Décision n° 14-C-A-2021
DEMANDE présentée par Deborah-Lyn Smith contre Air Canada, au titre du paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58 (RTA), concernant une perturbation d’horaire.
RÉSUMÉ
[1] Deborah-Lyn Smith a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) contre Air Canada concernant un vol retardé.
[2] Mme Smith réclame une indemnité de 400 CAD pour deux nuitées à l’hôtel, des repas et des frais accessoires. Elle réclame également une indemnisation pour douleur et souffrance ainsi qu’une ordonnance de l’Office pour obliger Air Canada à adopter une politique permettant à son personnel d’enregistrer de nouveau les bagages à la suite d’une demande de changement d’horaire après l’enregistrement initial, en particulier lorsque les vols de correspondance risquent d’être manqués.
[3] Dans la décision no LET-C-A-38-2020, l’Office a conclu qu’il n’avait pas compétence pour traiter la plainte de Mme Smith concernant la douleur et la souffrance; que l’article 122 du RTA n’exige pas que la question du nouvel enregistrement des bagages à la suite d’une demande de changement d’horaire après l’enregistrement initial soit énoncée dans un tarif; et que le tarif d’Air Canada intitulé International Passenger Rules and Fares Tariff No. AC-2 Containing Local and Joint Rules, Regulations, Fares and Charges on Behalf of Air Canada applicable to the Transportation of Passengers and Baggage Between Points in Canada/USA and Points in Areas 1/2/3 and Between the USA and Canada, NTA(A) No. 458 (tarif) est raisonnable au sens de l’article 111 du RTA.
[4] Dans la présente décision, l’Office se penchera sur la question suivante :
Air Canada a-t-elle appliqué correctement les conditions énoncées dans son tarif relativement aux perturbations d’horaire, comme l’exige le paragraphe 110(4) du RTA?
[5] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office conclut qu’Air Canada a correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif. Par conséquent, l’Office rejette la demande.
CONTEXTE
[6] Le 10 février 2019, Mme Smith devait prendre un vol avec Air Canada de Victoria (Colombie-Britannique) à Gênes, Italie, via Vancouver (Colombie-Britannique), et Amsterdam, Pays-Bas, dont l’arrivée était prévue le 11 février 2019.
[7] Le vol de Mme Smith de Victoria à Vancouver a été retardé en raison des conditions météorologiques, ce qui lui a fait manquer son vol de correspondance de Vancouver à Amsterdam, qui était exploité par KLM Royal Dutch Airlines (KLM). Air Canada a offert deux options de réacheminement à Mme Smith. La première option était le prochain vol disponible de KLM de Vancouver à Gênes avec une escale à Amsterdam, qui partait le lendemain, le 11 février 2019. La deuxième option était un vol avec des escales à Amsterdam et à Rome, Italie, également exploité par KLM. Mme Smith a refusé ces options et a choisi de prendre un vol d’Air France de Vancouver à Paris, France, dont le départ était prévu le 12 février 2019, pour ensuite prendre un autre vol de Paris à Gênes le 13 février 2019. Elle est arrivée à Gênes, sa destination finale, vers minuit, deux jours plus tard que prévu initialement.
LA LOI ET LES DISPOSITIONS DU TARIF PERTINENTES
[8] Le paragraphe 110(4) du RTA exige que le transporteur aérien, lors de l’exploitation d’un service international, applique correctement les conditions de transport énoncées dans son tarif.
[9] Si l’Office conclut qu’un transporteur aérien n’a pas correctement appliqué son tarif, l’article 113.1 du RTA confère à l’Office le pouvoir d’ordonner au transporteur :
a) de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées;
b) de verser des indemnités à quiconque pour toutes dépenses qu’il a supportées en raison de la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport applicables aux services offerts et prévus au tarif.
[10] L’article 19 de la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international – Convention de Montréal (Convention de Montréal) prévoit, en partie, ce qui suit :
Le transporteur est responsable du dommage résultant d’un retard dans le transport aérien de passagers, de bagages ou de marchandises. Cependant, le transporteur n’est pas responsable du dommage causé par un retard s’il prouve que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre.
[11] Les dispositions pertinentes du tarif sont énoncées à l’annexe.
POSITIONS DES PARTIES ET CONSTATATIONS DES FAITS
Mme Smith
[12] Mme Smith indique que le 10 février 2019, le jour de son départ de Victoria, elle est arrivée à l’aéroport trois heures avant l’heure de départ prévue. Elle affirme que, quelque temps après son enregistrement, elle a demandé à Air Canada de la réacheminer sur un vol partant plus tôt, car elle craignait que le mauvais temps imminent crée des perturbations de vol. Elle affirme en outre qu’un agent d’Air Canada a rejeté sa demande et l’a informé qu’il était impossible de récupérer ses bagages déjà enregistrés et que tous les bagages enregistrés devaient suivre les passagers sur le même vol.
[13] Mme Smith avance que l’agent l’a faussement rassurée au sujet des conditions météorologiques. Elle soutient que si l’agent avait accepté sa demande, elle aurait pu prendre son vol de correspondance à Vancouver.
[14] Elle affirme qu’une fois arrivée à Vancouver, elle a dû attendre une demi-heure pour voir un agent d’Air Canada, qui a ensuite passé du temps à essayer de la réacheminer sur un vol vers Goa, Inde, au lieu de Gênes, Italie, dont le code d’aéroport est GOA, ce qui lui a fait manquer un possible vol de correspondance vers Londres, Royaume-Uni, et l’a obligée à rester deux jours de plus à Vancouver avant d’atteindre sa destination finale.
[15] Mme Smith déclare qu’elle a passé la majeure partie de ces deux jours à l’aéroport de Vancouver à essayer de trouver un autre itinéraire vers Gênes et à tenter de retrouver ses bagages enregistrés.
[16] Elle affirme que son itinéraire de vol, qui devait initialement durer 14 heures, a duré quatre jours parce qu’Air Canada a refusé de la réacheminer sur un vol partant plus tôt de Victoria.
[17] Mme Smith n’est pas d’accord avec la description d’Air Canada des options de réacheminement qui lui avaient été offertes et soutient qu’aucune d’elles n’était souhaitable. Elle ne voulait pas prendre le premier itinéraire proposé par Air Canada, car elle aurait dû payer en euros pour passer la nuit à Amsterdam. Elle affirme que le deuxième itinéraire qui lui a été proposé, avec une escale à Rome, ne l’aurait pas amenée à Gênes plus rapidement que l’itinéraire d’Air France, qui est l’option de réacheminement qu’elle a choisie.
Air Canada
[18] Air Canada indique qu’elle a refusé la demande de Mme Smith, qui voulait être réacheminée sur un vol partant plus tôt de Victoria vers Vancouver, parce que cette dernière s’était déjà enregistrée pour son vol initial. Air Canada affirme que le réacheminement d’un passager sur un vol partant plus tôt n’est pas une pratique courante, ni chez Air Canada ni dans l’industrie du transport aérien, et qu’il ne s’agit pas d’une exigence de son tarif.
[19] Un élément de preuve déposé par Air Canada indique que des conditions météorologiques extrêmes ont touché l’aéroport de Victoria et retardé le départ de la demanderesse. De plus, Air Canada a déposé des documents, notamment un bulletin de nouvelles locales prévoyant des conditions météorologiques extrêmes ainsi qu’un bulletin météorologique horaire indiquant que les conditions étaient dégagées ou indisponibles avant 14 h, aux alentours de l’heure de départ prévue de la demanderesse, soit 14 h 10.
[20] Air Canada déclare que le vol initial de Mme Smith, le vol no QK8068, de Victoria, a décollé à 15 h 33, soit 1 heure et 23 minutes après le départ initial prévu. Le vol a été retardé en raison du dégivrage requis des suites de la tempête de neige, ce qui a entraîné une correspondance manquée et a empêché Mme Smith de monter à bord du vol no KL0682 à Vancouver. Air Canada indique que la correspondance manquée a été entièrement causée par des intempéries indépendantes de sa volonté.
[21] Air Canada affirme qu’à la suite du vol manqué de Mme Smith, elle l’a réacheminée sur le prochain itinéraire disponible de KLM de Vancouver à Gênes, avec une escale à Amsterdam. Air Canada souligne que si Mme Smith avait opté pour cet itinéraire, elle serait arrivée à Gênes le 13 février 2019 à 13 h 30, soit 10 heures avant son arrivée avec le vol d’Air France. Air Canada affirme qu’elle a également offert de réacheminer Mme Smith sur un autre itinéraire, avec des escales à Amsterdam et à Rome, ce qu’elle a également refusé. Air Canada soutient que cette option aurait permis à Mme Smith d’arriver à Gênes le 12 février 2019 à 18 h 25, soit 29 heures avant son arrivée avec le vol d’Air France.
[22] Air Canada soutient que le retard du vol no QK8068 constitue une perturbation d’horaire indépendante de sa volonté, aux termes de la règle 80 du tarif. Les conditions de transport énoncées dans son tarif prévoient que le transporteur, en cas de perturbation d’horaire, ne garantit pas les heures des vols qui figurent sur les billets des passagers et ne peut être tenu responsable des annulations de vol ou des modifications des heures en cas de force majeure, y compris les mauvaises conditions météorologiques. Le tarif prévoit également que les heures indiquées dans les horaires sont approximatives, ne sont pas garanties et ne font pas partie du contrat de transport.
[23] Puisqu’elle a offert à Mme Smith différentes options de réacheminement, Air Canada soutient qu’elle a fait de son mieux pour la transporter jusqu’à sa destination finale.
[24] Enfin, Air Canada affirme que la seule réparation expressément demandée par Mme Smith dans sa demande est le coût d’un billet aller-retour en première classe de Victoria à Gênes. Air Canada soutient que même si Mme Smith a subi des désagréments, elle s’est tout de même rendue à destination et a utilisé ses billets. Air Canada fait valoir que, par conséquent, il n’y a aucune raison d’ordonner le remboursement du coût des billets lorsque le vol a été effectué dans son intégralité.
Constatations de faits
[25] Il est incontesté par les parties, et soutenu par l’historique du dossier passager (HDP) déposé par Air Canada, que cette dernière a offert plusieurs itinéraires de remplacement à Mme Smith.
[26] Il est également incontesté que Mme Smith a sélectionné un itinéraire parmi les options proposées par Air Canada et a refusé un itinéraire exploité par KLM, qui l’aurait amenée plus rapidement à Gênes. De plus, il est incontesté qu’elle a plutôt été réacheminée sur un vol exploité par Air France de Vancouver à Gênes, avec une escale à Paris, dont le départ était prévu le 12 février 2019 et qu’elle est arrivée le 13 février 2019, soit deux jours plus tard que prévu initialement.
ANALYSE ET DÉTERMINATION
[27] Le fardeau de la preuve repose sur la demanderesse, qui doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que le transporteur n’a pas correctement appliqué les conditions de transport énoncées dans son tarif.
[28] En cas de perturbation d’horaire, la règle 80(C)(4) du tarif établit qu’Air Canada a trois options pour réacheminer les passagers touchés vers leur destination, que ce soit par un vol direct ou un autre type de vol. De plus, étant donné que les règles 80(C)(4)(a) et (b) du tarif comprennent toutes deux le texte [traduction] « ou, au choix du transporteur », l’Office conclut que le choix entre ces trois options est à la discrétion d’Air Canada. De cette façon, Air Canada a la latitude de déterminer la meilleure façon de répondre aux besoins des passagers en cas de perturbation d’horaire, comme l’Office l’a conclu dans des décisions antérieures, comme dans la décision no 27-C-A-2018 (Gosnell c Air Canada) ou la décision no 30-AT-C-A-2018 (Saghbini c Air Canada).
[29] La règle 80(A)(3) du tarif prévoit que le transporteur s’engage à faire de son mieux pour transporter le passager avec une diligence raisonnable, mais qu’aucun délai particulier n’est fixé pour le début ou la fin du transport. Air Canada a offert plusieurs itinéraires à Mme Smith, avec à la fois Air Canada et d’autres transporteurs, par exemple, KLM, et Mme Smith a choisi les vols exploités par Air France. L’Office conclut donc qu’Air Canada a fait de son mieux compte tenu de la situation.
[30] L’article 19 de la Convention de Montréal énonce que le transporteur est responsable du dommage résultant d’un retard dans le transport de passagers, à moins qu’il n’ait pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage. Les conditions météorologiques peuvent nuire aux activités des aéronefs et des aéroports de multiples façons. L’Office accepte que les équipages de vol d’Air Canada doivent déterminer en temps réel s’il est sécuritaire d’exploiter un vol donné. Dans le cas présent, les conditions météorologiques à Victoria ont empêché le départ de l’aéronef, ce qui a amené Mme Smith à manquer son vol de correspondance et à atteindre sa destination finale plus tard que prévu. Air Canada a offert diverses options de réacheminement. L’Office conclut donc qu’Air Canada a pris, dans le cas présent, toutes les mesures raisonnables pour éviter les dommages en réacheminant Mme Smith. Par conséquent, Mme Smith n’a pas droit à une indemnisation pour les dépenses au titre de la Convention de Montréal.
[31] Compte tenu de ce qui précède, l’Office conclut qu’Air Canada a correctement appliqué les conditions énoncées à la règle 80 du tarif et qu’Air Canada n’est pas tenue responsable au titre de l’article 19 de la Convention de Montréal.
CONCLUSION
[32] Par conséquent, l’Office rejette la demande.
ANNEXE À LA DÉCISION No 14-C-A-2021
International Passenger Rules and Fares Tariff No. AC-2 Containing Local and Joint Rules, Regulations, Fares and Charges on Behalf of Air Canada applicable to the Transportation of Passengers and Baggage Between Points in Canada/USA and Points in Areas 1/2/3 and Between the USA and Canada, NTA(A) No. 458
Remarque : Le tarif d’Air Canada a été déposé en anglais seulement.
RULE 5 – APPLICATION OF TARIFF
(A) General
(1) This tariff shall apply to carriage of passengers and baggage, and to all services incidental thereto:
(a) Performed and marketed (carrying an AC flight number) by AC, including when flights are operated in conjunction with other participating carriers under joint fares, rates and charges contained in tariffs which make specific reference to this tariff for governing rules, regulations and conditions of carriage, and
(b) For carriage on flights marketed by AC but operated by another carrier, unless otherwise stated in this tariff.
(2) International transportation shall be subject to the rules relating to liability established by, and to all other provisions of the Convention for the Unification of Certain Rules Relating to International Transportation by Air (Montreal Convention of 1999) or such convention as amended, whichever may be applicable to the transportation hereunder. Any provision of these rules which is inconsistent with any provision of said Convention shall, to that extent, but only to that extent, be inapplicable to international transportation. Except as otherwise provided below, these general rules are subject to fare rule provisions.
….
RULE 80 – SCHEDULE IRREGULARITIES
(A) General
(1) Schedules not guaranteed. Times and aircraft type shown in timetables or elsewhere are approximate and not guaranteed, and form no part of the contract of carriage. Schedules are subject to change without notice. No employee, agent or representative of carrier is authorized to bind carrier by any statements or representation as to the dates or times of departure or arrival, or of the operation of any flight. It is always recommended that the passenger ascertain the flight’s status and departure time either by registering for updates on their electronic device, via the carrier’s web site or by referring to airport terminal displays.
(2) Carrier not responsible
Carrier assumes no responsibility for passenger making connections not included as part of the itinerary set out in the ticket. Carrier is not responsible for changes, errors or omissions either in timetables or other representations of schedules. The carrier will not guarantee and will not be held liable for cancellations or changes to flight times that appear on passengers’ tickets due to force majeure, including labor disruptions or strikes. However, a passenger may invoke the provisions of the convention regarding liability in the case of delay.
(3) Best efforts
Carrier undertakes to use its best efforts to carry the passenger and baggage with reasonable dispatch, but no particular time is fixed for the commencement or completion of carriage. Subject thereto carrier may, without notice, substitute alternate carriers or aircraft and may alter the route, add stopovers or omit the stopping places shown on the face of the ticket in case of necessity.
....
(C) Schedule irregularity
….
(4) In the event of a scheduled irregularity, carrier will either:
Note: additional services are provided to on my way customers, as detailed below:
a) carry the passenger on another of its passenger aircraft or class of service on which space is available without additional charge regardless of the class of service; or, at carrier’s option;
b) endorse to another air carrier with which Air Canada has an agreement for such transportation, the unused portion of the ticket for purposes of rerouting; or at carrier’s option;
c) reroute the passenger to the destination named on the ticket or applicable portion thereof by its own or other transportation services; and if the fare for the revised routing or class of service is higher than the refund value of the ticket or applicable portion thereof as determined from RULE 100, carrier will require no additional payment from the passenger but will refund the difference if it is lower or ….
RULE 105 – LIABILITY OF CARRIER
….
(B) Laws and provisions applicable
….
(5) For the purpose if international carriage governed by the Montreal Convention, the liability rules set out in the Montreal Convention are fully incorporated herein and shall supersede and prevail over any provisions of this tariff which may be inconsistent with those rules.
….
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