Décision n° 103-C-A-2017
DEMANDE présentée par Usman Chowdhury, en son nom et au nom de son épouse, Syeda Suhana Rahman, et de leurs enfants mineurs, A. Chowdhury et N. Chowdhury (demandeurs) contre Türk Hava Yollari Anonim Ortakligi (Turkish Airlines Inc.) exerçant son activité sous le nom de Turkish Airlines (Turkish Airlines).
RÉSUMÉ
[1] Les demandeurs ont déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) concernant un changement demandé au segment de retour de leurs billets aller-retour de Toronto (Ontario), Canada à Dhaka, Bangladesh.
[2] Les demandeurs réclament 3 000 $CAN pour les nouveaux billets qu’ils ont achetés auprès de Cathay Pacific Airways Limited (Cathay Pacific Airways) pour le segment de retour de Dhaka à Toronto (billets de retour). De plus, les demandeurs réclament le remboursement des portions inutilisées de leurs billets aller-retour avec Turkish Airlines.
[3] L’Office se penchera sur les questions suivantes :
Turkish Airlines a-t-elle correctement appliqué les conditions énoncées dans les règle 2(2)(b)(i) et 90(E)(2) de son tarif intitulé International Passenger Rules and Fares Tariff, NTA(A) No. 530 (tarif), comme l’exige le paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (RTA)? Si Turkish Airlines n’a pas correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif, quels recours, le cas échéant, sont à la disposition des demandeurs?
[4] Pour les raisons énoncées ci-après, l’Office conclut que, en ne fournissant pas un remboursement pour la portion inutilisée des billets aller-retour, Turkish Airlines n’a pas correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif. Par conséquent, l’Office ordonne à Turkish Airlines de fournir au plus tard le 21 décembre 2017 un remboursement aux demandeurs représentant le montant résiduel des billets inutilisés et d’informer l’Office du montant du remboursement, de la façon dont ce montant a été calculé, et du moment où l’indemnisation aura été versée aux demandeurs.
[5] Même si Turkish Airlines n’a pas correctement appliqué son tarif, et comme les demandeurs ont droit à un remboursement, l’Office note que Turkish Airlines a effectivement fourni aux demandeurs des directives sur la façon d’obtenir un remboursement; toutefois, les demandeurs n’ont pas démontré qu’ils ont fait un suivi auprès du transporteur.
CONTEXTE
[6] Le 2 octobre 2016, Mme Rahman et ses deux enfants ont voyagé avec Turkish Airlines de Toronto à Dhaka, en passant par Istanbul, en Turquie, et devaient revenir le 1er février 2017 (billets du 1er février). Les billets ont été achetés par l’entremise d’un agent de voyages. Au moment de la réservation, Mme Rahman a pris des dispositions pour recevoir un service d’accueil et d’assistance de Turkish Airlines parce qu’elle voyageait seule avec deux jeunes enfants. Comme Mme Rahman n’a pas reçu d’assistance au cours de son vol de départ, M. Chowdhury a acheté un billet aller‑retour auprès de Turkish Airlines pour pouvoir accompagner son épouse et leurs enfants pour le segment du retour à la maison. M. Chowdhury est parti de Toronto le 24 janvier 2017 et devait revenir le 21 février 2017 (billets du 21 février). Comme la date de retour de Mme Rahman et de ses enfants était le 1er février 2017, M. Chowdhury a demandé de repousser leur date de retour au 21 février pour qu’elle coïncide avec celle de son billet de retour.
OBSERVATION PRÉLIMINAIRE
Compétence de l’Office sur la qualité du service
[7] Les demandeurs ont plusieurs fois mentionné qu’ils avaient reçu ce qu’ils perçoivent comme étant un piètre service à la clientèle de la part de Turkish Airlines, du fait qu’on ne leur a pas fourni le service d’accueil et d’assistance que Mme Rahman avait demandé, et en raison de la manière dont ils ont été traités en général par le personnel du transporteur.
[8] L’Office n’a pas compétence à l’égard du niveau de service qu’un passager reçoit d’un transporteur aérien, comme il l’a affirmé dans des décisions antérieures, par exemple dans la décision no 18-C-A-2015 (Enisz c. Air Canada), la décision no 55-C-A-2014 (Brine c. Air Canada), et plus récemment dans la décision n° 78-C-A-2017 (Kabra c. Jet Airways).
[9] Par conséquent, l’Office ne se penchera pas sur cette question.
LA LOI
[10] Le paragraphe 110(4) du RTA exige que le transporteur aérien, lors de l’exploitation d’un service international, applique correctement les conditions de transport énoncées dans son tarif.
[11] Si l’Office conclut qu’un transporteur aérien n’a pas correctement appliqué son tarif, l’article 113.1 du RTA confère à l’Office le pouvoir d’ordonner au transporteur :
- de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées;
- de verser des indemnités à quiconque pour toutes dépenses qu’il a supportées en raison de la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport.
[12] La règle 2(2)(b)(i) du tarif porte sur l’annulation de billets :
[Traduction]
Après le départ
Si le passager annule un billet ou n’utilise pas le siège confirmé pour lequel un billet a été délivré, après que le voyage a commencé, sauf dans le cas indiqué en (ii) ci‑dessous, le remboursement correspondra à la différence entre le prix payé et le prix du service de transport utilisé, moins le montant non remboursable précisé dans la règle applicable.
[13] La règle 90(E)(2) du tarif porte sur les remboursements des portions inutilisées d’un billet :
[Traduction]
Si une portion d’un billet a été utilisée, le remboursement correspondra à un montant équivalent à la différence, s’il y a lieu, entre le prix payé et le prix applicable entre les points entre lesquels le billet a été utilisé, moins tous frais de service et de communications applicables.
POSITIONS DES PARTIES ET CONSTATATIONS DE FAITS
Position des demandeurs
[14] Les demandeurs font valoir qu’ils ne souhaitaient pas s’adresser à l’agent de voyages qui leur a vendu leurs billets du 1er février pour en modifier la date, car selon eux, l’agent de voyages avait facturé des frais douteux sur la carte de crédit de M. Chowdhury et utilisé un langage abusif avec lui lorsqu’il avait remis ces frais en question. Les demandeurs font valoir que M. Chowdhury a décidé de communiquer directement avec Turkish Airlines pour changer la date des billets du 1er février.
[15] Les demandeurs affirment que M. Chowdhury a informé Turkish Airlines que son épouse et ses enfants ne retourneraient pas à Toronto le 1er février 2017 et qu’il a tenté de modifier la date de retour des billets pour qu’elle coïncide avec celle de son billet du 21 février. Les demandeurs affirment qu’après plusieurs vaines tentatives de repousser la date des billets du 1er février, M. Chowdhury a déposé une plainte auprès de Turkish Airlines concernant le défaut de fournir de l’assistance à Mme Rahman lors de son vol de départ, et il a été informé que sa plainte serait traitée dans les sept jours ouvrables.
[16] Les demandeurs allèguent que Turkish Airlines a assuré à M. Chowdhury à la mi-janvier qu’elle communiquerait avec lui incessamment pour changer la date des billets du 1er février.
[17] Les demandeurs soutiennent que M. Chowdhury a communiqué avec Turkish Airlines 11 fois en tout, entre la mi-janvier et la fin février, pour repousser la date des billets du 1er février. Chaque fois, les agents lui ont dit qu’un courriel d’urgence avait été envoyé au département compétent et qu’il recevrait une réponse dans les 48 heures. Les demandeurs affirment ne l’avoir jamais reçue et que la première réponse de Turkish Airlines est arrivée après leur retour au Canada.
[18] Les demandeurs font valoir que quelques jours avant le 1er février 2017, leurs billets du 1er février sur le site Web avaient le statut « annulés ».
[19] À l’appui de la demande, M. Chowdhury a déposé une série de courriels qu’il a échangés avec Turkish Airlines.
[20] Les demandeurs font valoir que lorsqu’ils se sont rendu compte qu’ils n’obtiendraient pas une réponse à temps de Turkish Airlines, M. Chowdhury a communiqué avec le bureau de Turkish Airlines à Toronto pour de l’aide. Selon les demandeurs, on a informé M. Chowdhury qu’il devait communiquer avec le bureau de Dhaka. Les demandeurs indiquent que le bureau de Dhaka voulait que M. Chowdhury se présente en personne à ses bureaux pour changer les billets, mais que ce n’était pas possible pour lui d’y aller; il a donc envoyé un parent au bureau avec leurs passeports et leurs billets. Selon les demandeurs, Turkish Airlines a refusé cet arrangement car M. Chowdhury devait être présent pour le paiement par carte de crédit. Selon les demandeurs, M. Chowdhury a proposé de donner les détails par téléphone, mais cette solution n’a pas non plus été acceptée même si, selon les demandeurs, M. Chowdhury a accepté de payer des frais élevés pour le changement de date.
[21] Les demandeurs soutiennent que M. Chowdhury a réservé de nouveaux billets pour lui-même, son épouse et ses enfants auprès de Cathay Pacific Airways afin de retourner à Toronto, car ils n’avaient plus le temps d’attendre que Turkish Airlines change la date des billets du 1er février.
Position de Turkish Airlines
[22] Turkish Airlines affirme que M. Chowdhury a déposé une plainte auprès de la compagnie aérienne vers le 14 janvier 2017 du fait que son épouse n’a pas reçu les services demandés (plainte). Pour étayer sa réponse, Turkish Airlines a déposé une copie de la plainte dans laquelle M. Chowdhury demandait de [traduction] « repousser leur vol au 21 février. Votre département des réservations exige des frais irréalistes pour effectuer ce changement. Veuillez prendre les mesures nécessaires. Nous considérons qu’il est injuste de nous facturer des frais si élevés… ». Turkish Airlines allègue que le défaut de fournir l’assistance n’est qu’un prétexte pour éviter de payer les frais requis pour changer les billets.
[23] Turkish Airlines indique que vers le 15 février 2017, son bureau canadien a informé M. Chowdhury que pour pouvoir modifier ses billets de retour, il devrait communiquer avec son agent de voyages ou avec son bureau de Dhaka, car son bureau canadien ne pouvait pas faire la modification.
[24] Turkish Airlines soumet que M. Chowdhury a refusé de communiquer avec son agent de voyages qu’il accusait d’être un fraudeur, et a aussi refusé de suivre les directives de son bureau de Dhaka. Turkish Airlines affirme également que si les demandeurs avaient accepté de payer les frais de modification, les billets auraient été modifiés à temps.
Constatations de faits
[25] Comme les deux parties conviennent de ce qui suit, l’Office conclut que les demandeurs n’ont pas utilisé leurs sièges confirmés sur les billets du 1er février et sur ceux du 21 février, après que le voyage a commencé.
ANALYSE ET DÉTERMINATIONS
[26] Comme les demandeurs n’ont pas utilisé leurs sièges confirmés sur les billets du 1er février et sur ceux du 21 février, après que le voyage a commencé, la règle 2(2)(b)(i) du tarif s’applique; plus particulièrement, Turkish Airlines doit verser un remboursement qui représente « la différence entre le prix payé et le prix pour le transport utilisé, moins le montant non remboursable précisé dans la règle applicable ». Cette mesure cadre avec la règle 90(E)(2) du tarif.
[27] Toutefois, les demandeurs réclament également 3 000 $CAN pour leurs billets de retour. L’Office conclut que, selon la règle 2(2)(b)(i) du tarif, les demandeurs n’ont pas droit au remboursement de leurs billets de retour.
[28] L’Office note que Turkish Airlines n’a pas versé de remboursement aux demandeurs pour les billets du 1er février et du 21 février. Dans un échange de courriels entre les demandeurs et le transporteur, Turkish Airlines a indiqué à M. Chowdhury que, comme ils ont [traduction] « utilisé seulement une portion de leurs billets qui devenaient donc des allers simples, et qu’un aller simple coûte plus cher qu’un billet aller-retour, seulement quelques taxes seraient remboursées ». De plus, Turkish Airlines a affirmé que [traduction] « pour le remboursement, nous vous prions de communiquer avec notre centre d’appel ou encore notre bureau de Dhaka ». Les parties n’ont présenté aucune autre preuve indiquant le montant que représenterait ce remboursement.
[29] Par conséquent, Turkish Airlines est seulement tenue de fournir un remboursement qui représente le montant résiduel, s’il y a lieu, de la portion inutilisée des billets achetés auprès de Turkish Airlines.
[30] Habituellement, les transporteurs aériens basent le prix des allers simples sur le prix total d’un billet en classe économique sans restriction, et les billets aller-retour sont moins chers car ils sont assortis de restrictions et de pénalités. Toutefois, comme ni l’une ni l’autre des parties n’a soumis de présentation pour indiquer quel serait le montant résiduel des billets inutilisés, le montant devra être calculé par Turkish Airlines.
[31] En fonction de ce qui précède, l’Office conclut que, en ne fournissant pas aux demandeurs un remboursement pour la portion inutilisée de leurs billets de retour, Turkish Airlines n’a pas correctement appliqué les conditions de transport portant sur les remboursements énoncés dans les règles 2(2)(b)(i) et 90(E)(2) de son tarif, et a donc contrevenu au paragraphe 110(4) du RTA. Par conséquent, les demandeurs ont droit à un remboursement du montant résiduel, s’il y a lieu, de la portion inutilisée des billets du 1er février et des billets du 21 février.
ORDONNANCE
[32] En vertu de l’article 113.1 du RTA, l’Office ordonne à Turkish Airlines de verser au plus tard le 21 décembre 2017 un remboursement aux demandeurs représentant le montant résiduel, s’il y a lieu, de la portion inutilisée des billets du 1er février et des billets du 21 février, et d’informer l’Office du montant du remboursement, de la façon dont le montant du remboursement a été calculé et du moment où l’indemnisation aura été versée aux demandeurs.
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