Décision n° 14-R-2023
Demande présentée par le Greater Vancouver Sewerage and Drainage District (GVSDD) contre BNSF Railway Company (BNSF) et la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) en vue d’obtenir l’autorisation de construire et d’entretenir un franchissement par desserte
Résumé
[1] GVSDD a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) en vue d’obtenir l’autorisation de construire et d’entretenir un franchissement par desserte, à savoir une conduite d’égout et d’eaux usées (égout surélevé proposé) au point milliaire 145,96 de la subdivision New Westminster, dans la ville de Burnaby (Colombie-Britannique).
[2] La Loi sur les transports au Canada (LTC) confère à l’Office le pouvoir d’autoriser la construction d’un franchissement par desserte convenable, celui de désigner le responsable de l’entretien du franchissement et celui de répartir les coûts de construction ou d’entretien du franchissement lorsque les parties ne réussissent pas à conclure une entente relative à ces éléments.
[3] L’Office se penchera sur les questions suivantes :
- En vertu de la LTC, l’Office peut-il se prononcer sur la présente demande?
- L’Office devrait-il autoriser GVSDD à construire et à entretenir le franchissement par desserte proposé? Si oui, quelles conditions, le cas échéant, devraient être ordonnées?
[4] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office conclut qu’il a le pouvoir de se prononcer sur la présente demande.
[5] L’Office autorise GVSDD à construire et à entretenir, à ses frais, l’égout surélevé proposé. Dans le cas présent, aucune condition supplémentaire n’est nécessaire.
Contexte
[6] GVSDD a été constituée sous le régime de la Greater Vancouver Sewerage and Drainage District Act. La raison d’être de GVSDD est entre autres de construire, d’entretenir, d’exploiter et de gérer les principaux réseaux d’égout et les principales installations de drainage du district.
[7] La conduite du collecteur principal de la route North (égout de la route North) recueille actuellement les eaux d’égout et les eaux usées d’un bassin de drainage à Burnaby et à Coquitlam, et les achemine vers le sud à l’usine de traitement des eaux usées de l’île Annacis, à Delta. Pour acheminer les eaux usées vers l’usine de traitement des eaux, l’égout de la route North doit franchir la subdivision New Westminster.
[8] Une conduite d’égout surélevé existant de 300 millimètres (égout surélevé existant) fait partie de l’égout de la route North, qui franchit la subdivision New Westminster. À l’emplacement du franchissement proposé, le pont routier de la route North (pont routier) franchit également la subdivision New Westminster. L’égout surélevé proposé remplacerait l’égout surélevé existant.
[9] L’égout surélevé proposé serait situé à environ 7,5 mètres au-dessus des voies et serait composé d’une conduite en PVC d’un diamètre extérieur de 630 millimètres et d’une épaisseur de 18 millimètres. Il aurait une capacité de débit estimée à 0,6 mètre cube par seconde, soit environ six fois la capacité de la conduite existante. La nouvelle conduite serait recouverte d’une conduite de revêtement en acier galvanisé de 900 millimètres attenant à un pont en treillis pour services publics relié aux piliers du côté ouest du pont routier. Certaines lignes de communication surélevées (lignes surélevées) à l’emplacement du franchissement doivent être déplacées sous terre pour ne pas entraver la construction de l’égout surélevé proposé.
[10] L’égout surélevé existant est régi par une entente conclue en 1959 (entente de 1959) entre BNSF et GVSDD.
[11] Les parties n’ont pas réussi à conclure une entente relative à la construction de l’égout surélevé proposé pour aller de l’avant.
[12] Conformément au Protocole d’entente entre l’Office et Transports Canada (TC), qui permet une coordination entre l’Office et TC des efforts relatifs aux franchissements routiers, par desserte ou aux passages à niveau privés de compétence fédérale, une copie de la demande a été envoyée à TC à des fins de commentaires sur les enjeux de sécurité. Le 23 mai 2022, TC a répondu qu’il n’avait ni conseil en matière de sécurité ni commentaire concernant le franchissement et a réitéré qu’il devaient être construit et entretenu conformément aux exigences applicables de la Loi sur la sécurité ferroviaire (LSF).
Observations préliminaires
Requête de dépôt de présentations supplémentaires de BNSF
[13] Le 10 mai 2022, BNSF a déposé une requête de dépôt de présentations supplémentaires au titre des Règles de l’Office des transports du Canada (Instances de règlement des différends et certaines règles applicables à toutes les instances) (Règles), affirmant que GVSDD avait soulevé de nouveaux enjeux et arguments dans sa réplique sans qu’elle ait présenté de requête à cet effet, ce qui allait à l’encontre des Règles. GVSDD s’oppose à la requête de BNSF.
[14] Les présentations supplémentaires concernent la question de savoir si le remplacement de la conduite d’égout surélevé proposé doit être considéré comme une construction, un remplacement ou une réparation; la pertinence des décisions de l’Office interprétant les termes « entretien » et « réparation »; et la pertinence de la jurisprudence interprétant les termes « entretien » et « réparation ». Ces autres présentations ne permettraient pas de faire avancer les procédures et n’aideraient pas l’Office à parvenir à une décision. Par conséquent, l’Office rejette la requête de BNSF.
Compagnie de chemin de fer ayant des obligations à respecter au titre de la LTC
[15] Dans sa demande, GVSDD a désigné BNSF et CN à titre de défenderesses, mais les archives ne permettent pas de déterminer avec certitude la compagnie de chemin de fer qui a des obligations à respecter au titre de la LTC en ce qui a trait à la subdivision New Westminster, soit la compagnie de chemin de fer qui sera liée par l’autorisation accordée par l’Office de construire le franchissement par desserte.
[16] D’une part, les éléments de preuve indiquent que BNSF est la propriétaire de la ligne de chemin de fer. D’autre part, CN exige que GVSDD signe une entente d’accès, comme si elle exploitait la ligne de chemin de fer. Par conséquent, l’Office a émis la décision LET-R-30-2022 en vue d’obtenir des précisions quant à la compagnie de chemin de fer exploitant la subdivision New Westminster et ayant des obligations à respecter au titre de la LTC.
[17] Les renseignements fournis par les défenderesses en réponse à la décision LET-R-30-2022 indiquent que BNSF et CN sont parties à une entente concernant les droits de circulation et l’usage commun des voies de la subdivision New Westminster. Cette entente permet à CN de réaliser des activités sur la subdivision New Westminster. Cependant, BNSF a confirmé qu’elle était propriétaire et exploitante de la subdivision New Westminster et qu’elle devait respecter toutes les obligations connexes prévues par la LTC. Par conséquent, toute autorisation de franchissement par desserte s’appliquerait à BNSF puisqu’il s’agit de la partie propriétaire et exploitante de la subdivision New Westminster.
Requête procédurale de CN
[18] Le 30 août 2022, CN a déposé une requête procédurale demandant à l’Office d’ignorer la portion de la réplique de GVSDD portant sur CN, plus précisément, l’enjeu du permis d’accès. L’enjeu du permis d’accès relève de la LSF et est indépendant des pouvoirs de l’Office. Cependant, il ne s’agit pas d’un argument suffisant pour retirer la portion de la réplique qui porte sur CN. Les renseignements contenus dans la réplique de GVSDD sont pertinents et les garder aux archives aide l’Office à prendre une décision. De plus, le fait de garder ces renseignements aux archives ne nuira à aucune partie.
En vertu de la LTC, l’Office peut-il se prononcer sur la présente demande?
[19] Comme il est indiqué ci-dessus, l’égout surélevé proposé remplacerait l’égout surélevé existant.
[20] BNSF affirme que depuis 1959, la Great Northern Railway Company (Great Northern), son prédécesseur, et GVSDD sont parties à l’entente de 1959, l’entente ayant permis à GVSDD d’entretenir et d’exploiter une conduite d’égout sanitaire de 12 pouces franchissant la subdivision New Westminster. Cette conduite d’égout sanitaire est l’égout surélevé existant. BNSF affirme que cette entente régit les travaux proposés, qu’elle décrit comme étant des travaux d’entretien et de réparation, et que l’Office n’a donc pas le pouvoir d’autoriser l’égout surélevé proposé.
[21] Dans le cas présent, l’entente de 1959 porte sur la construction et l’entretien de la conduite, et mentionne des réparations futures, mais n’envisage pas la reconstruction du franchissement. Par conséquent, pour déterminer s’il a le pouvoir de se prononcer sur cette question, l’Office doit évaluer si les travaux proposés répondent aux critères d’entretien de l’entente de 1959.
[22] L’Office a conclu ce qui suit au paragraphe 35 de la décision 105-R-2004 :
Selon l’Office, peuvent être qualifiés d’entretien les travaux permanents nécessaires afin de garder une installation en bon état et dans un état semblable à celui dans lequel elle était au moment de sa construction. L’Office estime aussi que le terme reconstruction signifie construire un ouvrage à nouveau en fonction d’une norme supérieure, pour lui apporter un changement qualitatif : modification ou amélioration qui ajoute de la valeur à l’ouvrage ou qui en améliore la conception initiale.
[23] L’Office a indiqué ce qui suit dans la décision 476-R-2000 :
Il est normal d’effectuer tous les travaux de remise en état d’un passage à niveau lors de l’installation de nouveaux joints de rail et c’est peut-être rentable, mais comme la capacité et la conception du passage n’ont pas été modifiées, l’Office est d’avis que ces travaux ne sont pas des travaux de construction ou de reconstruction, mais simplement des travaux d’entretien.
[24] Dans le cas présent, l’ancienne conduite est remplacée par une nouvelle conduite d’un diamètre plus important bâti en respect de normes plus rigoureuses, notamment les normes actuelles de calcul sismique. Il sera également construit à l’aide d’une conduite en plastique anticorrosion, contrairement à la conduite existante en acier, qui est sujette à la corrosion, et la nouvelle conduite en PVC sera recouverte d’un revêtement en acier pour préserver l’intégrité de la structure et mieux protéger l’égout sous le pont en treillis pour services publics. Ce type de travaux va au-delà des travaux nécessaires afin de garder une installation en bon état et dans un état semblable à celui dans lequel elle était au moment de sa construction. Ils comprennent des mises à niveau de la conduite en vue de respecter des normes plus rigoureuses, un changement qualitatif, une modification, des améliorations et des changements et, par conséquent, répondent aux critères de reconstruction.
[25] Comme l’entente de 1959 n’envisage pas la reconstruction du franchissement par desserte, l’Office conclut qu’il peut, en vertu de la LTC, se prononcer sur la présente demande.
2. L’Office devrait-il autoriser GVSDD à construire et à entretenir le franchissement par desserte proposé? Si oui, quelles conditions, le cas échéant, devraient être ordonnées?
[26] GVSDD affirme que l’égout surélevé proposé permettra de poursuivre l’acheminement et le traitement essentiels d’eaux usées des entreprises et de la population croissante, qui compte actuellement environ 15 000 résidents, desservies par le bassin de drainage. Elle affirme également que l’égout surélevé proposé sera plus durable, moins sujet aux ruptures en cas de tremblement de terre, et pourra mieux gérer les pressions en matière de capacité que l’égout surélevé existant.
[27] GVSDD s’engage à supporter les coûts de la construction et de l’entretien de l’égout surélevé proposé, ainsi que de la conception et du déplacement sous terre des lignes surélevées. Elle soutient qu’aucune condition supplémentaire ne devrait être imposée, et qu’elle n’est pas liée par les conditions ou les concessions dont elle a convenu lors des négociations qui n’ont pas permis de conclure une entente.
[28] BNSF affirme qu’elle n’a pas d’objection d’ordre technique ou en matière de sécurité à l’égout surélevé proposé.
[29] BNSF demande que la demande soit rejetée. Autrement, elle demande d’inclure les conditions de l’entente sur le franchissement par desserte présentée par GVSDD le 26 octobre 2020.
Analyse et déterminations
[30] L’Office peut autoriser la construction et l’entretien du franchissement par desserte au titre du paragraphe 101(3) de la LTC s’il le considère comme convenable. Comme la Cour d’appel fédérale l’a déclaré dans Fafard c Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2003 CAF 243, un passage convenable est un passage adéquat et approprié pour les fins auxquelles il est destiné et mis en place, les usagers du passage et le passage des trains. La notion de « passage convenable » comporte également un élément de sécurité.
[31] La raison d’être de l’égout surélevé proposé est de procéder à l’acheminement et au traitement essentiels des eaux usées. GVSDD a fourni des plans de conception détaillés et TC a indiqué qu’il n’avait aucune préoccupation en matière de sécurité. BNSF ne conteste pas le caractère convenable du franchissement par desserte, y compris le déplacement sous terre des lignes surélevées.
[32] Par conséquent, l’Office conclut que l’égout surélevé proposé est convenable au sens des dispositions sur les franchissements par desserte de la LTC aux fins de l’acheminement et du traitement des eaux usées de la population et des entreprises desservies par le bassin de drainage et du passage de trains.
[33] L’Office autorise GVSDD à construire et à entretenir l’égout surélevé proposé et à déplacer sous terre les lignes surélevées à titre de travaux connexes. GVSDD a accepté de supporter les coûts de la construction et de l’entretien de l’égout surélevé proposé, ainsi que du déplacement sous terre des lignes surélevées. Par conséquent, l’Office ne désignera pas le responsable de l’entretien du franchissement et ne répartira pas les coûts de sa construction.
[34] Les parties n’ont pas réussi à négocier les conditions d’une entente concernant la construction du franchissement proposé. BNSF demande l’inclusion dans toute ordonnance de franchissement par l’Office des conditions proposées dans l’ébauche de l’entente sur le franchissement, principalement en matière d’accès, de sécurité et de communication.
[35] Comme l’Office l’indique dans la décision 7-R-2022, il peut ordonner l’imposition de conditions qui sont directement relatives ou nécessaires à la construction et à l’entretien d’un franchissement par desserte ou à la répartition des coûts de sa construction et de son entretien. Dans la décision CONF-R-12-2022, l’Office n’a pas imposé les conditions demandées par la compagnie de chemin de fer en matière de responsabilité et d’autres enjeux essentiellement économiques puisqu’ils étaient extrinsèques quant aux enjeux en question. Dans le cas présent, l’Office conclut que ce principe est valide pour la même raison et n’inclura pas de conditions dans son autorisation puisqu’aucune des conditions demandées par BNSF n’est directement relative à la construction ou à l’entretien du franchissement par desserte ou nécessaire à leur réalisation.
Accès aux terres sur lesquelles la ligne de chemin de fer se trouve aux fins de construction d’un franchissement
[36] CN oblige GVSDD à obtenir un permis d’accès avant de construire l’égout surélevé proposé et affirme que ce document comprend des dispositions qui visent principalement à veiller à la sécurité et au respect de la LSF. CN affirme que la LTC ne donne pas à l’Office le pouvoir de rendre une ordonnance autorisant GVSDD à accéder à la ligne de chemin de fer à sa convenance.
[37] GVSDD affirme que le pouvoir de l’Office d’autoriser la construction et l’entretien d’un franchissement comprend le pouvoir d’autoriser l’accès à une ligne de chemin de fer sans permis délivré par la compagnie de chemin de fer, ce qui va à l’encontre de l’affirmation de CN. GVSDD affirme qu’elle doit déjà respecter les exigences en matière de sécurité prévues par les lois provinciales et fédérales applicables.
[38] Les questions relatives au permis de travail sont principalement des enjeux relatifs à la LSF, mais l’Office se penchera quand même sur la question de l’accès aux terres sur lesquelles se trouve une ligne de chemin de fer dans le cadre d’une autorisation de construire ou d’entretenir un franchissement routier ou par desserte.
[39] Tout d’abord, il est important de souligner que la LSF interdit l’accès illégal à des terres sur lesquelles se trouve une ligne de chemin de fer. L’autorisation par l’Office de construire un franchissement fournit une excuse légitime pour qu’une personne puisse pénétrer sur les terres sur lesquelles se trouve une ligne de chemin de fer à des fins de construction d’un franchissement.
[40] Cependant, l’autorisation par l’Office ne devrait pas être interprétée comme une autorisation générale pour GVSDD de pénétrer sur les terres à tout moment sans que les compagnies de chemin de fer qui réalisent des activités sur la ligne de chemin de fer aient été averties.
[41] Par conséquent, GVSDD doit procéder à une coordination auprès de BNSF, propriétaire et exploitante de la subdivision New Westminster, qui, à son tour, doit procéder à une coordination auprès de CN, qui détient les droits de circulation, pour veiller à la sécurité des activités ferroviaires lors de la construction du franchissement par desserte.
Conclusion
[42] L’Office autorise GVSDD à construire et à entretenir, à ses frais, l’égout surélevé proposé au point milliaire 145,96 de la subdivision New Westminster, dans la ville de Burnaby, et à déplacer sous terre les lignes surélevées.
Dispositions en référence | Identifiant numérique (article, paragraphe, règle, etc.) |
---|---|
Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 | 101(3); 101(1); 102; 100; 101; 5 |
Greater Vancouver Sewerage and Drainage District Act, SBC 1956, c 59 | 3 |
Règles de l’Office des transports du Canada (Instances de règlement des différends et certaines règles applicables à toutes les instances), DORS/2014-104 | 34; 20(2) |
Loi sur la sécurité ferroviaire, LRC 1985, c 32 (4e suppl.) | 26.1 |
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