Décision n° 126-C-A-2023

le 18 août 2023

Demande présentée par Cindy Bujold et Mathieu Arsenault (demandeurs) contre Sunwing Airlines Inc. (défenderesse) concernant un retard de vol

 

Numéro de cas : 
23-04205

[1] Les demandeurs ont acheté des billets pour le vol WG0380, de Mont-Joli (Québec) à Varadero, Cuba, avec une escale à Québec (Québec), dont le départ était prévu le 15 janvier 2020. Le vol a été retardé et les demandeurs sont arrivés à Varadero trois heures et dix minutes plus tard que prévu.

[2] Les demandeurs réclament un remboursement du prix payé pour un repas acheté pendant qu’ils attendaient le départ de leur vol et une indemnité pour les inconvénients subis au titre du Règlement sur la protection des passagers aériens (RPPA). Ils expriment également leur mécontentement quant aux renseignements que leur a fournis la défenderesse.

[3] Dans la présente décision, le rôle de l’Office des transports du Canada (Office) consiste à déterminer si la défenderesse a correctement appliqué les conditions de son tarif applicables aux billets que les demandeurs ont achetés. Le tarif est un document juridique qui contient les conditions et autres règles qui s’appliquent au billet du passager. Le RPPA est incorporé au tarif par renvoi.

[4] Si l’Office conclut que la défenderesse n’a pas correctement appliqué son tarif, il peut lui ordonner de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées, ou de verser des indemnités à quiconque pour toutes dépenses supportées en raison de la non-application du tarif.

Retard

[5] Au titre du RPPA, les passagers ont droit à une indemnité pour les inconvénients subis s’ils arrivent à leur destination avec un retard de trois heures ou plus par rapport à l’horaire prévu dans le cas d’une perturbation de vol attribuable au transporteur.

[6] Les demandeurs ont réclamé à la défenderesse une indemnité pour les inconvénients subis, mais cette dernière a rejeté leur demande au motif que le retard était dû à des exigences opérationnelles imposées à bord d’un aéronef en rapprochement. Cette situation, qui a causé un arrêt imprévu de l’aéronef des demandeurs, était indépendante de la volonté de la défenderesse. Les demandeurs contestent cette catégorisation du retard et soutiennent qu’à l’aéroport, on les a informés qu’un changement d’équipage était la cause du retard.

[7] La défenderesse explique que l’aéronef C-GLRN, qui devait exploiter le vol des demandeurs, devait également exploiter un vol de Varadero à Val-d’Or (Québec), avec une escale à Montréal (Québec). Toutefois, à Montréal, l’aéronef a subi une défaillance mécanique qui rendait l’exploitation dangereuse. Même en remplaçant l’aéronef par le premier aéronef disponible à Montréal, le segment du vol de Montréal à Val-d’Or a été retardé de quatre heures et cinq minutes. Selon la défenderesse, ce retard l’a empêché de changer l’équipage pendant l’escale du vol WG0380 à Québec, comme prévu, en raison du temps maximal de service de l’équipage. La défenderesse indique qu’elle a alors ajouté, au vol de convoyage de Val‑d’Or à Mont-Joli, une escale à Québec pour faire un changement d’équipage. Le vol des demandeurs est parti moins d’une heure après l’arrivée du vol de convoyage. La défenderesse a offert gratuitement des sandwichs aux passagers de Mont-Joli à bord de l’aéronef. Elle soutient que ces actions représentent toutes les mesures qu’elle pouvait prendre pour atténuer les conséquences du retard du vol précédent causé par la défaillance mécanique, qui lui était attribuable, mais nécessaire par souci de sécurité. Pour ces raisons, la défenderesse prétend que le retard du vol des demandeurs, le vol WG0380, lui était également attribuable, mais nécessaire par souci de sécurité. La défenderesse soutient que la seule indemnité qui est due aux demandeurs est un remboursement pour le prix de leur repas acheté pendant l’attente du départ de leur vol.

[8] Le RPPA énonce qu’un retard de vol qui est directement imputable à un retard précédent attribuable au transporteur, mais nécessaire par souci de sécurité, est également considéré comme attribuable au transporteur, mais nécessaire par souci de sécurité si le transporteur a pris toutes les mesures raisonnables pour atténuer les conséquences du retard précédent.

[9]  Dans la décision 122-C-A-2021 (décision d’interprétation du RPPA), l’Office a déterminé qu’il revient au transporteur de prouver qu’il a pris toutes les mesures raisonnables pour prévenir ou réduire au minimum les conséquences de l’effet domino. Pour déterminer si un transporteur a pris toutes les mesures raisonnables, l’Office a déterminé qu’il faut tenir compte des circonstances entourant l’effet domino, notamment la durée de l’effet domino; l’éloignement de l’endroit et la question de savoir si la perturbation s’est produite dans un pays étranger; la disponibilité d’un autre aéronef ou équipage; et les conséquences de la cause de l’annulation ou du retard de vol sur les activités du transporteur.

[10] En fonction du registre de transfert d’entretien et de retard déposé par la défenderesse, l’Office accepte qu’en raison de la défaillance des deux indicateurs de vibration du moteur de l’aéronef C-GLRN, la défenderesse a dû remplacer l’aéronef à Montréal, et que cette situation lui était attribuable, mais nécessaire par souci de sécurité. De plus, en s’appuyant sur les éléments de preuve que la défenderesse a déposés, l’Office accepte que le retard du vol des demandeurs était directement attribuable à cette situation.

[11] La défenderesse soutient qu’elle a pris toutes les mesures raisonnables afin d’atténuer les conséquences du premier retard. Pour appuyer sa position, la défenderesse a expliqué qu’elle a modifié ses activités afin d’ajouter une escale à Québec au vol de convoyage pour faire le changement de l’équipage. Considérant la chronologie des événements, en particulier le fait que l’arrivée prévue à 19 h 40 à Val-d’Or a été retardée à 23 h 45, et l’éloignement des villes en cause, l’Office conclut que la défenderesse a démontré qu’elle a agi raisonnablement afin d’atténuer les conséquences du retard puisqu’elle a adapté ses activités dans un délai raisonnable. À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que le retard du vol des demandeurs était attribuable à la défenderesse, mais nécessaire par souci de sécurité. Par conséquent, les demandeurs n’ont pas droit à une indemnité pour les inconvénients au titre du RPPA.

[12] Cependant, le RPPA prévoit que lorsqu’il s’est écoulé deux heures depuis l’heure de départ indiquée sur le titre de transport initial des passagers, le transporteur leur fournit, sans frais supplémentaires, de la nourriture et des boissons en quantité raisonnable uniquement lors d’un retard qui lui est attribuable, mais nécessaire par souci de sécurité. Étant donné que l’heure de départ indiquée sur les billets des demandeurs était 7 h, que leur vol est parti avec un retard de plus de trois heures, et que les parties conviennent qu’aucune nourriture n’a été fournie durant l’attente, l’Office conclut qu’il était raisonnable pour les demandeurs d’avoir supporté des dépenses pour déjeuner à l’extérieur de l’aéroport. Par conséquent, l’Office conclut que les demandeurs ont droit au remboursement du prix de leur repas, soit 32,49 CAD selon le reçu qu’ils ont déposé.

Communications

[13] Les demandeurs ne sont pas satisfaits des renseignements qui leur ont été fournis. Toutefois, les demandeurs ne réclament pas d’indemnité pour des dépenses qu’ils auraient supportées en raison des communications de la défenderesse. Par conséquent, les demandeurs ne disposent d’aucun recours à cet égard.

[14] Depuis cet incident, l’Office a précisé dans la décision d’interprétation du RPPA l’obligation des transporteurs de donner aux passagers des renseignements clairs, précis et en temps opportun.

Ordonnance

[15] L’Office ordonne à la défenderesse de verser aux demandeurs une indemnité de 32,49 CAD le plus tôt possible, mais au plus tard le 3 octobre 2023.


Dispositions en référence Identifiant numérique (article, paragraphe, règle, etc.)
Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58 110(4); 113.1(1)
Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS/2019-150 11(2); 11(3)(b); 14(1)(a); 19
Tariff Containing Rules Applicable to Scheduled Services for the Transportation of Passengers and Baggage or Goods Between Points in Canada on the One Hand and Points Outside Canada on the Other Hand, CTA(A) 3 2.1(g)

Membre(s)

Lenore Duff
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