Décision n° 113-C-A-2023
Demande présentée par Alan Murphy contre Air Canada, concernant un retard de vol et une correspondance manquée
[1] Alan Murphy devait prendre un vol de Sudbury (Ontario) à Edmonton (Alberta), via Toronto (Ontario) dont le départ était prévu le 19 décembre 2019. Le vol initial de M. Murphy de Sudbury à Toronto a été retardé, ce qui lui a fait manquer son vol de correspondance à destination d’Edmonton. M. Murphy a été réacheminé par Air Canada sur un nouveau vol de correspondance de Toronto à Edmonton, et il est arrivé 11 heures et 4 minutes plus tard que prévu.
[2] M. Murphy demande une indemnisation au titre du Règlement sur la protection des passagers aériens (RPPA) pour le retard qu’il a subi. Air Canada rejette sa demande au motif que le retard était attribuable à une défaillance mécanique et que, bien que le retard lui était attribuable, il était nécessaire par souci de sécurité.
[3] Dans la présente décision, le rôle de l’Office des transports du Canada (Office) consiste à déterminer si Air Canada a correctement appliqué les conditions de son tarif applicables au billet que M. Murphy a acheté.
[4] Si l’Office conclut qu’Air Canada n’a pas correctement appliqué son tarif, il peut lui ordonner de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées, ou de verser des indemnités à M. Murphy pour toutes dépenses supportées en raison de la non‑application du tarif.
Positions des parties
[5] M. Murphy soutient qu’à 6 h 30, soit 30 minutes après l’heure de départ initiale qui était prévue, Air Canada a annoncé qu’un problème mécanique avait été décelé sur l’aéronef et que le vol serait retardé jusqu’à 10 h 30, car des mécaniciens devaient venir de Toronto pour effectuer des travaux de maintenance sur l’aéronef. M. Murphy affirme qu’il a entendu un mécanicien informer le pilote que l’aéronef manquait d’huile hydraulique et d’huile pour turbine. Il affirme également qu’un camion est arrivé environ une heure plus tard afin de réapprovisionner l’aéronef en huile. M. Murphy affirme que les mécaniciens ont ensuite continué à travailler sur l’aéronef pendant une heure avant que l’embarquement ne commence.
[6] M. Murphy n’est pas d’accord avec Air Canada, qui affirme que le retard lui était attribuable, mais qu’il était nécessaire par souci de sécurité. Il soutient qu’un aéronef qui manque d’huile est un problème de maintenance qui peut être évité. Il soutient également que l’aéronef devait avoir passé la nuit à l’aéroport parce qu’il était recouvert de neige et que, par conséquent, Air Canada aurait dû savoir qu’il y avait un problème avant le départ.
[7] Air Canada indique que le problème de maintenance qui a entraîné le retard du vol de M. Murphy a été décelé par les pilotes lors de la vérification avant le départ qui a eu lieu avant l’embarquement des passagers et qu’il a été présumé, à ce moment-là, qu’il s’agissait d’une fuite de liquide hydraulique. Air Canada soutient que les fuites de liquide hydraulique peuvent entraîner une défaillance du système hydraulique, ce qui peut compromettre l’exploitation sécuritaire de l’aéronef en provoquant une perte de contrôle; une difficulté ou une incapacité à rentrer le train d’atterrissage, ou des dommages collatéraux à d’autres systèmes. De plus, elle soutient que le problème n’aurait pas pu être détecté avant la vérification avant le vol, car aucune maintenance de l’aéronef n’était prévue dans la soirée du 18 décembre 2019 ni dans la matinée du 19 décembre 2019. De plus, Air Canada a fourni le suivi de vol de l’aéronef, qui indique que ce dernier a été exploité pour effectuer une série de vols dans la soirée du 18 décembre 2019 avant son arrivée à Sudbury. Air Canada soutient qu’aucune des vérifications avant le départ pour ces vols n’a révélé de problème.
[8] Air Canada affirme que l’aéronef a été immobilisé au sol à des fins de maintenance à 6 h 45 et que le temps nécessaire aux réparations était inconnu parce que les pilotes ne pouvaient pas évaluer le problème sans l’expertise des techniciens d’entretien d’aéronefs. Comme il n’y avait pas de techniciens ayant l’expertise requise pour effectuer l’inspection nécessaire à Sudbury, Air Canada a fait appel à une équipe de techniciens qualifiés. Ces techniciens ont quitté Toronto à 8 h et sont arrivés à Sudbury à 10 h 03.
[9] Air Canada soutient que les techniciens ont déterminé qu’il s’agissait d’une fuite d’huile, plutôt que d’une fuite de liquide hydraulique, à 13 h 43. Elle fait valoir qu’une fuite d’huile peut entraîner une panne de moteur et constitue également un risque d’incendie, ce qui compromet l’exploitation sécuritaire de l’aéronef. En outre, elle affirme que la liste d’équipement minimal ne permet pas l’exploitation d’un aéronef qui a une fuite d’huile active. Pour réparer la fuite, les techniciens ont commandé des pièces et se sont procuré de l’huile auprès d’une autre station, car celles-ci n’étaient pas disponibles à l’aéroport de Sudbury. Air Canada affirme que cette information a été affichée à 14 h 25 et que l’aéronef a finalement été réparé et jugé en état de service à 16 h 29.
Retard de vol et correspondance manquée
[10] Des indemnités pour inconvénients sont dues uniquement si le retard était attribuable au transporteur, mais aucune indemnité n’est due si le retard lui était attribuable, mais nécessaire par souci de sécurité.
[11] Le RPPA définit « nécessaire par souci de sécurité » toute exigence légale à respecter afin de réduire les risques pour la sécurité des passagers, ce qui comprend les cas de défaillances mécaniques, mais qui exclut les défaillances découvertes au cours d’une maintenance planifiée ou les perturbations causées par une maintenance planifiée.
[12] Il incombe à un demandeur d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la défenderesse n’a pas appliqué correctement les conditions de transport applicables à son billet. Cependant, lorsqu’un transporteur affirme qu’une perturbation lui était attribuable, mais qu’elle était nécessaire par souci de sécurité, il doit prouver son affirmation en présentant des éléments de preuve pour démontrer dans quelle catégorie il classe la perturbation étant donné qu’il détient les renseignements pertinents.
[13] Dans le cas présent, bien que les parties conviennent que le vol a été retardé en raison d’un problème mécanique attribuable à Air Canada, M. Murphy conteste que le retard était nécessaire par souci de sécurité. M. Murphy soutient que le problème aurait pu être évité lors d’une maintenance planifiée.
[14] Dans la décision 122-C-A-2021 (décision d’interprétation du RPPA), l’Office a indiqué que les vérifications avant et après les vols ne sont pas des activités de maintenance planifiée, puisque l’aéronef n’est pas mis hors service pendant ces brèves vérifications et que ces vérifications servent à repérer des problèmes imprévus de dernière minute que la maintenance régulière planifiée n’aurait pas empêchés. L’Office a également indiqué que les perturbations de vol qui sont causées par un problème repéré pendant les vérifications d’avant ou d’après vol qui affecte les opérations sécuritaires d’un aéronef sont généralement considérées comme étant attribuables au transporteur, mais nécessaires par souci de sécurité.
[15] Air Canada soutient que les pilotes ont décelé une possible fuite de liquide hydraulique lors de la vérification avant le vol et que cette fuite n’était pas prévisible puisqu’aucune anomalie n’avait été détectée sur l’aéronef avant son arrivée à Sudbury. À l’appui de sa position, Air Canada a fourni l’historique de l’aéronef, qui démontre qu’il a effectué plusieurs vols sans problème avant celui de M. Murphy.
[16] Air Canada soutient également que les pilotes ne pouvaient pas évaluer le problème sans l’expertise de techniciens d’entretien et qu’elle a dû faire venir à Sudbury une équipe d’entretien ayant l’expertise requise. L’historique du vol AC8603 appuie l’affirmation d’Air Canada selon laquelle les techniciens d’entretien ont pris un vol qui a quitté Toronto à 8 h 50. Le rapport Netline, le registre des quarts de travail de la maintenance et le rapport de contrôle des opérations du système démontrent en outre que les techniciens d’entretien ont inspecté l’aéronef et déterminé qu’il s’agissait d’une fuite d’huile, que des pièces ont été commandées et que l’huile a ensuite été obtenue pour remettre l’aéronef en état de service.
[17] Enfin, Air Canada soutient que le délai requis pour examiner et régler le problème était nécessaire pour assurer la sécurité de tous les passagers et de l’équipage et qu’il était prescrit par la liste minimale d’équipements. À l’appui de sa position, Air Canada a détaillé les divers problèmes de sécurité liés aux fuites de liquide hydraulique et d’huile et a fait référence à des sources externes pour étayer sa position selon laquelle de telles défaillances peuvent compromettre l’exploitation sécuritaire de l’aéronef.
[18] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut qu’Air Canada a justifié les circonstances qu’elle a décrites, à savoir que les pilotes ont décelé un problème mécanique compromettant l’exploitation sécuritaire de l’aéronef au cours d’une vérification avant le vol.
[19] Par conséquent, l’Office conclut que le retard de vol de M. Murphy était attribuable à Air Canada, mais qu’il était nécessaire par souci de sécurité. M. Murphy n’a donc pas droit à des indemnités pour inconvénients pour ce retard.
[20] À la lumière de ce qui précède, l’Office rejette la demande.
Dispositions en référence | Identifiant numérique (article, paragraphe, règle, etc.) |
---|---|
Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 | 67(3) |
Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS/2019-150 | 1; 11(1); 11(3) |
Domestic Tariff General Rules Applicable to the Transportation of Passengers and Baggage, CTA 3 | 5(C); 80(B)(3) |
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