Décision n° 227-AT-A-2000
Suite - Décision no. 520-AT-A-2000
le 29 mars 2000
DEMANDE présentée par Eileen Hibbert, en vertu du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, relativement à la politique d'assignation des sièges de WestJet Airlines Limited.
Référence no U 3570/99-65
DEMANDE
Le 30 novembre 1999, M. C.E. Hibbert a déposé une demande, au nom de Eileen Hibbert, auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) relativement à l'affaire énoncée dans l'intitulé.
Le 30 décembre 1999, WestJet Airlines Limited (ci-après WestJet) a déposé sa réponse à la demande, et le 17 janvier 2000, M. Hibbert y a répliqué.
Le 20 janvier 2000, après avoir examiné la politique d'assignation des sièges aux passagers ayant des besoins spéciaux, incluse dans le Manuel du personnel de bord de WestJet, le personnel de l'Office a demandé des précisions à Transports Canada au sujet des restrictions applicables à l'assignation des sièges aux passagers ayant une déficience. Transports Canada, de qui relève l'approbation des manuels d'exploitation de tous les transporteurs aériens, y compris les manuels du personnel de bord, a fourni ses commentaires le 24 janvier 2000.
QUESTION
L'Office doit déterminer si la politique d'assignation des sièges de WestJet a constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Hibbert et, le cas échéant, les mesures correctives devant être prises.
FAITS
Mme Hibbert est une personne paraplégique qui, à l'occasion, voyage seule. Le 11 novembre 1999, elle a voyagé à bord du vol no 20 de WestJet de Vancouver (Colombie-Britannique) à Regina (Saskatchewan), et, le 18 novembre 1999, elle est revenue à Vancouver à bord du vol no 23. Au cours de ce voyage, elle était accompagnée de M. Hibbert.
Lors du vol de départ pour Regina, Mme Hibbert s'est vu assigner le siège 2F côté hublot à bord du Boeing 737 de WestJet. En désaccord avec l'assignation de ce siège, M. Hibbert a engagé une discussion avec le personnel du transporteur aérien et a insisté pour que Mme Hibbert prenne place dans un siège côté allée. Mme Hibbert a finalement pris place dans le siège 2D côté allée.
Quant au vol de retour, le 18 novembre 1999, le dossier passager indique que Mme Hibbert devait prendre place dans le siège 2D côté allée et M. Hibbert, le siège 2F côté hublot. Le siège central était inoccupé.
En ce qui a trait à l'assignation des sièges aux passagers ayant une déficience, le Manuel du personnel de bord de WestJet précise qu'en général, les passagers ayant des besoins spéciaux prendront place dans un siège côté hublot qui n'est pas situé dans une rangée menant à une issue de secours. Le transporteur justifie cette restriction en expliquant que les passagers ayant des besoins spéciaux prenant place dans des sièges côté hublot ne bloquent pas l'accès aux passagers qui prennent place dans la même rangée.
POSITIONS DES PARTIES
Selon M. Hibbert, au moment de leur enregistrement pour le vol à destination de Regina le 11 novembre, le préposé à l'enregistrement l'a informé que son épouse devait prendre place dans un siège côté hublot, puisque cela était la règle. Une discussion de quatre minutes a suivi puisque M. Hibbert était d'avis que la politique de WestJet était contraire aux dispositions réglementaires. Selon lui, cette démarche avait pour objet d'obliger Mme Hibbert à prendre place dans le siège en question. M. Hibbert souligne qu'il a par la suite été informé par un agent à la porte d'embarquement qu'il s'agissait d'une préférence de la part de WestJet et non pas d'une règle comme telle.
M. Hibbert explique qu'au moment de l'enregistrement lors du vol de retour entre Regina et Vancouver, le 18 novembre 1999, lui et son épouse se sont vu assigner un siège côté allée et un siège côté hublot. On ne les a pas avisés du siège qui avait été assigné à chacun d'eux et M. Hibbert ne s'est pas renseigné puisqu'il ne voulait pas vivre à nouveau l'expérience déplaisante de Vancouver. M. Hibbert explique que lorsqu'il voyage avec sa femme, celle-ci est transportée jusqu'à la porte d'embarquement de l'aéronef dans son fauteuil roulant, d'où il l'amène lui-même jusqu'à son siège. Au moment du vol en question, un agent de bord a offert son assistance à M. Hibbert et a amené le coussin du fauteuil roulant de Mme Hibbert jusqu'au siège de cette dernière. Sans que M. Hibbert indique quel était le siège de Mme Hibbert, l'agent a automatiquement placé le coussin sur le siège côté hublot, et c'est à ce moment que M. Hibbert lui a demandé de le déposer sur le siège côté allée. M. Hibbert explique qu'il a présumé que la carte d'embarquement précisait que Mme Hibbert devait prendre place dans un siège côté hublot, que l'agent de bord suivait tout simplement la politique du transporteur ou encore, qu'elle a cru que c'était la préférence de Mme Hibbert. Mais selon lui, cette dernière hypothèse n'était pas plausible.
Les réserves de M. Hibbert au sujet de la politique d'assignation des sièges côté hublot aux passagers ayant des besoins spéciaux portent sur deux points. Tout d'abord, il s'agit, à son avis, d'une condition non justifiée qui a pour effet de restreindre la capacité de sa femme de voyager seule, du fait que certains vols qu'exploitent d'autres transporteurs à destination de Regina ne sont pas directs ou sont moins nombreux et plus coûteux. Deuxièmement, la politique d'assignation des sièges de WestJet peut présenter un risque pour la santé des passagers ayant une déficience; non seulement le transfert d'un passager paraplégique d'un siège côté allée à un siège côté hublot est-il difficile, mais le contact de la peau avec les ceintures de sécurité au cours du transfert peuvent causer des lésions.
WestJet reconnaît que Mme Hibbert s'était tout d'abord vu assigner un siège côté hublot à bord du vol en partance de Vancouver et qu'un siège côté allée lui a par la suite été assigné, conformément à ses désirs. D'autre part, Mme Hibbert a de nouveau pris place dans un siège côté allée lors du vol de retour. Le transporteur ajoute que son personnel n'a jamais forcé Mme Hibbert à prendre place dans un siège côté hublot ni le l'a obligée à se soumettre à une telle demande, cela n'étant pas sa politique. Toutefois, WestJet précise que si la sécurité de ses membres d'équipage et des autres passagers devait être compromise, il applique les normes énoncées dans son Manuel du personnel de bord qui ont été approuvées par Transports Canada.
Transports Canada explique qu'en vertu du Règlement de l'aviation canadien, DORS/96-433 (ci-après le Règlement d'aviation), les manuels du personnel de bord des transporteurs aériens, qui font partie du manuel d'exploitation, doivent renfermer des renseignements au sujet des procédures d'urgence et de sécurité cabine. Ces procédures sont élaborées par les transporteurs, qui doivent s'assurer qu'elles ne portent pas atteinte à la sécurité des occupants de l'aéronef et ne nuisent pas à l'exercice des fonctions des membres d'équipage en cas d'urgence. De plus, ces manuels doivent définir ce qu'on entend par passagers ayant des besoins spéciaux et décrire les restrictions qui s'appliquent en matière d'assignation de sièges.
M. Hibbert avance que pendant toutes les années au cours desquelles lui et sa femme ont voyagé, ils n'ont jamais rencontré de difficulté au chapitre de l'assignation des sièges. Toutefois, suite à cet incident et compte tenu de la politique d'assignation des sièges de WestJet, Mme Hibbert hésitera désormais avant de voyager seule avec ce transporteur.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
Pour en arriver à ses constatations, l'Office a examiné tous les documents que lui ont présentés les parties au cours des plaidoiries.
L'Office est conscient des procédures de sécurité cabine énoncées dans le Règlement d'aviation, aux termes desquelles les passagers ayant une déficience ne doivent pas prendre place dans un siège situé dans une rangée menant à une issue de secours. Après avoir examiné le chapitre du Manuel du personnel de bord de WestJet traitant des passagers ayant des besoins spéciaux, l'Office estime que la politique d'assignation des sièges du transporteur est conforme aux dispositions applicables du Règlement d'aviation.
D'autre part, dans sa réponse du 24 janvier, Transports Canada n'a pas mentionné que l'assignation d'un siège côté allée à un passager ayant une déficience posait un risque pour la sécurité. Le Ministère a approuvé le contenu général du Manuel d'exploitation de WestJet, y compris le Manuel du personnel de bord, dans la mesure où ces documents sont conformes aux dispositions réglementaires régissant la sécurité aérienne et ne présentent pas de problème de sécurité.
Bien que WestJet préfère que les passagers ayant des besoins spéciaux prennent place dans un siège côté hublot, l'Office est d'avis que le transporteur n'en fait pas une restriction, comme en témoigne le terme « generally » dans sa politique, qui laisse sous-entendre qu'il peut y avoir des exceptions.
De plus, dans des décisions antérieures qui ont porté sur l'assignation des sièges, l'Office remarque que d'autres transporteurs aériens avaient pour politique générale d'assigner sur demande des sièges côté allée aux passagers ayant des besoins spéciaux. À preuve, certains transporteurs désignent certains sièges à bord des aéronefs comme étant des sièges accessibles pour les passagers ayant une déficience. Le fait que Mme Hibbert a fini par prendre place dans un siège côté allée, comme elle l'avait demandé et ce, même si M. Hibbert a dû faire preuve d'insistance, démontre que la politique d'assignation des sièges de WestJet aux passagers ayant des besoins spéciaux prévoit tout de même une certaine flexibilité. De fait, l'Office note que le dossier passager de Mme Hibbert indique clairement que le siège 2D (côté allée) lui avait été assigné lors du vol de retour à Vancouver. À ce dernier égard, l'Office félicite le personnel de WestJet qui, de sa propre initiative, a assigné un siège côté allée à Mme Hibbert, comme elle l'avait demandé.
Toutefois, l'Office est préoccupé du manque apparent de compréhension, de la part du personnel de WestJet, de l'interprétation et de l'application de la politique d'assignation des sièges du transporteur. Comme l'a fait valoir M. Hibbert au cours des plaidoiries, certains employés du transporteur ont en effet affirmé qu'en principe, les passagers ayant des besoins spéciaux doivent prendre place dans les sièges côté hublot, tandis que d'autres ont précisé qu'il s'agissait là d'une préférence de la part du transporteur.
Compte tenu de ce qui précède, l'Office estime que le manque de compréhension de la part du personnel de WestJet relativement à la politique d'assignation des sièges et de son application et que les renseignements inexacts qui ont été fournis à M. Hibbert ont constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Hibbert. Cet obstacle est abusif du fait que M. Hibbert a dû insister auprès des employés de WestJet pour obtenir le siège demandé, et que par suite de cet incident, Mme Hibbert hésite maintenant à voyager seule parce qu'elle est incertaine de la façon dont le personnel de WestJet appliquera la politique d'assignation des sièges du transporteur.
L'Office est d'avis que cette politique devrait être plus explicite. Bien que WestJet préfère que les passagers ayant une déficience prennent place dans les sièges côté hublot, sa politique devrait indiquer que ces passagers peuvent prendre place dans d'autres sièges. Cette politique devrait spécifier que les préférences des passagers devraient toujours être respectées, sauf pour des raisons de sécurité. En outre, la politique devrait insister sur l'importance des communications directes avec les passagers afin de déterminer quels sièges, parmi les sièges accessibles, peuvent leur être assignés, ou d'expliquer les raisons pour lesquelles, dans certaines circonstances, les sièges demandés ne peuvent leur être assignés.
CONCLUSION
L'Office conclut que le manque de compréhension, de la part du personnel de WestJet, de la politique d'assignation des sièges aux passagers ayant une déficience et que les renseignements inexacts qui ont été fournis à M. Hibbert ont constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Hibbert. En conséquence, l'Office enjoint par la présente à WestJet :
- de modifier la politique d'assignation des sièges énoncée dans son Manuel du personnel de bord pour indiquer que bien que WestJet préfère que les passagers ayant des déficiences prennent place dans les sièges côté hublot, d'autres sièges peuvent leur être assignés sauf ceux qui ne peuvent l'être pour des raisons de sécurité cabine. La politique devrait insister sur l'importance de respecter le choix des passagers et de discuter avec eux de leurs exigences et des sièges répondant le mieux à leurs besoins avant de leur assigner des sièges autres que ceux qui ne peuvent l'être pour des raisons de sécurité. La politique devrait également mettre l'accent sur le fait que le personnel doit fournir les explications nécessaires en cas de rejet d'une demande de sièges, s'il y a lieu.
- d'émettre un bulletin à l'intention de tous ses préposés au service aux passagers, décrivant l'incident dont il vient d'être question, les informant de sa politique nouvellement modifiée et insistant sur l'importance de communiquer directement avec les passagers ayant une déficience relativement aux conditions d'assignation des sièges.
WestJet est tenu de déposer auprès de l'Office, dans un délai de trente (30) jours à compter de la date de la décision, une copie de sa politique modifiée d'assignation des sièges et du bulletin adressé aux employés.
Après examen des renseignements demandés, l'Office déterminera si de nouvelles mesures s'imposent.
- Date de modification :