Décision n° 112-C-A-2020
DEMANDE présentée par Kevin Nicholls contre ABC Aerolineas, S.A. de C.V. (Interjet), au titre du paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58 (RTA), concernant un bagage endommagé.
RÉSUMÉ
[1] Kevin Nicholls a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) contre Interjet concernant une montre qui a disparu de sa pièce de bagage enregistrée.
[2] M. Nicholls demande une indemnité de 249 CAD, soit le coût de remplacement de la montre.
[3] L’Office se penchera sur les questions suivantes :
- Interjet a-t-elle correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif intitulé International Scheduled Services Tariff General Rules Applicable to the Transportation of Passengers and Baggage Between Mexico and Canada, CTA(A) No. 1(tarif), comme l’exige le paragraphe 110(4) du RTA?
- Si Interjet n’a pas correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif, quelle mesure corrective, le cas échéant, l’Office devrait-il ordonner?
[4] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office conclut qu’Interjet n’a pas appliqué correctement les conditions énoncées à la règle 20.2.3(3)(d) de son tarif, comme l’exige le paragraphe 110(4) du RTA. Par conséquent, en vertu de l’article 113.1 du RTA, l’Office ordonne à Interjet de verser à M. Nicholls une indemnité de 249 CAD. Interjet doit verser ce montant à M. Nicholls le plus tôt possible possible, mais au plus tard le 4 février 2021.
CONTEXTE
[5] Le 16 janvier 2020, M. Nicholls a pris un vol avec une pièce de bagage enregistrée de Cancún, Mexique, à Toronto (Ontario), à bord du vol n° 2840 exploité par Interjet. Lorsqu’il a récupéré sa pièce de bagage à l’aéroport international Pearson de Toronto (aéroport de Toronto), M. Nicholls n’a constaté aucun signe d’altération. Toutefois, lorsqu’il a ouvert ses bagages chez lui, il s’est rendu compte qu’une montre avait disparu.
[6] M. Nicholls a communiqué avec Interjet au sujet de la montre manquante. Dans un courriel du 22 janvier 2020, Interjet a indiqué qu’elle refusait d’assumer le coût du remplacement de la montre en affirmant que, comme M. Nicholls n’avait pas déposé de plainte à son arrivée à l’aéroport de Toronto, elle ne pouvait pas lui offrir de solution.
LA LOI ET LES DISPOSITIONS TARIFAIRES PERTINENTES
[7] Le paragraphe 110(4) du RTA exige que le transporteur aérien, lors de l’exploitation d’un service international, applique correctement les conditions de transport énoncées dans son tarif.
[8] Si l’Office conclut qu’un transporteur aérien n’a pas correctement appliqué son tarif, l’article 113.1 du RTA confère à l’Office le pouvoir d’ordonner au transporteur :
a) de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées;
b) de verser des indemnités à quiconque pour toutes dépenses qu’il a supportées en raison de la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport applicables aux services offerts et prévus au tarif.
[9] La règle 20.2.3(3)(d) du tarif d’Interjet incorpore par renvoi la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international – Convention de Montréal (Convention de Montréal).
[10] Les dispositions pertinentes de la Convention de Montréal et du tarif sont énoncées à l’annexe.
POSITIONS DES PARTIES ET CONSTATATIONS DE FAITS
M. Nicholls
[11] M. Nicholls soutient qu’Interjet était en possession de sa pièce de bagage enregistrée pendant le vol de Cancún à Toronto. M. Nicholls déclare que, lorsqu’il a récupéré sa pièce de bagage enregistrée à l’aéroport de Toronto, il n’a constaté aucun signe d’altération.
[12] M. Nicholls soutient qu’en ouvrant ses bagages chez lui, il a remarqué que la serrure de sa pièce de bagage avait été enlevée, que les objets à l’intérieur avaient été retournés et qu’une des deux montres qui s’y trouvaient avait disparu. Il affirme également que ni Interjet ni les douaniers ne lui ont indiqué que sa pièce de bagage avait fait l’objet d’une fouille.
Interjet
[13] Interjet n’a pas déposé de réponse à la demande. Cependant, dans les courriels échangés entre elle et M. Nicholls, Interjet a affirmé qu’elle ne pouvait pas offrir de solution à M. Nicholls, car celui-ci n’avait pas signalé la situation à son arrivée à l’aéroport de Toronto.
Constatations de faits
[14] Les parties ne contestent pas que M. Nicholls a enregistré une pièce de bagage, et que celle-ci était en la possession et sous le contrôle d’Interjet pendant le vol de Cancún à Toronto.
[15] Interjet n’a pas contesté que la montre de M. Nicholls a disparu de sa pièce de bagage pendant que celui‑ci était sous son contrôle.
ANALYSE ET DÉTERMINATIONS
[16] Le fardeau de la preuve repose sur la demanderesse, qui doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que le transporteur n’a pas correctement appliqué les conditions de transport énoncées dans son tarif.
[17] La règle 10.5 du tarif énonce qu’Interjet n’acceptera pas les objets de valeur tels que les bijoux, les documents personnels, les passeports et d’autres documents d’identification, les métaux ou pierres précieuses, les œuvres d’art, les certificats d’actions, l’argent comptant, les ordinateurs, les lecteurs audio ou vidéo portatifs ou tout autre appareil électronique, ainsi que d’autres articles similaires à ceux mentionnés.
[18] La règle 20.2.3(3)(d) du tarif énonce qu’Interjet est responsable des dommages survenus en cas de destruction, de perte ou d’avarie des bagages enregistrés lorsque l’événement qui a causé la destruction, la perte ou l’avarie s’est produit à bord de l’aéronef ou au cours de toute période durant laquelle le transporteur avait la garde des bagages enregistrés. Toutefois, cette règle prévoit également une exception : Interjet n’est pas responsable de la destruction, de la perte, de l’avarie ou du retard de livraison de tout bien qui n’est pas acceptable pour le transport conformément à la règle 10 (bagages). En outre, la même règle prévoit que la responsabilité d’Interjet concernant la destruction, la perte, l’avarie ou le retard des bagages enregistrés est assujettie aux dispositions de la Convention de Montréal.
[19] Conformément l’article 17(2) de la Convention de Montréal, le transporteur est responsable de la perte ou de l’avarie de bagages enregistrés lorsque l’événement qui a causé la perte ou l’avarie s’est produit à bord de l’aéronef ou au cours de toute période durant laquelle le transporteur avait la garde des bagages enregistrés. Dans des décisions antérieures, telles que la décision no 227-C-A-2008 (McCabe c Air Canada), l’Office a conclu que cette responsabilité inclut les cas où les bagages contenaient des articles que le transporteur n’a pas accepté de transporter ou aurait pu refuser de transporter. Le transporteur peut se dégager de sa responsabilité seulement si le dommage résulte de la nature ou du vice propre des bagages. Aucune information n’a été présentée qui laisserait supposer que la pièce de bagage de M. Nicholls était défectueuse.
[20] Bien qu’Interjet affirme que M. Nicholls n’a pas droit à une indemnité parce qu’il n’a pas signalé la perte à son arrivée à l’aéroport de Toronto, l’article 31(2) de la Convention de Montréal prévoit qu’une plainte doit être adressée au transporteur dans les sept jours suivant la date de réception des bagages enregistrés, et l’article 31(3) de la Convention de Montréal exige que la plainte soit présentée par écrit. Dans le cas présent, l’Office conclut que, comme Interjet avait la garde de la pièce de bagage de M. Nicholls, et que M. Nicholls a communiqué avec Interjet par écrit le 22 janvier 2020, six jours après la réception de sa pièce de bagage, Interjet est responsable des dommages. Par conséquent, l’Office conclut qu’Interjet n’a pas correctement appliqué les conditions énoncées à la règle 20.2.3(3)(d) de son tarif.
[21] En outre, M. Nicholls a fourni une copie de l’étiquette de prix (249 CAD) de la montre, et l’Office estime que ce montant est raisonnable. L’Office estime donc que M. Nicholls a droit à une indemnité de 249 CAD, soit la valeur de la montre perdue.
CONCLUSION
[22] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut qu’Interjet, en refusant d’indemniser M. Nicholls pour le coût de sa montre perdue, n’a pas appliqué correctement les conditions énoncées à la règle 20.2.3(3)(d) de son tarif, comme l’exige le paragraphe 110(4) du RTA.
ORDONNANCE
[23] Compte tenu de ce qui précède, en vertu de l’article 113.1 du RTA, l’Office ordonne à Interjet de verser à M. Nicholls une indemnité de 249 CAD. Interjet doit verser ce montant à M. Nicholls le plus tôt possible, mais au plus tard le 4 février 2021.
ANNEXE À LA DÉCISION No 112-C-A-2020
Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international – Convention de Montréal (Convention de Montréal)
L’article 17(2) de la Convention de Montréal établit les règles concernant a responsabilité quant aux bagages endommagés et énonce que :
Le transporteur est responsable du dommage survenu en cas de destruction, perte ou avarie de bagages enregistrés, par cela seul que le fait qui a causé la destruction, la perte ou l'avarie s'est produit à bord de l'aéronef ou au cours de toute période durant laquelle le transporteur avait la garde des bagages enregistrés. Toutefois, le transporteur n'est pas responsable si et dans la mesure où le dommage résulte de la nature ou du vice propre des bagages.[…].
L’article 22(2) de la Convention de Montréal établit les limites de responsabilité relatives aux bagages endommagés et énonce que :
Dans le transport de bagages, la responsabilité du transporteur en cas de destruction, perte, avarie ou retard est limitée à la somme de 1000 droits de tirage spéciaux par passager, sauf déclaration spéciale d'intérêt à la livraison faite par le passager au moment de la remise des bagages enregistrés au transporteur et moyennant le paiement éventuel d'une somme supplémentaire. Dans ce cas, le transporteur sera tenu de payer jusqu'à concurrence de la somme déclarée, à moins qu'il prouve qu'elle est supérieure à l'intérêt réel du passager à la livraison.
L’article 31(2) de la Convention de Montréal établit les délais à respecter lorsqu’une protestation est adressée au transporteur concernant des bagages enregistrés endommagés et énonce que :
En cas d'avarie, le destinataire doit adresser au transporteur une protestation immédiatement après la découverte de l'avarie et, au plus tard, dans un délai de sept jours pour les bagages enregistrés et de quatorze jours pour les marchandises à dater de leur réception. En cas de retard, la protestation devra être faite au plus tard dans les vingt et un jours à dater du jour où le bagage ou la marchandise auront été mis à sa disposition.
L’article 31(3) de la Convention de Montréal établit la méthode de protestation en cas de bagages endommagés :
Toute protestation doit être faite par réserve écrite et remise ou expédiée dans le délai prévu pour cette protestation.
Interjet’s International Scheduled Services Tariff General Rules Applicable to the Transportation of Passengers and Baggage between Mexico and Canada, CTA(A) No. 1
Remarque : Le tarif d’Interjet a été déposé en anglais seulement.
Rule 10.5 Valuables
The Carrier does not accept in Checked Baggage, or when otherwise placed in the care of the Carrier, valuables such [as] jewellery, personal documents, passports and other identification documents, precious metals or stones, works of art, value stocks, cash, computers, portable audio and/or video players, or any other electronic devices, as well as other items similar to those mentioned above.
Rule 20.2.3 Liability in the case of destruction or loss of, damage to, or delay of Checked and Unchecked Baggage
3. ….
(d) The Carrier is liable for the damage sustained in case of destruction or loss of, or damage to, Checked Baggage upon condition only that the event which caused the destruction, loss or damage took place on board the aircraft or during any period within which the Checked Baggage was in the charge of the Carrier. However, the Carrier shall not be liable for the destruction, loss, damage or delay in delivery in any property which is not acceptable for transportation in accordance with Rule 10 (Baggage) or for any other loss or damage of whatever nature resulting from any such loss or damage or from the transportation of such property, including damage or delay to perishable items, valuables, or loss or delay of unsuitably or inadequately packed items, to the extent that the destruction, loss or damage resulted from the inherent defect, quality or vice of the baggage, or in case of delay, that the Carrier, its agents and servants took all measures that could reasonable be required to avoid the damage or that it was impossible to take such measures[.] This exclusion is applicable whether the non-acceptable property is included in the passenger’s checked baggage with or without the knowledge of the Carrier.
Further, the Carrier’s liability for the destruction, loss, damage or delay of baggage is subject to the terms, limitations and defenses set forth in the Warsaw Convention and the Montreal Convention, whichever may apply, in addition to any limitation of defense recognized by a Court with proper jurisdiction over claim.
….
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