Décision n° 144-R-2015

le 13 mai 2015

DÉTERMINATION de la question de savoir si le pôle logistique de Milton de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada requiert une autorisation en vertu du paragraphe 98(2) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée.

Numéro de cas : 
15-01404

INTRODUCTION

[1] Le 23 mars 2015, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) a déposé auprès de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (Agence CÉE) la Description de projet d’un projet désigné (description de projet) pour son projet de pôle logistique de Milton (projet) conformément aux exigences de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012) [LCÉE 2012]. Le projet est décrit dans la LET-R-28-2015">décision no LET-R-28-2015.

[2] Le 8 avril 2015, l’Agence CÉE, conformément à l’article 11 de la LCÉE 2012, a demandé à l’Office des transports du Canada (Office) d’examiner la description de projet et d’évaluer s’il lui était nécessaire d’exercer un pouvoir, des fonctions ou des attributions à l’égard du projet.

[3] L’Office a entamé une instance et, dans la décision no LET‑R‑25‑2015 et la décision no LET‑R‑26‑2015, il a ordonné à CN de lui fournir la version définitive des plans détaillés à grande échelle du projet pour deux raisons : répondre à la question de savoir si le projet comprend la construction d’une ligne d’au plus 3 km de long à 100 m ou moins de l’axe d’une ligne existante; et décrire comment CN calcule la distance de 3 km, étant donné que le projet comprend la construction de plusieurs voies de triage. Les 17 et 24 avril 2015, CN a déposé des présentations qui, selon ce que l’Office a conclu dans la décision no LET‑R‑28‑2015 du 1er mai 2015, étaient conformes à ses ordonnances.

[4] Dans ses présentations, CN a aussi expliqué que le projet comprenait le réalignement/ prolongement de la ligne principale existante de la subdivision Halton et la construction de six voies de triage.

RÉALIGNEMENT/PROLONGEMENT DE LA LIGNE PRINCIPALE EXISTANTE DE LA SUBDIVISION HALTON

[5] D’après CN, la subdivision Halton existante (ligne principale) comprend deux lignes de chemin de fer principales à l’endroit où le projet sera réalisé. La voie nord se prolonge tout au long de la subdivision Halton. La voie sud croise la voie nord au point milliaire 39,40 et suit un tracé parallèle à celle-ci pendant 16 km vers le sud jusqu’à la jonction avec la subdivision Oakville de CN à Burlington, en Ontario.

[6] CN indique, sur le schéma 01-SK-01, révision 2 du 24 avril 2015, que l’emprise ferroviaire existante est directement adjacente à la ligne principale à proximité du projet.

[7] CN indique qu’elle réalignera la ligne principale d’une distance maximale de 98 m de son emplacement actuel et qu’elle déplacera la voie nord à l’est de son emplacement actuel. La voie sud sera aussi déplacée vers l’est et prolongée vers le nord sur une distance de 3,909 km. Le tronçon de la voie nord qui sera réaligné à l’extérieur de l’emprise ferroviaire existante aura 1,687 km de long, tandis que le tronçon de la voie sud qui sera déplacé à l’extérieur de l’emprise ferroviaire existante aura 1,609 km de long. Les autres travaux auront lieu dans l’emprise ferroviaire existante.

CONSTRUCTION DES SIX VOIES DE TRIAGE

[8] Les six voies de triage, soit les voies de service 1, 2 et 3 et les voies 4, 5 et 6, qui seront construites dans le cadre du projet, seront raccordées aux deux extrémités de la ligne principale réalignée de CN au moyen d’aiguillage et se dirigeront vers l’ouest en s’éloignant de la ligne principale existante. Elles traverseront et dépasseront l’emprise ferroviaire existante de la ligne principale de CN. Ces lignes de chemin de fer sont construites dans le contexte de la construction d’une nouvelle gare intermodale, car il n’en existe pas en ce moment.

DÉCISION DE DEMANDE DE JUSTIFICATION

[9] Dans la décision no LET‑R‑28‑2015 du 1er mai 2015 (décision de demande de justification), l’Office a conclu, à titre préliminaire, qu’une autorisation en vertu du paragraphe 98(1) de la Loi sur les transports au Canada (LTC) est requise pour construire le prolongement de la ligne principale et les voies de service 1 et 2 parce qu’elles auront plus de 3 km de long, et pour construire les voies 5 et 6 parce qu’elles seront situées à plus de 100 m de l’axe d’une ligne de chemin de fer existante, à savoir la ligne principale réalignée.

[10] Dans la décision de demande de justification, l’Office a également formulé des conclusions préliminaires quant aux bases des calculs de CN pour déterminer si les lignes de chemin de fer qu’elle propose seront à 100 m ou moins de l’axe d’une ligne existante et auront au plus 3 km de long.

[11] L’Office a également ordonné à CN de justifier les raisons pour lesquelles l’Office ne devrait pas confirmer ses conclusions préliminaires et conclure qu’une autorisation est requise en vertu du paragraphe 98(1) de la LTC pour le prolongement de la ligne principale et la construction des voies de service 1 et 2 et des voies 5 et 6. L’Office a également conclu qu’il n’était pas nécessaire d’obtenir une autorisation en vertu du paragraphe 98(1) de la LTC pour la voie de service 3 et la voie 4.

[12] CN a déposé sa réponse à la décision de demande de justification le 5 mai 2015.

QUESTION

[13] CN a‑t‑elle justifié les raisons pour lesquelles l’Office ne devrait pas confirmer ses conclusions préliminaires et conclure qu’une autorisation est requise en vertu du paragraphe 98(1) de la LTC pour le prolongement de la ligne principale et la construction des voies de service 1 et 2 et des voies 5 et 6?

ANALYSE ET CONSTATATIONS

RÉFÉRENCES LÉGISLATIVES

[14] L’article 98 de la LTC prévoit ce qui suit :

98(1) La construction d’une ligne de chemin de fer par une compagnie de chemin de fer est subordonnée à l’autorisation de l’Office.

98(2) Sur demande de la compagnie, l’Office peut accorder l’autorisation s’il juge que l’emplacement de la ligne est convenable, compte tenu des besoins en matière de service et d’exploitation ferroviaires et des intérêts des localités qui seront touchées par celle-ci.

98(3) La construction d’une ligne de chemin de fer à l’intérieur du droit de passage d’une ligne de chemin de fer existante ou, s’il s’agit d’une ligne de chemin de fer d’au plus trois kilomètres de long, à 100 mètres ou moins de l’axe d’une telle ligne n’est pas subordonnée à l’autorisation.

PARAGRAPHE 98(1) DE LA LTC

[15] Le paragraphe 98(1) de la LTC exige une autorisation de l’Office pour la construction de toutes les lignes de chemin de fer. Ce projet prévoit le réalignement et le prolongement de la ligne principale (indiqués dans la présente décision comme étant le « prolongement de la ligne principale » ou la « nouvelle voie de la ligne principale ») et la construction de nouvelles lignes de chemin de fer à l’intérieur de la cour de triage. Le paragraphe 98(3) indique que la construction d’une ligne de chemin de fer à l’intérieur de l’emprise ferroviaire d’une ligne de chemin de fer existante ou, s’il s’agit d’une ligne de chemin de fer d’au plus 3 km de long, à 100 m ou moins de l’axe d’une telle ligne n’est pas subordonnée à l’autorisation. Selon CN, chaque ligne de chemin de fer satisfait à l’une de ces dispositions ou aux deux.

PARAGRAPHE 98(3) DE LA LTC

[16] L’Office a indiqué ce qui suit dans la décision de demande de justification :

Comme le montre le schéma 01-SK-01 de CN, l’Office note que CN a déterminé l’emplacement de l’emprise ferroviaire existante pour sa ligne principale, et que des tronçons de chaque ligne de chemin de fer individuelle de la ligne principale réalignée (voies nord et sud) et de chacune des six lignes de chemin de fer seront construits à l’intérieur de l’emprise ferroviaire existante de sa ligne principale, tandis que d’autres tronçons seront construits à l’extérieur de l’emprise ferroviaire existante. CN ne laisse pas entendre qu’une quelconque partie du projet, y compris sa ligne principale réalignée/prolongée et ses six lignes de chemin de fer, sera construite entièrement à l’intérieur de l’emprise ferroviaire existante de la ligne principale. Par conséquent, l’Office conclut qu’une partie des dispositions du paragraphe 98(3) ne s’applique pas dans le cas présent.

[17] CN n’a déposé aucune présentation en réponse à cette conclusion. Elle soutient que le premier énoncé du paragraphe 98(3) n’a d’effet qu’au moment de déterminer si le deuxième énoncé du paragraphe 98(3) s’applique, car certains tronçons des lignes de chemin de fer sont situés à l’intérieur de l’emprise ferroviaire de la ligne principale.

[18] L’Office confirme sa conclusion préliminaire selon laquelle le premier énoncé du paragraphe 98(3) ne s’applique pas au projet, car CN n’a pas laissé entendre qu’une quelconque partie de son projet, notamment le prolongement de la ligne principale et les six lignes de chemin de fer, sera construite entièrement à l’intérieur de l’emprise ferroviaire existante de la ligne principale.

PARAGRAPHE 98(3) DE LA LTC

La base du calcul de CN de 100 m de l’axe d’une ligne de chemin de fer existante

[19] Dans la décision de demande de justification, l’Office a affirmé que le schéma 01‑SK‑02 de CN indique clairement que CN a mesuré la distance de 100 m à partir de l’axe de la ligne principale et que la ligne de chemin de fer indiquée dans le schéma 01‑SK‑02 du 24 avril 2014 comme étant la voie 6 s’avère être située à 98,48 m de l’axe de la ligne principale. L’Office a noté que la voie 6 se prolonge jusqu’au bord du pavé, qui est également la limite de la distance de 100 m à partir de l’axe de la ligne principale.

[20] L’Office a également noté que la description de projet comprenait le calendrier des travaux (tableau 5) qui fournissait un calendrier des activités de haut niveau du projet comme le réalignement, le nivellement et le prolongement de la ligne principale, et la construction de voies de triage. Le calendrier du projet indiquait que le réalignement de la ligne principale commencera au T3 de 2016 et sera achevé au T1 de 2017, tandis que la construction des voies de triage commencera au T2 de 2017 et sera achevée au T4 de la même année.

[21] De plus, l’Office a noté que, comme le montre le schéma 01-SK-02 de CN, la ligne principale était présentée comme étant rayée et remplacée par les lignes de chemin de fer désignées comme étant la « nouvelle voie de la ligne principale ». L’Office a donc conclu que la nouvelle voie de la ligne principale est la ligne de chemin de fer existante aux fins de l’application du paragraphe 98(3), si bien que les voies 5 et 6 seront situées à l’extérieur du rayon de 100 m de l’axe.

Réponse de CN à la décision de demande de justification

[22] CN affirme que le paragraphe 98(3) de la LTC prévoit qu’aucune autorisation n’est requise pour la construction d’une ligne de chemin de fer à 100 m ou moins de l’axe d’une ligne existante. CN est d’avis que le moment opportun pour déterminer la ligne existante est le moment où l’autorisation serait requise (c.‑à‑d. au début du projet). CN indique que la nouvelle voie de la ligne principale n’a pas encore été construite; elle ne peut donc pas en ce moment être considérée comme étant une ligne existante au sens du paragraphe 98(3) de la LTC.

[23] CN soutient que dans les projets ferroviaires (et l’élaboration du plan), il faut toujours commencer par considérer l’infrastructure déjà en place. En fonction des besoins du chemin de fer, les ingénieurs conçoivent de nouvelles infrastructures ferroviaires et proposent un concept permettant de joindre la nouvelle infrastructure à celle déjà en place.

[24] CN indique que lorsqu’un projet comprend le réalignement d’une ligne principale, les travaux associés à cette ligne sont généralement accomplis en premier, afin de raccourcir le plus possible l’interruption du service sur la ligne. Dans le cas présent, il serait possible de commencer le nivellement du terrain pour construire toutes les lignes en même temps, mais la ligne principale doit être déplacée et mise en service d’abord afin de permettre l’achèvement de la construction du pôle intermodal.

[25] CN fait valoir qu’étant donné que toutes les lignes ne peuvent pas être construites en même temps, le séquençage des travaux ne permet pas de déterminer quelle ligne devient le point de référence. Selon CN, le tableau 5 de la description de projet indique clairement qu’elle procédera à la construction des voies de triage dès que le réalignement de la ligne principale sera terminé. CN ne propose pas de reporter la construction de la voie de triage de plusieurs mois ou années, mais plutôt de procéder par séquences intégrées dans un seul projet.

[26] CN affirme qu’une compagnie de chemin de fer pourrait prévoir un projet qui comporte le réalignement d’une ligne de chemin de fer existante et l’ajout de nouvelles lignes, de telle sorte que le projet fini comporte des lignes à bien plus de 100 m de la ligne existante d’origine sans qu’une autorisation ne soit requise. De l’avis de CN, cette interprétation signifierait que cette nouvelle ligne serait une « ligne existante », même dans le contexte du même projet, de sorte que de multiples nouvelles lignes pourraient être construites dans le cadre d’un seul projet, où chaque nouvelle ligne devient la nouvelle « ligne existante » pour la prochaine. Cette façon de faire permettrait l’expansion illimitée des voies sans autorisation. Selon CN, le fait de changer la ligne existante d’un chemin de fer pendant que le projet est en cours entraîne des résultats contraires à l’objectif de l’article 98 de la LTC.

Analyse et constatations

[27] L’Office estime que le moment opportun pour déterminer la ligne de chemin de fer existante, au sens du deuxième énoncé du paragraphe 98(3), est le moment où la construction de la ligne commence. L’article 98 de la LTC exige une autorisation pour la construction d’une ligne de chemin de fer, sauf si la ligne à construire satisfait aux exigences de l’un ou l’autre des deux énoncés du paragraphe 98(3).

[28] L’Office conclut que l’article 98 de la LTC ne porte pas sur la question de l’autorisation des projets, des constructions prévues ou proposées, mais plutôt sur la construction en soi. L’Office examine les projets à l’étape de la planification, mais il conclut que l’application de l’article 98 se fonde sur la construction d’une ligne de chemin de fer au moment où cette construction se fera et telle que la compagnie de chemin de fer l’a décrite. Par conséquent, l’application du deuxième énoncé du paragraphe 98(3) de la LTC à toute construction d’une ligne de chemin de fer doit être fondée sur des faits qui existeront au moment de la construction.

[29] Comme il est indiqué dans la décision de demande de justification, le schéma 01‑SK‑02 de CN montre particulièrement la ligne principale rayée et remplacée par les lignes indiquées comme étant la nouvelle voie de la ligne principale. Dans sa dernière présentation, CN affirme qu’elle abandonnera le mouvement des locomotives et du matériel roulant sur la ligne principale lorsque ces activités commenceront sur la nouvelle voie de la ligne principale pour permettre de terminer la construction du pôle intermodal, comme l’explique CN.

[30] En fonction de ces éléments de preuve, il est clair que les locomotives et le matériel roulant seront utilisés sur la nouvelle voie de la ligne principale à la fin du T1 de 2017, avant le début de la construction des voies de triage au T2 de 2017.

[31] De plus, le schéma 01‑SK‑01, révision 2, de CN montre que les voies de triage seront effectivement reliées à la nouvelle voie de la ligne principale et non à la ligne principale actuelle. Il est donc impossible de construire les voies de triage et de les mettre en service sans d’abord construire la nouvelle voie de la ligne principale.

[32] L’Office conclut que la nouvelle voie de la ligne principale sera en service avant la construction des voies de triage, de sorte que ce sera la nouvelle voie de la ligne principale qui sera la « ligne de chemin de fer existante » au sens du deuxième énoncé du paragraphe 98(3) de la LTC. De ce fait, l’Office conclut que les lignes de chemin de fer qui comprennent les voies 5 et 6 seront à plus de 100 m de la ligne de chemin de fer existante et nécessitent une autorisation aux termes du paragraphe 98(1) de la LTC.

[33] CN fait valoir que l’interprétation de l’Office selon laquelle la nouvelle voie de la ligne principale constituera la ligne de chemin de fer existante au moment où les voies de triage seront construites, en principe, et si on applique cette interprétation dans un autre contexte, va essentiellement à l’encontre de l’objectif de l’article 98.

[34] L’Office reconnaît qu’il est possible qu’une compagnie de chemin de fer conçoive des projets pour éviter, de la façon décrite, l’obligation d’obtenir une autorisation de l’Office, mais aussi pour éviter qu’il considère les intérêts des localités touchées par la ligne. Toutefois, une compagnie de chemin de fer pourrait aussi séquencer la construction liée à ses projets pour éviter d’obtenir une autorisation de l’Office si l’Office avait considéré que la ligne de chemin de fer existante était celle en place avant que la construction ne commence.

[35] Dans tous les cas, l’Office doit interpréter la disposition telle qu’elle est formulée et conformément aux principes de l’interprétation des lois.

La base du calcul de CN selon lequel les lignes de chemin de fer proposées auront au plus 3 km de long

[36] Dans la décision de demande de justification, l’Office a conclu que les lignes de chemin de fer de CN situées à 100 m ou moins de l’axe d’une ligne de chemin de fer existante ne doivent pas dépasser 3 km de long pour que le deuxième énoncé du paragraphe 98(3) de la LTC s’applique. Dans ses présentations, CN indique que la ligne principale sera prolongée de 3,909 km, et que les voies de service 1 et 2 auront respectivement 4,614 km et 5,261 km de long.

[37] L’Office a également conclu que les deux énoncés du paragraphe 98(3) de la LTC s’appliquent aux lignes de chemin de fer et non à certains tronçons seulement, comme l’a affirmé CN. Il est à noter que le paragraphe 98(3) indique ce qui suit : « La construction d’une ligne de chemin de fer […] n’est pas subordonnée à l’autorisation. » Pour interpréter l’application du paragraphe 98(3) de la LTC, l’Office a déterminé qu’il doit considérer la ligne de chemin de fer entière que CN propose de construire.

[38] De plus, l’Office a conclu qu’aucun fondement ne permet de considérer qu’un tronçon d’une ligne de chemin de fer se trouvant à l’intérieur d’une emprise ferroviaire puisse être une ligne distincte du tronçon de cette même ligne se trouvant à l’extérieur de l’emprise ferroviaire.

[39] L’Office a également souligné dans la décision de demande de justification que CN se méprend entre la formulation du premier énoncé du paragraphe 98(3) de la LTC et la détermination de la distance d’une ligne de chemin de fer à construire, pour considérer l’application du deuxième énoncé du paragraphe 98(3). Les deux énoncés sont clairement distincts, car ils sont séparés par un « ou ». Dans sa formulation actuelle, le paragraphe 98(1) exige une autorisation pour la construction d’une ligne de chemin de fer, et non d’un tronçon d’une ligne de chemin de fer. L’Office a déterminé qu’il ne convient pas de faire valoir, comme CN l’a fait, que le premier énoncé du paragraphe 98(3) s’applique de telle manière qu’aucune autorisation n’est requise pour le tronçon d’une ligne de chemin de fer qui se trouverait à l’intérieur de l’emprise ferroviaire. De plus, l’Office a conclu que l’application du premier énoncé du paragraphe 98(3) de la LTC n’a aucune incidence sur le calcul de la longueur de la ligne de chemin de fer aux fins du deuxième énoncé de ce même paragraphe.

[40] L’Office a examiné la proposition de CN dans laquelle il est clairement indiqué que CN prolongera la ligne principale et construira deux lignes de chemin de fer, c’est-à-dire les voies de service 1 et 2, qui auront chacune plus de 3 km de long. Par conséquent, le deuxième énoncé du paragraphe 98(3) ne s’applique pas à ces lignes. L’Office a donc conclu, à titre préliminaire, qu’une autorisation en vertu du paragraphe 98(1) de la LTC est requise pour ces lignes de chemin de fer.

Réponse de CN à la décision de demande de justification

[41] CN soutient que les deux exceptions renvoient à l’emplacement physique de la ligne de chemin de fer et, d’après la formulation du paragraphe 98(3) de la LTC, il est évident que son objectif est de permettre aux compagnies de chemin de fer de construire des lignes de chemin de fer supplémentaires dans les cas à faible incidence sans devoir obtenir l’autorisation de l’Office. Selon CN, il n’y a absolument aucune raison de ne pas permettre que ces deux exceptions s’appliquent à une seule ligne de chemin de fer.

[42] CN fait valoir ce qui suit :

[traduction]

[…] l’utilisation du mot « ou » ne signifie pas que l’un exclut l’autre. Comme le fait remarquer la professeure Ruth Sullivan, il est correct d’un point de vue grammatical d’utiliser un « ou » inclusif, qui est d’ailleurs bien accepté dans le langage courant et le langage juridique. On présume effectivement d’un « ou » inclusif. S’il y a une règle générale, mais qu’une exception s’applique si l’un ou l’autre des faits A ou B est vrai, l’exception devrait continuer de s’appliquer si les faits A et B sont tous les deux vrais.

[43] CN souligne que dans la décision no 382‑R‑2009 (décision VIA Rail), l’Office a indiqué que la considération pertinente était de savoir si les améliorations auraient lieu à moins de 100 m de l’axe de la ligne existante et ne s’étendraient « en aucun endroit au-delà des trois kilomètres de l’emprise. » De l’avis de CN, cette formulation prend en compte les deux exemptions du paragraphe 98(3) afin qu’elles soient appliquées ensemble, et le raisonnement appliqué dans la décision de demande de justification ne cadre pas avec le précédent établi dans la décision VIA Rail, car l’Office aurait rendu une conclusion contraire s’il avait appliqué un tel raisonnement dans ce cas.

[44] CN souligne que le premier énoncé du paragraphe 98(3) de la LTC ne précise pas que la construction doit être « complètement » ou « entièrement » à l’intérieur de l’emprise ferroviaire existante ni, dans le cas du deuxième énoncé de ce même paragraphe, à 100 m ou moins de l’axe d’une ligne existante. Selon CN, cette situation permettrait qu’une nouvelle ligne soit entièrement construite à l’intérieur de l’emprise ferroviaire existante et qu’une seconde nouvelle ligne soit construite à l’extérieur de l’emprise ferroviaire existante, mais à 100 m ou moins de l’axe de la ligne existante, où les deux nouvelles lignes seraient raccordées par un aiguillage.

Analyse et constatations

[45] Dans ses présentations, CN a indiqué qu’elle construira des voies qui, selon elle, sont des lignes de chemin de fer au sens qu’en donne la Cour d’appel fédérale (CAF), mais aussi que trois d’entre elles auront plus de 3 km. Elle fait toutefois valoir que les deux énoncés du paragraphe 98(3) devraient s’appliquer seulement à des tronçons de ces lignes de chemin de fer.

[46] Dans sa réponse à la décision de demande de justification, CN en vient à la conclusion suivante :

Aucune autorisation n’est requise pour le prolongement de la ligne principale sud, car elle se trouve à l’intérieur de l’emprise ferroviaire de la ligne de chemin de fer existante ou à 100 mètres ou moins de l’axe de la ligne de chemin de fer existante sur une distance d’au plus trois kilomètres.

[47] L’Office conclut que le fait d’appliquer l’interprétation de CN du paragraphe 98(3) ne mène pas à la conclusion qu’aucune autorisation n’est requise.

[48] En fait, le prolongement de la ligne principale n’est pas « […] à l’intérieur du droit de passage d’une ligne de chemin de fer existante ou, s’il s’agit d’une ligne de chemin de fer d’au plus trois kilomètres de long, à 100 m ou moins de l’axe d’une telle ligne […] ». Une partie du prolongement de la ligne principale est à l’intérieur de l’emprise ferroviaire existante. Mais comme la ligne principale sera prolongée de 3,909 km, une autorisation est requise. De la même façon, les voies de service 1 et 2 auront toutes deux plus de 3 km, soit respectivement 4,614 km et 5,261 km de long, de sorte que leur construction est subordonnée à une autorisation.

[49] Lorsque CN conclut qu’aucune autorisation n’est requise pour ces lignes de chemin de fer, elle s’appuie sur deux autres affirmations concernant l’application du deuxième énoncé du paragraphe 98(3) de la LTC. D’abord, que selon le premier énoncé du paragraphe 98(3), la construction d’un tronçon d’une ligne de chemin de fer qui se trouvera à l’intérieur de l’emprise ferroviaire ne nécessite pas une autorisation. Ensuite, étant donné que la construction d’un tronçon d’une ligne de chemin de fer à l’intérieur de l’emprise ferroviaire ne nécessite pas une autorisation, qu’il ne faut pas tenir compte de sa longueur pour déterminer si cette ligne de chemin de fer a plus ou moins de 3 km de long aux fins du deuxième énoncé du paragraphe 98(3) de la LTC.

[50] L’Office conclut que l’article 98 ne prévoit ni l’une ni l’autre de ces choses, et ne supporte pas une telle interprétation. En ce qui a trait à la première affirmation, telle qu’elle est formulée, une autorisation en vertu du paragraphe 98(1) de la LTC est requise pour la construction d’une ligne de chemin de fer, et non seulement d’un tronçon d’une ligne de chemin de fer. En ce qui a trait à la deuxième affirmation, selon le deuxième énoncé du paragraphe 98(3), c’est la longueur de la ligne de chemin de fer à construire à 100 m ou moins de l’axe d’une ligne existante qui est en question, et non le tronçon de cette ligne qui se trouve à l’extérieur de l’emprise ferroviaire.

[51] CN affirme également que les deux énoncés du paragraphe devraient être lus conjointement pour chaque ligne de chemin de fer à construire, c’est‑à‑dire qu’aucune autorisation n’est requise si le tronçon de la ligne de chemin de fer à construire se trouve à 100 m ou moins de l’axe de la ligne et à l’extérieur de l’emprise ferroviaire sur une distance inférieure à 3 km.

[52] L’Office conclut que même si les deux énoncés du paragraphe 98(3) pourraient s’appliquer de façon individuelle à la construction d’une ligne de chemin de fer, ils doivent être pris en compte séparément.

[53] Il est à noter que l’article 140 de la LTC (cessation de l’exploitation de lignes) prévoit ce qui suit :

  1. Dans la présente section, « ligne » vise la ligne de chemin de fer entière ou un tronçon seulement, mais non une voie de cour de triage, une voie d’évitement ou un épi, ni une autre voie auxiliaire d’une ligne de chemin de fer.
  2. L’Office peut décider, comme question de fait, ce qui constitue une voie de cour de triage, une voie d’évitement ou un épi, ou une autre voie auxiliaire d’une ligne de chemin de fer.

[54] L’Office conclut que le libellé du paragraphe 140(1) de la LTC qui indique précisément qu’aux fins des dispositions sur la cessation de l’exploitation, une ligne signifie la ligne de chemin de fer entière ou un tronçon seulement, soutient la conclusion de l’Office selon laquelle l’article 98 s’applique à la construction d’une ligne de chemin de fer et non à un tronçon seulement de la ligne de chemin de fer à construire.

[55] Dans l’affaire Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. l’Office des transports du Canada no A‑46‑99 (décision no A‑46‑99 de la CAF), la CAF a conclu que l’article 140 excluait particulièrement les « voies de cour de triage » de la définition d’une « ligne » aux fins des dispositions sur la cessation de l’exploitation. Cela signifie que l’expression « ligne de chemin de fer », telle qu’elle est utilisée à l’article 98, comprend les voies de cour de triage. La CAF a indiqué ce qui suit dans son commentaire sur l’argument de CN dans ce cas‑là, à savoir qu’il est incohérent de considérer qu’une ligne de chemin de fer puisse inclure une voie de cour de triage aux fins de l’article 98, mais pas aux fins des dispositions sur la cessation de l’exploitation de la LTC :

[12] Selon le CN, il est incompatible d’interpréter la Loi de manière qu’elle subordonne à l’autorisation d’un organisme de réglementation la construction de lignes de chemin de fer dans une cour de triage, mais non la cessation d’exploitation ou le transfert de ces lignes. Cet argument omet toutefois de reconnaître les contextes différents de l’article 98 de la SECTION II, d’une part, et de la SECTION V, de l’autre. L’article 98 a pour objet de prévoir une mesure de contrôle administrative en matière d’emplacement des lignes de chemin de fer, y compris celles situées dans des cours de triage, qui tienne compte des intérêts des localités touchées. À cet égard, la Loi vise à établir un équilibre entre les besoins en matière de service et d’exploitation ferroviaires que fait valoir la compagnie de chemin de fer et les conséquences qu’entraîne l’existence physique simultanée de lignes de chemin de fer à proximité de localités. Il ne s’agit pas de réglementation d’ordre économique.

[13] La SECTION V a quant à elle pour objet d’instaurer un régime de contrôle administratif concernant le transfert ou la cessation d’exploitation de lignes de chemin de fer. Il s’agit là d’une forme de réglementation économique. Dans ce contexte, il suffit donc de s’intéresser aux lignes de chemin de fer qui offrent des services aux expéditeurs et aux destinataires. Il n’est aucunement nécessaire de réglementer le transfert ou la cessation d’exploitation de lignes de chemin de fer situées dans une cour de triage et l’exception touchant ces activités qui est expressément prévue dans la SECTION V vise à affranchir les compagnies de chemin de fer du fardeau inutile que constituerait une réglementation économique à cet égard. L’examen de ces objectifs de réglementation distincts montre qu’il n’est nullement incompatible de subordonner à l’obtention d’une autorisation la construction d’une ligne de chemin de fer dans une cour de triage, d’une part, et de ne pas assujettir la compagnie de chemin de fer à une mesure de réglementation économique quant au transfert ou à la cessation d’exploitation d’une ligne de chemin de fer se trouvant dans une cour de triage, d’autre part.

[56] L’Office conclut qu’il n’est pas incohérent de considérer qu’une autorisation en vertu de l’article 98 vise la construction d’une ligne de chemin de fer, et non d’un tronçon seulement, mais qu’en même temps, les dispositions sur la cessation de l’exploitation puissent s’appliquer à un tronçon d’une ligne de chemin de fer. Voici ce qu’a indiqué la CAF à cet égard :

L’article 98 a pour objet de prévoir une mesure de contrôle administrative en matière d’emplacement des lignes de chemin de fer, y compris celles situées dans des cours de triage, qui tienne compte des intérêts des localités touchées. À cet égard, la Loi vise à établir un équilibre entre les besoins en matière de service et d’exploitation ferroviaires que fait valoir la compagnie de chemin de fer et les conséquences qu’entraîne l’existence physique simultanée de lignes de chemin de fer à proximité de localités.

[57] Cet objectif ne pourrait pas être atteint si l’Office devait accepter d’appliquer le paragraphe 98(3) de la LTC d’une manière qui sépare une ligne de chemin de fer en plusieurs tronçons afin de diminuer la longueur de la ligne de chemin de fer réellement construite et son incidence potentielle sur les localités. D’un autre côté, les dispositions sur la cessation de l’exploitation et le processus qu’elles permettent pour de futurs acheteurs doivent s’appliquer si un tronçon seulement d’une ligne de chemin de fer, ou sa totalité, est en cause.

[58] CN construira de nouvelles lignes de chemin de fer, notamment les voies de service 1 et 2, et prolongera la ligne principale. Comme chaque ligne aura plus de 3 km de long, elles ne répondent pas au critère d’exception prévu au deuxième énoncé du paragraphe 98(3).

[59] Dans la décision de demande de justification, comme CN s’appuie sur la décision VIA Rail pour étayer sa position, l’Office a ordonné à CN de justifier les raisons pour lesquelles l’Office ne devrait pas confirmer sa conclusion préliminaire selon laquelle une autorisation est requise pour le prolongement proposé de la ligne principale et la construction proposée des voies de service 1 et 2.

[60] Dans sa réponse, CN fait valoir que la décision VIA Rail cadre avec son interprétation du paragraphe 98(3) de la LTC, car dans ce cas-là, [traduction] « l’Office a affirmé que la considération pertinente était de savoir si les améliorations auraient lieu à moins de 100 m de l’axe de la ligne existante et ne s’étendraient “en aucun endroit au‑delà des 3 km de l’emprise”. » CN a également déposé une lettre en date du 28 juillet 2009 de VIA à l’intention du personnel de l’Office, qui a constitué la demande ayant mené à la décision de l’Office; dans cette lettre, VIA a décrit les divers segments du projet qui seraient construits à l’extérieur de l’emprise ferroviaire existante.

[61] CN fait valoir que [traduction] « le raisonnement appliqué dans la décision de demande de justification ne cadre pas avec le précédent établi dans la décision VIA Rail, car l’Office aurait rendu une conclusion contraire s’il avait appliqué un tel raisonnement dans ce cas. » De plus, selon CN, l’application du raisonnement de la décision VIA Rail aux faits du cas Milton mènerait à la conclusion que l’autorisation de l’Office n’est pas requise, parce que [traduction] « la nouvelle ligne proposée la plus longue, à savoir la voie 2, mesure en tout 5 261 m, et le tronçon de la ligne de chemin de fer se trouvant à l’extérieur de l’emprise ferroviaire existante aura 2 226 m de long. »

[62] Dans la décision VIA Rail, l’Office a examiné la demande de VIA relativement à huit projets prioritaires d’améliorations à de l’infrastructure ferroviaire sur la subdivision Kingston de CN entre Toronto (Ontario) et Montréal (Québec). Les projets comprenaient tous des améliorations aux voies ferrées actuelles, l’ajout d’une voie de dédoublement, de même que le prolongement, la modification et l’installation de nouveaux ponceaux et de nouvelles structures de pont pour accommoder les voies.

[63] Voici l’analyse de l’Office :

[6] Conformément au paragraphe 98(1) de la LTC, la construction d’une ligne de chemin de fer est subordonnée à l’autorisation de l’Office. Cela dit, le paragraphe 98(3) de la LTC prévoit qu’aucune autorisation n’est requise pour la construction d’une ligne de chemin de fer dans les limites de l’emprise d’une ligne de chemin de fer existante ou à 100 mètres de l’axe de la ligne de chemin de fer existante, s’il s’agit d’une ligne d’au plus trois kilomètres de long.

[7] L’Office a examiné les plans déposés par VIA en réponse à la décision no LET-R-123-2009 qui démontrent que les travaux de construction prévus pour Turcot, Coteau et Clarke sont entièrement dans les limites de l’emprise actuelle de CN.

[8] Les plans indiquent également que la construction des nouvelles voies aux Cèdres, à Brockville, à Gananoque, à Marysville et à Grafton se fera dans les limites de l’emprise actuelle de CN. Les autres travaux connexes se feront dans les 100 mètres de l’axe de l’actuelle ligne de chemin de fer et ne s’étendront en aucun endroit au-delà des trois kilomètres de l’emprise.

[64] L’Office a conclu que les projets de construction de VIA ne nécessitaient pas l’autorisation de l’Office puisque ces projets étaient visés par les exceptions énoncées au paragraphe 98(3) de la LTC.

[65] Toutefois, dans la décision no 376‑R‑1999, l’Office s’est penché sur la question de savoir si son autorisation en vertu de l’article 98 de la LTC était requise pour le projet d’agrandissement du terminal de manutention de conteneurs vides du demandeur. L’Office a indiqué ce qui suit :

En vertu de l’article 98 de la LTC, les compagnies de chemin de fer doivent déposer une demande auprès de l’Office pour obtenir l’autorisation de construire une ligne de chemin de fer.

Toutefois, en vertu de l’article 98, la construction d’une ligne de chemin de fer n’est pas subordonnée à l’autorisation de l’Office si elle répond à une des conditions énoncées au paragraphe 98(3) de la LTC :

La construction d’une ligne de chemin de fer à l’intérieur du droit de passage d’une ligne de chemin de fer existante ou, s’il s’agit d’une ligne de chemin de fer d’au plus trois kilomètres de long, à 100 mètres ou moins de l’axe d’une telle ligne n’est pas subordonnée à l’autorisation.

[66] De plus, l’Office a conclu ce qui suit :

L’Office a étudié le plan de SL&H et il est convaincu que le projet d’agrandissement de son terminal de manutention de conteneurs vides se situe à 100 mètres ou moins de l’axe de la ligne de chemin de fer existante sur une distance de moins de trois kilomètres. Par conséquent, l’Office estime que ce terminal de manutention répond aux critères d’exception énoncés au paragraphe 98(3) de la LTC et qu’aucune autorisation n’est nécessaire.

[67] Ces énoncés ne sont pas incompatibles avec l’interprétation de l’Office indiquée dans la décision de demande de justification.

[68] Dans la décision de demande de justification, et comme il en a été question précédemment, l’Office a conclu que la formulation du deuxième énoncé du paragraphe 98(3) de la LTC n’appuie pas la conclusion selon laquelle c’est seulement la distance de la ligne de chemin de fer à l’extérieur de l’emprise ferroviaire qui doit être considérée au moment de déterminer si la ligne de chemin de fer à construire se trouvera à 100 mètres ou moins de l’axe de la ligne de chemin de fer existante sur une distance d’au plus trois kilomètres.

[69] L’interprétation de l’Office s’appuie sur la formulation du paragraphe 98(1) de la LTC et l’obligation d’obtenir une autorisation pour construire une ligne de chemin de fer (au sens de la décision no A‑46‑99 de la CAF), à moins que la construction de la ligne de chemin de fer réponde à l’une ou l’autre des conditions du paragraphe 98(3), et sur le fait que l’article 98 ne s’applique pas à un tronçon d’une ligne de chemin de fer. De plus, l’Office conclut que son interprétation est compatible avec l’objectif de l’article 98 concernant l’autorisation, comme l’indique la CAF dans sa décision no A‑46‑99. Appliquée dans les circonstances actuelles, la description de CN des lignes de chemin de fer à construire montre que le prolongement de la ligne principale et les voies de service 1 et 2 auront plus de 3 km, de telle sorte que leur construction est subordonnée à une autorisation.

[70] Comme il n’est pas expliqué dans la décision VIA Rail comment la formation de membres, dans ce cas‑là, est arrivée à sa conclusion concernant l’application du deuxième énoncé du paragraphe 98(3), ni comment les faits de ce cas pourraient avoir influé sur sa décision, rien n’incite l’Office à changer ses conclusions préliminaires. De plus, après avoir examiné les arguments et les présentations de CN en réponse à la décision de demande de justification, l’Office n’est pas convaincu qu’il devrait changer sa propre interprétation de l’article 98.

[71] À cet égard, l’Office n’est pas lié par ses décisions antérieures et il se penche sur chaque cas de façon individuelle.

[72] En réponse à la suggestion de CN que l’Office ajoute le mot « complètement » ou « entièrement » dans son interprétation du paragraphe 98(3) de la LTC, l’Office interprète le deuxième énoncé de ce paragraphe comme suit : il n’est pas nécessaire d’obtenir l’autorisation de l’Office pour construire une ligne de chemin de fer en vertu de l’article 98, si l’un ou l’autre des critères ci‑après énoncés au paragraphe 98(3) de la LTC est satisfait, à savoir lorsque la construction d’une ligne de chemin de fer est :

à l’intérieur du droit de passage d’une ligne de chemin de fer existante ou, s’il s’agit d’une ligne de chemin de fer d’au plus trois kilomètres de long, à 100 mètres ou moins de l’axe d’une telle ligne.

[73] Il n’est pas nécessaire que l’Office ajoute des mots à son interprétation de ce paragraphe.

[74] En fait, c’est l’interprétation de CN qui nécessite des mots supplémentaires au paragraphe 98(3) de la LTC, ce qui est peut‑être mieux illustré par la propre explication de CN de la manière dont ce paragraphe devrait être appliqué. Au paragraphe 20 de sa réponse à la décision de demande de justification, CN affirme ce qui suit :

[traduction]

[…] la première exception du paragraphe 98(3) devrait s’appliquer au tronçon d’une nouvelle ligne de chemin de fer qui se trouvera à l’intérieur d’une emprise ferroviaire existante, et l’exception prévue au deuxième énoncé du paragraphe 98(3) devrait s’appliquer à l’autre tronçon de la nouvelle ligne de chemin de fer qui se trouvera à l’extérieur d’une emprise de chemin de fer existante, s’il est à 100 m ou moins de l’axe de la ligne existante et n’a pas plus que 3 km de long.

[75] En conclusion, rien dans la réponse de CN concernant la décision VIA Rail, ni dans la décision VIA Rail comme telle, ne convainc l’Office de changer quoi que ce soit à l’interprétation de l’article 98 qu’il a fournie dans la décision de demande de justification.

CONCLUSION

[76] À la lumière de ce qui précède, l’Office rend définitives ses conclusions préliminaires énoncées dans la décision de demande de justification. Une autorisation en vertu du paragraphe 98(1) de la LTC est donc requise pour construire le prolongement de la ligne principale et les voies de service 1 et 2 parce qu’elles auront plus de 3 km de long, et pour construire les voies 5 et 6 parce qu’elles seront situées à 100 m ou plus de l’axe d’une ligne de chemin de fer existante, à savoir la nouvelle voie de la ligne principale.

[77] L’Office conclut que la voie de service 3 et la voie 4 ne nécessitent pas une autorisation de l’Office avant d’être construites, car le deuxième énoncé du paragraphe 98(3) s’applique à ces lignes de chemin de fer parce qu’elles seront situées à 100 m ou moins de l’axe de la nouvelle voie de la ligne principale et auront au plus 3 km de long.

ORDONNANCE

[78] L’Office enjoint à CN de présenter une demande d’autorisation pour la construction de lignes de chemin de fer qui seront connues comme étant le pôle logistique de Milton.

AUTRES QUESTIONS

[79] L’Office note en outre que le projet pourrait avoir une incidence sur les franchissements actuels situés dans la zone touchée. Conformément au paragraphe 101(3) de la LTC, l’Office peut, sur demande, autoriser la reconstruction de franchissements ou de tout ouvrage qui y est lié et répartir les coûts de la construction et de l’entretien si les parties n’arrivent pas à conclure une entente.

Membre(s)

Stephen Campbell
Thomas Maville
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