Décision n° 170-R-1989
Le 30 mars 1989
RELATIVE à la demande déposée par Canadien Pacifique Limitée en vue d'obtenir l'autorisation d'abandonner l'exploitation de la subdivision Témiscaming entre Témiscaming (p.m. 40,5) et Gendreau (p.m. 47,9), soit une distance totale de 7,4 milles, dans la province de Québec.
Référence no 39309.87
HISTORIQUE DE LA DEMANDE
Le 8 juillet 1988, Canadien Pacifique Limitée (ci-après le CP) a déposé auprès de l'Office national des transports (ci-après l'Office), en vertu de l'article 160 de la Loi nationale de 1987 sur les transports, S.C. 1987, c. 34 (ci-après la LNT 1987), une demande en vue d'obtenir l'autorisation d'abandonner l'exploitation du tronçon de la subdivision Témiscaming indiqué ci-dessus.
HISTORIQUE DE LA LIGNE
La subdivision Témiscaming a été exploitée par l'Interprovincial and James Bay Railway depuis sa construction, en 1912-1913, jusqu'en 1922, année où elle a été louée à la Compagnie de chemin de fer du Pacifique-Canadien. En 1956, le CP en devenait le propriétaire. Le 20 janvier 1986, la Commission canadienne des transports ordonnait (ordonnance no R-38909) que soit abandonnée l'exploitation du tronçon nord de la ligne, entre Gendreau (p.m. 47,9) et Laverlochère (p.m. 106,5).
EMPLACEMENT DE LA LIGNE
La subdivision Témiscaming prend naissance à Mattawa (p.m. 0,0) et longe la rivière des Outaouais en direction nord jusqu'à Témiscaming (p.m. 40,5), puis poursuit sa route en direction nord-est jusqu'à Gendreau (p.m. 47,9). Une carte de la région est jointe en annexe.
ÉTAT DE LA VOIE
En général, on peut dire que la voie est actuellement en bon état. Celle-ci se compose de rails d'acier de 100 livres la verge reposant sur des traverses traitées et un ballast de gravier, le tout étant en bon état. Les deux ponts qui s'y trouvent sont eux aussi en bon état. Il existe un ordre permanent de marche au ralenti dans les courbes, de même qu'entre les points milliaires 40,0 et 41,5, où la vitesse ne doit pas dépasser 20 milles à l'heure. Des restrictions visent également les déplacements à proximité de la gare de triage de Tembec Forest Products Company (ci-après Tembec), au point milliaire 40,0, près de Témiscaming : la vitesse des trains ne doit pas dépasser cinq milles à l'heure. Le poids brut maximal permis par wagon complet est de 220 000 livres.
DESCRIPTION DU SERVICE
Le service est assuré par un train omnibus qui emprunte la subdivision Témiscaming tous les jours (sauf le dimanche) de North Bay (Ontario) à l'usine Tembec, au point milliaire 40,0, et poursuit ensuite sa route jusqu'à Gendreau.
TRAFIC DE WAGONS COMPLETS
Le tableau qui suit donne un aperçu du trafic sur l'embranchement au cours des années indiquées.
RELEVÉ DU TRAFIC
1985 Reçu | 1985 Expédié | 1986 Reçu | 1986 Expédié | 1987 Reçu | 1987 Expédié | |
---|---|---|---|---|---|---|
Tee Lake | - | 2 | - | - | - | - |
Temiscaming | - | - | - | 98 | - | 34 |
TOTAL | - | 2 | - | 98 | - | 34 |
PERTES RÉELLES
S'il y a opposition à une demande d'abandon, l'Office détermine le montant des pertes réelles attribuables à l'embranchement visé et en fait donner avis public, conformément à l'article 163 de la LNT 1987. Le calcul des pertes pour 1985, 1986 et 1987 est fondé sur un mémoire préliminaire et les résultats indiquent la tendance continue des pertes réelles attribuables à l'exploitation de l'embranchement.
Les pertes réelles calculées par l'Office pour les années 1985 à 1987, selon le Règlement sur le calcul des frais ferroviaires, DORS/80-940 et l'article 157 de la LNT 1987, s'établissent comme suit :
Année | Dépenses totales $ | Recettes $ | Pertes réelles $ | Pertes réelles par wagon complet $ |
---|---|---|---|---|
1985 | 173 367 | 9 368 | 163 999 | 82 000 |
1986 | 251 398 | 106 361 | 145 037 | 1 480 |
1987 | 189 782 | 40 804 | 148 978 | 4 382 |
Le 15 décembre 1988, l'Office a publié un avis fournissant le détail de ces pertes réelles ainsi que les facteurs utilisés dans le calcul de ces dernières.
AUTRES SERVICES DE TRANSPORT
D'autres services de transport ferroviaire du CP sont offerts à Témiscaming et à Mattawa. L'autre tête de ligne la plus rapprochée se trouve à North Bay, 47,9 milles au sud-ouest de Témiscaming. Il n'existe aucune ligne du CN dans le voisinage immédiat.
Tembec, à Témiscaming, possède une voie d'évitement privée qu'elle a déjà, à certaines occasions, mise à la disposition d'autres expéditeurs.
Plusieurs compagnies de camionnage situées dans cette région ou à North Bay détiennent les permis nécessaires pour exploiter leur service dans les régions desservies par l'embranchement en cause.
MÉMOIRES
1. Canadien Pacifique Limitée
Dans sa demande, le CP a déclaré que pendant les trois années prescrites, il n'y avait eu aucun trafic de réception par wagon complet sur cet embranchement. Le trafic d'expédition par wagon complet était constitué d'envois exceptionnels de ferraille transporté de Témiscaming à Hamilton (Ontario) en vue d'y être récupérée. Le CP a également déposé des renseignements indiquant que la Ville de Témiscaming ne s'oppose pas à sa demande.
Six mémoires ont été reçus de parties intéressées en réponse à l'avis de demande publié par le CP. Ces mémoires sont résumés ci-dessous.
2. L. Generoux et H. Bailey
Ces deux intervenants appuient la demande et sont intéressés à acquérir la gare en vue de l'exploiter à des fins commerciales.
3. M. Gilles Legault
Cet intervenant s'oppose en partie seulement au projet de la demanderesse. En effet, M. Legault s'oppose à ce que soit abandonnée l'exploitation de l'embranchement jusqu'à ce qu'une compagnie de chemin de fer régionale, qu'il se propose de mettre sur pied, puisse s'en porter acquéreur dans le but de l'exploiter comme chemin de fer secondaire à l'intérieur du réseau régional. Ce réseau serait établi à une date future non précisée par la compagnie de chemin de fer Québec-Abitibi et Côte-Nord Central qui n'a pas encore été constituée en société.
4. Commonwealth Plywood Company Limited
M. W. Caine, président de la Commonwealth Plywood Company Limited (ci-après CPCL), a indiqué que sa compagnie s'oppose à l'abandon de l'exploitation. À son avis, la CPCL a utilisé l'embranchement pour le transport jusqu'à son usine de bois et de placage située sur sa propre voie d'évitement à Tee Lake, près du point milliaire 46,1 de l'embranchement, et elle continuera à en avoir besoin. Avant 1985, l'usine fabriquait chaque année l'équivalent de 25 wagons complets de produits environ, dont une certaine partie se rendait jusqu'en Oregon. En raison d'une grève des travailleurs, d'octobre 1985 à décembre 1986, l'usine de Tee Lake a dû être fermée et la quantité de marchandises expédiées par chemin de fer a diminué. Après avoir acquis l'usine de Tee Lake en 1981, la compagnie a acheté la voie d'évitement qu'elle croyait en bon état. Elle croyait en outre que le service de transport par chemin de fer serait maintenu. Six mois plus tard, le CP informait la CPCL de la nécessité d'effectuer des réparations importantes sur la voie d'évitement. La CPCL a entrepris les réparations et installé un prolongement en vue de fournir un meilleur accès aux wagons de marchandises. Toutefois, les réparations ont été retardées en raison de la grève. En janvier 1987, les activités ont repris à Tee Lake, mais le CP a déconseillé à la CPCL de réparer la voie d'évitement étant donné qu'il prévoyait abandonner l'exploitation de l'embranchement. La CPCL indique qu'il est inutile de consacrer de l'argent aux réparations tant que l'on ne saura pas si le service ferroviaire sera rétabli. Par conséquent, la réparation de la voie d'évitement de la CPCL a été interrompue jusqu'à ce que l'on connaisse le résultat de la présente demande.
À titre temporaire, le CP a pris les dispositions nécessaires pour que la CPCL expédie son bois de placage par camion sur une distance de 10 milles jusqu'à la voie d'évitement de Tembec, à Témiscaming, où il est transbordé sur des wagons couverts acheminés là pour la CPCL. Cette dernière continue à procéder de cette façon pour ses envois de bois de placage.
Le volume actuel de trafic ferroviaire que la CPCL peut offrir au départ de Tee Lake est évalué à environ 45 wagons complets. Selon la CPCL, ce volume de marchandises, s'il était transporté sur la voie d'évitement à partir de son usine de Tee Lake, pourrait représenter plus de 30 p. 100 de la valeur totale de ses expéditions.
En 1987, la CPCL a acheté, à Belleterre, une usine qu'elle rénove actuellement. Cette usine, située à environ 30 milles au nord de celle de Tee Lake, n'est pas encore en service et ne dispose d'aucune voie d'accès au réseau ferroviaire. De l'avis de M. Caine, elle pourrait fabriquer l'équivalent de 25 wagons complets de bois de placage; ces marchandises pourraient être acheminées par camion jusqu'à Tee Lake en vue d'être expédiées par chemin de fer.
Selon M. Caine, la CPCL perd, depuis le début, des clients à cause de son incapacité d'expédier ses produits par chemin de fer de façon régulière et fiable; en outre, elle risque de perdre certains clients si elle ne peut livrer ses produits par chemin de fer. La compagnie juge l'arrangement avec Tembec inacceptable pour plusieurs raisons : le quai de chargement de Tembec ne répond pas aux besoins de la CPCL, les wagons couverts mis à la disposition de la CPCL ne sont pas disponibles lorsque le camion de cette dernière arrive, cet arrangement impose des coûts supplémentaires à la compagnie et certains envois ont été retardés, ce qui nuit à ses affaires. La CPCL conclut qu'elle doit pouvoir avoir accès au service de transport par chemin de fer sur sa propre voie d'évitement plutôt que continuer à utiliser les installations de Tembec ou envisager d'autres possibilités. Puisque la compagnie ne veut plus dépendre de Tembec, elle soutient que l'abandon de l'exploitation de l'embranchement aurait de graves répercussions sur ses propres activités à Tee Lake et à Belleterre.
Si l'embranchement est abandonné, la solution de rechange évidente pour la CPCL serait de tout convertir en fonction du camionnage et d'expédier ses produits par ce mode de l'usine jusqu'au client ou jusqu'à la tête de ligne la plus proche, pour transbordement et transport ultérieur par chemin de fer. En réponse aux plaintes adressées par la CPCL au CP au sujet de l'option Tembec, le CP a proposé de nouvelles solutions allant de la construction d'un nouveau quai de chargement par la CPCL près de la voie d'évitement de Tembec jusqu'à l'exploitation d'un service intermodal du CP à partir de North Bay. La CPCL a déposé des documents indiquant qu'après examen de ces solutions, le transport des marchandises par camion ne représente pas une solution acceptable. De plus, se fondant sur l'expérience acquise, la CPCL n'est pas intéressée à engager des coûts de construction.
Enfin, la CPCL a déclaré que si l'Office ordonnait l'abandon de l'embranchement, il y aurait lieu que le transporteur et le ministère des Transports lui versent une certaine forme de dédommagement.
5. Le ministère des Transports du Québec
M. J. Girard, qui représente le ministère, a indiqué que celui-ci appuie la CPCL dans son opposition à la demande et estime que le ministère fédéral des Transports pourrait conclure un accord avec l'expéditeur local en vertu de l'article 175 de la LNT 1987.
6. La municipalité régionale du comté de Témiscamingue
La municipalité régionale du comté de Témiscamingue, représentée par M. D. Bellemarre, a également fait parvenir une lettre pour signifier son appui à la position de la CPCL.
7. La Ville de Belleterre
M. P. Larivière, maire de Belleterre, a déclaré, dans son mémoire, que la Ville appuie la position de la CPCL.
Le 15 décembre 1988, l'Office a publié sa détermination du montant des pertes réelles de la demanderesse attribuables à l'exploitation de l'embranchement et a invité les parties intéressées à déposer d'autres mémoires fournissant des faits établissant que l'embranchement pourrait devenir rentable dans un avenir prévisible. Seule la CPCL a répondu à l'invitation. De plus, pour faciliter la discussion sur les solutions de rechange s'offrant à la CPCL au point de vue du transport, la Direction générale du règlement des différends de l'Office a rencontré la CPCL le 12 décembre 1988. Le CP a décliné l'invitation qui lui avait été faite d'assister à cette rencontre. Par la suite, la CPCL a déposé d'autres renseignements et le CP a répondu par d'autres observations. Un résumé de cet échange figure ci-dessous.
8. Commonwealth Plywood Company Limited
M. Caine a déclaré qu'au mieux, l'usine de Tee Lake pourra fabriquer chaque année l'équivalent de 75 wagons complets de bois de placage. Cela suppose que les réparations seront effectuées rapidement et que le CP se verra ordonné de maintenir l'exploitation de l'embranchement en question. L'usine de Tee Lake expédie également des billes de bois et de placage par camion. M. Caine se dit prêt à réorganiser le transport d'une certaine partie de ces produits ainsi que d'un volume non précisé de bois de placage entre l'usine de Belleterre et Tee Lake pour leur transport ultérieur, par chemin de fer plutôt que par camion, de Belleterre. Le CP l'a toutefois informé qu'il ne serait pas en mesure de lui offrir des tarifs inférieurs, pour un tel transport, à ceux des compagnies de camionnage. Enfin, M. Caine a déclaré à l'Office avoir été informé par le CP qu'au moins 125 wagons complets étaient requis pour que l'embranchement devienne rentable et, de plus, que le CP ne fixerait pas un tarif à l'égard des envois hypothétiques de Belleterre.
M. Caine a également demandé que l'Office lui fasse connaître ses droits en vertu de la LNT 1987 en ce qui concerne les obligations d'un transporteur public, et les recours dont il dispose si le projet d'abandon est approuvé.
9. Canadien Pacifique Limitée
Le CP a déclaré qu'il n'avait pas refusé d'offrir le service de transport par chemin de fer à Tee Lake, mais uniquement sur la voie d'évitement de la CPCL depuis le 17 octobre 1984, en raison du piètre état des rails. En outre, le CP a déposé des copies de lettres échangées entre le personnel de la mise en marché du CP et la CPCL indiquant que le CP ne pouvait offrir des tarifs concurrentiels à ceux qu'exigent à l'heure actuelle les compagnies de camionnage pour les envois de bois de Belleterre et de Tee Lake à destination de Toronto ou de Ste-Thérèse. Les solutions proposées par le CP à l'égard du problème de Tembec, solutions qu'il avait présentées à la CPCL, soulignaient que les marchés de cette dernière sont surtout desservis par camion à partir de Tee Lake et indiquaient que selon ses registres, le trafic d'expédition de la CPCL était de seulement 45 wagons complets, ce qui est loin des 75 wagons prévus.
CONSTATATIONS
En vertu de l'article 164 de la LNT 1987, l'Office doit déterminer si l'embranchement est rentable, et s'il ne l'est pas, s'il y a des motifs de croire qu'il puisse le devenir dans un avenir prévisible.
Au cours des trois dernières années pour lesquelles on possède des données d'exploitation, le CP n'a fait circuler pratiquement aucun wagon sur l'embranchement et a subi, en moyenne, des pertes réelles de 153 000 $ par année pour l'exploitation de cet embranchement. Même si les envois de la CPCL avaient eu pour point de départ la voie d'évitement de cette dernière, le trafic n'aurait pas suffi à rendre l'embranchement rentable. Sur la foi des éléments fournis, l'Office a déterminé que l'embranchement n'est actuellement pas rentable.
La CPCL a indiqué qu'elle pourrait utiliser davantage les services de transport par chemin de fer, le volume passant ainsi d'environ 45 à 75 wagons complets par année, mais on serait encore loin du minimum de 125 wagons complets requis pour rentabiliser l'exploitation de cet embranchement. Bien que la CPCL se soit dite prête à expédier, à l'avenir, ses produits de Tee Lake et de Belleterre par chemin de fer plutôt que par camion, le nombre de ces envois supplémentaires est incertain et leur existence même n'est pas assurée étant donné que l'usine de Belleterre n'est pas encore en service.
Étant donné qu'aucun autre fait indiquant une augmentation future du trafic ferroviaire n'a été déposé devant l'Office, celui-ci doit conclure qu'il n'y a pas lieu de croire que l'exploitation de l'embranchement pourrait devenir rentable dans un avenir prévisible.
Conformément au paragraphe 165(1) de la LNT 1987, l'Office conclut que l'exploitation de la subdivision Témiscaming entre Témiscaming (p.m. 40,5) et Gendreau (p.m. 47,9) doit être abandonnée.
Bien que non spécifiquement autorisé en vertu du paragraphe 173(3) de la LNT, 1987, l'Office désirerait recommander au Ministre de conclure l'accord prévu au paragraphe 175(6) avec la CPCL afin d'améliorer d'autres moyens de transport dans la région desservie par l'embranchement. Plus précisément, le paiement de contributions d'aide à l'amélioration du quai de chargement, que ce soit à Tembec ou à un autre emplacement jugé approprié, constituerait une solution propice et rentable.
L'article 168 de la LNT 1987 prévoit les délais dans lesquels l'Office doit ordonner l'abandon de l'exploitation d'un embranchement. Compte tenu de la recommandation susmentionnée, du temps qu'il faut à la CPCL pour préciser ses besoins et trouver d'autres moyens de transport suite à la présente décision et aussi en raison de l'emplacement nord de l'embranchement, il est jugé être dans l'intérêt public qu'un délai suffisant soit accordé avant qu'il y ait abandon de l'embranchement.
Par conséquent, l'Office détermine que le CP est autorisé à abandonner l'exploitation de la subdivision Témiscaming, pour le tronçon précisé dans la demande, six mois après la date de l'arrêté donnant effet à la présente décision. L'arrêté approprié sera pris.
- Date de modification :