Décision n° 25-R-1989

le 23 janvier 1989

Le 23 janvier 1989

RELATIVE à la demande déposée par la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (ci-après le Canadien National), conformément à l'article 253 de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1985, c. R-3, en vue d'obtenir l'autorisation d'abandonner l'exploitation de la subdivision Stephenville entre White's Road (p.m. 0,00) et Stephenville (p.m. 7,00) (ci-après l'embranchement), soit une distance totale de 7,0 milles dans la province de Terre-Neuve.

Référence no 39310.290


HISTORIQUE DE LA DEMANDE

La demande a été déposée le 13 novembre 1987 auprès de la Commission canadienne des transports (ci-après la Commission).

Comme la Commission n'avait encore pris aucune décision le 1er janvier 1988, date d'entrée en vigueur de la Loi nationale de 1987 sur les transports, S.C. 1987, c. 34 (ci-après la LNT 1987), la demande doit maintenant être étudiée par l'Office national des transports (ci-après l'Office), conformément au paragraphe 160(7) de la LNT 1987.

HISTORIQUE DE LA LIGNE

En 1945, le gouvernement des États-Unis d'Amérique construit la ligne Stephenville pour desservir la base de la United States Air Force située à Harmon. La ligne est exploitée et entretenue par les Américains jusqu'à l'abandon de cette base en 1965. Le décret C.P. 1966-1054 autorise la cession du terrain au Gouvernement de Terre-Neuve qui, par le décret C.P. 154-169, cède à la Harmon Corporation le secteur anciennement connu sous le nom de "Harmon Airforce Base", l'emprise ferroviaire comprise. Le 5 août 1971, la Harmon Corporation vend à Sa Majesté la Reine du chef du Canada tout le matériel relatif à l'emprise.

EMPLACEMENT DE LA LIGNE

La subdivision Stephenville commence à White's Road (p.m. 0,00), au point de jonction avec la subdivision Port-aux-Basques, et se termine à Stephenville (p.m. 7,00). Stephenville est la seule gare de l'embranchement.

Une carte de la région est jointe à l'annexe "A".

ÉTAT DE LA VOIE

On peut qualifier de mauvais à passable l'état de la voie, des traverses, de l'alignement et du nivellement. L'état des rails, de différentes catégories, est plus ou moins bon, tandis que celui du ballast est mauvais. La ligne compte deux ponts d'acier en bon état.

DESCRIPTION DU SERVICE

Jusqu'au 1er juillet 1987, le service de train était assuré par une locomotive manoeuvres-ligne de Corner Brook à Stephenville, le retour étant offert selon les besoins des utilisateurs, mais pas plus de deux fois par semaine. Depuis, suite à la suppression du service de traversiers de la Gulf Rail, tout le trafic est expédié à Stephenville par conteneur, et la ligne ferroviaire n'est plus du tout utilisée.

TRAFIC EN WAGONS COMPLETS

Jusqu'au 1er juillet 1987, l'embranchement servait surtout à l'expédition de la pâte de bois, de l'avoine, de l'orge et du blé. Le tableau suivant donne un aperçu de la densité de ce trafic pour les années 1985 à 1987.

RELEVÉ DU TRAFIC

SUBDIVISION STEPHENVILLE DU CN
ENTRE WHITE'S ROAD (P.M. 0,00) ET STEPHENVILLE (P.M. 7,00)
(en wagons complets)
  1986 Reçu 1986 Expédié 1987 Reçu 1987 Expédié 1988 Reçu 1988 Expédié
Stephenville 565 35 338 - 156 -
Jeffrey's - - 12 - - -
Port-Aux-Basques 29 - 5 - 5 -
Total (reçu/expédié) 594 34 355 - 161 -
Total de l'année 629 629 355 355 161 161

PERTES RÉELLES

S'il y a opposition à une demande d'abandon en vertu de l'article 161, l'Office détermine le montant des pertes réelles attribuables à l'embranchement visé et en fait donner avis public, conformément à l'article 163 de la LNT 1987.

Les pertes réelles calculées pour les années 1985 à 1987 selon le Règlement sur le calcul des frais ferroviaires et l'article 157 de la LNT 1987, s'établissent comme suit :

Année Dépenses totales $ ecettes $ Pertes réelles $ Wagons complets Pertes réelles par wagons complets $
1985 1 501 970 1 537 077 (35 107) 629 (56)
1986 1 152 191 991 505 160 686 355 453
1987 604 816 496 668 108 148 161 672

AUTRES SERVICES DE TRANSPORT

La subdivision Stephenville est parallèle aux routes nos 460 et 490, qui ne sont assujetties à aucune restriction, à l'exception d'interruptions temporaires normales causées par l'enneigement. Certaines restrictions de poids peuvent s'appliquer en période de dégel printanier. Selon la division des services publics et du transport routier du gouvernement de Terre-Neuve, on recense au moins 120 transporteurs routiers autorisés à desservir la province.

Un service de transport routier par conteneurs est également offert à Corner Brook pour les chargements complets.

Depuis l'accord de juin 1988 par lequel le gouvernement fédéral cède à la Province le contrôle des lignes ferroviaires lui appartenant, et la suppression subséquente du service ferroviaire sur la subdivision Port-aux-Basques du réseau de Terra Transport, aucun autre service ferroviaire n'est offert dans la région visée.

RÉSUMÉ DES MÉMOIRES

Canadien National

Dans sa demande, le Canadien National fait valoir que l'abandon ne nuirait pas aux utilisateurs puisque la plupart ont maintenant recours au transport par conteneurs. Il ajoute que la majeure partie du trafic ferroviaire anciennement reçu à Stephenville continuerait d'être acheminé en conteneurs par chemin de fer jusqu'à Corner Brook et, de là, par route jusqu'à Stephenville. Quant au trafic expédié, il serait transporté par route jusqu'à Corner Brook et ensuite par rail dans des conteneurs. Le Canadien National soutient que beaucoup de transporteurs routiers sont autorisés à desservir de nombreux points à Terre-Neuve et dans le reste du pays. Il fait remarquer que depuis la suppression du service de traversiers de la Gulf Rail, le 1er juillet 1987, aucun wagon n'a été acheminé en provenance ou à destination de Terre-Neuve.

Interventions reçues

Des mémoires ont été reçus de deux parties suite à l'avis de la demande d'abandon du Canadien National.

1. K. Aylward

Dans un télex daté du 7 décembre 1987 et adressé à la Commission, M. Kevin Aylward, député provincial du district de Stephenville, exprime ses préoccupations à l'égard de l'abandon projeté. Il avance que le service ferroviaire desservant la région industrielle de Port Harmon et de Stephenville devrait être maintenu en prévision du trafic futur. Il fait remarquer que les activités commerciales s'intensifient dans le secteur de Port Harmon et qu'un bon service devrait être offert aux commerçants de la région.

M. Aylward ajoute qu'on envisage la construction d'un parc industriel dans la région d'ici quelques années. Selon lui, le remplacement du service ferroviaire de marchandises par des services routiers de transport par conteneurs n'a rien de rentable et ne fera que congestionner davantage les deux routes de la région.

2. P. Gillis

Dans une lettre au Canadien National datée du 15 décembre 1987 et signifiée à la Commission, M. Peter Gillis, président de la chambre de commerce de Stephenville, s'oppose à l'abandon projeté. Il fait valoir que pareille mesure constituerait une régression dans les projets de développement qu'entretient la chambre de commerce pour la région de Stephenville et de Port au Port. Il souligne que la région a récemment été déclarée admissible au Programme de développement des collectivités, et que diverses parties se préparent à exploiter des gisements miniers dans la péninsule de Port au Port.

Autres interventions

Le 25 novembre 1988, l'Office a publié un avis de la demande du Canadien National dans lequel il invitait les parties intéressées à déposer leurs mémoires et, plus particulièrement, des preuves attestant que l'embranchement pourrait devenir rentable dans l'avenir previsible ou qu'il serait d'intérêt public d'en poursuivre l'exploitation. Aucune réponse n'a été reçue.

POINTS CONSIDÉRÉS

Aux termes de l'article 164 de la LNT 1987, l'Office est tenu de décider si un embranchement est rentable et, s'il ne l'est pas, de déterminer s'il y a des motifs de croire qu'il puisse le devenir dans l'avenir prévisible. S'il est improbable que l'embranchement devienne rentable, l'Office en ordonne l'abandon. S'il est déterminé que l'embranchement pourrait devenir rentable dans l'avenir prévisible, l'Office doit aussi en ordonner l'abandon, sauf s'il estime d'intérêt public d'en poursuivre l'exploitation.

Les pertes réelles calculées par l'Office pour les exercices de 1985 à 1987 s'établissent comme suit :

Année Pertes réelles $
1985 (35 107)
1986 160 686
1987 108 148

Ce calcul, effectué aux termes de l'article 163 de la LNT 1987, a été rendu public au même moment que l'avis de la demande, le 25 novembre 1988.

D'après les faits qui lui ont été présentés, l'Office conclut que l'embranchement a été déficitaire en 1986 et 1987. En 1985, la ligne était rentable, les recettes étant supérieures aux dépenses. Depuis la suppression du service de traversiers de la Gulf Rail en juillet 1987, aucun wagon complet ne peut être acheminé sur la ligne. Par conséquent, l'Office conclut que la subdivision Stephenville n'est pas rentable.

Comme il est maintenant impossible d'acheminer des marchandises par traversier vers Terre-Neuve, l'Office constate que la ligne continuera d'être déficitaire dans l'avenir prévisible.

CONSTATATIONS ET CONCLUSIONS

Aux termes du paragraphe 165(1) de la LNT 1987, l'Office doit ordonner l'abandon de l'exploitation d'un embranchement s'il est d'avis que cet embranchement n'est pas rentable et qu'il n'y a aucun motif de croire qu'il le deviendra dans l'avenir prévisible.

D'après les faits présentés, l'Office conclut que la subdivision Stephenville du CN doit être abandonnée entre les points milliaires 0,00 et 7,00.

Un arrêté sera pris en conséquence.

Date de modification :