Décision n° 268-R-2013

le 12 juillet 2013

PLAINTES déposées par F. Ménard Inc. et Meunerie Côté‑Paquette Inc. en vertu de la partie III, section V et de l’article 116 de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée.

No de référence : 
T7375-2/12-05927

INTRODUCTION

[1] F. Ménard Inc. et Meunerie Côté-Paquette Inc. (plaignants) ont déposé auprès de l’Office des transports du Canada (Office) des plaintes individuelles contre Chemin de fer Montréal, Maine & Atlantique (MMAR) et sa filiale en propriété exclusive, Montréal, Maine & Atlantique Canada Cie. (MMAC). Les plaintes portent sur le non-respect présumé d’une part de la procédure de cessation d’exploitation et d’autre part des obligations en matière de niveau de services prescrites par la Loi sur les transports au Canada (LTC) en ce qui concerne la subdivision Saint-Guillaume, dans la province de Québec.

[2] Dans la LET-R-52-2013">décision no LET-R-52-2013 du 13 mars 2013 (décision de demande de justification), l’Office a joint les deux plaintes.

OBSERVATION PRÉLIMINAIRE – QUESTION DE L’INTIMÉE

[3] MMAR et MMAC ont demandé que MMAR ne soit pas considérée comme une intimée, car elles indiquent que MMAR ne prend pas part à l’exploitation ferroviaire sur la subdivision Saint‑Guillaume, laquelle fait l’objet des plaintes. MMAR soutient que seule MMAC est autorisée à exploiter ladite subdivision, comme le prévoit le certificat d’aptitude de MMAC. À cet égard, MMAR et MMAC renvoient à la 561-R-2005">décision n561-R-2005 qui prévoit, notamment, ce qui suit à l’égard de  la ligne en question :

MMAC est autorisée à exploiter une ligne de chemin de fer entre Saint-Jean (Québec) et Lennoxville (Québec), entre Sainte-Rosalie (Québec) et Farnham (Québec), entre Farnham (Québec) et Stanbridge (Québec), entre Brookport au point milliaire 0,00 de la subdivision Newport et la frontière canado-américaine au point milliaire 26,25 de la subdivision Newport.

[4] L’Office a tout d’abord abordé la question de l’obligation pour MMAR et MMAC de détenir un certificat d’aptitude dans la 690-R-2002">décision no 690-R-2002. Dans cette décision, l’Office a conclu que MMAR est une compagnie de chemin de fer qui relève de l’autorité législative du Parlement en vertu de l’alinéa 88(2)a) de la LTC, puisque cette compagnie exploite une ligne de chemin de fer entre les États-Unis d’Amérique et le Canada. L’Office a aussi conclu que MMAC relève de la compétence fédérale, en vertu de l’alinéa 88(2)b) de la LTC, puisqu’elle est une filiale en propriété exclusive de MMAR et est une compagnie de chemin de fer relevant de l’autorité législative du Parlement. L’alinéa 88(2)b) de la LTC prévoit explicitement que la partie III de la LTC s’applique « à tout ou partie du chemin de fer, construit ou non sous le régime d’une loi fédérale, qui est possédé, contrôlé, loué ou exploité par une personne exploitant un chemin de fer relevant de l’autorité législative du Parlement ». En outre, l’Office était convaincu que MMAR et sa filiale, MMAC s’étaient acquittées de leurs obligations statutaires aux termes du paragraphe 92(1) de la LTC.

[5] Par conséquent, conformément aux paragraphes 92(1) et 92(2) de la LTC, l’Office a délivré un certificat d’aptitude à MMAR et à MMAC, sa filiale en propriété exclusive, leur permettant d’exploiter une ligne de chemin de fer au Canada.

[6] L’Office a par la suite modifié ce certificat d’aptitude et a délivré le certificat no 02004-3 quand il a rendu la décision no 561-R-2005.

[7] MMAR et MMAC exploitent donc des chemins de fer au Canada conformément au certificat d’aptitude no 02004-3. Bien que cette autorisation comprenne, en partie, les activités propres à MMAC entre Sainte-Rosalie  et Farnham (Québec), sur la subdivision Saint‑Guillaume, l’Office a conclu que MMAC, en tant que filiale en propriété exclusive de MMA, a besoin d’un certificat d’aptitude puisqu’elle est une compagnie de chemin de fer possédée, contrôlée, louée ou exploitée par MMAR, qui exploite un chemin de fer qui relève de l’autorité législative du Parlement.

[8] Lorsqu’il s’est penché sur la question de l’intimé adéquat, l’Office a aussi examiné l’article 142 de la LTC, qui exige qu’une compagnie de chemin de fer qui entend cesser d’expoiter une ligne suive les étapes prescrites par la section V, et qu’elle ne peut cesser d’exploiter une ligne que si son intention de ce faire a figuré à son plan pendant au moins douze mois. Aux termes de l’article 141 de la LTC, une compagnie de chemin de fer de compétence fédérale est tenue d’adopter et de mettre à jour un plan énumérant, pour les trois années suivantes, les lignes qu’elle entend continuer à exploiter et celles dont elle entend cesser l’exploitation.

[9] Dans le cas présent, l’avis d’intention de cesser d’exploiter un tronçon de la subdivision Saint-Guillaume a été déposé par MMAR et indique, en partie, ce qui suit :

[Traduction]

[MMAR] a pris la décision et a l’intention de cesser d’exploiter un tronçon de la subdivision Saint-Guillaume de MMAR dans la province de Québec.

Le tronçon de la subdivision Saint-Guillaume que MMAR entend cesser d’exploiter compte environ 24,41 milles de voie principale entre les points miliaires 0,29 au sud, et 24,70 au nord.

C’est à contrecœur que nous en sommes arrivés à cette décision. Les faibles prix fixés par le gouvernement pour l’interconnexion ne permettent malheureusement pas à MMAR de percevoir des revenus suffisants pour posséder et entretenir la ligne.

MMAR continuera d’offrir des services à l’extrémité sud de la ligne entre les points miliaires 0,00 et 0,29 dans la ville de Farnham. MMAR continuera également d’offrir des services entre les points miliaires 24,70 et 27,38 dans la ville de Saint-Hyacinthe.

En vertu de l’article 141 de la LTC, nous vous avisons donc que MMAR a modifié son plan et entend cesser d’exploiter la ligne précitée.

[10] L’avis d’intention de cesser d’exploiter la ligne renvoie explicitement à MMAR et n’établit aucune distinction relativement à l’exploitation de MMAC. L’Office note que cela est conforme au plan triennal précédemment déposé auprès de l’Office et mis à la disposition du public par MMAR pour consultation, dans lequel les lignes dont l’exploitation se poursuit ne sont pas séparées par compagnie, mais plutôt représentées sous une même rubrique pour les deux compagnies de chemin de fer.

[11] L’Office a examiné les éléments de preuve et conclut qu’il y a un niveau suffisant de contrôle opérationnel par MMAR, société mère, sur sa filiale en propriété exclusive, MMAC. Par conséquent, l’Office conclut que MMAR et MMAC sont correctement désignées comme les intimées. L’Office note de plus que si MMAR n’exerçait pas un tel contrôle, l’avis d’intention de cesser d’exploiter la ligne aurait dû être déposé de façon appropriée par MMAC.

[12] Les intimées seront appelées collectivement MMA ci-après.

PLAINTES

[13] Les plaignants demandent à l’Office de conclure que MMA :

  1. ne respecte pas les dispositions sur la cessation d’exploitation établies dans la section V de la LTC;
  2. ne s’est pas acquittée de ses obligations en matière de niveau de services.

[14] Les plaignants demandent aussi à l’Office d’enjoindre à MMA :

  1. de présenter de nouveau son plan triennal en y inscrivant la ligne de chemin de fer sur la subdivision Saint-Guillaume entre les points miliaires 0,00 et 27,38 au motif que la seule inscription du tronçon central de la subdivision Saint-Guillaume va à l’encontre de l’intention du Parlement et de l’objet de l’article 142 de la LTC, car les extrémités de la ligne font partie intégrante de l’exploitation de la ligne de chemin de fer et devraient être considérées comme faisant partie de la ligne de chemin de fer dont l’exploitation doit cesser;
  2. de rendre la ligne de chemin de fer conforme à une norme de sécurité qui permet de reprendre l’exploitation ferroviaire jusqu’à la vente ou la cessation de l’exploitation de la ligne de chemin de fer;
  3. de payer tous les coûts différentiels liés au service de camionnage de remplacement à partir de la date de cessation des services jusqu’à sa reprise ou jusqu’à la date de la vente ou de la cessation de l’exploitation de la ligne de chemin de fer;
  4. de payer, conformément à l’article 25.1 de la LTC, tous les coûts associés à ces procédures.

[15] Dans la décision de demande de justification, l’Office s’est penché sur deux allégations liées aux dispositions sur la cessation de l’exploitation de la LTC. Tout d’abord, l’Office a conclu que MMA n’a pas contrevenu à la section V de la LTC en indiquant son intention de cesser d’exploiter la ligne de chemin de fer entre les points miliaires 0,29 et 24,70 (ligne de chemin de fer) et en excluant les extrémités de la ligne, c’est-à-dire entre les points miliaires 0,00 et 0,29 et entre les points miliaires 24,70 et 27,38 de la subdivision Saint‑Guillaume.

[16] En outre, l’Office a noté qu’aux termes du paragraphe 142(1) de la LTC, la « compagnie de chemin de fer qui entend cesser d’exploiter une ligne suit les étapes prescrites par la présente section » et qu’aux termes du paragraphe 142(2), elle « ne peut cesser d’exploiter une ligne que si son intention de ce faire a figuré au plan pendant au moins douze mois. » Étant donné que MMA a cessé d’offrir des services aux plaignants, l’Office a enjoint à MMA de justifier pourquoi il ne devrait pas conclure que la cessation des services fournis aux expéditeurs sur la ligne de chemin de fer correspond à une cessation de l’exploitation, ce qui contrevient à la section V de la LTC.

[17] Par conséquent, la présente décision porte sur la question en suspens liée au processus de cessation de l’exploitation et sur la question soulevée dans les plaintes ayant trait aux obligations de MMA en matière de niveau de services.

QUESTIONS

  1. MMA a-t-elle cessé d’exploiter la ligne de chemin de fer le 16 juillet 2012 en n’offrant plus de services aux plaignants?
  2. MMA s’est-elle acquittée de ses obligations en matière de niveau de services envers les plaignants à leurs installations?

CONTEXTE

[18] Le 15 mars 2012, MMA a donné avis de son intention de cesser d’exploiter la ligne de chemin de fer sur la subdivision Saint-Guillaume entre les points miliaires 0,29 et 24,70. Dans son avis, MMA a fait valoir que le trafic sur la ligne est assujetti en grande partie aux faibles prix pour l’interconnexion fixés en vertu de la LTC et que ces prix ne permettent pas à MMA de percevoir des revenus suffisants pour posséder et entretenir la ligne conformément aux normes garantissant une exploitation sécuritaire de la ligne de chemin de fer à moyen et à long terme.

[19] Le 25 mai 2012, Transports Canada a modifié le Règlement concernant la sécurité de la voie (RSV) en changeant les exigences concernant la voie « exemptée ». Ces modifications se sont notamment traduites par une augmentation du nombre et de la qualité des traverses requises sur la ligne de chemin de fer.

[20] Le 16 juillet 2012, MMA a donné avis aux plaignants et, le même jour, a interrompu le trafic sur la subdivision Saint-Guillaume entre les points miliaires 0,30 et 19,00, car elle a déterminé que cette ligne de chemin de fer contrevenait au RSV.

QUESTION 1 – CESSATION DE L’EXPLOITATION

Réponse de MMA

[21] MMA fait valoir que la cessation ou l’interruption des services fournis sur une ligne de chemin de fer ne devrait pas être considérée comme la cessation de l’exploitation de la ligne. MMA fait également valoir que la voie ferrée sur laquelle le trafic a été interrompu est située entre les points miliaires 0,30 et 19,00 et que l’exploitation de celle-ci doit cesser entre les points miliaires 0,29 et 24,70 de la subdivision Saint-Guillaume.

[22] MMA explique qu’elle a interrompu les services fournis entre les points miliaires 0,30 et 19,00 parce que la ligne contrevenait au nouveau RSV. Conformément à l’article 6.2 du RSV, lorsqu’une voie est dans un état non conforme aux prescriptions du RSV, la compagnie de chemin de fer doit en interrompre l’exploitation.

[23] MMA allègue qu’il y a en fait de nombreuses circonstances où une compagnie de chemin de fer peut ne pas être en mesure d’offrir un service avant d’avoir suivi toutes les étapes énoncées à la section V de la LTC, et que, sur dépôt d’une plainte, il incombe à l’Office de déterminer si le changement dans la fourniture de service est raisonnable. MMA explique que la cessation de l’exploitation ne peut se faire qu’après avoir suivi toutes les étapes mentionnées à la section V de la LTC et, dans l’intervalle, une compagnie de chemin de fer, même si elle se trouve dans l’impossibilité de fournir un service, continue de relever uniquement de la compétence de l’Office conformément aux obligations en matière de niveau de services prévues aux articles 113 à 116.

Commentaires des plaignants

[24] Les plaignants ne remettent pas en question les arguments présentés dans la réponse de MMA.

Analyse et constatations

[25] Conformément aux dispositions de la LTC sur la cessation de l’exploitation, la cessation de l’exploitation d’un chemin de fer ne peut se faire que si la compagnie de chemin de fer a suivi une série prescrite d’étapes. Conformément au paragraphe 142(2), la compagnie de chemin de fer « ne peut cesser d’exploiter une ligne que si son intention de ce faire a figuré au plan pendant au moins douze mois ».

[26] Le 15 mars 2012, MMA a donné avis de son intention de cesser d’exploiter la ligne de chemin de fer. Cela signifie que MMA ne pouvait prendre des mesures visant la cessation de l’exploitation de la subdivision Saint-Guillaume avant le 15 mars 2013.

[27] Il est vrai que l’interruption de l’exploitation de la ligne est survenue le 16 juillet 2012, ce qui a fait en sorte que les plaignants n’ont plus reçu de services. De plus, les éléments de preuve établissent aussi que l’interruption de l’exploitation n’a eu lieu que sur un tronçon de la ligne dont l’exploitation devait cesser, plus précisément entre les points miliaires 0,30 et 19,00 de la subdivision Saint-Guillaume. En outre, l’Office accepte l’argument de MMA selon lequel il y a des circonstances qui peuvent empêcher une compagnie de chemin de fer de fournir un service ferroviaire avant la cessation de l’exploitation. Toutefois, aucun élément de preuve n’établit que MMA a pris des mesures pour cesser d’exploiter la ligne entre les points miliaires 0,29 et 24,70 de la subdivision Saint-Guillaume.

[28] En se fondant sur ce qui précède, l’Office conclut que l’interruption de l’exploitation qui est survenue sur la ligne entre les points miliaires 0,30 et 19,00 ne correspond pas à la cessation de l’exploitation de la ligne entre les points miliaires 0,29 et 24,70 de la subdivision Saint‑Guillaume. À cet égard, l’Office conclut que MMA s’est acquittée de ses obligations prévues à la section V de la LTC.

QUESTION 2 – NIVEAU DE SERVICES

Les plaignants

[29] Les plaignants affirment que MMA n’a pas agi raisonnablement lorsqu’elle a cessé de fournir ses services sur la subdivision Saint-Guillaume et qu’elle ne s’acquitte pas de ses obligations en matière de niveau de services.

[30] Les plaignants soutiennent qu’en tant que titulaire d’un certificat d’aptitude délivré par l’Office, MMA est assujettie non seulement aux obligations statutaires prévues par la LTC, mais également aux obligations statutaires prévues par les autres lois fédérales, comme la Loi sur la sécurité ferroviaire, L.R.C. (1985), ch. 32 (4e suppl.) (LSF). Les plaignants allèguent que MMA connaissait ou qu’elle aurait dû connaître les obligations statutaires imposées à une compagnie de chemin de fer pour exploiter un service au Canada. Cela comprend l’obligation de fournir un niveau de services aux expéditeurs sur la ligne conformément à la LTC pour maintenir une exploitation ferroviaire sécuritaire conformément à la LSF, et l’exigence de suivre les procédures de transfert et de cessation de l’exploitation précisées dans la LTC. Selon les plaignants, MMA a l’obligation de fournir le niveau de services requis en vertu de la LTC jusqu’à ce que la ligne de chemin de fer soit transférée ou abandonnée.

[31] En réponse à l’allégation de MMA selon laquelle elle aurait cessé ses activités parce qu’elles n’étaient pas conformes au RSV, les plaignants indiquent que Transports Canada confirme que la ligne de chemin de fer ne fait pas l’objet d’une ordonnance interdisant les activités ferroviaires sur la subdivision Saint-Guillaume  entre Farnham et Sainte-Rosalie. Les plaignants renvoient à l’allégation de MMA selon laquelle sa seule option consistait à interrompre l’exploitation de la ligne lorsqu’elle a déterminé que la voie n’était pas conforme en vertu de la LSF. À cet égard, les plaignants soulignent que l’article 6.2 du RSV énonce deux possibilités, soit :

Lorsqu’une voie est dans un état non conforme aux présentes prescriptions, le chemin de fer doit immédiatement :

a. rétablir la conformité de la voie; ou

b. en interrompre l’exploitation.

[32] Les plaignants allèguent que MMA n’a pas tenu compte de la première option, soit rétablir la conformité de la voie; elle a plutôt décidé d’en interrompre l’exploitation. Ils font valoir que le RSV vise à assurer une exploitation ferroviaire sécuritaire, et non à soustraire une compagnie de chemin de fer à ses obligations en matière de niveau de services. À cet égard, MMA est responsable de l’entretien de sa ligne de chemin de fer et de la fourniture de services aux expéditeurs. Les plaignants font valoir qu’il n’est pas déraisonnable de s’attendre à ce qu’une compagnie de chemin de fer entretienne sa ligne pour permettre une exploitation continue  lorsque des expéditeurs sur la ligne ont des marchandises à transporter. De plus, ils affirment qu’on ne peut, en aucun cas, considérer comme étant raisonnable d’avoir cessé abruptement l’exploitation de la ligne le 16 juillet 2012, sans préavis aux expéditeurs, en raison de travaux d’entretien insuffisants sur la ligne.

[33] Les plaignants font valoir que, contrairement à l’affirmation de MMA selon laquelle elle aurait dû débourser 2,4 millions de dollars pour rendre la voie conforme au RSV, le coût réel aurait été tout au plus 70 000 $.

[34] Les plaignants renvoient à la décision A. L. Patchett & Sons Ltd. c. Pacific Great Eastern Railway Company (Patchett) de la Cour suprême du Canada (CSC). La CSC a indiqué que le transporteur doit, à tous égards, prendre des mesures raisonnables pour maintenir ses attributions publiques. Ils affirment qu’en fonction de ce qui précède, MMA, en tant qu’exploitante de la subdivision Saint-Guillaume, détient un certificat d’aptitude, et est tenue de fournir le niveau de services requis aux termes des articles 113 à 115 de la LTC tant et aussi longtemps qu’elle n’aura pas complété la procédure relative au transfert et à la cessation de l’exploitation d’une ligne de chemin de fer.

[35] Les plaignants ajoutent que dans l’affaire Patchett, la CSC a conclu que l’obligation d’une compagnie de chemin de fer en matière de niveau de services n’est pas absolue, qu’il faut en déterminer le caractère raisonnable et qu’elle dépend de toutes les circonstances. Les plaignants ne sont pas d’accord avec l’affirmation de MMA qu’en offrant de vendre la ligne de chemin de fer aux plaignants, elle avait satisfait au critère du caractère raisonnable.

MMA

[36] MMA reconnaît qu’elle a interrompu les services qu’elle offrait aux plaignants le 16 juillet 2012, mais elle soutient qu’elle s’est acquittée de ses obligations en matière de niveau de services envers ces derniers. Elle allègue que l’adoption du nouveau RSV a entraîné une interruption de ses services et qu’il s’agit d’un cas de force majeure qui la libère de ses obligations en matière de niveau de services.

[37] MMA fait valoir qu’il en coûterait environ 2,4 millions de dollars pour rendre la voie touchée conforme au RSV; elle a dressé une liste des coûts liés aux traverses, à la surface du ballast, aux ponceaux de pont, aux franchissements et au désherbage. MMA fait valoir qu’il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce qu’elle assume ces coûts pour apporter les améliorations nécessaires à une ligne faisant l’objet d’un processus statutaire de cessation de l’exploitation depuis plusieurs mois et qui sera vendue sous peu soit à une autre personne pour en poursuivre l’exploitation, soit au gouvernement pour en obtenir la valeur nette de récupération et l’abandonner, ou qui sera abandonnée et vendue à d’autres parties. MMA soutient que les volumes de trafic sont faibles sur cette ligne et qu’elle possède des ressources limitées et ne réalise qu’un léger profit mensuel. MMA fair également valoir que les plaignants peuvent utiliser d’autres options de transport.

[38] MMA fait valoir que, comme il a été mentionné dans l’affaire Patchett, l’obligation de transporteur public d’une compagnie de chemin de fer n’est pas absolue, mais s’accompagne de l’obligation d’agir de façon raisonnable, et la solution raisonnable de MMA est d’offrir la vente de la ligne à la totalité ou à une partie des plaignants dans le cadre du processus de cessation de l’exploitation. Selon MMA, l’obstacle dans l’affaire Patchett est le même que celui que représente pour MMA le nouveau RSV dans le cas présent, car les deux obstacles ont mené à l’exigence d’interrompre les services fournis et ils sont indépendants du contrôle de la compagnie de chemin de fer. MMA fait valoir que la compagnie de chemin de fer n’a pas commis de faute dans un cas comme dans l’autre et que la compagnie de chemin de fer est autant une victime des circonstances que ne le sont ses clients.

Analyse et constatations

[39] Les articles 113 à 115 de la LTC énoncent les obligations statutaires des compagnies de chemin de fer réglementées ainsi que les services qu’une compagnie de chemin de fer doit fournir pour acheminer le trafic. L’article 113 de la LTC porte sur les obligations en matière de niveau de services aux termes desquelles une compagnie de chemin de fer doit fournir, dans le cadre de ses attributions, des installations convenables pour la réception, le chargement, le transport, le déchargement et la livraison des marchandises à transporter par chemin de fer. Plus précisément, l’alinéa 113(1)c) de la LTC prévoit qu’une compagnie de chemin de fer reçoit, transporte et livre ces marchandises sans délai et avec le soin et la diligence voulus.

[40] En vertu de l’article 116 de la LTC, l’Office mène, sur réception d’une plainte, une enquête sur le niveau de services fourni et dans le cas où il décide qu’une compagnie de chemin de fer ne s’acquitte pas de ses obligations en matière de niveau de services, il détient les pouvoirs réparateurs prévus au paragraphe 116(4) de la LTC. Si l’Office conclut qu’une compagnie de chemin de fer ne s’acquitte pas de ses obligations en matière de niveau de services, il peut ordonner des recours pertinents à la nature de l’infraction identifiée.

[41] Une compagnie de chemin de fer n’est pas indéfiniment liée par ces obligations en matière de niveau de services. Si elle désire être libérée de ces obligations, la LTC prévoit un mécanisme relatif aux dispositions sur le transfert et la cessation de l’exploitation de lignes prévues à la section V de la LTC. Lorsque la compagnie de chemin de fer a suivi toutes les étapes de ce processus, elle peut cesser d’exploiter la ligne, sur présentation d’un avis de cessation de  l’exploitation à l’Office. La compagnie de chemin de fer n’a ensuite plus aucune obligation en vertu de la LTC en ce qui a trait à l’exploitation de la ligne de chemin de fer.

[42] L’Office conclut que MMA ne l’a pas convaincu qu’elle ne devrait plus s’acquitter de ses obligations en matière de niveau de services en vertu de la LTC relativement au tronçon de la subdivision Saint-Guillaume entre les points miliaires 0,30 et 19,00 jusqu’à la fin du processus de cessation de l’exploitation.

[43] Plus précisément, l’Office est en désaccord avec MMA lorsqu’elle affirme qu’elle n’avait d’autre choix que d’interrompre les services fournis lorsqu’elle a déterminé que ce tronçon de la ligne de chemin de fer n’était plus conforme au RSV. Les articles 6.2 et 6.3 du RSV prévoient ce qui suit :

6.2 Lorsqu’une voie est dans un état non conforme aux présentes prescriptions, le chemin de fer doit immédiatement :

a. rétablir la conformité de la voie; ou

b. en interrompre l’exploitation.

6.3 Nonobstant les prescriptions du paragraphe 6.2, dans le cas d’une voie de catégorie 1 non conforme au présent règlement, le chemin de fer peut exploiter cette voie sous la surveillance d’un superviseur de la voie pour une période de 30 jours au plus. Le présent paragraphe ne s’applique pas dans le cas de rails défectueux; la circulation sur les rails défectueux est régie exclusivement par l’article D.III (Rails défectueux) de la Partie II du RSV.

[44] L’alinéa a) de l’article 6.2 du RSV indique que la compagnie de chemin de fer doit rétablir la conformité de la voie. L’entretien d’un chemin de fer sécuritaire est une exigence de l’exploitation d’une ligne de chemin de fer, conformément à la LSF, de même que le respect de ses obligations en matière de niveau de services, conformément à la LTC. L’entretien d’une ligne de chemin de fer est un élément nécessaire pour qu’une compagnie de chemin de fer puisse continuer de satisfaire à ses exigences de sécurité et, par conséquent, à ses obligations en matière de niveau de services. L’Office est d’avis que les activités d’entretien sont non seulement une exigence liée à l’exploitation, mais sont en fait considérées comme un élément du terme « exploitation ». L’article 87 de la LTC définit le terme « exploitation » comme suit : « Y sont assimilés l’entretien du chemin de fer et le fonctionnement d’un train ». L’Office conclut donc qu’il est entièrement raisonnable de s’attendre à ce qu’une compagnie de chemin de fer entretienne sa ligne de chemin de fer pour s’acquitter de ses obligations statutaires, de même que de ses obligations en matière de niveau de services envers ses expéditeurs.

[45] Les plaignants et MMA renvoient à l’affaire Patchett1 où les grévistes ont fait du piquetage à l’aiguillage ou autour de l’aiguillage dont se servait la compagnie de chemin de fer, et ont interféré avec la capacité de l’employeur de la compagnie de chemin de fer de fournir des services ferroviaires à l’usine de Patchett. Les membres des syndicats ferroviaires ont reçu l’ordre par leurs agents de ne pas franchir les piquets de grève et, par conséquent, n’ont pas pu mettre en place ni tirer des wagons sur la voie d’évitement de Patchett. Patchett a poursuivi la compagnie de chemin de fer pour son manquement à s’acquitter de ses obligations statutaires.

[46] Dans l’affaire Patchett, la CSC a conclu que le devoir statutaire imposé à une compagnie de chemin de fer n’était pas absolu et que l’obligation d’une compagnie de chemin de fer était déterminée par le caractère raisonnable et qu’elle dépendait de toutes les circonstances. Bien que cette obligation ou ce devoir statutaire, comme l’a affirmé la CSC, s’accompagne de l’obligation d’agir de façon raisonnable, l’Office est d’avis que cela ne change pas le fait que la compagnie de chemin de fer a un devoir statutaire de s’acquitter de ses obligations en matière de niveau de services, à moins, par exemple, qu’elle soit incapable de le faire sans qu’il y ait faute de sa part. Une compagnie de chemin de fer ne devrait pas être libérée de ses obligations en matière de niveau de services à la légère et l’obligation de la compagnie de chemin de fer en matière de niveau de services envers ses expéditeurs devrait être examinée au cas par cas en fonction du caractère raisonnable.

[47] L’Office n’accepte pas l’argument de MMA selon lequel le RSV a les mêmes conséquences sur les activités de MMA que sur les grévistes, et qu’elle devrait donc avoir droit à un examen similaire. La CSC a conclu que, comme l’objet de la grève était l’usine de A. L. Patchett, il revenait donc à A. L. Patchett de disperser les gens qui obstruaient ses installations et empêchaient un accès raisonnable à sa propriété. Même si les grévistes n’étaient pas employés par A. L. Patchett, la CSC a conclu que cette obstruction aurait pu être supprimée par le plaignant sans trop tarder et avec un minimum d’inconvénients. Das le cas présent, bien que le nouveau RSV ne relève pas du contrôle de MMA, la conformité au RSV relève du contrôle de MMA et cette dernière est tenue de s’y conformer. L’Office est d’avis que la véritable obstruction dans ce cas, l’état de la ligne, relève du contrôle de MMA.

[48] En outre, l’Office estime que l’argument de MMA selon lequel la CSC a conclu que le client a le devoir corrélatif d’agir de façon raisonnable et qu’il est donc raisonnable pour l’expéditeur d’acheter la ligne de chemin de fer est non fondé. En fait, la CSC a conclu que le client a l’obligation corrélative de fournir un accès raisonnable à ses installations. L’Office conclut que l’obligation imposée au client de fournir un accès raisonnable à ses installations ne peut pas aller jusqu’à signifier que les plaignants sont obligés d’acheter la ligne de chemin de fer pour continuer de recevoir des services et que, sans cet achat, ils ne s’acquittent pas de leur obligation corrélative. Il n’est pas contesté que le 16 juillet 2012, MMA a arrêté de façon permanente de fournir des services aux plaignants. Par conséquent, l’Office conclut que MMA ne s’est pas acquittée de ses obligations en matière de niveau de services.

[49] De plus, lorsqu’il a examiné si MMA avait pris des démarches raisonnables pour remplir ses obligations statutaires envers les plaignants touchés par la cessation des services, l’Office a aussi tenu compte de ce que MMA, en toute connaissance de cause, avait réellement fait pour régler la situation.

[50] L’Office note que MMA qualifie le RSV de « nouveau » et d’un cas de « force majeure », ce qui l’a obligée à interrompre ses services auprès des plaignants. Elle affirme également qu’elle est autant une victime des circonstances que ne le sont ses clients.

[51] En réalité, le RSV est modifié régulièrement et, plus précisément, le paragraphe 19(4)a) de la LSF confère au ministre le pouvoir d’approuver des révisions du RSV, déposées par une compagnie de chemin de fer en vertu de l’article 20 de la LSF, si le ministre est d’avis que le RSV révisé contribuerait à la sécurité de l’exploitation ferroviaire. Le 27 juillet 2011, en vertu du paragraphe 20(1) de la LSF, l’Association des chemins de fer du Canada (ACFC) a déposé, au nom des compagnies de chemin de fer réglementées, y compris MMA, des révisions proposées au RSV. Le 25 novembre 2011, Transports Canada a avisé ACFC que les révisions proposées seraient adoptées avec des changements mineurs, et le RSV révisé entrerait en vigueur le 25 mai 2012.

[52] Compte tenue de ce qui précède, l’Office est d’avis que MMA aurait dû être au courant des révisions au RSV proposées par ACFC de l’approbation par le ministre des révisions et de la date d’entrée en vigueur du RSV révisé.

[53] L’Office est d’avis que le calendrier des mesures prises par MMA relativement à ses échanges avec les plaignants ne semble pas raisonnable. Le « nouveau » RSV est entré en vigueur le 25 mai 2012. Par la suite, après avoir terminé son inspection de la voie, MMA a avisé les plaignants et a cessé de fournir des services à leurs installations le jour même, c’est-à-dire le 16 juillet 2012. Dans l’affaire Patchett, la CSC a conclu ce qui suit :

[Traduction]

Le transporteur doit, à tous égards, prendre des mesures raisonnables pour maintenir ses attributions publiques. Sa responsabilité envers toute personne lésée par la cessation ou le refus de services doit être déterminée en fonction de ce que la compagnie de chemin de fer, à la lumière de ses connaissances des faits qui lui apparaissent raisonnables, a réellement fait ou peut faire pour régler la situation. Dans l’examen des considérations pertinentes, le temps peut s’avérer un facteur déterminant.

[54] Les mesures que MMA a prises ou qu’elle aurait dû prendre pour régler la situation constituent un élément dont il faut tenir compte dans le cas présent. L’Office conclut que MMA n’a pas fourni un avis adéquat aux plaignants que les services seraient interrompus pour permettre aux plaignants de discuter avec elle et de tenter de régler le problème ou de prendre des dispositions pour offrir un accès à un autre moyen de transport. Contrairement à l’affaire Patchett, l’Office conclut que la responsabilité première incombe à MMA, car les plaignants n’ont ni contribué à la cause de la cessation des services ni n’ont la responsabilité de rendre la voie conforme au RSV. L’Office est d’avis que le devoir de MMA comprend, sans toutefois s’y limiter, la discussion de la situation avec les plaignants pour tenter de régler la situation, puisqu’il s’agit d’une mesure raisonnable que MMA aurait pu prendre pour maintenir ses attributions publiques avant la fin du processus de cessation de l’exploitation.

[55] Les plaignants n’ont eu d’autre choix que de trouver d’autres services de transport, ce qui s’est traduit par des coûts supplémentaires.

[56] En ce qui a trait aux coûts, MMA soutient qu’il lui coûterait 2,4 millions de dollars pour rendre la voie conforme au RSV. Les plaignants soutiennent, quant à eux, qu’il en aurait coûté environ 70 000 $. Comme l’a indiqué la CSC dans l’affaire Patchett, on ne peut exiger d’une compagnie de chemin de fer de qu’elle déclare faillite en allant au-delà de ce à quoi elle s’est engagée publiquement. Dans le cas présent, l’Office est d’avis que MMA, en tant que compagnie de chemin de fer réglementée, en se fondant sur sa demande de certificat d’aptitude présentée à l’Office et de la réception de celui-ci, s’est engagée à s’acquitter de ses obligations en matière de niveau de services en vertu des articles 113 à 116 de la LTC et de ses obligations de sécurité en vertu de la LSF. L’Office conclut que, dans le cas présent, l’obligation de MMA de fournir des services aux plaignants n’est que l’obligation à laquelle elle a souscrit en tant que transporteur public, mais s’avère en fait précisément ce à quoi elle s’est engagée publiquement en tant que transporteur public.

[57] Nonobstant ce qui précède, l’Office conclut que MMA n’a pas fourni d’éléments de preuve concernant les conséquences financières pour la compagnie de chemin de fer. De plus, l’Office est d’avis que la question des coûts nécessaires pour que MMA rende la voie conforme au RSV n’est pas suffisante pour justifier l’exonération de MMA de son devoir statutaire de fournir des services aux plaignants.

[58] L’Office est d’avis que bon nombre des arguments présentés par MMA pour appuyer son affirmation qu’elle n’a aucune obligation en matière de niveau de services envers les plaignants, c’est-à-dire faible revenu, faible volume de trafic et coûts élevés pour mettre la ligne de chemin de fer à niveau, peuvent entrer en ligne de compte lorsqu’elle envisage de cesser l’exploitation d’une ligne de chemin de fer. Toutefois, l’Office n’est pas d’accord pour dire qu’il s’agit là d’arguments raisonnables pour autoriser MMA à se libérer de ses obligations statutaires de fournir des services aux plaignants avant la fin du processus de cessation de l’exploitation. De plus, comme l’Office l’a précédemment conclu, le RSV révisé n’est pas un cas de force majeure; les plaignants n’ont pas manqué à leur obligation corrélative de donner accès à leurs installations; MMA n’a pas donné un avis adéquat aux plaignants concernant la cessation de ses services ferroviaires, et n’a pas non plus tenté de régler la question ou de prendre des dispositions pour trouver un autre moyen de transport; et les conséquences pour la compagnie de chemin de fer des coûts pour rendre la voie conforme au RSV n’ont pas été déterminées.

Conclusion

[59] En se fondant sur ce qui précède, l’Office conclut que MMA ne s’est pas acquittée de ses obligations en matière de niveau de services depuis qu’elle a cessé de fournir ses services le 16 juillet 2012.

FRAIS

[60] Les plaignants demandent, conformément à l’article 25.1 de la LTC, qu’il y ait adjudication des frais relativement à cette procédure contre MMA.

[61] À cet égard, l’article 25.1 de la LTC prévoit ce qui suit :

  1. Sous réserve des paragraphes (2) à (4), l’Office a tous les pouvoirs de la Cour fédérale en ce qui a trait à l’adjudication des frais relativement à toute procédure prise devant lui.
  2. Les frais peuvent être fixés à une somme déterminée, ou taxés.
  3. L’Office peut ordonner par qui et à qui les frais doivent être payés et par qui ils doivent être taxés et alloués.
  4. L’Office peut, par règle, fixer un tarif de taxation des frais.

[62] L’Office a le pouvoir discrétionnaire absolu d’adjuger ou de refuser d’adjuger des frais et chaque demande est jugée au cas par cas. En règle générale, les frais ne sont pas adjugés systématiquement, et l’Office a pour usage de n’adjuger ceux-ci que dans des circonstances particulières ou exceptionnelles. En rendant une décision dans une affaire donnée, l’Office tient compte d’une combinaison de facteurs, notamment de la nature de la demande, de la durée et de la complexité de l’instance, de la question de savoir si les parties ont agi avec efficacité et de bonne foi ou si une partie a dû engager des frais extraordinaires pour préparer et défendre sa demande.

[63] L’Office donne aux plaignants et à MMA l’occasion de déposer des présentations sur la question de savoir si l’Office devrait adjuger des frais dans le cas présent. Plus précisément, l’Office donne aux plaignants jusqu’au 22 juillet 2013 pour déposer leurs présentations auprès de l’Office et en signifier copie à MMA. MMA a jusqu’au 1er août 2013 pour déposer sa présentation auprès de l’Office, et en signifier copie aux plaignants. Les plaignants auront par la suite jusqu’au  6 août 2013 pour déposer leurs présentations, s’il y a lieu, et en signifier copie à MMA. L’Office rappelle aux parties que leurs présentations doivent se limiter à la question de l’adjudication des frais et ne devraient pas inclure d’arguments sur le montant des frais.

DOMMAGES

[64] Lorsque l’Office conclut qu’une compagnie de chemin de fer ne s’acquitte pas de ses obligations en matière de niveau de services, il peut, en vertu des vastes pouvoirs qui lui sont conférés en vertu du paragraphe 116(4) de la LTC, ordonner à la compagnie de chemin de fer de remédier à la situation. En ce qui a trait à la réparation demandée par les plaignants, en vertu des articles 27 et 116 de la LTC, d’exiger de MMA qu’elle paie tous les coûts différentiels découlant du service de camionnage de remplacement, l’Office n’a pas le pouvoir d’accorder des dommages relativement à toute incapacité par un transporteur de s’acquitter de ses obligations en matière de niveau de services prévues à la LTC. Cette réparation devrait être demandée dans le cadre du forum approprié.

ORDONNANCE

[65] L’Office enjoint, à compter de la date de cette décision, à Chemin de fer Montréal, Maine & Atlantique et à Montréal, Maine & Atlantique Canada Cie. de s’acquitter de leurs obligations en matière de niveau de services envers les plaignants jusqu’à ce que le processus de cessation d’exploitation soit terminé en vertu de la partie III, section V de la LTC. Dans ce cas particulier, les obligations en matière de niveau de services auront été satisfaites si la conformité de la voie est rétablie et Chemin de fer Montréal, Maine & Atlantique et Montréal, Maine & Atlantique Canada Cie. exploitent leurs activités sur cette voie, ou si Chemin de fer Montréal, Maine & Atlantique et Montréal, Maine & Atlantique Canada Cie. fournissent une autre solution équivalente.


  1. Même si les dispositions de la British Columbia Railway Act, R.S.B.C., 1996, ch. 36 étaient en cause dans l’affaire Patchett, ces dispositions concernant le niveau de services sont essentiellement les mêmes que les obligations imposées en vertu de la LTC. L’Office s’est inspiré de l’affaire Patchett dans des décisions antérieures.

Membre(s)

Jean-Denis Pelletier, ing.
J. Mark MacKeigan
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