Décision n° 30-AT-C-A-2018
DEMANDE présentée par Elias Saghbini contre Air Canada exerçant également son activité sous le nom d’Air Canada rouge et d’Air Canada Cargo (Air Canada).
RÉSUMÉ
[1] Elias Saghbini a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) contre Air Canada concernant un retard de vol et des obstacles abusifs allégués à ses possibilités de déplacement dans le cadre d’un voyage d’Ottawa (Ontario), Canada, à Lyon, France, les 12 et 13 décembre 2016.
[2] L’Office se penchera sur les questions suivantes :
- Air Canada a-t-elle correctement appliqué les conditions énoncées dans les règles 80 et 105 de son tarif intitulé Tarif international – Règles générales applicables au transport des passagers et des bagages, NTA(A) No 458 (tarif), comme l’exige le paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88‑58, modifié (RTA)?
- M. Saghbini a-t-il rencontré un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement en vertu du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996) ch. 10, modifiée (LTC)?
[3] Pour les raisons énoncées ci-après, l’Office conclut que :
- Air Canada a correctement appliqué les conditions des règles 80 et 105 de son tarif;
- M. Saghbini est une personne ayant une déficience et il a rencontré un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement à l’aéroport d’Ottawa.
CONTEXTE
[4] Le 12 décembre 2016, M. Saghbini devait prendre un vol d’Ottawa à Lyon via Montréal (Québec). M. Saghbini a éprouvé certains problèmes des suites du retard de son vol à Ottawa et des difficultés à obtenir un fauteuil roulant et d’autres types d’assistance lors de ses différents déplacements. Le 6 juin 2017, l’Office a ouvert les actes de procédure de la demande de M. Saghbini contre Air Canada.
[5] Le 20 juin 2017, Air Canada a déposé un avis auprès de l’Office en vertu de l’article 24 des Règles de l’Office des transports du Canada (Instances de règlement des différends et certaines règles applicables à toutes les instances), DORS/2014-104 (Règles pour le règlement des différends), dans lequel elle demande à M. Saghbini de répondre à certaines questions et de produire certains documents. M. Saghbini s’y est opposé et Air Canada a déposé une requête auprès de l’Office pour obliger M. Saghbini à se conformer aux termes de l’avis. L’Office a émis la décision n° LET‑C‑A‑44-2017 le 14 juillet 2017 ordonnant à M. Saghbini de déposer auprès de l’Office les renseignements demandés par Air Canada. M. Saghbini a déposé sa réponse le 17 juillet 2017.
[6] L’Office a émis la décision n° LET-AT-C-A-66-2017 le 26 octobre 2017 dans laquelle il ordonne à M. Saghbini de répondre à certaines questions, et à Air Canada de clarifier et de donner plus de détails sur les obstacles que M. Saghbini allègue avoir rencontrés. Le 26 octobre et le 8 novembre 2017 respectivement, M. Saghbini et Air Canada ont répondu aux questions de l’Office. Les actes de procédure de ce cas ont été fermés le 15 novembre 2017.
LA LOI
[7] La demande renferme des questions d’application du tarif d’Air Canada et d’accessibilité.
[8] En ce qui a trait à la partie de la demande de M. Saghbini qui vise le tarif, le paragraphe 110(4) du RTA exige qu’un transporteur qui exploite un service international applique les conditions de transport énoncées dans son tarif.
[9] Si l’Office conclut qu’un transporteur aérien n’a pas correctement appliqué son tarif, l’article 113.1 du RTA confère à l’Office le pouvoir d’ordonner au transporteur :
- de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées;
- de verser des indemnités à quiconque pour toutes dépenses qu’il a supportées en raison de la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport.
[10] La règle 80(A) du tarif d’Air Canada porte sur les responsabilités du transporteur concernant les perturbations d’horaire :
- Les horaires ne sont pas garantis. Les heures de départ et d’arrivée, la durée du trajet ainsi que le type d’appareil indiqués dans l’horaire ou ailleurs sont approximatifs et non garantis.
- […]
- Meilleur effort
Le transporteur s’engage à faire de son mieux pour transporter le passager et ses bagages avec une diligence raisonnable, mais aucun délai particulier n’est fixé pour le début ou la fin du transport.
[11] La règle 80(C)(1) du tarif d’Air Canada définit les perturbations d’horaire, entre autres, comme suit :
- un retard par rapport à l’heure de départ ou d’arrivée prévue du vol d’un transporteur;
[…]
[12] La règle 80(C)(4) du tarif d’Air Canada énonce les mesures que le transporteur prendra en cas de perturbations d’horaire :
[…]
c. réacheminer le passager jusqu’à la destination indiquée sur le billet ou sur la partie applicable de celui-ci par ses propres services ou par d’autres services de transport […].
[…]
[13] La règle 105 du tarif d’Air Canada incorpore par renvoi la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international – Convention de Montréal (Convention de Montréal) :
Aux fins du transport international régi par la Convention de Montréal, les règles établies dans la Convention de Montréal en matière de responsabilité font partie intégrante du tarif et l’emportent sur toute disposition tarifaire incompatible ou contradictoire à ces règles.
[14] L’article 19 de la Convention de Montréal énonce la responsabilité du transporteur en cas de retard :
Le transporteur est responsable du dommage résultant d’un retard dans le transport aérien de voyageurs, de bagages ou de marchandises. Cependant, le transporteur n’est pas responsable du dommage causé par un retard s’il prouve que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre.
[15] La partie de la demande de M. Saghbini portant sur l’accessibilité a été déposée en vertu du paragraphe 172(1) de la LTC, qui prévoit ce qui suit :
Même en l’absence de disposition réglementaire applicable, l’Office peut, sur demande, enquêter sur toute question relative à l’un des domaines visés au paragraphe 170(1) pour déterminer s’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.
[16] L’Office applique une procédure particulière en trois parties pour déterminer s’il y a eu obstacle abusif aux possibilités de déplacement d’une personne ayant une déficience.
Partie 1 : L’Office se penchera sur la question de savoir si le demandeur est une personne ayant une déficience au sens de la partie V de la LTC?
Partie 2 : S’il est déterminé que le demandeur est une personne ayant une déficience au sens de la partie V de la LTC, l’Office déterminera s’il a rencontré un obstacle. Un obstacle est une règle, une politique, une pratique ou un obstacle physique qui a pour effet de refuser à une personne un accès égal aux services accessibles à d’autres passagers dans le réseau de transport fédéral.
Partie 3 : S’il est déterminé que le demandeur est une personne ayant une déficience et qu’il a rencontré un obstacle, l’Office donnera au défendeur les deux possibilités suivantes :
- expliquer comment il propose d’éliminer l’obstacle en apportant une modification générale à la règle, à la politique, à la pratique ou à la structure physique concernée, ou encore, s’il n’est pas possible d’apporter une telle modification, en mettant en place une mesure d’accommodement;
- démontrer qu’il lui est impossible d’éliminer l’obstacle sans se voir imposer une contrainte excessive.
OBSERVATION PRÉLIMINAIRE
[17] Dans sa demande, M. Saghbini formule plusieurs allégations selon lesquelles il aurait reçu un mauvais service à la clientèle de la part d’Air Canada lorsque celle-ci a tenté de régler sa réclamation, et fait valoir qu’il a souffert de détresse mentale en raison du retard de son vol et des obstacles allégués à ses possibilités de déplacement.
[18] À titre d’indemnisation, M. Saghbini réclame 5 000 $ en espèces ou une carte-cadeau de 8 000 $ d’Air Canada.
[19] L’Office n’a pas la compétence pour ordonner le versement d’une indemnité pour la douleur, la souffrance, ou la perte de jouissance comme il est indiqué dans des décisions antérieures, comme la décision no 18-C-A-2015 (Enisz c. Air Canada) et la décision no 55-C-A-2014 (Brine c. Air Canada). Par conséquent, l’Office ne se penchera pas sur cette question
QUESTION 1 : AIR CANADA A-T-ELLE CORRECTEMENT APPLIQUÉ LES CONDITIONS ÉNONCÉES DANS LES RÈGLES 80 et 105 DE SON TARIF, COMME L’EXIGE LE PARAGRAPHE 110(4) DE LA LTC?
Positions des parties et constatations de faits
POSITION DE M. SAGHBINI
[20] M. Saghbini affirme qu’il devait originalement voyager d’Ottawa à Lyon via Montréal le 12 décembre 2016. Toutefois, son vol n° AC8986 d’Ottawa est arrivé avec une heure et 35 minutes de retard; en conséquence, M. Saghbini a manqué son vol de correspondance de Montréal à Lyon.
[21] M. Saghbini soutient qu’Air Canada l’a réacheminé à bord d’un vol en direction de Lyon le lendemain, le 13 décembre 2016 à 17 h 30, avec une correspondance à Francfort, en Allemagne. M. Saghbini fait valoir que puisqu’il a dû partir de Montréal le lendemain et prendre un vol de correspondance à Francfort, il est arrivé 23 heures plus tard que son horaire d’origine, et par un trajet indirect.
POSITION D’AIR CANADA
[22] Air Canada n’est pas d’accord avec l’affirmation de M. Saghbini selon laquelle il a été retardé de 23 heures. Selon elle, seul le vol n° AC8986 de M. Saghbini en partance d’Ottawa a été retardé à son arrivée à Montréal. Pour soutenir son argument, Air Canada a présenté un rapport NetLine (un document de suivi des renseignements sur les horaires). Le rapport souligne que le vol n° AC8986 est arrivé à Montréal à 20 h 19 le 12 décembre 2016, 78 minutes plus tard que l’horaire initial, et que le vol n° AC828 (vol de correspondance vers Lyon) est parti de Montréal à l’heure prévue.
[23] En ce qui a trait aux arguments de M. Saghbini, à savoir qu’il devait originalement prendre un vol direct vers Lyon, mais qu’il a été réacheminé à bord d’un vol avec une correspondance à Francfort, Air Canada précise que son prochain vol direct de Montréal à Lyon n’était prévu que le 14 décembre 2016. Par conséquent, Air Canada a réacheminé M. Saghbini à bord de son prochain vol vers Lyon, avec une correspondance à Francfort, le 13 décembre 2016. Pour appuyer sa position, Air Canada a déposé une copie de son calendrier de 2016, qui montre qu’un vol direct de Montréal à Lyon n’est exploité que trois fois par semaine (soit les lundis, mercredis et samedis), et que le prochain départ prévu était le mercredi 14 décembre 2016.
[24] Air Canada soutient que son tarif s’applique aux déplacements de M. Saghbini, plus particulièrement la règle 80, qui prévoit que les horaires ne sont pas garantis. Air Canada soumet également que la règle 80 de son tarif prévoit qu’en cas de perturbations d’horaire, qui comprend les retards, Air Canada réacheminera le passager jusqu’à la destination figurant sur son billet et lui fournira l’hébergement à l’hôtel et des bons de repas, si un passager est retardé jusqu’au lendemain. Air Canada fait valoir qu’elle a respecté son tarif, puisqu’elle a réacheminé M. Saghbini jusqu’à sa destination, et lui a fourni des bons de repas ainsi qu’une nuitée dans un hôtel à Montréal.
CONSTATATIONS DE FAITS
[25] Les parties ne contestent pas le fait que le retard du vol n° AC8986 d’Ottawa à Montréal a fait en sorte que M. Saghbini a manqué son vol de correspondance en direction de Lyon. Elles ne remettent pas non plus en question le fait qu’Air Canada a réacheminé M. Saghbini à bord d’un vol vers Lyon via Francfort le 13 décembre 2016, et lui a fourni une nuitée dans un hôtel à Montréal, ainsi que des bons de repas.
ANALYSE ET DÉTERMINATIONS
[26] Conformément à un principe bien établi sur lequel s’appuie l’Office lorsqu’il examine de telles demandes, il incombe au demandeur de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le transporteur n’a pas correctement appliqué les conditions de transport énoncées dans son tarif ou qu’il ne les a pas appliquées de façon uniforme.
[27] La règle 80 du tarif d’Air Canada prévoit qu’en cas de retard de vol, Air Canada réacheminera le passager jusqu’à la destination figurant sur son billet dans un délai raisonnable. La règle 105 du tarif incorpore par renvoi la Convention de Montréal. À l’article 19 de la Convention de Montréal, il est indiqué qu’un transporteur est responsable des dommages occasionnés par le retard de vol, à moins qu’il prouve avoir pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage ou qu’il lui était impossible de les prendre.
[28] En fonction de la preuve, l’Office conclut qu’en réacheminement M. Saghbini à Lyon via une correspondance à Francfort le 13 décembre 2016 et en lui fournissant des bons de repas et l’hébergement à l’hôtel, Air Canada a correctement appliqué les conditions de son tarif comme l’exige le RTA.
M. SAGHBINI A-T-IL RENCONTRÉ UN OBSTACLE ABUSIF À SES POSSIBILITÉS DE DÉPLACEMENT AUX TERMES DU PARAGRAPHE 172(1) DE LA LTC?
Positions des parties et constatations de faits
POSITION DE M. SAGHBINI
[29] M. Saghbini affirme être une personne ayant une déficience et avoir déposé à l’Office une copie de la fiche de santé pour voyage aérien d’Air Canada (fiche de santé). Il est précisé dans la fiche de santé que M. Saghbini a un diagnostic de trouble dépressif majeur, avec épisode modéré à grave, de la douleur chronique et un état de stress post-traumatique. Il y est également mentionné qu’il ne peut marcher de longues distances ni monter de marches, et qu’il a besoin d’assistance à l’aéroport.
[30] M. Saghbini soutient avoir demandé une assistance médicale et un fauteuil roulant pendant ses déplacements, ce qui est démontrée selon lui par le terme MEDA/WHCR (assistance médicale, fauteuil roulant) apparaissant sur ses cartes d’embarquement originales. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il a fait une réservation auprès du bureau médical d’Air Canada. Il affirme qu’Air Canada ne lui a fourni aucune assistance médicale et a oublié d’appliquer sa requête à ses nouveaux vols. Afin d’appuyer son argument, il a déposé des copies des cartes d’embarquement de ses nouveaux vols sur lesquels ne figure pas la mention « MEDA ». M. Saghbini affirme ne pas avoir reçu d’assistance avec fauteuil roulant à l’aéroport d’Ottawa, à l’aéroport de Montréal, ou pour son vol de correspondance à l’aéroport de Francfort.
[31] En ce qui a trait à sa nuitée à Montréal le 12 décembre 2016, M. Saghbini affirme qu’il n’a pas reçu d’assistance avec fauteuil roulant depuis le comptoir du service à la clientèle jusqu’au trottoir et, qu’à cet endroit, il a dû supplier un autre passager de l’aider avec ses bagages. M. Saghbini allègue que le lendemain, le 13 décembre 2016, pendant qu’il se dirigeait vers la porte d’embarquement de son vol à Montréal, l’agent qui l’aidait n’a pas voulu s’arrêter pour qu’il puisse prendre ses médicaments. M. Saghbini affirme également qu’une fois à la porte d’embarquement, on ne lui a pas fourni l’assistance avec fauteuil roulant pour se rendre aux toilettes et en revenir, ni pour aller au magasin de l’aéroport et en revenir (pour qu’il puisse acheter de la nourriture et de l’eau qu’il prendrait avec ses médicaments).
[32] M. Saghbini affirme qu’à bord de ses vols de Montréal à Francfort, puis de Francfort à Lyon, les agents de bord ne l’ont pas aidé à récupérer son bagage (qui contenait ses médicaments) dans le compartiment supérieur. Il fait valoir qu’il a de la difficulté à transporter et à lever ses bagages, et qu’il a dû demander l’aide d’autres passagers pour les prendre. Il allègue également que les agents de bord des deux vols ne lui ont pas donné d’eau pour qu’il puisse prendre ses médicaments, et il ajoute que s’il ne les prend pas à des heures précises, son anxiété, son stress, sa douleur et sa colère augmentent. De la même façon, M. Saghbini soutient qu’Air Canada ne lui a pas fourni de nourriture ni d’eau pour lui permettre de prendre ses médicaments pendant qu’il se déplaçait dans les différents aéroports, malgré ses besoins en tant que personne ayant une déficience.
POSITION D’AIR CANADA
[33] Air Canada affirme que M. Saghbini a demandé l’assistance avec fauteuil roulant « WHCR » pour parcourir de longues distances et qu’aucune autre assistance n’a été demandée. Pour appuyer sa position, Air Canada a déposé le dossier de M. Saghbini provenant du bureau médical, lequel précisait que seule une assistance en fauteuil roulant a été demandée.
[34] En ce qui concerne l’absence du terme « MEDA » sur les nouvelles cartes d’embarquement de M. Saghbini et l’allégation selon laquelle Air Canada a oublié d’attribuer à M. Saghbini la désignation signifiant qu’il avait besoin d’assistance pour les nouveaux vols, Air Canada soutient que le terme « MEDA » sur une carte d’embarquement signifie que le passager a reçu de son bureau médical l’autorisation de voyager; cela ne veut pas dire qu’il a besoin d’une assistance médicale. Air Canada soutient également que le besoin de M. Saghbini pour une assistance avec fauteuil roulant a été ajouté à son dossier de passager et dans son système de contrôle des départs pour chacun des vols réacheminés, et en a déposé la preuve.
[35] En ce qui concerne l’absence d’assistance avec fauteuil roulant pour M. Saghbini à l’aéroport d’Ottawa, Air Canada affirme que compte tenu du temps qui s’est écoulé depuis que M. Saghbini a voyagé, et le peu de détails qu’il a fournis au sujet de l’incident, elle est incapable de répondre de façon précise à cette allégation. Air Canada fait toutefois valoir qu’il serait pour le moins inhabituel que M. Saghbini n’ait pas reçu l’assistance avec fauteuil roulant demandée lors de ses déplacements, car elle a pour politique de fournir l’assistance sur demande.
[36] En réponse à l’allégation de M. Saghbini selon laquelle il n’a pas reçu d’assistance depuis le comptoir du service à la clientèle jusqu’au trottoir lorsqu’il a dû passer la nuit à Montréal, Air Canada soutient que dans des situations où il faut fournir l’hébergement pour la nuit à une personne ayant une déficience, sa politique est d’amener le passager au service à la clientèle ou à la billetterie afin de prendre les dispositions nécessaires pour l’hébergement, les repas et le transfert. L’agent qui fournit l’assistance avec fauteuil roulant amènera ensuite le passager jusqu’au carrousel à bagages pour récupérer ses bagages enregistrés, après quoi l’agent l’amènera jusqu’au trottoir où le passager pourra prendre une navette de l’hôtel ou un taxi. Air Canada fait valoir que dans le cas présent, M. Saghbini a reçu l’assistance avec fauteuil roulant jusqu’au comptoir du service à la clientèle, et que son agent aurait continué à lui fournir l’assistance jusqu’au carrousel à bagages puis jusqu’au trottoir. Pour soutenir sa position, Air Canada a déposé une déclaration de Panagiota Peroulakis, directrice du service à la clientèle et de l’établissement des processus et des procédures, qui explique la politique d’Air Canada énoncée ci-dessus.
[37] En ce qui a trait aux affirmations de M. Saghbini selon lesquelles l’agent fournissant l’assistance n’a pas voulu s’arrêter en chemin vers la porte d’embarquement pour son vol à Montréal afin qu’il puisse prendre ses médicaments, et que les agents de bord ne l’ont pas aidé à retirer ses bagages du compartiment supérieur, Air Canada affirme ne pas tenir de registre de l’assistance que ses employés fournissent à ses clients et, parce que les allégations de M. Saghbini manquent de détails, elle ne peut pas enquêter à propos de ces affirmations en particulier.
[38] En ce qui concerne l’assistance avec fauteuil roulant à Francfort, Air Canada affirme que ce service est fourni par FraCares, un tiers fournisseur de services, dont les dossiers révèlent que M. Saghbini a été accueilli par un agent lorsqu’il est débarqué de l’aéronef à 6 h 45 le 13 décembre 2016 et qu’il a été transporté à sa porte d’embarquement à 8 h au moyen d’une voiturette électrique. Air Canada a déposé en preuve des copies des documents de FraCares pour soutenir son affirmation.
[39] En réponse à l’affirmation de M. Saghbini selon laquelle Air Canada aurait dû lui fournir de la nourriture et de l’eau pour qu’il puisse prendre ses médicaments, Air Canada affirme que M. Saghbini a seulement demandé une assistance avec fauteuil roulant, et que cette assistance n’inclut pas la responsabilité de lui fournir de la nourriture ou de l’eau. Air Canada fait valoir que les passagers ont la responsabilité de transporter avec eux tous les articles nécessaires pour prendre leurs médicaments, et que s’ils sont incapables de gérer cette situation de façon autonome, ils doivent voyager avec un accompagnateur.
CONSTATATIONS DE FAITS
[40] Les parties ne contestent pas le fait que M. Saghbini est une personne ayant une déficience au sens de la partie V de la LTC et qu’il a besoin d’assistance avec fauteuil roulant. Elles ne remettent pas non plus en question le fait qu’il a demandé une assistance avec fauteuil roulant pour tous les segments de son voyage.
[41] En ce qui concerne les allégations de M. Saghbini concernant les obstacles qu’il a rencontrés à l’aéroport de Montréal les 12 et 13 décembre 2016, et l’absence d’assistance par les agents de bord d’Air Canada au cours des vols de M. Saghbini à Montréal et à Francfort, l’Office conclut que M. Saghbini n’a pas fourni suffisamment de renseignements ni de preuves pour soutenir ses allégations. L’Office conclut également que les arguments d’Air Canada entourant les affirmations de M. Saghbini sont spéculatifs et ne concernent pas directement l’allégation sur le manquement par ses agents à fournir l’assistance. Ainsi, l’Office s’abstiendra de tirer des conclusions officielles sur ces questions, et observe seulement que le dossier devant lui n’est pas concluant. De plus, le pouvoir de l’Office d’accorder une indemnisation à un voyageur se limite aux dépenses, et M. Saghbini n’a pas déposé d’arguments ni de preuves indiquant qu’il cherche à récupérer des dépenses courantes.
ANALYSE ET DÉTERMINATIONS
[42] Pour déterminer s’il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l’Office doit d’abord déterminer si les possibilités de déplacement de la personne sont restreintes ou limitées par un obstacle.
[43] Une personne ayant une déficience rencontre un obstacle à ses possibilités de déplacement si elle démontre qu’elle a besoin d’un accommodement qu’on ne lui a pas fourni, ce qui revient à la priver de l’égalité d’accès aux services accessibles aux autres passagers dans le réseau de transport fédéral.
[44] Dans le cas présent, M. Saghbini indique avoir demandé de l’assistance médicale et de l’assistance avec fauteuil roulant. L’Office note que le dossier de M. Saghbini provenant du bureau médical précise qu’il a seulement demandé une assistance avec fauteuil roulant, et il conclut comme étant raisonnable l’explication d’Air Canada selon laquelle le terme « MEDA » apparaissant sur une carte d’embarquement ne signifie pas qu’une assistance médicale sera fournie. En conséquence, l’Office conclut qu’il est improbable que M. Saghbini ait fait cette demande auprès d’Air Canada qui déclencherait pour elle l’obligation de fournir une assistance médicale (plutôt qu’une assistance avec fauteuil roulant).
[45] En ce qui concerne l’affirmation de M. Saghbini selon laquelle il n’a pas reçu l’assistance avec fauteuil roulant à l’aéroport d’Ottawa, l’Office note qu’il est bien établi que l’assistance avec fauteuil roulant est nécessaire pour répondre aux besoins de certaines personnes à mobilité réduite. Comme Air Canada n’a pas fourni de preuves que l’assistance avec fauteuil roulant a été effectivement fournie à M. Saghbini à l’aéroport d’Ottawa, et que M. Saghbini a fourni une preuve qu’il a demandé une telle assistance, l’Office conclut, selon la prépondérance des probabilités, que M. Saghbini a rencontré un obstacle puisqu’il n’a pas reçu l’assistance avec fauteuil roulant à l’aéroport d’Ottawa. L’Office conclut également que, puisqu’une assistance avec fauteuil roulant est fournie par Air Canada sur demande, comme le prévoit sa politique, Air Canada peut, sans se voir imposer une contrainte excessive, prendre des mesures pour veiller à ce qu’un obstacle semblable ne réduise pas l’accessibilité des transports aériens pour les passagers ayant une déficience.
[46] Finalement, en ce qui a trait à l’affirmation de M. Saghbini selon laquelle il a demandé et n’a pas obtenu de la nourriture ou de l’eau pour prendre ses médicaments, l’Office conclut que la preuve n’est pas concluante. En conséquence, l’Office s’abstiendra de tirer une conclusion officielle sur cette affaire. Néanmoins, l’Office note que si M. Saghbini en a fait la demande, Air Canada aurait dû lui fournir de l’eau.
CONCLUSION
[47] L’Office conclut qu’Air Canada a correctement appliqué les conditions de son tarif, comme l’exige le paragraphe 110(4) du RTA, et rejette cet aspect de la demande. L’Office conclut également que M. Saghbini a rencontré un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement du fait qu’il n’a pas reçu d’assistance avec fauteuil roulant à l’aéroport d’Ottawa.
ORDONNANCE
[48] L’Office ordonne à Air Canada de publier un bulletin à l’intention de tous les employés de son réseau chargés de fournir l’assistance avec fauteuil roulant, dans lequel figureront les politiques et les procédures concernant l’assistance avec fauteuil roulant; Air Canada doit fournir au Secrétariat de l’Office, à l’intention du dirigeant principal de la conformité de l’Office, une copie du bulletin le plus tôt possible, mais au plus tard le 5 juin 2018.
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