Décision n° 210-AT-R-2003

le 22 avril 2003

Suivi - décision no 51-AT-R-2004

le 22 avril 2003

DEMANDE déposée par Vincenza Ronaldi en vertu du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, concernant l'accessibilité de la gare Union de Toronto et le niveau d'assistance fourni lorsqu'elle a voyagé avec VIA Rail Canada Inc. entre Toronto (Ontario) et Montréal (Québec).

Référence no U3570/01-55


DEMANDE

Le 10 juillet 2001, Vincenza Ronaldi a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé.

Dans les décisions nos LET-AT-R-394-2001 du 5 septembre 2001 et LET-AT-R-426-2001 du 25 octobre 2001, l'Office a acquiescé aux demandes de VIA Rail Canada Inc. (ci-après VIA) et de Mme Ronaldi en vue de prolonger le délai pour déposer la réponse et la réplique à la demande. VIA a déposé sa réponse le 7 septembre 2001. Mme Ronaldi a par la suite mentionné qu'elle n'avait pas d'autres commentaires.

Dans la décision no LET-AT-R-87-2002 du 21 mars 2002, l'Office a demandé à VIA et à Mme Ronaldi de fournir des renseignements supplémentaires. En réponse à une requête de VIA en vue de prolonger le délai pour répliquer à la demande de renseignements, l'Office, dans la décision no LET-AT-R-107-2002 du 11 avril 2002, a accordé à VIA jusqu'au 26 avril 2002 pour le faire. À cette même date, VIA a fourni les renseignements demandés. Le 9 août 2002, Mme Ronaldi y a répliqué par téléphone.

OBSERVATION PRÉLIMINAIRE

Même si Mme Ronaldi a déposé sa réplique à la demande de renseignements de l'Office après le délai prescrit, l'Office, en vertu de l'article 8 des Règles générales de l'Office national des transports, DORS/88-23, l'accepte, la jugeant pertinente et nécessaire à l'examen de la présente affaire.

QUESTION

L'Office doit déterminer si l'accessibilité de la gare Union de Toronto et le niveau d'assistance fourni à Mme Ronaldi lorsqu'elle a voyagé avec VIA entre Toronto et Montréal ont constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement et, le cas échéant, quelles mesures correctives devraient être prises.

FAITS

Mme Ronaldi a une déficience et utilise un triporteur motorisé pour se déplacer. La taille du triporteur est de 44" de longueur par 22" de largeur.

Mme Ronaldi a voyagé avec un collègue pour assister à une conférence à Montréal et a fait des réservations pour son voyage entre Toronto et Montréal les 1er et 5 juin 2001, respectivement. Elle avait des billets VIA-1 et un siège assigné préalablement.

À la gare Union de Toronto, les départs s'effectuent à partir du niveau inférieur et les voyageurs utilisent les escaliers et les ascenseurs pour se rendre à la plupart des quais.

Pour les voyageurs à mobilité réduite, les escaliers sont équipés de monte-escaliers qui ont une superficie de levage de 35" par 28 ½". Pour les voyageurs qui ont une aide à la mobilité qui ne convient pas au monte-escalier, VIA utilise les monte-charges comme mesure de rechange pour fournir un accès entre les quais et le niveau inférieur. Une fois sur le quai, VIA a des plate-formes élévatrices (appareils d'embarquement) pour aider à l'embarquement des voyageurs du quai au train. Ces appareils d'embarquement sont portables, sont transférés d'un quai à l'autre au besoin, et ont une superficie de levage de 34" par 59" avec une rampe pliante de 49" de largeur, qui va de la plate-forme élévatrice au train.

Cependant, on ne peut accéder à certains quais de l'intérieur et dans de tels cas, les voyageurs en partance sont conduits du hall au quai par un passage extérieur qui traverse les voies ferrées extérieures.

Mme Ronaldi est arrivée à la gare Union de Toronto 45 minutes avant l'heure de départ prévue. Après qu'elle ait attendu une demi-heure, un porteur est venu l'aider et a mentionné qu'elle aurait dû s'enregistrer au moins une heure avant l'heure de départ prévue. Il l'a accompagnée du niveau inférieur au hall en ascenseur pour ensuite sortir de la gare et la faire traverser deux voies ferrées extérieures, sans abri, devant des trains stationnés et sur un terrain inégal pour se rendre jusqu'au quai. À ce moment-là, elle devait être embarquée à bord du train à l'aide d'un appareil d'embarquement. Mme Ronaldi était incapable d'installer son triporteur sur l'appareil d'embarquement en raison de l'espace limité et elle a dû débarquer de son triporteur et laisser le porteur le lever manuellement et l'installer.

Le 5 juin 2001, en embarquant dans le train à Montréal, Mme Ronaldi a rappelé au steward qu'elle débarquait à la gare Union de Toronto. Lorsque Mme Ronaldi est arrivée à la gare Union de Toronto, le porteur l'a pris pour un autre voyageur qui débarquait à Oakville et était irrité lorsqu'il a dû l'aider à débarquer à Toronto. Deux porteurs ont aidé Mme Ronaldi : un a pris ses bagages alors que le deuxième l'a orientée vers le monte-escalier. Lorsque le porteur a constaté que le triporteur ne pourrait pas entrer sur le monte-escalier, il a fait passer Mme Ronaldi sur deux voies ferrées extérieures devant des trains stationnés, sur un quai et dans un monte-charge rempli de poubelles malodorantes. Une fois rendue au niveau inférieur, Mme Ronaldi a été amenée dans un stationnement souterrain et une autre zone de chargement des déchets. Pendant qu'elle était dans le passage souterrain, elle a informé le porteur qu'elle ne pouvait pas aller aussi vite que lui parce que les batteries de son triporteur faiblissaient et alors, sans l'avertir, le porteur a poussé son triporteur manuellement.

En plus des difficultés qu'elle a éprouvées en ce qui concerne l'accessibilité de la gare Union de Toronto et le niveau de service fourni par le personnel de VIA, Mme Ronaldi a eu des difficultés à obtenir un taxi accessible réservé à l'avance à la gare de Montréal. Parce qu'une course de vélos avait lieu à Montréal ce jour-là, bon nombre des rues de la ville étaient bloquées et le taxi accessible réservé à l'avance n'a pu se rendre à la gare. Mme Ronaldi s'est ensuite rendue à l'hôtel avec son triporteur et son compagnon de voyage l'a aidée avec les bagages.

POSITIONS DES PARTIES

Mme Ronaldi indique qu'à son arrivée à la gare Union de Toronto le 1er juin 2001, le porteur l'a critiquée vigoureusement parce qu'elle n'avait pas attendu à l'étage et parce qu'elle n'était pas arrivée une heure avant l'heure de départ prévue. VIA déclare qu'elle a été incapable d'interroger le porteur qui a aidé Mme Ronaldi puisqu'elle ne pouvait pas l'identifier. Cependant, VIA maintient qu'il serait étonnant qu'un employé de VIA critique vigoureusement un voyageur pour n'importe quelle raison. En ce qui concerne sa politique d'enregistrement, VIA renvoie à une décision antérieure de l'Office dans laquelle, à la suite d'une plainte, l'Office a déterminé que l'enregistrement préalable d'une heure et demie n'était pas un obstacle abusif puisque « VIA, en tant que fournisseur de services, doit tenir compte qu'il a des responsabilités opérationnelles et se doit de fournir des services efficaces à tous ses passagers. » À la suite de cette décision, VIA a avisé son personnel d'informer les voyageurs que le délai pour l'arrivée ne devrait pas dépasser une heure, à moins que des difficultés soient prévues.

En ce qui concerne l'accès au train de départ, Mme Ronaldi est préoccupée par le fait qu'on l'a amenée des ascenseurs au quai sous la pluie et qu'il n'y avait pas d'abri pour la protéger. Aussi, elle mentionne qu'il lui était très difficile de manœuvrer son triporteur sur l'appareil d'embarquement qui, selon elle, était à peine assez large pour son triporteur.

VIA souligne qu'elle n'est pas propriétaire de la gare Union de Toronto, mais qu'elle est locataire. Elle indique qu'il y a des plans qui prévoient des ascenseurs pour transporter les voyageurs, y compris ceux en fauteuil roulant et en triporteur, directement aux quais. Ces plans doivent être approuvés par Patrimoine canadien et cela sera très utile aux voyageurs qui utilisent un triporteur. VIA affirme qu'il est malheureux que Mme Ronaldi ait dû traverser deux voies ferrées pour se rendre au quai, mais il n'y avait tout simplement pas d'autres installations. En ce qui concerne l'embarquement à bord du train, VIA soutient qu'une plate-forme élévatrice était disponible et qu'elle a transporté, avec succès et de façon sécuritaire, Mme Ronaldi jusqu'au train.

En ce qui concerne l'incident à l'arrivée du train à Toronto, Mme Ronaldi indique que le porteur l'a critiquée vigoureusement parce qu'il croyait qu'elle débarquait à Oakville en laissant entendre que son débarquement à Toronto était une décision de dernière minute de Mme Ronaldi qui causait des dérangements aux employés de VIA. En réponse, VIA affirme que l'équipage croyait que Mme Ronaldi était quelqu'un d'autre voyageant en fauteuil roulant. L'incident semble découler d'une simple d'erreur d'identification des besoins des voyageurs. VIA présente ses excuses pour cette erreur.

Pour ce qui est du chemin de rechange et du monte-charge à la gare Union de Toronto, Mme Ronaldi mentionne que le monte-charge utilisé comme mesure de rechange était rempli de poubelles malodorantes. De plus, Mme Ronaldi affirme que lorsqu'on lui a fait emprunter ce passage, elle a informé le porteur qu'elle ne pouvait plus le suivre parce que les batteries de son triporteur faiblissaient et que, sans avertissement, le porteur a poussé son triporteur manuellement. Elle précise que le triporteur n'était pas au mode de poussée manuelle et que cette action aurait pu avoir de graves conséquences. Elle croit que l'agent s'est comporté incorrectement et que c'était en partie dû au fait qu'il n'y avait personne avec elle pour témoigner de la situation ou pour satisfaire ses besoins. VIA répond que sa politique de manutention des fauteuils roulants des personnes ayant une déficience oblige ses employés à toujours demander aux voyageurs s'ils ont besoin d'aide, à demander s'ils préfèrent qu'une tâche soit accomplie d'une certaine manière, et à informer les voyageurs de ce qu'ils font. VIA affirme que la politique exige aussi que ses employés s'abstiennent de toucher le fauteuil roulant d'un voyageur à moins que la personne accorde sa permission. Selon VIA, ses employés comprennent que la politique sur les fauteuils roulants s'applique aussi aux triporteurs.

VIA affirme que pour les voyageurs qui ont des aides à la mobilité qui n'entrent pas sur le monte-escalier, le personnel de VIA utilise les monte-charges comme mesure de rechange pour fournir un accès entre le quai et les niveaux inférieurs. VIA reconnaît que l'utilisation d'un monte-charge n'est pas la solution idéale pour le transfert des voyageurs, mais dans ce cas cela était approprié. VIA renvoie à une décision antérieure de l'Office dans laquelle ce dernier a déterminé :

que certaines aides à la mobilité ne peuvent pas entrer dans les élévateurs et que, le cas échéant, les voyageurs touchés doivent accéder à la plate-forme par le chemin de rechange. Bien que ce chemin soit un inconvénient, l'Office croit que son utilisation dans ces circonstances ou lorsqu'un voyageur préfère ne pas utiliser l'élévateur ne constitue pas un obstacle abusif pour les personnes ayant une déficience.

Mme Ronaldi affirme que lorsqu'on a découvert que le taxi accessible réservé à l'avance ne pourrait pas accéder à la gare de Montréal en raison des rues fermées, le superviseur a suggéré qu'elle laisse son triporteur à la gare et qu'elle revienne le chercher le lendemain. Mme Ronaldi estime que cela démontre un grand besoin de formation en matière de sensibilisation et de sensibilité sur les questions d'accessibilité pour les personnes ayant une déficience. VIA a répondu que le préposé principal de la gare a prêté assistance à Mme Ronaldi à son arrivée à la gare de Montréal et a offert de l'accompagner à son hôtel afin de s'assurer qu'elle se rendrait en toute sécurité. Cependant, selon VIA, Mme Ronaldi a refusé l'offre mais a remercié le préposé principal de la gare pour son aide.

Mme Ronaldi est d'avis que le service à la clientèle est horrible et qu'il y a un manque de sensibilité et d'installations pour les passagers ayant une déficience. VIA confirme que les seize employés qui travaillaient les jours en question ont suivi une formation sur la manutention de fauteuils roulants et une formation sur la manière d'aider les personnes ayant une déficience, à l'exception d'une personne qui n'a pas suivi le deuxième cours. VIA maintient que tous les employés ont reçu une formation complète et qu'ils assistent tous les trois ans à des cours de recyclage sur la manutention des fauteuils roulants et sur la manière d'aider les personnes ayant une déficience.

VIA soutient que, généralement, l'Office est tenu d'examiner tous les facteurs pertinents énoncés à l'article 5 de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC) et de trouver le juste équilibre. VIA note que son efficience est un facteur important lorsque l'Office étudie les conséquences économiques de toute décision. VIA affirme que la constatation fondamentale que l'Office doit faire avant de pouvoir examiner la demande en vertu de l'article 172 de la LTC, est qu'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience. VIA fait valoir que, selon les faits, il n'y avait pas d'obstacle mais si l'Office estime qu'il y en avait un, il n'était pas abusif.

En général, Mme Ronaldi croit que VIA devrait fournir des ascenseurs accessibles adéquats à tous les quais et à chaque niveau de la gare Union de Toronto et de la gare de Montréal. De cette façon, la pratique dangereuse de traverser des voies ferrées pour accéder au quai, ainsi que le besoin d'utiliser un monte-escalier, ne serait plus nécessaire. Elle indique aussi que, comme c'est le cas à la gare de Montréal, la gare Union de Toronto devrait avoir des quais qui sont au niveau des portes de train. Cela éviterait le besoin du mécanisme de levage pour embarquer à bord du train.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.

La demande doit être présentée par une personne ayant une déficience ou en son nom. Mme Ronaldi a une déficience et se déplace en triporteur. Elle est donc une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions d'accessibilité de la LTC.

Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord déterminer si les possibilités de déplacement de la personne qui présente la demande ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors décider si l'obstacle était abusif. Pour répondre à ces questions, l'Office doit tenir compte des circonstances de l'affaire dont il est saisi.

Les possibilités de déplacement ont-elles été restreintes ou limitées par un obstacle ?

L'expression « obstacle » n'est pas définie dans la LTC, ce qui donne à penser que le Parlement ne voulait pas limiter la compétence de l'Office compte tenu de son mandat d'éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. De plus, le terme « obstacle » a un sens large et s'entend habituellement d'une chose qui entrave le progrès ou la réalisation.

Pour déterminer si une situation constitue ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans un cas donné, l'Office se penche sur les déplacements de cette personne qui sont relatés dans la demande. Dans le passé, l'Office a conclu qu'il y avait eu des obstacles dans plusieurs circonstances différentes. Par exemple, dans certains cas des personnes n'ont pas pu voyager, d'autres ont été blessées durant leurs déplacements (notamment quand l'absence d'installations convenables durant le déplacement affecte la condition physique du passager) et d'autres encore ont été privées de leurs aides à la mobilité endommagées pendant le transport. De plus, l'Office a identifié des obstacles dans les cas où des personnes ont finalement été en mesure de voyager, mais les circonstances découlant de l'expérience ont été telles qu'elles ont miné leur sentiment de confiance, de dignité, de sécurité, situation qui pourrait décourager ces personnes de voyager à l'avenir.

Le cas présent

Accès à la gare Union de Toronto

Mme Ronaldi est préoccupée par différents aspects de l'accessibilité de la gare Union de Toronto, à savoir le chemin extérieur pour accéder aux quais, la taille de la plate-forme des appareils d'embarquement qui soulèvent les voyageurs et leur aide à la mobilité à la porte du train, et l'utilisation de monte-charge. L'Office note que les solutions de Mme Ronaldi seraient l'installation d'ascenseurs à tous les quais et la construction de quais qui seraient à la même hauteur que les trains.

L'Office est d'avis que tous les modes de transport dans le réseau de transport fédéral, y compris les gares, doivent être accessibles pour permettre l'accès aux personnes ayant une déficience. Afin de fournir cet accès, les fournisseurs de services de transport devront peut-être fournir différents accès - plus de services ou des services différents, des installations différentes ou des caractéristiques conçues pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience afin de s'assurer qu'elles peuvent aussi accéder au réseau.

L'Office reconnaît que le fait de fournir un accès peut être un défi, surtout lorsque l'accès doit être fourni à partir d'une vieille installation existante, comme c'est le cas à la gare Union de Toronto. Idéalement, comme Mme Ronaldi l'a souligné, s'il y avait des ascenseurs pour tous les quais, les personnes ayant une déficience n'auraient pas à utiliser les monte-escaliers et, selon elle, cela éliminerait la pratique dangereuse existante de traverser des voies ferrées pour accéder au quai.

L'Office note que VIA mentionne dans son mémoire qu'il y a des plans qui prévoient que, à l'avenir, il y aura des ascenseurs pour chaque quai. Néanmoins, l'Office accepte qu'en attendant, VIA fournit un niveau d'accessibilité qui permet aux personnes ayant une déficience d'accéder à ses trains.

L'Office note aussi que VIA fournit des monte-escaliers à tous les escaliers afin de fournir un accès entre le niveau inférieur et les quais, qu'il y a des appareils d'embarquement pour soulever les personnes ayant une déficience du quai au train, et que dans les cas où l'aide à la mobilité d'une personne ne peut monter sur le monte-escalier, VIA fournit un accès entre les niveaux en amenant la personne par la zone de travail et le stationnement et en utilisant le monte-charge jusqu'au quai.

Tout en tenant compte de la préoccupation de Mme Ronaldi à l'égard de l'espace limité sur l'appareil d'embarquement, l'Office reconnaît que ces appareils sont conçus pour s'adapter à un grand éventail d'aides à la mobilité, du petit fauteuil roulant aux gros fauteuils roulants électriques et triporteurs. Même si un triporteur prend plus de place sur l'appareil d'embarquement, et qu'en conséquence l'espace y est limité, l'appareil a quand même satisfait les besoins de Mme Ronaldi.

En ce qui concerne le chemin de rechange emprunté, et comme VIA l'a souligné, l'Office estime que l'utilisation d'un chemin de rechange en tant que telle n'est pas un obstacle aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience. Cependant, l'Office estime que lorsqu'ils doivent utiliser un chemin de rechange accessible, les passagers ayant une déficience devraient obtenir un niveau acceptable d'accessibilité. Mme Ronaldi soutient que le monte-charge utilisé pour la transférer entre les niveaux était plein de poubelles malodorantes et qu'elle a dû passer par une autre zone de déchets sur le chemin. Mme Ronaldi a trouvé qu'il s'agissait d'une expérience émotionnelle. L'Office estime que VIA devrait s'assurer que lorsque le chemin de service doit être utilisé comme chemin de rechange accessible, le monte-charge et le chemin accessible sont préparés et prêts à accueillir les voyageurs dans la dignité et de façon appropriée. Alors que dans ce cas fournir à Mme Ronaldi un chemin de rechange accessible n'était pas un obstacle, lui fournir un service de qualité moindre que celle dont bénéficie sa clientèle en général a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.

Niveau de service et autres questions

Les incidents cités par Mme Ronaldi à l'égard du niveau discutable de service fourni étaient les suivants :

  1. le porteur de Toronto qui l'a critiquée vigoureusement parce qu'elle ne s'était pas enregistrée une heure avant l'heure de départ prévue;
  2. le manque de sensibilité du préposé principal de la gare à Montréal lorsqu'il lui a suggéré de laisser son triporteur jusqu'au lendemain;
  3. à l'arrivée du train à Toronto, le porteur qui s'est irrité parce qu'il a dû « sans avertissement préalable » l'aider à débarquer du train;
  4. le porteur qui, sans l'en avertir, a poussé son triporteur dans le passage souterrain.

L'Office estime que le dialogue entre les personnes ayant une déficience et le personnel du transporteur est souvent important pour s'assurer que le service sera fourni conformément aux besoins et aux préférences des personnes ayant une déficience.

L'Office note que, à l'exception de l'incident avec le préposé principal à la gare de Montréal, VIA n'a pas réfuté les déclarations de Mme Ronaldi. Plutôt, VIA a indiqué qu'elle était incapable d'identifier les employés qui avaient prêté assistance à Mme Ronaldi au départ et elle a reconnu que les porteurs à bord du train de retour vers Toronto croyaient qu'elle était un autre voyageur en fauteuil roulant, créant ainsi de la confusion à propos de l'endroit où elle devait débarquer. VIA classe cet incident comme une simple erreur.

D'après la preuve soumise, l'Office estime que plusieurs occasions d'avoir un échange significatif et adéquat de renseignements avec Mme Ronaldi ont été manquées. Par exemple, l'Office note qu'il n'y a aucune preuve du moment où Mme Ronaldi aurait été avisée, avant son voyage, de l'obligation de s'enregistrer une heure à l'avance; il n'y a aucune preuve que le porteur qui a amené Mme Ronaldi par le chemin de rechange a engagé une conversation avec elle concernant ses besoins ou la meilleure façon de les satisfaire; il n'y a aucune preuve que le porteur du train a demandé à Mme Ronaldi ou à l'autre passager de clarifier avec eux quelle était leur gare de débarquement. Plutôt, il semble que les présomptions faites et les décisions prises ont mené à l'expérience de voyage déplaisante. Collectivement, ces incidents ont eu un impact très négatif sur Mme Ronaldi et lui ont donné l'impression que le service à la clientèle est horrible et qu'il y a un manque de sensibilité de la part des employés de VIA à l'égard de la satisfaction des besoins des personnes ayant une déficience. Cette impression la laissera probablement hésitante quant à toute rencontre future avec le personnel de VIA et l'Office estime que cela constitue un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Ronaldi.

Pour ce qui est du taxi accessible réservé à l'avance à la gare de Montréal, l'Office estime que, vu les circonstances imprévues, VIA a fait tout ce qui était possible pour aider Mme Ronaldi. Par conséquent, l'Office estime que le problème rencontré par Mme Ronaldi à la gare de Montréal concernant son taxi accessible réservé à l'avance n'a pas constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.

L'obstacle était-il abusif ?

À l'instar du terme « obstacle », l'expression « abusif » n'est pas définie dans la LTC, ce qui permet à l'Office d'exercer sa discrétion pour éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « abusif » a également un sens large et signifie habituellement que quelque chose dépasse ou viole les convenances ou le bon usage (excessif, immodéré, exagéré). Comme une chose peut être jugée exagérée ou excessive dans un cas et non dans un autre, l'Office doit tenir compte du contexte de l'allégation d'obstacle abusif. Dans cette approche contextuelle, l'Office doit trouver un juste équilibre entre le droit des passagers ayant une déficience d'utiliser le réseau de transport de compétence fédérale sans rencontrer d'obstacles abusifs, et les considérations et responsabilités commerciales et opérationnelles des transporteurs. Cette interprétation est conforme à la politique nationale des transports établie à l'article 5 de la LTC et plus précisément au sous-alinéa 5g)(ii) de la LTC qui précise, entre autres, que les modalités en vertu desquelles les transporteurs ou modes de transport exercent leurs activités ne constituent pas, dans la mesure du possible, un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.

L'industrie des transports élabore ses services pour répondre aux besoins des utilisateurs. Les dispositions d'accessibilité de la LTC exigent quant à elles que les fournisseurs de services de transport du réseau de transport de compétence fédérale adaptent leurs services dans la mesure du possible aux besoins des personnes ayant une déficience. Certains empêchements doivent toutefois être pris en considération, par exemple les mesures de sécurité que les transporteurs doivent adopter et appliquer, les horaires qu'ils doivent s'efforcer de respecter pour des raisons commerciales, la configuration du matériel et les incidences d'ordre économique qu'aura l'adaptation d'un service sur les transporteurs aériens. Ces empêchements peuvent avoir une incidence sur les personnes ayant une déficience. Ainsi, ces personnes ne pourront pas nécessairement embarquer avec leur propre fauteuil roulant, elles peuvent devoir arriver à l'aérogare plus tôt aux fins de l'embarquement et elles peuvent devoir attendre plus longtemps pour obtenir de l'assistance au débarquement que les personnes n'ayant pas de déficience. Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des empêchements que les fournisseurs de services de transport connaissent dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Il faut en arriver à un équilibre entre les diverses responsabilités des fournisseurs de services de transport et le droit des personnes ayant une déficience à voyager sans rencontrer d'obstacle, et c'est dans cette recherche d'équilibre que l'Office applique le concept d'obstacle abusif.

Le cas présent

Ayant déterminé que l'état du monte-charge et le niveau de service ont constitué des obstacles aux possibilités de déplacement de Mme Ronaldi, l'Office doit maintenant déterminer si les obstacles étaient abusifs.

Accès de la gare Union de Toronto

L'Office est d'avis que lorsque VIA sait qu'il y aura un voyageur qui utilise un triporteur, elle devrait aussi être consciente que le monte-charge sera probablement utilisé comme mesure de rechange vu les limites des monte-escaliers. Il semblerait que de s'assurer que la mesure de rechange est propre afin de fournir l'accès en toute dignité serait une simple question d'affecter cette tâche au personnel aux dates du voyage. VIA n'a pas fourni de raisons pour expliquer cette omission et, par conséquent, en raison du manque de preuves de la présence de circonstances opérationnelles supplémentaires, l'Office estime que la situation décrite est inacceptable et conclut que cela a constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Ronaldi.

Niveau de service et autres questions

L'Office reconnaît que VIA a un programme de formation et que ses employés sont formés afin de toujours demander aux voyageurs s'ils ont besoin d'aide, de demander aux voyageurs s'ils préfèrent qu'une tâche soit effectuée d'une certaine façon et d'informer les voyageurs de ce qu'ils font. VIA a fait observer que la politique exige aussi que ses employés évitent de toucher l'aide à la mobilité d'un voyageur à moins que la personne ait donné sa permission. VIA n'a donné aucune raison pour expliquer les lacunes de service, pas plus qu'elle n'a été en mesure de contester le fait que le service n'a pas été fourni conformément à ses politiques.

L'Office est d'avis que VIA a la responsabilité de s'assurer que ses procédures et politiques concernant le transport des personnes ayant une déficience sont connues, comprises et appliquées par ses employés. L'Office estime qu'il y a eu un manque de communication adéquate et significative du personnel de VIA. En effet, la communication laissait à désirer et a mené à de l'insensibilité. Par conséquent, l'Office estime que l'obstacle était abusif puisqu'il aurait pu facilement être évité si les politiques et procédures avaient été appliquées.

De plus, VIA n'a pas fourni de preuve pour valider le fait que les voyageurs sont informés à l'avance du temps d'enregistrement minimum ou du niveau d'accès fourni aux voyageurs qui se déplacent en triporteur. VIA sait que les voyageurs se déplaçant en triporteur ne pourront généralement pas utiliser les monte-escaliers et, par conséquent, VIA a l'occasion au moment de la réservation de souligner au voyageur comment on pourra répondre à ses besoins, ce qui pourrait éviter la frustration à l'égard des caractéristiques d'accessibilité imprévues, comme cela a été le cas pour Mme Ronaldi.

CONCLUSION

À la lumière de ce qui précède, l'Office conclut que les caractéristiques d'accessibilité de la gare Union de Toronto n'ont pas constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Ronaldi.

Cependant, l'Office estime que le manque de propreté du monte-charge alors qu'il était utilisé pour fournir une mesure de rechange accessible et le niveau de service fourni par les employés de VIA ont constitué des obstacles abusifs aux possibilités de déplacement de Mme Ronaldi.

Par conséquent, l'Office ordonne par les présentes à VIA de prendre les mesures suivantes dans les trente (30) jours suivant la date de cette décision :

  • publier un bulletin à l'intention de tout le personnel soulignant l'incident vécu par Mme Ronaldi en raison du manque de sensibilité démontré par son personnel dans la fourniture du service et du manque d'un accès en toute dignité au monte-charge à la date en question. Ce bulletin devra aussi souligner au personnel de réservation l'importance de communiquer les renseignements à l'égard du temps d'enregistrement et les caractéristiques d'accessibilité.
  • aviser l'Office sur les mesures ou les procédures que VIA mettra en œuvre pour s'assurer que lorsque le monte-charge est utilisé comme mesure de rechange accessible, il est préparé pour fournir un accès en toute dignité aux personnes ayant une déficience.

À la suite de son examen du matériel et des renseignements requis, l'Office déterminera si d'autres mesures sont nécessaires dans cette affaire.

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