Décision n° 266-AT-A-1999

le 25 mai 1999

le 25 mai 1999

DEMANDE présentée par Georgina Sasvari, en vertu du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, relativement au refus d'Air Transat A.T. Inc., exerçant son activité sous le nom d'Air Transat, de transporter son chien aidant dans la cabine passagers de l'aéronef, lors d'un voyage qu'elle devait effectuer de Toronto (Ontario) à St. Maarten (Antilles néerlandaises).

Référence no U 3570/99-4


DEMANDE

Georgina Sasvari a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé. La demande a été reçue le 27 janvier 1999. Air Transat A.T. Inc., exerçant son activité sous le nom d'Air Transat (ci-après Air Transat), a déposé sa réponse le 16 janvier 1999 et Mme Sasvari y a répliqué le 1er mai 1999.

QUESTION

L'Office doit déterminer si le refus d'Air Transat de transporter le chien aidant de Mme Sasvari à l'intérieur de la cabine passagers de l'aéronef a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement, et si tel est le cas, les mesures correctives qui devraient être prises.

FAITS

Mme Sasvari a une mobilité réduite et utilise les services d'un chien husky pour l'aider dans diverses tâches. Son chien n'a pas été dressé et n'a été certifié comme tel par aucun organisme professionnel reconnu. Le 19 novembre 1998, elle a fait des réservations pour un voyage qu'elle devait effectuer de Toronto à St. Maarten, le 21 novembre 1998, à bord du vol no 660 d'Air Transat. Au moment de s'enregistrer pour son vol et après une discussion avec le personnel d'Air Transat à l'aéroport, Mme Sasvari a reçu une carte d'embarquement et a été autorisée à monter à bord de l'aéronef avec son chien. C'est alors que le commandant de bord a avisé Mme Sasvari que son chien ne pouvait l'accompagner dans la cabine passagers parce qu'elle ne disposait pas d'un certificat attestant que le chien avait été dressé par un organisme professionnel et qu'il ne portait pas un harnais convenable. Ne voulant pas que son chien effectue le voyage dans la soute à bagages, elle a quitté l'aéronef et n'a donc pas effectué le voyage à St. Maarten.

POSITION DES PARTIES

Mme Sasvari indique qu'elle a dressé son chien husky de telle sorte qu'il puisse s'acquitter de certaines tâches, entre autres, tirer son fauteuil roulant ou son triporteur, ramasser des choses, l'aider à monter des marches ou à se déplacer sur des surfaces inégales et, à l'occasion, ouvrir des portes. Elle utilise une laisse ou un collier pour chien ordinaire pour maîtriser l'animal. Elle prétend que les organismes de dressage de chiens-guides pour les malvoyants et les malentendants ne sont pas capables de dresser des animaux aidants en fonction de sa déficience et que s'il existait une telle école, elle n'aurait pas les moyens de payer leurs services.

Mme Sasvari affirme qu'un mois avant la réservation, elle a communiqué avec plusieurs agents de voyages ainsi qu'avec Air Transat pour s'enquérir de la politique concernant le transport d'animaux domestiques, car elle désirait effectuer le voyage avec son chien et ses deux chats. Elle ajoute que lorsqu'elle a téléphoné à Air Transat avant son voyage, on lui a répondu qu'il n'y aurait pas de problème en ce qui concerne la présence du chien dans la cabine passagers et qu'elle n'avait besoin que d'un certificat de vétérinaire attestant que l'animal avait été vacciné comme il se doit pour un voyage à destination de St. Maarten. Mme Sasvari prétend qu'on ne l'a jamais informée qu'elle devait avoir en sa possession un certificat attestant que le chien avait été dressé par un organisme spécialisé dans le dressage d'animaux aidants et ce, malgré qu'elle ait avisé le transporteur qu'elle avait un tel chien.

En ce qui a trait au transport de ses deux chats, Mme Sasvari avance que lorsqu'elle a téléphoné à Air Transat, elle a reçu des renseignements contradictoires au sujet de la politique du transporteur concernant le poids des bagages, les tarifs applicables aux bagages excédentaires et aux animaux vivants et aussi concernant la possibilité de transporter les chats dans la cabine passagers ou dans la soute à bagages.

Au moment d'effectuer le voyage, Mme Sasvari avait amené avec elle un chat, placé dans une cage approuvée. Lors de l'embarquement, elle affirme que l'employé responsable à l'aéroport l'a informée qu'elle ne serait autorisée à transporter qu'un seul animal, un chat ou un chien, dans la cabine passagers. Selon elle, après discussion, elle n'a pu s'entendre avec le personnel d'Air Transat et un superviseur au sujet des conditions de transport des animaux. Elle a dû payer un tarif pour le transport du chat dans la soute à bagages. En ce qui concerne le chien, Mme Sasvari précise que malgré le certificat d'un médecin qu'elle avait en sa possession attestant qu'elle a besoin d'un animal pour l'aider dans ses déplacements, le superviseur l'a avisée que l'animal devrait être placé dans une cage et effectuer le voyage dans la soute à bagages parce qu'il n'avait pas été dressé par un organisme professionnel.

Dix minutes avant le départ, Mme Sasvari a reçu une carte d'embarquement et a reçu de l'assistance avec un fauteuil roulant pour se rendre jusqu'à l'aéronef. Elle affirme que même si on lui avait promis un siège près cloison, on lui a assigné une place à l'arrière de l'aéronef. Elle ajoute que les agents de bord et des passagers se sont plaints de l'espace qu'occupait le chien et du risque qu'il présentait pour la sécurité en demeurant dans l'allée. Elle indique que le commandant est intervenu pour évaluer la situation et l'a informée que son chien ne pouvait prendre place avec elle dans la cabine passagers. On lui a même fait savoir que l'aéronef n'effectuerait pas le décollage tant et aussi longtemps qu'elle ne quitterait pas l'appareil. Mme Sasvari est d'avis que la taille des chiens aidants peut varier et que le harnais n'est pas obligatoire pour eux. On l'a avisée qu'elle n'avait pas le choix et c'est alors qu'elle a décidé de ne pas effectuer le voyage et qu'elle a quitté l'aéronef, humiliée, frustrée et épuisée par cette pénible aventure. Selon elle, elle a été contrainte de quitter l'aéronef et on a refusé qu'elle effectue le voyage.

Mme Sasvari ajoute que par la suite, le personnel du transporteur l'a presque ignorée et qu'elle a dû attendre pendant un certain temps la boisson qu'elle avait commandée. Elle a demandé à un ami de venir la chercher à l'aéroport et elle a dû attendre environ 30 minutes avant de reprendre possession de sa valise, de son triporteur et de son chat qui se trouvaient à bord de l'aéronef qu'elle avait quitté.

Dans sa plainte, Mme Sasvari affirme qu'elle a été victime de harcèlement de la part du personnel à l'aéroport, lorsqu'elle a tenté de justifier qu'elle avait besoin de son chien dans la cabine passagers. Elle se demande pourquoi le gouvernement du Canada n'autorise pas la présence d'animaux aidants sans certificat dans la cabine passagers des aéronefs alors que le gouvernement des États-Unis d'Amérique le fait. Elle estime que les deux gouvernements devraient avoir les mêmes préoccupations pour ce qui est de la sécurité. Mme Sasvari affirme que les règlements canadiens en matière de transport sont déraisonnables et discriminatoires à son égard et en ce qui concerne ses déficiences.

Air Transat regrette vivement les inconvénients causés à Mme Sasvari mais affirme qu'il n'a contrevenu à aucune disposition réglementaire ni à aucune condition de transport. Il se dit même surpris des questions soulevées par Mme Sasvari dans sa plainte. Le transporteur explique sa politique concernant l'acceptation des animaux domestiques comme bagages et des animaux aidants qui voyagent avec les passagers ayant une déficience dans la cabine passagers.

En ce qui concerne le transport des animaux aidants, Air Transat soutient qu'un siège près cloison aurait été accordé à Mme Sasvari et que son chien aurait été accepté si celle-ci avait pu attester que l'animal avait été dressé et que sa présence près d'elle était nécessaire. Le transporteur ajoute qu'il aurait communiqué avec Mme Sasvari avant le départ pour lui demander une copie d'un certificat d'animal aidant. Le document n'a pas été soumis. Air Transat confirme qu'en raison de la persistance de Mme Sasvari, le personnel responsable de l'enregistrement lui a délivré une carte d'embarquement, sous réserve de l'évaluation de la situation par le commandant et de sa décision à savoir si le chien pouvait être autorisé à demeurer dans la cabine passagers. Le commandant a bel et bien refusé la présence du chien dans la cabine passagers parce que d'une part, un harnais convenable n'était pas utilisé et que d'autre part, aucun certificat n'attestait que l'animal avait été dressé.

Selon le transporteur, Mme Sasvari a été informée de sa politique relative au transport des animaux domestiques et aidants. En outre, Air Transat affirme que lorsqu'il a été constaté, à l'aéroport, que le chien de la passagère ne pouvait être accepté dans la cabine passagers en l'absence d'un certificat d'attestation et parce qu'un harnais convenable n'était pas utilisé, son personnel a offert d'utiliser la cage d'un autre transporteur pour que le chien puisse prendre place dans la soute à bagages. Selon le transporteur, lorsque Mme Sasvari n'a pas accepté cette solution de rechange, elle a reçu une assistance après le débarquement et s'est vu offrir des services de transport par limousine jusqu'à sa résidence, ce qu'elle a refusé. Le transporteur prétend que ses préposés au service à la clientèle et son personnel en vol ont reçu la formation nécessaire pour fournir des services aux passagers ayant des besoins spéciaux et pour s'assurer que tous les clients sont traités avec respect et courtoisie.

Dans sa réplique aux commentaires d'Air Transat, Mme Sasvari avance qu'Air Transat déforme les faits. À son avis, elle n'a pas été bien traitée par le transporteur et a été victime de discrimination et de harcèlement. Elle ajoute qu'aux termes de la loi, les chiens aidants sont autorisés partout et elle n'avait pas à démontrer que son chien avait été dressé.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

Pour en arriver à ses constatations, l'Office a examiné tous les éléments de preuve que les parties ont déposés au cours des plaidoiries.

L'Office est d'avis que trois grands points se dégagent de la plainte de Mme Sasvari :

  1. conditions générales de transport des animaux domestiques, sauf les animaux aidants;
  2. conditions de transport des animaux aidants;
  3. communication de l'information.

1) Transport des animaux domestiques

Le transport des animaux domestiques en général est relié aux conditions qui régissent le transport des bagages, et non pas au transport des personnes ayant une déficience et qui voyagent avec un animal aidant. Par conséquent, l'Office conclut que cette question ne peut pas être examinée en vertu du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada.

Néanmoins, à partir des renseignements inclus dans les plaidoiries, rien ne démontre qu'Air Transat a contrevenu aux dispositions de son tarif international d'affrètement en ce qui concerne les conditions de transport des animaux domestiques.

2) Transport des animaux aidants

L'article 149 du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA), régit le transport des animaux aidants. Aux termes de l'article, un transporteur aérien acceptera de transporter un animal aidant, sans frais, si la personne en a besoin et s'il est attesté par écrit que l'animal a été dressé par un organisme professionnel de dressage. Le RTA prévoit également que si le transporteur aérien accepte de transporter un animal aidant pour lequel un certificat d'attestation a été produit, il doit permettre que l'animal, si celui-ci porte un harnais convenable selon les normes établies par un organisme professionnel de dressage des animaux aidants, accompagne la personne à bord de l'aéronef jusqu'à son siège passagers et y demeure sur le plancher.

Les dispositions réglementaires s'appliquent aux services intérieurs, mais Air Transat applique les mêmes conditions à ses services internationaux, comme le vol à destination de St. Maarten. À cet égard, le tarif international d'affrètement d'Air Transat NTA (A) no 03, règle 14, prescrit que les chiens-guides qui accompagnent les passagers malvoyants seront acceptés dans la cabine sur présentation d'un certificat approprié et s'ils portent un harnais convenable (Soulignement ajouté).

La position de l'Office sur la question de l'acceptation d'un animal aidant dans la cabine passagers est énoncée dans son Code de pratiques sur l'accessibilité des aéronefs pour les personnes ayant une déficience (ci-après le Code). Ce Code précise que l'aéronef doit avoir des sièges ayant suffisamment d'espace sur le plancher pour un animal aidant, dont il donne une définition en fonction de celle du RTA concernant les services intérieurs. À l'instar du règlement sur le transport des animaux aidants à bord des vols intérieurs, le Code a été élaboré avec la collaboration, entre autres, des personnes ayant une déficience qui ont recours à un animal aidant. Celles-ci ne se sont pas opposées à l'exigence relative à un certificat de dressage d'animaux aidants.

Dans une cause antérieure portant sur le transport d'un animal aidant à bord d'un vol international pour lequel il n'y avait pas de certificat d'attestation, l'Office avait déterminé que le refus par le transporteur d'assurer le transport de l'animal dans la cabine passagers n'avait pas constitué un obstacle abusif (Zarry vs Canadi*n).

Transports Canada, le ministère responsable de la sécurité du transport aérien, a inclus dans sa Circulaire d'information aux transporteurs aériens, des renseignements à l'intention des transporteurs dans le but de réduire au minimum l'incidence que la présence d'un animal aidant dans la cabine passagers pourrait avoir sur la sécurité. La circulaire fait état de la nécessité pour l'animal de porter un harnais convenable, d'être maîtrisé par l'utilisateur et d'être placé dans un endroit où il ne gênera personne. Le dressage des animaux aidants et la production d'un certificat d'attestation sont des facteurs importants pour la sécurité des passagers.

Mme Sasvari mentionne que la législation américaine autorise la présence d'animaux aidants dans la cabine passagers sans qu'il ne soit nécessaire de produire de certificat d'attestation ou d'utiliser le harnais. Elle affirme que la même politique devrait s'appliquer au Canada. Selon elle, les règlements canadiens sont déraisonnables et discriminatoires du fait qu'ils l'empêchent de voyager avec son chien dans la cabine passagers. L'Office prend note des commentaires de Mme Sasvari en ce qui concerne le caractère déraisonnable des règlements canadiens, et l'on tiendra compte de ses préoccupations au moment de leur révision.

L'Office reconnaît qu'il y a eu un obstacle aux possibilités de déplacement de Mme Sasvari puisqu'elle a subi un inconvénient du fait que le transporteur n'a pas accepté le chien dans la cabine passagers. Cependant, le refus d'Air Transat d'assurer le transport du chien de Mme Sasvari dans la cabine passagers est conforme à la politique et aux dispositions réglementaires canadiennes actuelles concernant le transport des animaux aidants. Par conséquent, l'Office estime que le refus d'Air Transat d'accepter le chien dans la cabine passagers n'a pas constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de la passagère.

Nonobstant ce qui précède, l'Office constate que le transporteur a essayé de contourner sa propre politique lorsque son agent sur place, à l'aéroport, et dans le but d'accommoder la passagère, lui a délivré une carte d'embarquement et l'a aidée à se rendre jusqu'à la porte d'embarquement, sous réserve d'une décision du commandant. De plus, l'Office constate qu'Air Transat était disposé à annuler le tarif de transport du chien dans la soute à bagages et qu'il aurait essayé d'obtenir une cage auprès d'un autre transporteur pour assurer le transport de l'animal, ce qui aurait permis de Mme Sasvari d'effectuer le voyage.

3) Communication de l'information

Selon les plaidoiries, il y a eu un problème de communication entre Mme Sasvari et Air Transat avant son enregistrement pour le vol prévu le 21 novembre 1998.

L'Office observe que Mme Sasvari a communiqué avec plusieurs agents de voyages avant de faire sa réservation avec Book Me Travel et a téléphoné directement à Air Transat pour l'aider à planifier son voyage. Les nombreux appels téléphoniques effectués et les divers documents requis (certificat de vaccination des chats et certificat de dressage du chien) ont, semble-t-il, semé une certaine confusion et causé un problème de communication, ce qui fait que la passagère s'est présentée au comptoir sans avoir en sa possession les documents nécessaires pour son chien. L'Office précise que ce problème de communication s'est aggravé du fait que la réservation avait été faite le 19 novembre, ce qui laissait à la passagère une journée seulement pour obtenir les autorisations nécessaires.

En ce qui a trait à l'enregistrement à l'aéroport même, l'Office estime que le personnel d'Air Transat a communiqué les bons renseignements à la passagère lorsqu'il a constaté que le chien de cette dernière ne satisfaisait pas aux exigences relatives à l'acceptation d'un animal dans la cabine passagers et qu'il a avisé la passagère que le chien pouvait prendre place dans la soute à bagages.

L'Office reconnaît que le problème de communication a été pour le moins gênant pour Mme Sasvari mais il estime qu'à partir du dossier qu'il a en sa possession, il y a trop d'hypothèses et pas suffisamment de preuves pour lui permettre de déterminer que l'information fournie par le transporteur a créé un obstacle abusif à aux possibilités de déplacement de Mme Sasvari.

En ce qui a trait aux allégations de harcèlement de Mme Sasvari, l'Office estime que l'émoi de Mme Sasvari au moment de l'enregistrement, à bord de l'aéronef et après son débarquement a été causé par les circonstances malheureuses qui ont entouré le refus par le transporteur d'assurer le transport de son chien dans la cabine passagers. Cet émoi ne peut pas être considéré comme ayant résulté de la conduite du personnel d'Air Transat. L'Office est conscient du programme de formation générale dont dispose le transporteur aérien pour la prestation d'assistance aux personnes ayant une déficience et a été avisé à plusieurs occasions que le transporteur y accorde beaucoup d'importance du point de vue du service à la clientèle.

CONCLUSION

Compte tenu de ce qui précède, l'Office estime que le refus d'Air Transat d'assurer le transport du chien de Mme Sasvari dans la cabine passagers de l'aéronef n'a pas constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement, et aucune autre mesure n'est envisagée dans cette affaire.

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