir déplacer une personne âgée qui s’en va à la collation des grades de son petit-fils ou un athlète en route vers une compétition importante.

Et qu’arrive-t-il si le bagage de cette personne âgée est perdu et qu’elle doit s’acheter un costume neuf pour le grand événement? Ou si les skis de l’athlète sont endommagés? À quelle indemnité devraient-ils avoir droit?

Et si l’avion de la personne en année de congé est retardé sur l’aire de trafic pendant deux ou trois heures? À quel point la compagnie aérienne devrait-elle être obligée de la laisser débarquer de l’avion avec les autres passagers?

Et qu’en est-il si l’athlète voyage avec son fils de 8 ans et qu’ils veulent être assis ensemble? La compagnie aérienne devrait-elle être tenue de leur donner des sièges voisins l’un de l’autre? Dans la même rangée? À quelques rangées de distance?

C’est là le genre de questions que nous posons au public, aux groupes de consommateurs, aux compagnies aériennes et aux autres parties intéressées dans le cadre de nos consultations.

Prochaines étapes

L’ACA fera certainement une contribution importante. Vous préconisez depuis longtemps une meilleure protection des passagers aériens et vous êtes les mieux placés pour comprendre les besoins des voyageurs. Mais outre vos conseils sur le règlement, nous serions ravis d’obtenir votre aide dans la diffusion de notre message.

Le processus de consultation a démarré sur les chapeaux de roue : pendant la semaine depuis son lancement, plus de 2 000 personnes ont visité protectionpassagersaeriens.ca et près de 1 000 personnes ont rempli notre questionnaire. Nous voulons miser sur cette lancée et écouter le plus grand nombre de Canadiens possible dès maintenant jusqu’à la fin du mois d’août. Le réseau sans pareil de clubs, de boutiques, de publications et de ressources en ligne de l’ACA peut contribuer à assurer que les gens savent que c’est pour eux l’occasion de façonner le règlement sur la protection des passagers aériens au Canada.

Une fois les consultations terminées, nous passerons le plus rapidement possible à l’élaboration du règlement qui exigera ensuite l’approbation de l’OTC et du gouverneur en conseil (en pratique, le comité du Cabinet du Conseil du Trésor). Puisque les consultations commencent à peine et que certaines de ces questions sont complexes, il est impossible de dire avec exactitude le temps qu’il faudra pour élaborer et approuver le règlement, mais le ministre des Transports et moi avons déclaré qu’il devrait s’agir de mois et non d’années.

Une fois le règlement en vigueur, notre attention se tournera vers la sensibilisation des passagers et la conformité des compagnies aériennes. Cela impliquera une combinaison d’initiatives d’information du public, de traitement efficient et efficace des plaintes et de contrôle proactif de la conformité avec le règlement et de son application, y compris l’imposition de sanctions administratives pécuniaires le cas échéant et au besoin. Les consultations et la rédaction du règlement ne sont donc que le début. L’OTC ne quittera pas la cible des yeux à long terme alors qu’il travaille à renforcer la protection des passagers aériens au Canada.

Conclusion

Alors que j’entreprends de conclure, je devrais sans doute souligner le point, peut-être évident, que toutes les expériences de voyage ne peuvent être réglées par un règlement. Al Gore a noté que « le voyage par avion est le moyen que la nature prend pour vous faire ressembler à votre photo de passeport ». En toute justice, je dois vous mettre en garde que même lorsque le règlement sera en vigueur, vous ne devriez peut-être pas prendre le risque de vous regarder dans le miroir immédiatement après un vol de 15 heures entre Vancouver et New Delhi!

Cela dit, le règlement peut vraiment changer les choses. L’esprit d’aventure des humains continuera de nous faire voyager dans le ciel. Alors que les Canadiens prennent l’avion pour explorer de nouveaux endroits, pour voir leur famille et leurs amis ou pour faire des affaires, et alors que les compagnies aériennes vendent et exploitent ces vols, un ensemble de règles de base claires, transparentes, équitables et cohérentes sera avantageux pour tous.

Nous sommes impatients d’entendre l’ACA pendant la période de consultation. Nous sommes impatients d’entendre les Canadiens d’un océan à l’autre. Nous écoutons attentivement. Et nous avons à cœur d’obtenir des résultats concrets.

Je vous remercie de votre attention.

Date de modification :