Décision n° 107-C-A-2007
le 8 mars 2007
RELATIVE à une plainte déposée par Jhonny Dandoy contre Corsair concernant la perte de son bagage dans le cadre du vol no SS901 de Montréal (Québec), Canada à Paris, France, le 12 août 2005.
Référence no M4370-3/06-06648
PLAINTE
[1] Le 22 septembre 2005, Jhonny Dandoy a déposé auprès de la Division des enquêtes sur les plaintes (ci-après la DEP) la plainte énoncée dans l'intitulé. Ayant été incapable d'en arriver à une entente satisfaisante avec l'autre partie, le 11 octobre 2006, M. Dandoy a confirmé qu'il souhaitait poursuivre cette affaire formellement devant l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office).
[2] Le 16 novembre 2006, l'Office a informé M. Dandoy et Corsair de sa compétence dans cette affaire. L'Office a également demandé aux parties si elles acceptaient que les commentaires déposés auprès de la DEP tiennent lieu de plaidoiries devant l'Office.
[3] Les 22 novembre et 1er décembre 2006 respectivement, M. Dandoy et Corsair ont avisé l'Office qu'ils acceptaient que les commentaires qu'ils avaient déposés auprès de la DEP tiennent lieu de plaidoiries devant l'Office.
QUESTION
[4] L'Office doit déterminer si Corsair a appliqué, comme l'exige le paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA), les conditions relatives à la limite de sa responsabilité à l'égard des bagages enregistrés de son International Passenger Rules and Fares Tariff No. SS-1, NTA(A) No. 507 (ci-après le tarif) en vigueur au moment de l'incident.
FAITS
[5] Le 12 août 2005, M. Dandoy a voyagé à bord du vol no SS901 de Corsair, de Montréal à Paris, pour ensuite poursuivre son voyage en Belgique par train. À son arrivée à Paris, le 13 août 2005, M. Dandoy a constaté que son bagage était manquant. Étant donné qu'il devait prendre le train, il a dû quitté Paris pour la Belgique le même jour mais sans son bagage. Dès son arrivée en Belgique, M. Dandoy a contacté Corsair afin de s'enquérir de son bagage et demander s'il pouvait s'acheter des vêtements et d'autres articles de remplacement. Le 20 août 2005, soit sept jours plus tard, son bagage a été retrouvé et M. Dandoy est allé le chercher à l'aéroport de Paris. En guise de dédommagement, Corsair a offert à M. Dandoy un montant de 400 EUR pour l'achat de vêtements et d'autres articles de remplacement, qu'il a refusé.
POSITIONS DES PARTIES
[6] M. Dandoy indique que lorsqu'il a communiqué avec Corsair, dès son arrivée en Belgique, afin de s'enquérir des articles qu'il pouvait acheter, on lui a répondu qu'il était normal de se procurer des articles de première nécessité. Toutefois, personne n'a été en mesure de définir le terme « articles de première nécessité ».
[7] M. Dandoy déclare que le 15 août 2005, il a de nouveau téléphoné à Corsair afin de s'enquérir de son bagage perdu et demander des précisions quant à la définition d'articles de première nécessité et au montant alloué pour se procurer des articles de remplacement. M. Dandoy fait valoir qu'on n'a pu répondre à ses questions mais qu'on lui a indiqué qu'il fallait acheter ce dont il avait besoin.
[8] M. Dandoy fait valoir qu'il a effectué quelques achats le 16 août 2005, dont des vêtements nécessaires pour assister à l'anniversaire de mariage de son grand-oncle. M. Dandoy a fourni les pièces justificatives à l'égard de ces achats. Il ajoute que le même jour, il a de nouveau contacté Corsair et on l'a informé que sa valise avait été retrouvée et qu'il ne devait donc plus acheter d'articles de remplacement. On l'a aussi avisé qu'un agent de l'aéroport de Bruxelles communiquerait avec M. Dandoy le soir même afin qu'il puisse récupérer sa valise.
[9] M. Dandoy soumet que deux jours plus tard, soit le 18 août 2005, puisque personne ne l'avait contacté de l'aéroport de Bruxelles, il a de nouveau communiqué avec Corsair. On lui a dit que son bagage était toujours manquant mais qu'on le rappellerait le soir même pour faire le point, ce qui, encore une fois, n'a pas été fait. M. Dandoy fait valoir qu'il a alors communiqué directement avec l'aéroport de Bruxelles et on lui a dit que son bagage ne se trouvait pas à Bruxelles.
[10] M. Dandoy indique que le 19 août 2005, il a une fois de plus communiqué avec Corsair, toujours sans succès. Il a alors téléphoné à l'aéroport de Paris, où on lui a appris que son bagage se trouvait à Lyon et qu'il arriverait à Paris au plus tard le lendemain. M. Dandoy affirme qu'il s'est rendu à l'aéroport de Paris le lendemain même pour récupérer son bagage.
[11] M. Dandoy fait valoir qu'un peu avant la fin de ses vacances, il a appris que Corsair lui rembourserait l'équivalent de 24 EUR par jour, ce qui représente un total de 168 EUR. M. Dandoy a jugé l'offre inacceptable et a demandé une révision du montant. De plus, à son retour à Montréal, un agent de Corsair l'a contacté pour l'informer qu'on lui rembourserait un montant total de 185 EUR.
[12] M. Dandoy indique que lors du voyage de retour, Corsair a égaré ses deux valises et une d'elles est demeurée manquante pendant 16 jours.
[13] Corsair déclare que le 3 février 2006, elle a informé M. Dandoy qu'elle maintenait sa proposition d'indemnisation de 185.49 EUR puisqu'elle correspondait au coût alloué pour des achats résultant de la livraison tardive de son bagage. Corsair a également avisé M. Dandoy que « l'acquisition d'un costume ne peut être considéré comme un achat de première nécessité ».
[14] Corsair fait valoir que le 28 février 2006, en réponse à une lettre de la DEP en date du 9 février 2006, Corsair, se référant à la Convention de Montréal, a indiqué que la responsabilité du transporteur en cas de destruction, de perte, d'avarie ou de retard, est limitée à la somme de 1 000 droits de tirage spéciaux (ci-après DTS). Corsair explique que cette somme est un plafond de limitation de responsabilité du transporteur et que par conséquent, elle peut indemniser entre 0 et 1 000 DTS par passager. Dans cette même lettre, Corsair réitère que « l'acquisition d'un costume ne peut être considéré comme un achat de première nécessité ».
[15] Corsair soumet que le 12 juin 2006, elle a transmis une nouvelle proposition d'indemnisation à M. Dandoy, ajoutant à son offre initiale le remboursement de 50 pour cent du prix de son complet et de sa chemise, soit approximativement 110 EUR supplémentaires, pour une indemnisation totale de 300 EUR.
[16] Corsair ajoute que le 27 septembre 2006, à la lumière du refus de M. Dandoy de sa proposition d'indemnisation de 300 EUR, elle a fait une offre « à titre de transaction amiable, totale et définitive » de 400 EUR, que M. Dandoy a de nouveau refusée.
DISPOSITIONS LÉGISLATIVES RÉGLEMENTAIRES
[17] La compétence de l'Office dans cette affaire est décrite au paragraphe 110(4) du RTA, qui prévoit que :
110.(4) Lorsqu'un tarif déposé porte une date de publication et une date d'entrée en vigueur et qu'il est conforme au présent règlement et aux arrêtés de l'Office, les taxes et les conditions de transport qu'il contient, sous réserve de leur rejet, de leur refus ou de leur suspension par l'Office, ou de leur remplacement par un nouveau tarif, prennent effet à la date indiquée dans le tarif, et le transporteur aérien doit les appliquer à compter de cette date.
[18] Les alinéas 113.1a) et b) du RTA prévoient ce qui suit :
113.1 Si un transporteur n'applique pas les prix, taux, frais ou conditions de transport applicables au service international et figurant à son tarif, l'Office peut :
a) lui enjoindre de prendre les mesures correctives qu'il estime indiquées;
b) lui enjoindre d'indemniser les personnes lésées par la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport.
Dispositions tarifaires
[19] En ce qui a trait à la limite de responsabilité de Corsair concernant les bagages, la règle en vigueur au moment de l'incident prévoit que :
[Traduction libre]
Règle 55(C) LIMITE DE RESPONSABILITÉ
Sauf exception prévue dans les dispositions de la Convention ou de toute autre loi applicable:
[...]
Aux fins du transport international régi par la Convention de Montréal, les règles établies dans la Convention de Montréal en matière de responsabilité font partie intégrante du tarif et l'emportent sur toute disposition tarifaire incompatible ou contradictoire à ces règles.
Convention de Montréal
[20] L'article 19 et le paragraphe 22(2) de la Convention de Montréal prévoient ce qui suit :
19. Le transporteur est responsable du dommage résultant d'un retard dans le transport aérien de passagers, de bagages ou de marchandises. Cependant, le transporteur n'est pas responsable du dommage causé par un retard s'il prouve que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s'imposer pour éviter le dommage, ou qu'il leur était impossible de les prendre.
22(2). Dans le transport de bagages, la responsabilité du transporteur en cas de destruction, perte, avarie ou retard est limitée à la somme de 1 000 droits de tirage spéciaux par passager, sauf déclaration spéciale d'intérêt à la livraison faite par le passager au moment de la remise des bagages enregistrés au transporteur et moyennant le paiement éventuel d'une somme supplémentaire. Dans ce cas, le transporteur sera tenu de payer jusqu'à concurrence de la somme déclarée, à moins qu'il prouve qu'elle est supérieure à l'intérêt réel du passager à la livraison.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
[21] Pour en arriver à ses constations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries. L'Office a également revu le tarif de Corsair qui incorpore notamment, par renvoi, la Convention de Montréal qui a force de loi au Canada en vertu de la Loi sur le transport aérien, L.R.C. (1985), ch. C-26.
[22] L'Office note que Corsair a indiqué que sa limite de responsabilité en cas de retard est de 24 EUR par valise par jour de retard, pour une durée maximale de sept jours, et que cette limite s'applique seulement à l'achat d'articles de remplacement de première nécessité. L'Office note aussi que Corsair a fait valoir qu'en vertu de la Convention de Montréal, un transporteur peut indemniser un passager entre 0 et 1 000 DTS.
[23] Après avoir examiné le tarif de Corsair, l'Office constate que les arguments de Corsair portant sur la limite de sa responsabilité ne trouvent aucun fondement dans son tarif. Au contraire, le tarif de Corsair incorpore par renvoi les dispositions de la Convention de Montréal qui prévoient que le transporteur est responsable des dommages résultant d'un retard dans le transport aérien de bagages jusqu'à concurrence de 1 000 DTS par passager. L'Office note que la Convention de Montréal ne prévoit ni une limite de 24 EUR par jour pour un bagage en retard ni une restriction obligeant un passager à ne se procurer que des articles de « première nécessité ».
[24] L'Office note que dans le cas présent, le dossier démontre que les dommages prouvés par M. Dandoy sont directement attribuables au retard dans le transport aérien de ses bagages. Aussi, à défaut d'avoir soulevé un élément valable qui pourrait la relever de sa responsabilité en vertu de la Convention de Montréal, Corsair doit être tenue responsable de ces dommages conformément aux dispositions de cette Convention.
[25] À la lumière des éléments de preuve déposés au dossier, l'Office conclut que la nature des dommages pour lesquels M. Dandoy demande une réclamation, ainsi que le montant des articles de remplacement et autres nécessités, sont raisonnables et justifiés. Par conséquent, Corsair est tenue de rembourser à M. Dandoy le montant intégral de cette réclamation.
CONCLUSION
[26] Compte tenu de ce qui précède, l'Office estime que Corsair, en refusant de rembourser à M. Dandoy le plein montant de sa réclamation, n'a pas appliqué la règle 55 de son tarif relative à la limite de responsabilité pour la perte de bagages enregistrés, contrairement au paragraphe 110(4) du RTA.
[27] Par conséquent, conformément à l'article 113.1 du RTA, l'Office enjoint par les présentes à Corsair de rembourser à M. Dandoy, dans les trente (30) jours suivant la date de la présente décision, la somme de 983,93 $CAN, qui équivaut à 635 EUR.
[28] Corsair est tenue d'aviser l'Office lorsqu'elle aura effectué le remboursement à M. Dandoy.
Membres
- Guy Delisle
- Mary-Jane Bennett
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