Protection des passagers aériens durant et après la pandémie

par Scott Streiner, président et premier dirigeant, Office des transports du Canada (Hill Times, 2020-11-16)

L’effondrement mondial du transport aérien causé par la pandémie de COVID-19 est sans précédent depuis les tout débuts de l’aviation commerciale internationale, il y a près d’un siècle. De nombreux passagers ont vécu de la frustration, et l'impossibilité d'obtenir un remboursement pour des vols annulés en a exaspéré certains. Pendant ce temps, les compagnies aériennes ont réduit leurs activités, remisé des aéronefs, et mis à pied des milliers d’employés.

Tout cela s’est produit quelques mois à peine après l’entrée en vigueur du nouveau Règlement sur la protection des passagers aériens (RPPA) dans son intégralité, le 15 décembre 2019.

Le RPPA a été pris par l’Office des transports du Canada (OTC) – un tribunal quasi judiciaire indépendant et organisme de réglementation – conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés par le Parlement. Le RPPA établit les obligations minimales des compagnies aériennes envers les passagers pour une série de préoccupations communes, dont les communications, les retards sur l’aire de trafic, les perturbations de vol, le refus d’embarquement, la perte de bagages, et l’attribution de sièges de manière à ne pas séparer les familles.

Bien sûr, c’est d’abord à la question des perturbations de vol que les gens pensent depuis le mois de mars. Conformément au cadre législatif, les droits des passagers au titre du RPPA en cas de retard ou d’annulation de vol varient selon que la situation est entièrement attribuable à la compagnie aérienne, lui est attribuable, mais nécessaire par souci de sécurité, ou est indépendante de sa volonté.

Pour les retards et les annulations qui entrent dans la première catégorie, les compagnies aériennes doivent verser une indemnité pour inconvénients aux passagers qui arrivent à destination trois heures ou plus après l’heure prévue. Pour les première et deuxième catégories, les passagers ont notamment droit, selon les circonstances, à de la nourriture, des boissons ou un hébergement, et – ce qui revêt un intérêt particulier dans les circonstances actuelles – à un remboursement si les vols sont annulés et que la nouvelle réservation ne répond pas à leurs besoins.

Pour la troisième catégorie, toutefois – c’est-à-dire lorsqu’un vol est retardé ou annulé pour des raisons indépendantes de la volonté d’une compagnie aérienne –, les textes législatifs ne permettent d’inclure qu’une seule obligation dans le RPPA pour les compagnies aériennes : celle de s’assurer que les passagers arrivent à destination. La loi a peut-être été conçue de cette manière parce qu’au moment de son adoption, on prévoyait que les perturbations indépendantes de la volonté des compagnies aériennes seraient localisées et de courte durée. Quoi qu’il en soit, l’OTC fonctionne selon les pouvoirs et les ressources que lui accorde le Parlement.

Outre le RPPA, les passagers ont des droits définis dans les tarifs propres aux compagnies aériennes – à savoir les contrats de transport qui établissent leurs conditions de service. Les tarifs traitent de questions autres que celles prévues par le RPPA, et la compagnie aérienne peut aussi, si elle le souhaite, offrir des conditions plus avantageuses que le RPPA. Par exemple, un tarif pourrait prévoir un remboursement dans le cas d’annulations pour des raisons indépendantes de la volonté de la compagnie aérienne, en particulier lorsque les passagers payent un supplément pour un billet remboursable.

Si les passagers estiment qu’une compagnie aérienne n’a pas respecté le RPPA ou son tarif et n’arrivent pas à régler la question directement avec la compagnie aérienne, ou s’ils jugent que les conditions du tarif ne sont pas raisonnables, ils peuvent déposer une plainte auprès de l’OTC. Nous traitons toutes les plaintes selon leur bien-fondé.

Au cours des 11 derniers mois, les Canadiens ont déposé un nombre record de plaintes. Environ 11 000 l’ont fait dans les trois mois qui séparent le jour de la pleine entrée en vigueur du RPPA et la mi-mars, lorsque la pandémie a plongé l’industrie du transport aérien dans la tourmente. Quelque 10 000 autres personnes ont déposé des plaintes depuis. À titre de comparaison, l’OTC a reçu seulement 800 plaintes durant toute l’année 2015. Une hausse aussi marquée du nombre de plaintes est du jamais vu, ou presque, pour un tribunal. Par souci d’équité, l’OTC traite généralement les plaintes selon le principe du premier arrivé, premier servi.

Environ 3 000 des plaintes déposées dans les premiers mois suivant l’entrée en vigueur du RPPA allèguent que les compagnies aériennes n’ont pas respecté leurs obligations en matière de communication prévues par le RPPA. L’OTC a lancé une vaste enquête pour examiner ces allégations, et a récemment publié le rapport de l’enquêteur chargé de recueillir des éléments de preuve les concernant.

En outre, même s’ils font du télétravail depuis le début de la pandémie, les fonctionnaires dévoués de l’OTC ont traité des milliers d’autres plaintes grâce à des services informels efficaces de facilitation et de médiation, évitant ainsi le recours à un processus décisionnel plus formel. Moins de 2 % des plaintes que nous avons à traiter sont antérieures au 15 décembre 2019, et 1 % des plaintes seulement doivent être réglées au moyen du processus décisionnel formel.

Grâce à ces efforts, nous serons bientôt en mesure de commencer à traiter les plaintes déposées après le début de la pandémie, dont la moitié concernent des remboursements pour des vols annulés. Il est possible que certaines des plaintes liées à des remboursements soient réglées rapidement, si les négociations sur l’aide financière récemment annoncées entre le gouvernement et les compagnies aériennes se soldent par l’émission de plus de remboursements. Ce qui serait, bien sûr, une bonne nouvelle pour les passagers. Nous suivrons de près l’évolution de la situation et communiquerons avec chacun des plaignants pour vérifier s’ils ont reçu un remboursement ou s’ils veulent toujours que l’OTC se penche sur leur cas.

À l’avenir, il faudra envisager d’augmenter les obligations minimales des compagnies aériennes dans les cas où des vols sont perturbés pour des raisons indépendantes de leur volonté, de manière à s’assurer qu’aucun passager ne risque plus de perdre la valeur d’un vol annulé lorsqu’une réservation ne répond pas à ses besoins. Si le pouvoir de modifier le RPPA pour faire face à ces situations est conféré à l’OTC, nous agirons rapidement.

Cette période a été difficile pour les passagers et les compagnies aériennes , mais des jours meilleurs nous attendent. Tôt ou tard, les conditions permettront à un nombre croissant de Canadiens de prendre l’avion. Pendant et après la pandémie, le RPPA sera là pour protéger les voyageurs – et l’OTC continuera de s’assurer que ses exigences sont comprises et respectées.

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