Décision n° 10-A-2010

le 13 janvier 2010

le 13 janvier 2010

DÉCISION FINALE en ce qui a trait à une demande de Sunwing Airlines Inc. pour la prise d'une décision au sujet de la part de propriété canadienne relativement à l'acquisition proposée par TUI Canada Holdings Inc. d'un intérêt de 49 pour cent dans sa société mère, Sunwing Travel Group Inc.

Référence no M4161/S527-4-2


CONTEXTE

[1] La Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 (LTC) prescrit que les transporteurs aériens titulaires d'une licence intérieure et de certaines licences internationales délivrées par l'Office des transports du Canada (Office) doivent être Canadiens au sens de l'article 55 de la LTC. Il s'agit là d'une exigence importante à laquelle les transporteurs doivent se conformer en tout temps.

[2] Sunwing Airlines Inc. (Sunwing Airlines), par lettre du 5 octobre 2009, a demandé à l'Office des transports du Canada (Office) une décision à savoir si la réorganisation proposée de sa société mère Sunwing Travel Group Inc. (STGI) ferait en sorte que Sunwing Airlines serait toujours considérée comme étant canadienne au sens du paragraphe 55(1) de la LTC.

[3] Dans le cadre de la réorganisation proposée, TUI Travel PLC (TUI UK), par l'entremise de sa filiale, nouvellement formée, TUI Canada Holdings Inc. (TUI), propose d'acquérir 25 pour cent des intérêts avec droit de vote et une participation de 49 pour cent dans STGI. TUI transfèrerait aussi ses activités canadiennes, First Choice Canada Inc. (FCCI), à STGI. STGI fusionnerait ensuite FCCI avec Red Seal Tours Inc. exerçant son activité sous le nom de Sunwing Vacations. Sunwing Airlines resterait une filiale séparée détenue en propriété exclusive par STGI. TUI UK et TUI ne sont pas canadiennes au sens du paragraphe 55(1) de la LTC.

[4] Skyservice Airlines Inc. (Skyservice), dans une lettre datée du 10 novembre 2009, a demandé qu'on lui permette de participer en tant qu'intervenant. L'Office a accordé à Skyservice le statut d'intervenant avec des droits de participation limités au dépôt de sa demande d'intervenant, ainsi qu'aux documents soumis à l'appui de celle-ci.

[5] Après avoir examiné la demande et l'intervention, l'Office, dans une lettre datée du 23 décembre 2009, qui comprend une annexe confidentielle, a soulevé des questions et des préoccupations au sujet de la transaction proposée et a accordé à Sunwing Airlines une période de 30 jours pour répondre.

[6] Sunwing Airlines a répondu à la lettre de l'Office dans une lettre confidentielle datée du 28 décembre 2009, fournissant des modifications et des clarifications (mémoire du 28 décembre 2009).

OBSERVATION PRÉLIMINAIRE

[7] Dans le cadre de son mémoire du 28 décembre 2009, Sunwing Airlines a présenté une requête demandant à l'Office de rendre une décision définitive sur sa demande le plus rapidement possible avant le 15 janvier 2010.

[8] Conformément à l'article 29 de la LTC, l'Office doit rendre une décision sur toute affaire dont il est saisi avec toute la diligence possible. De plus, en vertu de l'article 47 des Règles générales de l'Office des transports du Canada, DORS/2005-35, l'Office doit rendre sa décision sur la demande le plus tôt possible après la clôture des actes de procédures.

[9] Dans le cas présent, l'Office a déjà reconnu dans sa décision accordant à Skyservice un statut d'intervenant limité que la demande de Sunwing Airlines était pressante.

[10] À la lumière de ce qui précède et considérant que l'Office a rendu cette décision conformément à ces dispositions, l'Office considère que la question est théorique et conclut donc qu'il n'est pas nécessaire de se prononcer sur la requête de Sunwing Airlines.

EXIGENCE D'EXAMEN DE LA PROPRIÉTÉ ET DU CONTRÔLE CANADIENS

[11] Au sens du paragraphe 55(1) de la LTC, « Canadien » désigne un « citoyen canadien ou résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés; la notion englobe également les administrations publiques du Canada ou leurs mandataires et les personnes ou organismes, constitués au Canada sous le régime de lois fédérales ou provinciales et contrôlés de fait par des Canadiens, dont au moins soixante-quinze pour cent &mdash ou tel pourcentage inférieur désigné par règlement du gouverneur en conseil &mdash des actions assorties du droit de vote sont détenues et contrôlées par des Canadiens. »

[12] Afin d'être canadienne, selon la définition du paragraphe 55(1) de la LTC, Sunwing Airlines doit d'abord être constituée en vertu des lois du Canada ou d'une province. Deuxièmement, au moins 75 pour cent de ses actions assorties d'un droit de vote doivent être détenues et contrôlées par des Canadiens. Troisièmement, le transporteur doit être contrôlé de fait par des Canadiens.

[13] Puisque Sunwing Airlines serait toujours la propriété exclusive de STGI dans le cadre de la transaction proposée, STGI doit aussi se conformer aux trois exigences susmentionnées pour que Sunwing Airlines puisse rester canadienne.

EXIGENCE DE CONSTITUTION EN PERSONNE MORALE ET D'INTÉRÊT AVEC DROIT DE VOTE

[14] L'Office est convaincu que si la réorganisation proposée devait avoir lieu comme prévu, Sunwing Airlines et STGI respecteraient l'exigence d'être constituée en personne morale en vertu des lois du Canada ou d'une province.

[15] L'exigence d'intérêt avec droit de vote nécessite qu'au moins 75 pour cent des actions assorties d'un droit de vote de Sunwing Airlines et de STGI soient détenues et contrôlées par des Canadiens. L'Office conclut que 2157565 Ontario Inc. (Hunter Holdco ou l'actionnaire canadien), qui est la propriété de Colin Hunter, un Canadien, par l'entremise de plusieurs sociétés, détiendrait et contrôlerait en définitive 75 pour cent des actions assorties d'un droit de vote de STGI. À son tour, STGI serait toujours propriétaire à 100 pour cent de Sunwing Airlines. Le 25 pour cent restant des actions assorties d'un droit de vote de STGI seraient détenues par TUI, une entreprise non canadienne. L'Office est satisfait que si la réorganisation proposée devait avoir lieu comme prévu, au moins 75 pour cent des actions assorties d'un droit de vote seraient détenues et contrôlées par des Canadiens.

EXIGENCE VISANT LE CONTRÔLE DE FAIT

[16] Le contrôle de fait est généralement considéré par l'Office comme le pouvoir ou la capacité, qu'ils soient ou non exercés, de déterminer ou de décider d'activités de prise de décision stratégique d'une entreprise. Il est aussi considéré comme la capacité de gérer ou de diriger les activités quotidiennes d'une entreprise. Les actionnaires minoritaires et leurs directeurs désignés ont normalement la capacité d'influer sur une entreprise, comme bien d'autres, tels que les banquiers et les employés. Cependant, l'influence, qui peut être exercée de façon positive ou négative au moyen du droit de veto, doit être dominante ou déterminante pour qu'elle puisse se traduire en un contrôle de fait.

[17] Lorsqu'il détermine où s'exerce le contrôle de fait, l'Office examine avec minutie toutes les activités réelles et proposées et les relations entre les divers actionnaires et entre les actionnaires et l'entreprise dont la propriété est sous examen. Tous les apports financiers, opérationnels et de gestion actuels et proposés sont étudiés. L'intention et la capacité des actionnaires à influencer et à contrôler sont étudiées. Les accords, comme les conventions d'actionnaires et les contrats commerciaux entre les actionnaires et l'entreprise ont une importance particulière.

[18] L'analyse de l'Office en ce qui a trait au contrôle de fait se concentre sur STGI, puisqu'il s'agit de l'entreprise concernée principalement dans la réorganisation proposée. Si on concluait que STGI n'était pas contrôlée par des Canadiens, alors Sunwing Airlines, en tant que filiale en propriété exclusive, serait considérée comme n'étant pas canadienne. Sunwing Airlines ne participe pas à la réorganisation, autre que par l'entreprise de sa société mère, STGI.

[19] L'Office, dans son analyse, s'est particulièrement concentré sur les questions suivantes :

  • le quorum aux assemblées des actionnaires;
  • la composition du conseil d'administration et le quorum aux réunions des directeurs;
  • les décisions clés nécessitant l'approbation du conseil;
  • la distribution des bénéfices aux actionnaires;
  • les questions nécessitant le vote affirmatif des actionnaires (droits de veto);
  • l'intention et la capacité des actionnaires d'influencer et de contrôler.

Quorum aux assemblées des actionnaires

[20] La convention unanime des actionnaires prévoit, pour une assemblée des actionnaires, que le quorum devra être d'au moins une personne présente et détenant ou représentant par procuration valide au moins 80 pour cent des actions en circulation avec droit de vote à cette assemblée. Cela garantit, en raison de la structure de propriété de la STGI, que les résolutions aux assemblées des actionnaires nécessitent le vote affirmatif de l'actionnaire canadien avant qu'elles puissent être adoptées.

Composition du conseil d'administration et quorum aux réunions des directeurs

[21] L'actionnaire canadien est autorisé à nommer la majorité des directeurs qui doivent eux-mêmes être Canadiens. Il est aussi prévu qu'en tout temps, la majorité des membres du conseil devront être des résidents du Canada et des citoyens canadiens. L'Office signale également que le quorum pour une réunion des directeurs nécessitera que la majorité des directeurs présents aient été nommés par l'actionnaire canadien.

Décisions clés nécessitant l'approbation du conseil

[22] L'Office considère qu'un plan d'activités et la nomination de cadres supérieurs sont des éléments stratégiques importants de l'exploitation d'une entreprise.

[23] La capacité de contrôler et d'influencer l'élaboration du plan d'activités est un indicateur important afin de savoir qui exerce le contrôle de fait. L'Office note que la direction devra préparer le plan d'activités annuel et que le conseil devra l'approuver.

[24] La capacité d'embaucher ou de nommer les membres de la haute direction de l'entreprise est un indicateur déterminant qui exerce le contrôle de fait. L'Office constate que l'actionnaire canadien, par l'entremise du conseil, a la capacité de contrôler la haute direction de STGI et de Sunwing Airlines. L'Office note que la haute direction, à l'exception du poste d'agent principal des finances (APF), ne devrait pas changer à la suite de la réorganisation. L'Office note aussi que Colin Hunter, l'actionnaire canadien majoritaire, continue son rôle de président de STGI.

[25] Compte tenu des règles de quorum, ces décisions clés devront toujours être approuvées par une majorité de membres du conseil nommés par l'actionnaire canadien.

Distribution des bénéfices aux actionnaires

[26] L'Office s'attend normalement, étant donné que le contrôle de fait se trouve entre les mains de Canadiens, à ce que la majorité des bénéfices profitent aux actionnaires canadiens. L'Office note que la convention unanime des actionnaires prévoit que la majorité des dividendes seront payées aux actionnaires canadiens.

Questions nécessitant le vote affirmatif des actionnaires (droits de veto)

[27] L'Office reconnaît que tous les actionnaires, y compris les actionnaires minoritaires et non canadiens, ont le droit et l'obligation de protéger leur investissement. Cela peut être réalisé en donnant aux actionnaires minoritaires des droits de veto. Un droit de veto permet à un actionnaire ou à un directeur de s'opposer à une résolution s'il détermine qu'elle aurait des conséquences négatives pour la société et l'actionnaire. On doit permettre aux actionnaires non canadiens ou leurs directeurs désignés d'avoir un droit de veto pour protéger leurs investissements. Toutefois, les droits de veto ne peuvent pas être étendus au point de conférer le contrôle sur l'entreprise.

[28] L'Office conclut que les dispositions de vote affirmatif contenues dans la convention unanime des actionnaires équivalent en fait aux droits de veto.

[29] L'Office conclut que même si les dispositions de vote affirmatif accordent aux actionnaires minoritaires les droits dont ils ont besoin pour protéger leurs investissements, elles ne leur donnent pas la capacité d'exercer un contrôle sur l'orientation stratégique ou les activités quotidiennes de STGI.

Intention et capacité des actionnaires d'influencer et de contrôler

[30] L'Office a examiné la question de savoir si TUI UK, par l'entremise de TUI, pourrait avoir le motif et la capacité d'influencer STGI. Dans son analyse, l'Office a étudié le mémoire et les documents déposés par Skyservice dans son intervention du 10 novembre 2009 pour déterminer si TUI aurait la motivation, l'inclination et l'intention, ainsi que la capacité d'exercer le contrôle de fait de STGI.

[31] L'Office conclut que TUI UK, du fait de son grand intérêt économique et de ses investissements importants dans Sunwing Airlines, aurait, tout comme l'actionnaire canadien, le motif pour exercer son influence sur l'orientation stratégique de STGI ou ses activités quotidiennes. L'Office note que TUI UK, dans son rapport annuel et ses bilans 2008, considérait que le Canada était un marché contracyclique important pour le R.-U. où elle peut exploiter neuf aéronefs tout au long de l'hiver et un au cours de l'été. Son importance affirmée dans le marché canadien indique qu'elle aurait le motif pour exercer son influence ou son contrôle sur l'orientation stratégique de STGI.

[32] L'Office considère que la force financière et les activités d'entreprise de chaque actionnaire est un indicateur permettant de déterminer quels actionnaires sont en position ou ont la capacité d'influencer ou possiblement d'exercer un contrôle de fait. TUI UK est une entreprise globale de voyage et de tourisme qui exploite une compagnie paneuropéenne composée de 150 aéronefs. TUI UK fonctionne dans des secteurs d'activités semblables à ceux de STGI, ce qui comprend l'organisation de voyage et les compagnies de vols d'affrètement. Une comparaison des deux entreprises révèle que TUI UK est de loin la plus importante des deux. L'Office conclut que TUI UK a l'expertise requise dans le domaine des affaires et la force financière comparative pour influencer l'orientation stratégique de STGI ou ses activités quotidiennes.

[33] L'Office a aussi examiné la question de savoir si l'actionnaire canadien majoritaire aurait l'intention et la capacité d'influencer les affaires de STGI. L'Office note que l'actionnaire canadien détient un intérêt économique de 51 pour cent dans l'entreprise, a les connaissances requises pour gérer l'entreprise et devrait continuer de surveiller sa gestion. L'Office conclut que l'actionnaire canadien, dans la transaction proposée, continuera d'avoir l'intention et les moyens de contrôler STGI.

[34] L'Office conclut que même si TUI UK, par l'entremise de TUI, pouvait avoir le motif, les connaissances de l'entreprise et la force financière pour exercer une grande influence, elle n'a pas les moyens d'exercer son intention d'une manière dominante ou déterminante en raison des constatations de l'Office en ce qui a trait aux autres questions pertinentes de contrôle de fait susmentionnées. De plus, tous les leviers stratégiques demeurent entre les mains de l'actionnaire canadien, lequel a de bons antécédents dans l'industrie et a démontré sa capacité d'influencer et de contrôler STGI.

CONCLUSION

[35] L'Office a tenu compte des facteurs susmentionnés, y compris les documents soumis à l'Office par Skyservice, individuellement et collectivement, et conclut que si la réorganisation proposée devait avoir lieu, comme prévu, les relations et les dispositions décrites ci-dessus ne permettraient pas à TUI d'exercer un contrôle sur les affaires de STGI et de Sunwing Airlines.

[36] Par conséquent, l'Office détermine que Sunwing Airlines satisfait à l'exigence de rester canadienne, comme défini dans le paragraphe 55(1) de la LTC, si la restructuration proposée devait être effectuée, comme prévu.

[37] En raison de la nature confidentielle de certains des documents déposés par Sunwing Airlines, une lettre-décision distincte sera remise à la demanderesse, de façon confidentielle, lui expliquant les raisons plus détaillées de cette décision.

Membres

  • J. Mark MacKeigan
  • Geoffrey C. Hare

Membre(s)

Geoffrey C. Hare
J. Mark MacKeigan
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