Décision n° 24-A-1997
le 30 janvier 1997
RELATIVE à une plainte déposée par M. Brendan Sullivan concernant une présumée infraction commise par Air Canada à sa disposition tarifaire régissant les conditions de transport de personnes mineures non accompagnées.
Référence no 4370/A74/96
CONTEXTE
Le 6 septembre 1996, M. Brendan Sullivan a déposé une plainte auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) relativement au fait qu'Air Canada ait laissé son fils sans surveillance bien que celui-ci voyageait avec le statut de mineur non accompagné. M. Sullivan estime que cet incident constituait une infraction par Air Canada à son tarif et qu'à son avis, l'équipe de vol du transporteur avait fait preuve d'irresponsabilité et d'incompétence. M. Sullivan a demandé que l'Office mène une enquête sur cet incident et procède à une vérification approfondie du programme pour personne d'âge mineur non accompagnée qu'offre Air Canada.
POSITION DE M. SULLIVAN
M. Brendan Sullivan fait savoir que, le 8 août 1996, son fils de 11 ans a effectué le trajet St. John's (Terre-Neuve) - Calgary (Alberta) à bord d'un aéronef d'Air Canada avec le statut de personne d'âge mineur non accompagnée. Au moment de la réservation du billet d'avion de son fils, M. Sullivan affirme avoir demandé le service de transport pour personne d'âge mineur non accompagnée et avoir payé la somme de 30 $ pour celui-ci, afin d'assurer la sécurité et la sûreté de son fils. À cette occasion, le représentant du transporteur l'a assuré que son fils serait toujours accompagné par un représentant de la compagnie aérienne. Une demande de transport pour personne d'âge mineur a été remplie et il y était indiqué que c'était le frère de M. Sullivan qui accueillerait l'enfant à Calgary. M. Sullivan a appris avec stupéfaction qu'à son arrivée à Calgary, son fils avait été laissé sans surveillance dans l'aéroport pendant 50 minutes et ce, même s'il avait en sa possession les documents nécessaires, y compris une affiche comprenant les lettres «UM» (mineur non accompagné) qu'il portait autour du cou.
M. Sullivan a communiqué avec le Service à la clientèle d'Air Canada à ce sujet et a demandé la tenue d'une enquête. Air Canada l'a informé que l'incident était le résultat d'un problème de communication. Le transporteur a ajouté que pour le vol en question, il y a eu changement d'équipage à Halifax, de telle sorte que le nouveau personnel n'a pas été informé du statut de personne d'âge mineur non accompagnée qu'avait son fils.
RÉPONSE D'AIR CANADA
Air Canada s'est excusé pour cet inconvénient. Le transporteur affirme qu'il accorde tout le sérieux voulu à de tels incidents et reconnaît l'importance de s'occuper des enfants qui voyagent seuls. Il ajoute qu'il a établi des procédures permettant de s'assurer qu'un enfant non accompagné est pris en charge par un membre de son personnel durant tout le voyage, que ses employés sont tenus de s'acquitter de leurs fonctions avec efficience en tout temps et que ses agents de bord ont reçu la formation nécessaire et comprennent la responsabilité qui leur incombe lorsqu'un enfant voyage non accompagné. Air Canada signale qu'une copie de la lettre de M. Sullivan a été envoyée aux gestionnaires du Service à la clientèle aux aéroports de Halifax et de Calgary, pour qu'ils mènent une enquête interne et prennent les mesures nécessaires pour éviter que de tels incidents se répètent.
Le transporteur précise que parce que les membres de la nouvelle équipe de vol à Halifax n'ont pas été informés de la présence d'un mineur non accompagné à bord de l'aéronef, aucune autre instruction additionnelle ou personnelle n'a été communiquée au fils de M. Sullivan au cours de ce tronçon du vol, si ce n'est l'annonce habituellement faite par la voie du système de sonorisation public lui enjoignant de demeurer à bord de l'aéronef jusqu'à ce qu'un agent le prenne en charge. Malheureusement, lorsque le représentant de l'aéroport s'est présenté pour accompagner l'enfant jusqu'à l'aire de livraison des bagages, ce dernier avait déjà quitté l'aéronef.
Selon le transporteur, le gestionnaire responsable du Service à la clientèle a rencontré le frère de M. Sullivan et son épouse à l'aéroport, leur a présenté des excuses ainsi qu'une explication de ce qui était arrivé et leur a offert un remboursement pour le service qui n'avait pas été fourni. Enfin, le transporteur a offert de son plein gré un bon de transport de 100 $ et, sur une note plus personnelle, a fait parvenir un cadeau à l'enfant.
Le transporteur a soumis à l'Office une copie de la règle 50 (Acceptation des enfants) et de la règle 8000 (Taux pour enfants) de son tarif intérieur.
RÉPONSE DE M. SULLIVAN
M. Sullivan a fait savoir qu'il n'était pas satisfait de la réponse d'Air Canada, selon qui cet incident résulte d'un problème de communication, et qu'il souhaitait que la situation soit clarifiée. M. Sullivan fait des réserves à propos de l'annonce publique qui a été faite sur le système de sonorisation enjoignant à son fils de demeurer à bord de l'aéronef puisque le transporteur a affirmé que la nouvelle équipe de vol à Halifax n'avait pas été informée que son fils voyageait avec le statut de personne mineure non accompagnée à bord de l'aéronef. M. Sullivan se demande également pourquoi le personnel du transporteur n'a pas identifié son fils comme étant un mineur non accompagné, d'autant plus qu'il portait autour du cou une affiche avec les lettres «UM», et pourquoi n'a-t-on pas effectué une recherche immédiatement pour retrouver son fils?
OBSERVATIONS ADDITIONNELLES
L'Office a examiné la réponse et les dispositions du tarif d'Air Canada et a noté certaines irrégularités. Le transporteur a indiqué qu'il a établi une procédure permettant de s'assurer qu'un enfant non accompagné est pris en charge par un membre de son personnel pendant tout le voyage. Cependant, la règle 50 (B) du tarif intérieur du transporteur prévoit l'acceptation d'enfants non accompagnés alors qu'à la règle 50 (D), il est prescrit qu'aucun transporteur n'assumera de responsabilité financière et de surveillance à l'égard des enfants non accompagnés autre que celles applicables à un passager adulte. Par ailleurs, la règle 8000 du tarif prévoit une redevance obligatoire de 30 $ applicable à la fourniture d'un service pour enfant non accompagné. De plus, l'Office note que sur la demande de transport pour personne d'âge mineur non accompagnée, dont M. Sullivan a fait parvenir une copie à l'Office avec sa plainte, il est indiqué que dans tous les cas, le mineur non accompagné sera confié à un représentant de la compagnie aérienne.
Dans une lettre du 13 décembre 1996, l'Office a demandé à Air Canada de lui expliquer quelle disposition a préséance concernant la responsabilité du transporteur pour les enfants non accompagnés. L'Office a également demandé à Air Canada pourquoi les conditions incluses sur la demande de transport sont exclues de la règle 8000.
Comme l'article 29 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 (ci-après la LTC), dispose que l'Office doit rendre sa décision sur toute affaire dont il est saisi dans un délai de cent vingt jours suivant la réception de l'acte introductif d'instance, et compte tenu des renseignements supplémentaires requis, l'Office a demandé aux parties de s'entendre pour lui accorder un délai de 30 jours additionnels pour rendre sa décision. Les deux parties ont accepté la demande de l'Office de prolonger le délai prévu pour rendre sa décision.
Dans une lettre datée du 24 décembre 1996, Air Canada fait valoir que pour clarifier la question de responsabilité des mineurs non accompagnés, il modifiera les règles 8000 et 50 de son tarif. La règle 8000 sera modifiée en fonction des notes ci-dessous :
- Note 1 : Une redevance obligatoire s'appliquera pour tout service d'accompagnateur visant les enfants âgés de 5 à 11 ans et, sur demande, pour tout service similaire visant les personnes mineures âgées de 12 à 17 ans. La redevance s'applique à partir du point d'embarquement de l'enfant et jusqu'à l'escale ou à la destination prévue.
- Note 2 : Aux fins de cette règle, le service précité signifie qu'Air Canada assumera la surveillance de l'enfant depuis l'embarquement et jusqu'à l'escale ou à la destination où il sera pris en charge par une autre personne.
- Note 3 : Les limites d'âge prévues dans cette règle seront celles qui seront en vigueur à la date où commencera le transport.
Le transporteur fait valoir également que la règle 50 sera modifiée par l'inclusion des dispositions susmentionnées de la règle 8000 dans la règle 50(C). En outre, la règle 50(D) sera modifiée de façon à préciser qu'à l'exception du service prévu pour les mineurs non accompagnés à la règle 50(C), Air Canada n'assumera aucune responsabilité financière ou de tutelle concernant les enfants non accompagnés autres que celles prévues pour un passager adulte.
Dans une lettre subséquente datée du 31 décembre 1996, Air Canada a apporté des précisions concernant les annonces à bord des aéronefs. Il affirme que ces annonces sont en général faites au moyen du système de sonorisation, pour aviser les clients qui ont besoin d'aide de demeurer à bord jusqu'à ce qu'un agent les escorte à l'extérieur de l'aéronef. Il ajoute que le nom des clients n'est pas prononcé et regrette que l'enfant n'ait pas entendu l'annonce et que son étiquette portant les lettres «UM» n'ait pas été remarquée lorsqu'il a quitté l'aéronef avec les autres passagers. Il réitère tout le sérieux qu'il a accordé à cette affaire et s'excuse d'avoir laissé une mauvaise impression auprès de la famille Sullivan.
ANALYSE
L'Office est l'autorité législative responsable de la réglementation économique des transporteurs aériens. Son rôle consiste à assurer le respect des dispositions de la LTC et du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA), qui en découle, par les personnes et les compagnies oeuvrant dans le domaine du transport aérien. Aux termes du sous-alinéa 107(1)n)(ii) du RTA, le tarif d'un transporteur doit énoncer les conditions de transport, et plus particulièrement la politique du transporteur en ce qui concerne, notamment, le transport des enfants.
À cet égard, l'Office estime que le tarif d'Air Canada ne contenait pas des renseignements complets et uniformes sur sa politique et ses conditions de transport visant les enfants non accompagnés. L'Office en conclut donc qu'Air Canada a contrevenu au sous-alinéa 107(1)n)(ii) du RTA. Cependant, à la lumière des mesures correctives qu'a prises le transporteur pour modifier son tarif, l'Office n'envisage aucune autre mesure à son endroit.
L'Office note que l'alinéa a) de l'article 3 (Enfants non accompagnés) de la règle 8000 (Taux pour enfants) d'Air Canada se lit, en partie, comme suit :
(traduction)
«Le transport des enfants âgés de moins de 12 ans qui ne sont pas accompagnés dans le même compartiment par un passager âgé d'au moins 12 ans est accepté sous réserve des conditions ci-dessous :
les enfants âgés de 2 à 4 ans non accompagnés ne sont pas acceptés
les enfants non accompagnés âgés de 5 à 11 ans...tarif adulte applicable
les personnes mineures non accompagnées âgées de 12 à 17 ans...tarif adulte applicable
NOTA : Une redevance obligatoire s'appliquera pour un service d'accompagnateur visant les enfants âgés de 5 à 11 ans et, sur demande, les personnes âgées de 12 à 17 ans, à condition que le voyage prévoit une correspondance ou plus...»
L'Office note que le transporteur a accepté un paiement pour le service, mais que ce service n'a pas été assuré sur le tronçon Halifax-Calgary, ce que reconnaît le transporteur; et que ce dernier a remboursé à M. Sullivan le prix du service qui avait été payé mais qui n'a pas été assuré. L'Office estime qu'en n'assurant pas ledit service, Air Canada n'a pas satisfait aux conditions de son tarif publié.
En outre, à la lumière de la requête d'Air Canada adressée aux gestionnaires responsables du Service à la clientèle aux aéroports de Halifax et de Calgary visant la tenue d'une enquête interne et la prise de mesures nécessaires pour éviter que de tels incidents se répètent, Air Canada est tenu de soumettre à l'Office un rapport sur les mesures correctives qui ont effectivement été prises.
L'Office reconnaît la gravité de l'infraction et est au regret de constater qu'Air Canada n'a pas respecté les dispositions de son tarif. Toute récidive de la part d'Air Canada à ce dernier égard obligera l'Office à considérer la prise d'autres mesures.
CONCLUSION
L'Office conclut que dans le cas en instance, Air Canada a bel et bien contrevenu aux dispositions du sous-alinéa 107(1)n)(ii) du RTA et de la règle 8000 de son tarif intérieur. Cependant, à la lumière des modifications qu'a apportées le transporteur à son tarif, l'Office n'envisage aucune autre mesure relativement à cette infraction.
Toutefois, Air Canada est tenu de soumettre à l'Office, dans un délai de 30 jours suivant la date de la présente décision, un rapport sur les mesures correctives qui ont été prises pour éviter toute répétition d'un tel incident.
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