Décision n° 156-C-A-2023

le 23 novembre 2023

Demande présentée par Drew Fraser contre Air Canada concernant un retard de vol

Numéro de cas : 
23-12957

[1] Drew Fraser a acheté un billet aller-retour auprès d’Air Canada pour un vol de Moncton (Nouveau-Brunswick) à Montréal (Québec) dont le départ était prévu le 13 janvier 2020 et le retour, le 29 janvier 2020. Le vol AC8905 de Moncton à Montréal exploité par Jazz Aviation LP (Jazz) devait arriver à 17 h 36 le 13 janvier 2020, mais il est arrivé 3 heures et 19 minutes plus tard que prévu.

[2] M. Fraser réclame une indemnité pour inconvénients de 400 CAD, au titre du Règlement sur la protection des passagers aériens (RPPA).

[3] Le rôle de l’Office des transports du Canada (Office) dans la présente décision est de déterminer si Air Canada a correctement appliqué les conditions applicables au billet que M. Fraser a acheté, telles qu’elles sont énoncées dans le tarif d’Air Canada, dans lequel le RPPA est incorporé par renvoi. Le tarif est un document juridique qui contient les conditions et autres règles qui s’appliquent au billet du passager.

[4] Les parties conviennent que le vol AC8905 a été retardé de plus de trois heures; toutefois, elles ne s’entendent pas sur les raisons du retard et, plus précisément, sur la question de savoir si le retard découlait d’une situation attribuable à Air Canada. Au titre du RPPA, une indemnité pour inconvénients est due dans le cas où la perturbation est attribuable au transporteur.

[5] M. Fraser soutient que les avis qu’il a reçus indiquaient que son vol, le vol AC8905, avait été retardé en raison des conditions météorologiques. Cependant, il affirme que lorsqu’il a atterri à Montréal, il a vérifié l’historique de l’appareil utilisé pour le vol AC8905 et a constaté qu’un manque d’équipage avait causé un retard de plus de deux heures plus tôt dans la journée pour le premier vol d’une séquence de vols, qui incluait par la suite son vol. M. Fraser soutient qu’il a ensuite confirmé cette information auprès d’un agent au comptoir. M. Fraser affirme que ce retard s’est répercuté sur le reste des vols assurés par l’aéronef ce jour-là, ce qui a entraîné un retard de plus de trois heures sur son vol du soir. Il soutient qu’un retard causé par un manque d’équipage est attribuable à Air Canada et qu’il doit donc recevoir une indemnité pour le retard qu’il a subi.

[6] Air Canada soutient que le vol de M. Fraser, le vol AC8905, a été retardé en raison de l’effet domino causé par le retard de l’aéronef portant le numéro d’identification de la flotte (FIN) 318, qui devait effectuer quatre vols au Québec avant de se rendre à Moncton pour assurer le vol de M. Fraser de Moncton à Montréal. Air Canada soutient qu’une importante tempête hivernale a frappé les Maritimes et Montréal les 12 et 13 janvier 2020, ce qui a perturbé la plupart des vols dans la région. Air Canada affirme que la tempête hivernale a apporté une grande quantité de neige qui a dû être dégagée des pistes et des voies de circulation, des vents forts qui ont rendu difficiles le décollage et l’atterrissage des aéronefs, ainsi que de la neige et du brouillard givrant qui ont limité la visibilité des pilotes.

[7] Dans une déclaration du directeur du Contrôle de l’exploitation réseau de Jazz, Air Canada précise que la ville de Québec n’est pas une base d’affectation, de sorte que tous les membres d’équipage assurant des vols à partir de Québec doivent arriver à bord d’un autre aéronef. L’équipage affecté à l’exploitation du vol de l’aéronef FIN 318 le 13 janvier 2020 est arrivé en retard à Québec le soir précédent à bord du vol AC8718 en raison de la tempête hivernale à Montréal.

[8] Elle explique qu’au titre du Règlement de l’aviation canadien et de la convention collective des pilotes, l’équipage à l’arrivée – qui avait déjà atteint la limite de sa période de service pour le 12 janvier 2020 – devait avoir 11 heures de repos avant le prochain vol. Cette période de repos obligatoire a retardé le départ du premier vol de l’aéronef FIN 318 le lendemain matin, le vol AC8701, et cet effet domino s’est ensuite répercuté sur le vol de M. Fraser, le vol AC8905, plus tard dans la soirée. Le directeur du Contrôle de l’exploitation réseau de Jazz affirme également qu’Air Canada n’aurait pas pu déployer un équipage de réserve à Québec à temps pour permettre le départ à l’heure de ce premier vol, car tout autre membre d’équipage se rendant à Québec le 12 janvier 2020 serait arrivé encore plus tard dans la soirée et aurait été assujetti aux mêmes exigences en matière de repos de l’équipage.

[9] Air Canada a fourni des captures d’écran des alertes du contrôle de la circulation aérienne concernant l’évolution des conditions météorologiques, à savoir la neige, les températures extrêmement froides et les plafonds nuageux bas, qui montrent qu’une importante tempête hivernale a causé des perturbations généralisées dans le réseau de transport les 12 et 13 janvier 2020. Elle a également fourni une liste des départs à l’aéroport international Roméo LeBlanc du Grand Moncton, à l’aéroport international Pierre-Elliott Trudeau de Montréal et à l’aéroport international Stanfield de Halifax pour démontrer que la majorité des vols des 12 et 13 janvier 2020 dans la région ont été retardés, déroutés ou annulés.

[10] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que les conditions météorologiques ont causé le retard du vol AC8701, et que ce retard était indépendant de la volonté d’Air Canada.

[11] Au titre du RPPA, un retard de vol directement attribuable au retard d’un vol précédent pour des raisons indépendantes de la volonté du transporteur est également considéré comme un retard indépendant de la volonté du transporteur si ce dernier démontre qu’il a pris toutes les mesures raisonnables pour atténuer les conséquences du retard du vol précédent. Dans la décision 122-C-A-2021 (décision d’interprétation du RPPA), l’Office a déclaré que, pour déterminer si le transporteur a pris toutes les mesures raisonnables, il faut tenir compte des circonstances entourant l’effet domino. Les circonstances peuvent comprendre, entre autres, la disponibilité d’un autre aéronef ou d’un autre équipage et les conséquences de la cause du retard de vol sur les activités du transporteur.

[12] Air Canada soutient qu’elle a pris toutes les mesures raisonnables pour atténuer les conséquences du retard du vol AC8905, le vol de M. Fraser. M. Fraser réplique qu’étant donné qu’Air Canada était au courant du retard la veille au soir, elle aurait pu faire appel à un autre équipage ou communiquer avec lui au sujet du retard plus tôt, ce qui lui aurait permis de réserver un autre vol.

[13] Dans le cas présent, l’Office est convaincu qu’Air Canada a pris toutes les mesures raisonnables pour atténuer les conséquences du retard du vol de M. Fraser. Air Canada a démontré qu’elle avait prévu un nombre suffisant de membres d’équipage de réserve pour atténuer les conséquences de tout événement imprévu ayant une incidence sur la disponibilité des membres d’équipage et qu’elle avait inclus une période tampon de plus de deux heures et demie dans la période de repos de l’équipage prévue pour la nuit du 12 janvier 2020 afin de tenir compte des retards possibles. Air Canada a également démontré que, lorsqu’il est devenu évident que la période de repos de l’équipage retarderait le vol initial de l’aéronef FIN 318 le 13 janvier 2020, elle n’avait aucune autre option en matière d’équipage qui aurait permis à ce vol de partir à temps, de sorte qu’attendre que l’équipage prévu termine sa période de repos était la meilleure option dans les circonstances. Enfin, l’Office reconnaît que les effets de la tempête dans l’Est du Canada se sont étendus à l’ensemble des activités d’Air Canada et de tous les autres transporteurs et qu’ils ont nui à la capacité d’Air Canada à atténuer les conséquences du retard précédent.

[14] Pour les motifs énoncés précédemment, l’Office conclut que le retard du vol AC8905 est directement attribuable au retard du vol AC8701 plus tôt ce matin-là et qu’Air Canada a pris toutes les mesures raisonnables pour atténuer les conséquences de ce retard. Par conséquent, l’Office conclut que le retard du vol AC8905 est également attribuable à une situation indépendante de la volonté d’Air Canada.

[15] Puisque le retard du vol AC8905 était attribuable à une situation indépendante de la volonté d’Air Canada, l’Office conclut qu’aucune indemnité n’est due au titre du RPPA. Air Canada a donc correctement appliqué son tarif.

[16] L’Office rejette la demande.

Dispositions en référence Identifiant numérique (article, paragraphe, règle, etc.)
Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 67(3)
Règlement sur la protection des passagers aériens, DORS/2019-150 10; 12(1); 12(2)d); 19(1)a)(i)
Air Canada Domestic Tariff General Rules Applicable to the Transportation of Passengers and Baggage, CTA (A) 3 80(A)(2)

Membre(s)

Heather Smith
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