Décision n° 14-C-A-2022

le 14 février 2022

DEMANDE présentée par Oscar Luis Cruz Hernandez et Victor Manuel Cruz Hernandez (demandeurs) contre Air Canada et Deutsche Lufthansa Aktiengesellschaft (Lufthansa German Airlines) [Lufthansa] (défenderesses) au titre du paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58 (RTA), concernant une perturbation d’horaire.

Numéro de cas : 
21-50194

[1] Les demandeurs devaient retourner de Tel-Aviv, Israël, à Montréal (Québec) via Francfort, Allemagne, le 9 janvier 2019. À leur arrivée à la porte d’embarquement de leur vol de correspondance, ils ont découvert qu’ils avaient été réacheminés de façon proactive afin d’éviter de manquer la correspondance puisque leur vol initial était en retard. Leur nouvel itinéraire a fait en sorte que leur arrivée à leur destination finale a été retardée d’environ 3,5 heures .

[2] Initialement, les demandeurs ont déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) au sujet de ces événements, pour lesquels ils réclamaient les mesures suivantes :

  • Une conclusion selon laquelle les défenderesses ont sciemment fourni de faux renseignements sur les raisons pour lesquelles l’embarquement leur a été refusé;
  • Une ordonnance obligeant les défenderesses à mettre en place des procédures de formation pour s’assurer que leurs représentants cessent de fournir de faux renseignements;
  • Une conclusion selon laquelle les défenderesses ont injustement nié le droit des demandeurs à une indemnisation au titre du Règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91 (Règlement (CE) no 261/2004).

[3] Dans la décision no 40-C-A-2021 (Décision), l’Office a conclu que :

  • les demandeurs ne se sont pas vu refuser l’embarquement, mais qu’ils ont plutôt subi une perturbation d’horaire;
  • Lufthansa a correctement appliqué le tarif d’Air Canada intitulé International Passenger Rules and Fares Tariff No. AC-2 Containing Local and Joint Rules, Regulations, Fares and Charges on behalf of Air Canada Applicable to the Transportation of Passengers and Baggage between points in Canada/USA and Points in Areas 1/2/3 and Between the USA and Canada, NTA No. 458 (tarif); 
  • les demandeurs n’ont pas droit à une indemnisation au titre du Règlement (CE) no 261/2004, qui est incorporé au tarif. L’Office a donc rejeté la demande.

[4] Les demandeurs attribuent les conclusions auxquelles est parvenu l’Office dans cette décision au fait qu’ils n’ont pas convenablement insisté sur l’interprétation que font les tribunaux européens de la notion de refus d’embarquement aux termes du règlement (CE) no 261/2004. Dans la présente demande, déposée en réponse à cette décision, les demandeurs soulèvent de nouveaux arguments à l’appui des mesures réclamées dans leur demande initiale et réclament également ce qui suit :

  • Une conclusion selon laquelle Air Canada n’a pas agi de façon raisonnable et dans l’intérêt des demandeurs en les empêchant d’embarquer sur leur vol de correspondance initial;
  • Une conclusion selon laquelle Lufthansa n’a pas respecté son obligation de leur fournir une preuve des circonstances extraordinaires ayant entraîné le retard de leur vol initial;
  • Une conclusion selon laquelle les défenderesses ont injustement nié le droit des demandeurs à une indemnisation au titre de l’Aviation Services Law (Compensation and Assistance for Flight Cancellation or Change of Conditions), 5772-2012 (Aviation Services Law) israélienne;
  • Une ordonnance obligeant les défenderesses à respecter leurs obligations prévues à l’Aviation Services Law.

[5] Les demandeurs affirment qu’ils ont droit à une indemnisation au titre de l’Aviation Services Law, qui est également incorporée au tarif. Ils affirment que la définition de « refus de transport d’un passager à bord d’un vol » prévue à cette loi est similaire à la définition de « refus d’embarquement  » établie par la jurisprudence et les Orientations interprétatives relatives au règlement (CE) n° 261/2004, en ce sens qu’elle ne se limite pas aux surréservations. Les demandeurs invoquent la décision Lachance c Air Canada, 2014 NSSM 14, et affirment que le réacheminement proactif de passagers en prévision d’une correspondance manquée représente un refus d’embarquement et qu’ils ont droit à une indemnisation conformément à l’Aviation Services Law.

[6] Les demandeurs réitèrent également leurs arguments à l’appui de leur position voulant que les défenderesses leur aient sciemment fourni de faux renseignements sur les raisons pour lesquelles l’embarquement leur a été refusé, et affirment que Lufthansa n’a pas respecté ses obligations en matière de communications prévues au Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS/2019-150, qui est entré en vigueur le 15 juillet 2019. Ils ne s’expliquent pas pourquoi ces obligations s’appliqueraient de façon rétroactive.

[7] Cette demande soulève clairement des enjeux en lien avec une question sur laquelle l’Office a déjà statué. L’article 32 de la Loi sur les transports au Canada,LC 1996, c 10 (LTC) permet à l’Office de réviser une décision lorsque les faits ou les circonstances de l’affaire ont évolué. Cependant, les demandeurs reconnaissent que l’article 32 ne s’applique pas. Dans la présente demande, ils présentent des arguments juridiques concernant les Orientations interprétatives relatives au règlement (EC) n° 261/2004 et l’Aviation Services Law qu’ils ont eu l’occasion de présenter, mais ne l’ont pas fait, lorsque la demande sur laquelle l’Office a statué dans sa décision a été entendue.

[8] Dans les autres cas portant sur une question ayant déjà été examinée, l’Office a invariablement appliqué la doctrine de la chose jugée. Comme l’énonce la décision Danyluk c Ainsworth Technologies Inc., 2001 CSC 44, cette doctrine permet d’éviter le recours à une procédure si : (1) la même question a été décidée; (2) la décision judiciaire antérieure est définitive; et (3) les parties sont les mêmes dans chacune des instances.

[9] Bien que les mesures que réclament actuellement les demandeurs diffèrent à certains égards de celles que ceux-ci réclamaient dans leur demande initiale, elles sont toutes fondamentalement liées à la même question déjà tranchée, soit de savoir si Lufthansa a correctement appliqué les conditions énoncées dans le tarif d’Air Canada. De plus, la décision rendue en réponse à la demande initiale est définitive et les parties sont les mêmes dans les deux instances.

[10] Par conséquent, l’Office rejette la demande puisque la question a déjà fait l’objet d’une décision.


ANNEXE À LA DÉCISION NO 14-C-A-2021

Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10

32 L’Office peut réviser, annuler ou modifier ses décisions ou arrêtés, ou entendre de nouveau une demande avant d’en décider, en raison de faits nouveaux ou en cas d’évolution, selon son appréciation, des circonstances de l’affaire visée par ces décisions, arrêtés ou audiences.

Membre(s)

Mark MacKeigan
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