Décision n° 111-C-A-2015

le 17 avril 2015

DEMANDE présentée par John Williams en son nom et au nom de Rosemary Williams contre Air Canada.

Numéro de cas : 
14-06365

INTRODUCTION

[1] John Williams a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) en son nom et au nom de Rosemary Williams (demandeurs) contre Air Canada. Les demandeurs devaient voyager d’Ottawa (Ontario), Canada, à Vienne, Autriche, en passant par Montréal (Québec), Canada et Londres, Royaume-Uni, les 11 et 12 février 2014. Ils ont cependant été retardés à leur point de correspondance à Montréal, et par conséquent, ils ont manqué leur vol vers Londres. Les demandeurs allèguent que le tarif d’Air Canada est déraisonnable, car il n’est pas juste, et sont d’avis qu’ils auraient dû recevoir la même indemnisation que s’il s’agissait d’une situation de surréservation. À titre de réparation, les demandeurs demandent que l’Office suspende ou annule les conditions de transport d’Air Canada et leur en substitue de nouvelles.

QUESTION

[2] La règle 80, Pertubations d’horaire, du tarif international d’Air Canada intitulé International Passenger Rules and Fares Tariff, NTA(A) No. 458 est‑elle raisonnable au sens du paragraphe 111(1) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (RTA)?

EXTRAITS TARIFAIRES PERTINENTS

[3] Les extraits tarifaires applicables pertinents à la présente affaire sont énoncés dans l’annexe.

CARACTÈRE RAISONNABLE DES DISPOSITIONS TARIFAIRES

[4] Le paragraphe 111(1) du RTA exige qu’en ce qui a trait aux vols internationaux, le tarif d’un transporteur doit être juste et raisonnable. Le paragraphe 111(1) se lit comme suit :

Les taxes et les conditions de transport établies par le transporteur aérien, y compris le transport à titre gratuit ou à taux réduit, doivent être justes et raisonnables et doivent, dans des circonstances et des conditions sensiblement analogues, être imposées uniformément pour tout le trafic du même genre.

CONTEXTE LÉGISLATIF

[5] L’Office a indiqué dans des décisions antérieures, comme dans la 10-C-A-2014">décision no 10-C-A-2014, que pour déterminer si une condition de transport appliquée par un transporteur est « raisonnable » au sens du paragraphe 111(1) du RTA, un équilibre doit être établi entre les droits des passagers d’être assujettis à des conditions de transport raisonnables et les obligations statutaires, commerciales et opérationnelles du transporteur aérien concerné.

[6] Les conditions de transport sont établies unilatéralement par un transporteur aérien sans la moindre contribution des passagers. Le transporteur aérien établit ses conditions de transport en fonction de ses intérêts, qui peuvent découler d’exigences strictement commerciales. Il n’y a aucune présomption qu’un tarif est raisonnable.

[7] Lorsqu’il soupèse les droits des passagers et les obligations du transporteur, l’Office doit tenir compte de l’ensemble des éléments de preuve et des présentations déposés par les deux parties, et déterminer si la condition de transport est raisonnable ou déraisonnable en fonction de la partie qui a présenté les éléments de preuve les plus convaincants et persuasifs.

POSITIONS DES PARTIES

[8] Les demandeurs font valoir qu’ils ont été retardés de presque 24 heures avant de prendre leur vol de remplacement, ce qui a fait en sorte qu’ils ont manqué une fête de famille. De plus, ce retard leur a causé des inconvénients importants. Ils indiquent qu’Air Canada ne leur a pas offert d’indemnisation, outre un hébergement à l’hôtel et des paiements de repas partiels, et leur a simplement réservé des places à bord d’un vol le jour suivant.

[9] Les demandeurs font valoir qu’Air Canada offre 800 $ aux passagers qui se font refuser l’embarquement à bord d’un vol pour lequel ils détiennent un billet en raison d’une surréservation. Ils reconnaissent ne pas avoir fait l’objet d’une situation de surréservation. Selon les demandeurs, leur expérience a été bien pire qu’elle l’aurait été si elle avait été en lien à une surréservation. Ils soulignent également qu’ils n’ont pas reçu d’indemnisation. Les demandeurs soutiennent que les conditions d’Air Canada relatives à cette affaire sont donc déraisonnables, car elles ne sont pas justes.

[10] Air Canada fait valoir que les demandeurs ont manqué leur correspondance, car leur vol en partance d’Ottawa était en retard, et qu’ils n’ont pas fait l’objet d’un refus d’embarquement. Air Canada affirme qu’elle s’est acquittée de ses obligations en ce qui concerne les perturbations d’horaires conformément à la règle 80 de son tarif, car elle a fourni aux demandeurs :

  • des places à bord de vols vers leur destination finale, qui étaient exploités par Air Canada et un transporteur avec lequel Air Canada a une entente;
  • des bons de repas et d’hébergement dans un hôtel pour couvrir les coûts associés à l’arrivée tardive du vol des demandeurs et leur vol de correspondance manqué.

[11] Les demandeurs affirment que l’Office a déjà déterminé qu’Air Canada n’a pas enfreint la règle 80, Perturbations d’horaire, de son tarif. Les demandeurs réitèrent que les conditions de transport d’Air Canada sont déraisonnables, car elles ne sont pas justes.

[12] Les demandeurs affirment également qu’ils ont appris, par l’intermédiaire d’informations de presse, que le régime d’indemnisation d’Air Canada en cas de surréservation ne se compare pas favorablement aux régimes des États-Unis d’Amérique et de l’Europe, ce qui prouve d’autant plus que les conditions de transport d’Air Canada sont déraisonnables. Ils font valoir que l’Office devrait suspendre ou annuler les conditions de transport d’Air Canada et leur en substituer de nouvelles.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

[13] Les demandeurs allèguent qu’ils ont été retardés de presque 24 heures avant de prendre leur vol de remplacement. Air Canada indique qu’en raison du « retard […] ils ont manqué leur vol de correspondance ». En se fondant sur ce qui précède, l’Office conclut que cette demande porte sur un retard et que la disposition tarifaire applicable est la règle 80, Perturbations d’horaire.

[14] Il ne s’agit pas d’un cas de retard causé par une surréservation du vol par Air Canada. Le mauvais fonctionnement d’une passerelle était la cause du retard ; cette circonstance était hors du contrôle d’Air Canada puisque la passerelle fait partie de l’infrastructure aéroportuaire. Les demandeurs sont plutôt d’avis que la règle 80, Perturbations d’horaire, du tarif d’Air Canada est déraisonnable, étant donné qu’ils n’ont pas reçu d’indemnisation pour ce qu’ils ont vécu même si les répercussions du retard sur eux étaient bien pires que si on leur avait refusé l’embarquement à bord d’un vol d’Air Canada en raison d’une surréservation pour laquelle Air Canada offre une indemnisation.

[15] L’Office n’accepte pas que la règle 80 du tarif d’Air Canada, Perturbations d’horaire, est déraisonnable parce qu’elle ne prévoit pas offrir la même indemnisation pour les circonstances présentes que celle qui aurait été offerte dans le cas d’un retard causé par une surréservation. Il existe une différence très nette entre les deux situations; dans le cas d’un retard causé par une surréservation, le transporteur prend une décision opérationnelle qui tient compte que, sans une pratique de surréservation, il risque d’exploiter des vols avec quelques sièges vacants alors qu’ils auraient pu être occupés. Même si l’Office a conclu que la pratique de surréservation n’est pas déraisonnable, il a également conclu qu’un transporteur aérien doit fournir une indemnisation aux passagers qui sont retardés parce qu’on leur a refusé l’embarquement.

[16] L’Office est d’avis qu’il est important de tenir compte du fait que les demandeurs ont manqué leur vol de correspondance en raison d’un retard causé par une circonstance hors du contrôle d’Air Canada et non en raison d’une décision opérationnelle de sa part. L’indemnisation offerte en cas d’un retard causé par une surréservation ne devrait pas être disponible dans les circonstances présentes. Le fait que le tarif d’Air Canada prévoit des indemnisations pour cette affaire qui est différente de celle fournie dans le cas d’un retard causé par une surréservation n’est pas déraisonnable.

[17] L’Office note également que l’article 19 de la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international – Convention de Montréal (Convention) prévoit que :

Le transporteur est responsable du dommage résultant d’un retard dans le transport aérien de passagers, de bagages ou de marchandises. Cependant, le transporteur n’est pas responsable du dommage causé par un retard s’il prouve que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre.

[18] Par conséquent, un transporteur aérien est tenu d’offrir une indemnisation aux passagers qui sont retardés. Cette obligation est assujettie aux limites prévues par l’article 22 de la Convention. Elle est également assujettie à la condition selon laquelle le transporteur a pris « […] toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage […]».

[19] Dans le cas présent, le retard a été causé par un problème avec la passerelle. Il s’agit d’une situation qui est hors du contrôle d’Air Canada, car la passerelle fait partie de l’infrastructure aéroportuaire.

[20] Par conséquent, dans le cas présent, la règle 80, Perturbations d’horaire, du tarif d’Air Canada, n’est pas déraisonnable même si elle ne prévoit pas la fourniture d’une indemnisation dans de telles circonstances.

[21] En ce qui concerne la présentation des demandeurs selon laquelle le régime d’indemnisation d’Air Canada en cas de surréservation ne se compare pas favorablement aux régimes des États‑Unis d’Amérique et de l’Europe, cette affaire porte sur un retard causé par une correspondance manquée et non par une surréservation. L’Office ne voit pas la pertinence de cet argument.

[22] En se fondant sur ce qui précède, l’Office conclut que les demandeurs n’ont pas réussi à établir que les conditions de transport d’Air Canada, qui sont énoncées dans la règle 80, Perturbations d’horaire, du tarif d’Air Canada, sont déraisonnables parce qu’elles n’établissent pas un équilibre entre les droits des passagers d’être assujettis à des conditions de transport raisonnables et les obligations statutaires, commerciales et opérationnelles d’Air Canada.

CONCLUSION

[23] L’Office rejette la demande.


ANNEXE À LA 111-C-A-2015">DÉCISION No 111-C-A-2015

Tarif d’Air Canada intitulé International Passenger Rules and Fares Tariff, NTA(A) No. 458

Règle 80 : Perturbations d’horaire

A) Généralité

1)  Horaire non garantis.

Les heures et les types d’appareils indiqués sur les horaires ou ailleurs sont approximatifs et non garantis, et ne font pas partie du contrat de transport. Les horaires peuvent être modifiés sans préavis. Aucun employé, mandataire ou représentant du transporteur n’est autorisé à lier le transporteur, que ce soit par des déclarations ou des assertions, en ce qui concerne les dates ou les heures de départ ou d’arrivée, ou encore l’exploitation d’un vol. Il est toujours recommandé que les passagers vérifient l’état et l’heure de départ du vol en s’inscrivant aux mises à jour envoyées à leur appareil électronique personnel, en accédant au site Web du transporteur ou en consultant les écrans du system d’affichage de l’aéroport.

2) Non-responsabilité du transporteur

Le transporteur n’assume aucune responsabilité à l’égard des passagers effectuant des correspondances ne faisant pas partie de l’itinéraire indiqué sur le billet. Le transporteur n’est pas responsable des changements, des erreurs et des omissions, que ce soit dans les horaires ou dans des extraits d’horaires. Le transporteur n’est pas responsable des dommages non compensatoires ou imprévisibles causés par un retard, notamment des dommages attribuables à l’objet du voyage du passager ou à son horaire personnel à l’arrivée. Le transporteur ne garantit pas les heures des vols qui figurent sur les billets des passagers et ne peut être tenu responsable des annulations de vols ou des modifications aux heures des vols en cas de force majeure, y compris de conflits de travail ou de grèves. Cependant, le passager peut se prévaloir des dispositions prévues dans la convention concernant la responsabilité en cas de retard.

3) Effort maximal

Le transporteur s’engage à faire de son mieux pour transporter le passager et les bagages avec une diligence raisonnable, mais aucun délai particulier n’est fixé pour le début ou la fin du transport. Sous réserve de ce qui précède, le transporteur peut, sans préavis, substituer le transporteur ou l’appareil et, si cela s’avère nécessaire, il peut modifier le parcours, ajouter des arrêts ou omettre les escales figurant sur le billet.

[…]

C) Perturbation d’horaire

1) Définition

Par « perturbation d’horaire », on entend l’une des perturbations ci-dessous :

a)

un retard par rapport à l’heure prévue de départ ou d’arrivée du vol d’un transporteur;

b)

l’annulation d’un vol, l’omission d’un arrêt prévu ou tout retard ou toute interruption dans l’exploitation de vols réguliers d’un transporteur;

c)

une substitution d’appareil ou une classe de service différente;

d)

un changement à l’horaire qui exige le réacheminement d’un passager à l’heure de départ du vol initial.

[. . .]

3) Étant donné que le passager a le droit d’être informé des modifications apportées à l’horaire et à l’heure des vols, Air Canada fait de son mieux pour l’informer des retards, des annulations et des modifications d’horaire et, dans la mesure du possible, des motifs de ces retards et modifications.

4) En cas de perturbation d’horaire, le transporteur prend l’une des mesures suivantes :

(Nota : des services supplémentaires décrits ci-après sont fournis aux clients J’Y SERAI)

a)

transporter le passager par un autre de ses avions de passagers ou dans une autre de ses classes de service où une place est disponible, sans frais supplémentaire peu importe la casse de service ou, au choix du transporteur;

b)

fournir, pour la partie non utilisée du billet, l’endos autorisant la prise en charge d’un tel transport par un autre transporteur aérien avec lequel Air Canada a un accord aux fins du réacheminement ou, au choix du transporteur;

c)

réacheminer le passager jusqu’à la destination indiquée sur le billet ou sur la partie applicable de celui-ci par ses propres services ou par d’autres services de transport, et si le tarif de l’itinéraire ou de la classe de service modifiés est supérieur à la valeur de remboursement du billet ou de la partie applicable de celui-ci, comme le prévoit la règle 100, le transporteur n’exige aucun paiement supplémentaire de la part du passager, mais rembourse la différence si le prix est moins élevé;

d)

si le passager choisit de ne plus voyager ou si le transporteur est dans l’impossibilité de mettre à exécution dans un laps de temps raisonnable la solution précisée en a), b) ou c), effectuer un remboursement involontaire, conformément à la règle 100.

e)

sur demande, dans le cas des annulations dépendantes de la volonté d’Air Canada, ramener le passager à son point de départ et le rembourser conformément à la règle 100, comme si aucune partie du voyage n’avait été effectuée (sans égard aux règles tarifaires applicables) ou, sous réserve de l’accord du passager, offrir un bon d’échange du même montant pour un voyage futur ou, à la demande du passager.

Membre(s)

P. Paul Fitzgerald
Stephen Campbell
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