Décision n° 303-AT-MV-2002
le 5 juin 2002
Référence no U 3570/01-76
DEMANDE
Le 20 décembre 2001, Jim Derksen a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé.
Le 31 janvier 2002, l'Administration de l'Aéroport international Macdonald-Cartier d'Ottawa (ci-après l'AAO) a déposé sa réponse à la demande et y a joint une copie d'une lettre de l'entreprise West-Way Airport Taxi Company (ci-après West-Way Taxi), concessionnaire du service de taxis à l'Aéroport international Macdonald-Cartier d'Ottawa (ci-après l'aéroport d'Ottawa), au sujet de sa procédure relative au traitement des demandes de service à l'aide d'une fourgonnette-taxi accessible. Dans sa réponse, l'AAO a précisé qu'elle avait communiqué avec West-Way Taxi et lui avait donné instruction de mener une enquête en bonne et due forme sur cet incident et de lui en faire rapport. L'AAO a ajouté qu'elle déposerait des commentaires additionnels après avoir reçu les renseignements demandés de West-Way Taxi. Le 11 février 2002, M. Derksen a déposé une réplique à la réponse de l'AAO.
Le 22 février 2002, l'AAO a fait parvenir des commentaires additionnels au sujet de la demande et le 27 février 2002, M. Derksen y a répliqué.
Le 8 avril 2002, l'AAO a déposé une réponse à la réplique de M. Derksen du 27 février 2001.
Le 15 avril 2002, l'Office a fourni à M. Derksen l'occasion de commenter la réponse de l'AAO du 8 avril 2002 et au cours d'un entretien téléphonique avec un membre du personnel de l'Office, le 30 avril 2002, M. Derksen a fait savoir qu'il n'avait aucun autre commentaire à formuler à ce sujet.
Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai jusqu'au 6 juin 2002.
QUESTION
L'Office doit déterminer si l'absence de services de transport terrestre accessible à l'aéroport d'Ottawa, le 3 décembre 2001, a constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de M. Derksen et, le cas échéant, les mesures correctives devant être prises.
FAITS
M. Derksen se déplace à l'aide d'un fauteuil roulant motorisé. Le 2 décembre 2001, il a effectué un voyage avec Air Canada entre Winnipeg (Manitoba) et Ottawa (Ontario). Le vol accusait un retard et est arrivé à l'aéroport d'Ottawa à 1 h environ. M. Derksen aurait eu besoin du service de taxi accessible pour se rendre à l'hôtel Westin situé au centre-ville d'Ottawa.
Au moment où M. Derksen est arrivé dans l'aire publique de l'aérogare, le comptoir des services de transport terrestre desservant l'aéroport d'Ottawa était fermé et il n'y avait aucune signalisation ni aucun renseignement sur la façon d'obtenir de tels services.
Aucun service de taxi accessible n'était offert. Para Transpo n'a pas répondu aux appels téléphoniques de M. Derksen. Le service d'autobus-navette jusqu'au centre-ville d'Ottawa n'avait pas de véhicule accessible en service. Comme aucun autre mode de transport accessible n'était disponible, M. Derksen, avec l'assistance d'un compagnon de voyage et d'un chauffeur de taxi, s'est rendu à l'hôtel Westin à bord d'un taxi régulier, son fauteuil roulant motorisé rangé dans le coffre du véhicule.
POSITIONS DES PARTIES
Dans sa demande, M. Derksen précise qu'il a fait un voyage de Winnipeg à Ottawa afin de prononcer une allocution à l'occasion d'un événement commémorant la Journée internationale des personnes handicapées, sous les auspices du Bureau de la condition des personnes handicapées de Développement des ressources humaines Canada. Selon M. Derksen, son vol accusait un retard et il est arrivé à l'aéroport d'Ottawa à environ 1 h. M. Derksen signale qu'il se rend souvent à Ottawa et qu'il connaît les procédures à suivre pour obtenir un service de transport accessible entre l'aéroport d'Ottawa et son hôtel.
M. Derksen indique qu'à son arrivée à l'aéroport d'Ottawa, il a tenté d'utiliser le service de taxi accessible, qui n'était toutefois pas disponible. Il signale qu'on l'a avisé que les deux taxis accessibles faisaient l'objet de travaux d'entretien et n'étaient donc pas en service. On lui a également fait savoir que les véhicules ne seraient probablement pas remis en service et que la subvention fédérale pour l'acquisition de véhicules accessibles n'était plus offerte. M. Derksen affirme que Para Transpo n'a pas répondu à ses appels téléphoniques et qu'aucun autre mode de transport accessible ne lui était disponible.
M. Derksen déclare qu'il a par conséquent accepté d'utiliser un taxi non accessible régulier et que son fauteuil roulant motorisé a été rangé de façon précaire dans le coffre du véhicule. Selon M. Derksen, son fauteuil roulant étant plus large que le coffre du taxi, c'est au risque de perdre l'aide à la mobilité qui lui est essentielle qu'il a effectué le trajet entre l'aéroport d'Ottawa et l'hôtel Westin.
M. Derksen soutient que le service de transport terrestre qui lui a été offert ne lui a pas permis de se déplacer de façon sûre et avec dignité. Selon lui, l'équipement qui lui est indispensable pour se rendre à son travail, s'acquitter de ses obligations familiales, respecter ses obligations de bénévole et exercer ses activités récréatives a été exposé à des risques.
M. Derksen ajoute qu'il a fait face à un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement lorsqu'il a tenté d'obtenir des services de transport terrestre accessible entre l'aéroport d'Ottawa et l'hôtel Westin. M. Derksen affirme que l'AAO a la responsabilité d'offrir des services de taxi accessible aux passagers ayant une déficience. Selon M. Derksen, en ne fournissant pas de tels services, l'AAO n'a pas respecté les engagements à l'égard des personnes ayant une déficience prévus dans la Charte canadienne des droits et libertés, dans la Loi canadienne sur les droits de la personne et dans la LTC.
M. Derksen demande le rétablissement des services de taxi accessible à l'aéroport d'Ottawa de façon à éviter que toute autre défaillance des services de taxi accessible semblable à celle dont il a été victime se répète. Il demande également que l'AAO soit tenue de payer l'amende pécuniaire maximale que prévoit la LTC.
Dans sa réponse à la demande, l'AAO regrette l'inconvénient qu'a subi M. Derksen à l'aéroport d'Ottawa le 3 décembre 2001.
L'AAO fait savoir que les deux taxis accessibles qui étaient utilisés auparavant à l'aéroport d'Ottawa ont dû être désaffectées l'année dernière en raison de problèmes mécaniques. L'AAO ajoute que le remplacement des véhicules a été retardé par suite de changements prévus dans les règlements applicables aux services de taxi accessible dans la nouvelle ville d'Ottawa et de nouvelles normes provinciales régissant les fourgonnettes-taxis accessibles. Selon l'AAO, les règlements et les normes sont maintenant en place et West-Way Taxi a fait l'acquisition d'une fourgonnette qui fait actuellement l'objet de travaux de modification. L'AAO précise que West-Way Taxi prévoit mettre en service le premier véhicule en mars 2002.
L'AAO signale que West-Way Taxi a des procédures en place pour s'assurer que les voyageurs ayant besoin de services de transport accessible soient l'objet d'une attention particulière. Malheureusement, les procédures n'ont pas été suivies dans le cas de M. Derksen et, par conséquent, on n'a pas répondu à ses besoins.
L'AAO reconnaît la responsabilité qu'elle a d'assurer des services de transport accessible, tout en précisant qu'elle offre également des solutions de rechange. Selon elle, M. Derksen est malheureusement arrivé après la fermeture du comptoir d'information sur le transport terrestre (à minuit). L'AAO soutient que si M. Derksen avait pu se rendre au comptoir d'information, il aurait été informé que le service d'autobus- navette du centre-ville dispose de deux véhicules pleinement accessibles qui auraient répondu à ses besoins, et ce, sans aucun risque pour son aide à la mobilité. À la suite de la présente demande, l'AAO précise qu'elle a procédé à l'installation d'une affiche visible, près du comptoir des services de transport terrestre, pour s'assurer que des renseignements au sujet des services de transport accessible soient fournies après les heures de fermeture, soit entre minuit et 7 h. L'AAO observe également que le répartiteur de l'entreprise de taxis n'a pas informé M. Derksen de la disponibilité du service d'autobus-navette. À ce dernier égard, elle affirme avoir communiqué avec West-Way Taxi pour s'assurer que toutes les procédures et options se rapportant aux services de transport accessible desservant l'aéroport d'Ottawa soient affichées au comptoir de l'entreprise et que les répartiteurs les connaissent.
D'autre part, l'AAO explique que même si les services de transport accessible sont offerts sur demande à l'aéroport d'Ottawa, la demande est peu élevée et il est difficile de toujours avoir un véhicule accessible en attente. L'AAO recommande que les voyageurs ayant besoin de ces services fassent une réservation auprès de West-Way Taxi, du service d'autobus-navette de l'hôtel ou de Para Transpo avant leur arrivée à l'aéroport d'Ottawa. L'AAO précise que cette démarche peut être entreprise via son site Web ou par l'intermédiaire de son Bureau des services de transport terrestre.
L'AAO a présenté également une lettre datée du 2 août 2001, en provenance de West-Way Taxi, concernant les demandes de services de transport à l'aide d'une fourgonnette-taxi accessible en fauteuil roulant. Dans cette lettre, West-Way Taxi fait état des procédures suivantes qui étaient en vigueur au moment de l'incident de M. Derksen :
- Le client sera informé de la situation existante (p. ex., aucune fourgonnette-taxi accessible).
- Il est loisible au client d'utiliser un véhicule de grande capacité ou de faire appel aux services de Para Transpo.
- Des boissons seront offertes au client pendant que ce dernier attend le service de transport choisi.
La lettre de West-Way Taxi indique également que les répartiteurs feront en sorte que les voyageurs ayant une déficience soient l'objet d'une attention particulière.
Dans sa réplique, M. Derksen affirme qu'après avoir pris connaissance de la réponse de l'AAO et de la lettre de West-Way Taxi qui y était jointe, il estime que l'AAO n'a pas fait preuve de la vigilance voulue pour s'assurer de la disponibilité d'un plan de transport accessible qui aurait répondu aux besoins des voyageurs qui utilisent une aide à la mobilité et qui ont besoin de services de transport accessible. Selon M. Derksen, le plan de l'AAO au chapitre des services de transport accessible était tout à fait inapproprié et a malgré tout été mis en œuvre, ce qui a causé un obstacle abusif à la mobilité. M. Derksen est d'avis que l'AAO ne semble pas prête à reconnaître son erreur et qu'elle semble rejeter la responsabilité sur le répartiteur de l'entreprise de taxis.
En ce qui concerne le plan de West-Way Taxi pour traiter les demandes de services de transport accessible, M. Derksen soutient que le plan n'est pas précis au sujet des heures de disponibilité du service de transport accessible. Il ajoute que lorsqu'il se trouvait à l'aéroport, l'option d'un véhicule de grande capacité n'était guère pratique du fait que le véhicule doit être muni d'une rampe ou d'une plate-forme élévatrice. M. Derksen avait cru comprendre que Para Transpo représentait le seul service de transport accessible disponible, mais ses bureaux étaient fermés. M. Derksen est d'avis que West-Way Taxi doit mettre en place un plan auxiliaire pour le cas où les services de Para Transpo ne sont pas disponibles.
M. Derksen affirme qu'il incombe à l'AAO d'assurer la continuité des services de voyage offerts aux personnes ayant une déficience. Les autres passagers, selon M. Derksen, sont certains de pouvoir prendre un taxi à l'aéroport et ce, quelle que soit l'heure d'arrivée de leur vol. M. Derksen ajoute que les passagers devront peut-être attendre un certain temps, mais un taxi viendra les prendre pour les amener à destination. M. Derksen estime que les passagers ayant une déficience devraient pouvoir s'attendre au même type de service. Il croit que West-Way Taxi n'a pas mis en place un plan approprié pour les voyageurs ayant une déficience et que l'entreprise aurait pu remédier à la situation en louant un taxi accessible auprès d'une autre compagnie.
M. Derksen affirme qu'il a été informé de la disponibilité de l'autobus-navette desservant les hôtels cette nuit-là. Toutefois, l'autobus en question n'était pas accessible et il était en train d'effectuer la dernière course de la nuit. M. Derksen ajoute qu'il s'est enquis de la possibilité d'utiliser cette option mais qu'il lui était impossible de le faire.
Selon M. Derksen, l'AAO semble réagir lentement pour ce qui est des questions de communication au sujet du service de taxi accessible, puisqu'elle n'a que tout récemment installé une affiche fournissant de l'information concernant les services de transport accessible.
M. Derksen est d'avis que l'AAO semble vouloir rejeter la responsabilité sur le répartiteur de l'entreprise de taxis. Il affirme que ce dernier a tenté à maintes reprises de communiquer avec Para Transpo mais qu'il ne s'agit pas d'un service offert jour et nuit. M. Derksen croit que l'AAO aurait dû revoir le plan de West-Way Taxi pour s'assurer que des mesures étaient prévues pour offrir des services accessibles tous les jours, 24 heures sur 24. M. Derksen maintient que lorsque l'AAO a constaté que de telles mesures n'existaient pas, elle aurait dû exiger de West-Way Taxi qu'elle révise son plan.
M. Derksen estime que la décision de l'Office devrait prévoir l'imposition d'une amende à l'AAO.
Après avoir reçu les renseignements demandés de West-Way Taxi, l'AAO signale que depuis le 20 février 2002, l'entreprise de taxis dispose d'une fourgonnette-taxi accessible à l'aéroport d'Ottawa. L'AAO fait observer que West-Way Taxi semble avoir été le soumissionnaire retenu pour une partie des services de Para Transpo à Ottawa, ce qui devrait aider l'entreprise à s'assurer que les services de Para Transpo sont offerts à l'aéroport d'Ottawa, au besoin. L'AAO ajoute que West-Way Taxi a amélioré les procédures applicables aux voyageurs ayant besoin de services de transport accessible, les a affichées dans son central téléphonique et les a passées en revue avec ses répartiteurs.
L'AAO mentionne que d'autres solutions sont offertes à l'aéroport d'Ottawa, notamment le service d'autobus-navette jusqu'au centre-ville. L'AAO signale que le comptoir des services de transport terrestre est pourvu de personnel entre 7 h et 23 h et qu'en l'absence de personnel, une affiche fournit des renseignements au sujet des options offertes au titre des services de transport accessible.
L'AAO répète que les voyageurs ayant besoin de services de transport accessible devraient faire une réservation à cet égard auprès de West-Way Taxi, du service d'autobus-navette jusqu'au centre-ville ou de Para Transpo, avant leur arrivée à l'aéroport d'Ottawa. L'AAO précise que pour ce faire, ils peuvent utiliser son site Web ou encore, communiquer avec son Bureau des services de transport terrestre.
Dans sa réplique aux renseignements additionnels fournis par l'AAO, M. Derksen indique qu'il est heureux de constater que West-Way Taxi dispose d'un service de fourgonnette-taxi accessible sur place, à l'aéroport d'Ottawa, mais que ce service ne répond pas à la question qu'il a soulevée au sujet de l'absence d'un plan auxiliaire lorsque ces véhicules ne seront pas disponibles. M. Derksen fait valoir que les véhicules tombent en panne et qu'ils doivent faire l'objet d'entretien. En outre, M. Derksen soutient que comme le service Para Transpo n'est pas exploité jour et nuit, il ne représente pas une solution de rechange appropriée au service de fourgonnette-taxi accessible en l'absence de celui-ci.
M. Derksen ajoute qu'il aimerait connaître pendant combien de temps la fourgonnette-taxi accessible de West-Way Taxi a été retirée du service et ajoute qu'il n'a pas été le seul client importuné par cette désaffectation.
Selon M. Derksen, la planification des besoins en transport des personnes ayant une déficience devrait faire partie intégrante des activités de planification de l'Administration aéroportuaire et qu'on ne devrait pas attendre le dépôt d'une plainte pour constater l'absence d'un plan auxiliaire au chapitre des services de transport accessible. M. Derksen ajoute qu'il aimerait aussi connaître combien de services de transport accessible assurés par autobus desservent l'aéroport d'Ottawa et quels sont les plans auxiliaires prévus lorsque l'autobus-navette accessible est désaffecté.
M. Derksen estime que même si West-Way Taxi dispose maintenant d'une fourgonnette-taxi accessible, cela ne devrait pas empêcher l'Office de décréter qu'un obstacle abusif existe à l'aéroport d'Ottawa.
Dans sa réponse à la réplique de M. Derksen, l'AAO fait savoir qu'elle est d'accord avec M. Derksen lorsque ce dernier affirme qu'on peut en faire plus pour comprendre les besoins des voyageurs ayant une déficience et y répondre, tout en ajoutant qu'elle continue de prendre diverses mesures en ce sens. L'AAO affirme qu'au cours des trois derniers mois, tous ceux qui œuvrent dans le secteur des services de transport terrestre (chauffeurs de taxi, conducteurs d'autobus-navette, répartiteurs, personnel du service de transport terrestre et autres) ont suivi le programme de formation « The Way to Go - Transportation Services and Persons with Disabilities » qu'a mis au point la firme Handidactis Inc., dans le cadre d'une stratégie nationale coparrainée par Transports Canada.
L'AAO fait valoir que West-Way Taxi possède maintenant deux fourgonnettes-taxis accessibles et attend une réponse de la Ville d'Ottawa au sujet de nouveaux permis spéciaux d'exploitation de taxis. L'AAO ajoute que la Ville d'Ottawa attend également une nouvelle législation au sujet des spécifications applicables aux taxis accessibles, afin de faciliter la modification des fourgonnettes et des véhicules, ce qui permettra de mettre en service un plus grand nombre de fourgonnettes accessibles. L'AAO soutient que deux des quatre véhicules du service d'autobus-navette jusqu'au centre-ville sont accessibles en fauteuil roulant. Le service d'autobus navette des hôtels de Gatineau comprend également un autobus accessible.
L'AAO signale que les ententes relatives aux services de transport terrestre font toujours mention de la nécessité d'assurer des services de transport accessible.
L'AAO soutient qu'elle n'a été saisie d'aucune autre plainte au sujet des services prévus pour les personnes ayant une déficience et qu'elle a même reçu une lettre félicitant West-Way Taxi pour son extraordinaire service.
En réponse aux questions soulevées par M. Derksen relativement à l'utilisation des services de Para Transpo comme plan auxiliaire, l'AAO affirme que même si l'existence des services de Para Transpo ne signifie pas que des services auxiliaires ne sont pas requis, le fait que West-Way Taxi ait pris en charge une partie des services de Para Transpo est un élément important des plans auxiliaires.
L'AAO maintient que la demande de services de transport accessible est irrégulière à l'aéroport d'Ottawa. Selon les renseignements obtenus de West-Way Taxi et des exploitants d'autobus-navette, le nombre de demandes en ce sens varie de deux à quatre par mois, en moyenne. Par conséquent, des facteurs très réels d'ordre économique doivent être pris en considération relativement au nombre de véhicules accessibles offerts à l'aéroport d'Ottawa. L'AAO réitère qu'il n'est guère pratique d'avoir un véhicule accessible en attente en tout temps à l'aéroport et elle recommande encore une fois que les passagers ayant besoin de services de transport accessible fassent les réservations nécessaires, affirmant que la plupart des voyageurs ayant une déficience le font effectivement.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.
La demande doit être présentée par une personne ayant une déficience ou en son nom. Mr. Derksen se déplace à l'aide d'un fauteuil roulant motorisé. Il est donc une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions d'accessibilité de la LTC.
Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord déterminer si les possibilités de déplacement de la personne qui présente la demande ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors décider si l'obstacle était abusif. Pour répondre à ces questions, l'Office doit tenir compte des circonstances de l'affaire dont il est saisi.
Les possibilités de déplacement ont-elles été restreintes ou limitées par un obstacle ?
L'expression « obstacle » n'est pas définie dans la LTC, ce qui donne à penser que le Parlement ne voulait pas limiter la compétence de l'Office compte tenu de son mandat d'éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. De plus, le terme « obstacle » a un sens large et s'entend habituellement d'une chose qui entrave le progrès ou la réalisation.
Pour déterminer si une situation constitue ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans un cas donné, l'Office se penche sur les déplacements de cette personne qui sont relatés dans la demande. Dans le passé, l'Office a conclu qu'il y avait eu des obstacles dans plusieurs circonstances différentes. Par exemple, dans certains cas des personnes n'ont pas pu voyager, d'autres ont été blessées durant leurs déplacements (notamment quand l'absence d'installations convenables durant le déplacement affecte la condition physique du passager) et d'autres encore ont été privées de leurs aides à la mobilité endommagées pendant le transport. De plus, l'Office a identifié des obstacles dans les cas où des personnes ont finalement été en mesure de voyager, mais les circonstances découlant de l'expérience ont été telles qu'elles ont miné leur sentiment de confiance, de dignité, de sécurité, situation qui pourrait décourager ces personnes de voyager à l'avenir.
L'obstacle était-il abusif ?
À l'instar du terme « obstacle », l'expression « abusif » n'est pas définie dans la LTC, ce qui permet à l'Office d'exercer sa discrétion pour éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « abusif » a également un sens large et signifie habituellement que quelque chose dépasse ou viole les convenances ou le bon usage (excessif, immodéré, exagéré). Comme une chose peut être jugée exagérée ou excessive dans un cas et non dans un autre, l'Office doit tenir compte du contexte de l'allégation d'obstacle abusif. Dans cette approche contextuelle, l'Office doit trouver un juste équilibre entre le droit des passagers ayant une déficience d'utiliser le réseau de transport de compétence fédérale sans rencontrer d'obstacles abusifs, et les considérations et responsabilités commerciales et opérationnelles des transporteurs. Cette interprétation est conforme à la politique nationale des transports établie à l'article 5 de la LTC et plus précisément au sous-alinéa 5g)(ii) de la LTC qui précise, entre autres, que les modalités en vertu desquelles les transporteurs ou modes de transport exercent leurs activités ne constituent pas, dans la mesure du possible, un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.
L'industrie des transports élabore ses services pour répondre aux besoins des utilisateurs. Les dispositions d'accessibilité de la LTC exigent quant à elles que les fournisseurs de services de transport du réseau de transport de compétence fédérale adaptent leurs services dans la mesure du possible aux besoins des personnes ayant une déficience. Certains empêchements doivent toutefois être pris en considération, par exemple les mesures de sécurité que les transporteurs doivent adopter et appliquer, les horaires qu'ils doivent s'efforcer de respecter pour des raisons commerciales, la configuration du matériel et les incidences d'ordre économique qu'aura l'instauration d'un service sur les transporteurs aériens. Ces empêchements peuvent avoir une incidence sur les personnes ayant une déficience. Ainsi, ces personnes ne pourront pas nécessairement embarquer dans l'aéronef avec leur propre fauteuil roulant, elles peuvent devoir arriver à l'aérogare plus tôt aux fins de l'embarquement et elles peuvent devoir attendre plus longtemps pour obtenir de l'assistance au débarquement que les personnes n'ayant pas de déficience. Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des empêchements que les fournisseurs de services de transport connaissent dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Il faut en arriver à un équilibre entre les responsabilités des fournisseurs de services de transport et le droit des personnes ayant une déficience à voyager sans rencontrer d'obstacle, et c'est dans cette recherche d'équilibre que l'Office applique le concept d'obstacle abusif.
Le cas présent
Dans le cas présent, M. Derksen n'a obtenu aucun service de transport terrestre accessible au moment de son arrivée à l'aéroport d'Ottawa, le 3 décembre 2001, à environ 1 h.
L'AAO a admis ce fait et elle a également reconnu la responsabilité qu'elle a d'offrir des services de transport accessible. West-Way Taxi, qui a signé un contrat avec l'AAO, n'a pas été en mesure de fournir un taxi accessible du fait que ses véhicules étaient hors service depuis un certain temps.
L'AAO a indiqué qu'un autobus-navette dessert les hôtels du centre-ville et que ce service comprend deux autobus-navettes pleinement accessibles qui auraient répondu aux besoins de transport de M. Derksen sans risques pour son aide à la mobilité. M. Derksen a été informé de l'existence de ce service par le répartiteur mais n'a pas été en mesure d'y avoir recours la nuit de son arrivée du fait que l'autobus qui était de service n'était pas accessible et qu'il effectuait la dernière course de la nuit. Enfin, le service Para Transpo n'était pas disponible à cette heure de la nuit.
C'est ainsi que M. Derksen a été obligé d'utiliser les services d'un taxi régulier pour se rendre à son hôtel et que son transfert à bord de ce taxi a été effectué avec l'assistance d'un compagnon de voyage et du chauffeur de taxi. Le fauteuil roulant motorisé de M. Derksen a été transporté dans le coffre de la voiture de taxi, non sans certains risques du fait que le fauteuil roulant n'était pas de la même taille que le coffre. Cette situation n'a pas été sans causer beaucoup de stress à M. Derksen, qui craignait que son fauteuil roulant soit endommagé. Qui plus est, en ayant voyagé à bord d'un taxi régulier, M. Derksen a dû être transféré du fauteuil roulant au véhicule et vice versa, ce qui l'a privé de la dignité à laquelle il est habitué lorsqu'il voyage.
Par conséquent, l'Office détermine que la non-disponibilité de services de transport terrestre accessible à l'aéroport d'Ottawa, le 3 décembre 2001, a constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de M. Derksen.
En ce qui concerne la nature abusive de l'obstacle, l'Office observe que l'AAO demande à West-Way Taxi d'assurer des services de taxi accessible et s'attend que cette entreprise dispose de plans auxiliaires lorsque de tels services ne sont pas disponibles.
Dans les circonstances, les procédures qui étaient en place au moment de l'incident prévoyaient que les clients seraient informés de la situation existante, c'est-à-dire de la non-disponibilité d'une fourgonnette-taxi accessible. Qui plus est, le comptoir des services de transport terrestre à l'aéroport d'Ottawa était fermé à l'arrivée du vol de M. Derksen, et il n'y avait aucune signalisation ni aucun renseignement indiquant la façon d'obtenir des services de transport terrestre. En conséquence, M. Derksen n'a été informé de la situation que lorsqu'il s'est adressé au répartiteur. Les procédures en place prévoyaient également qu'on offrirait aux clients le choix d'utiliser un véhicule de grande capacité ou de faire appel aux services de Para Transpo. Comme l'a mentionné M. Derksen, l'option d'utiliser un véhicule de grande capacité n'était pas pratique dans son cas puisque le véhicule devait être équipé d'une rampe ou d'une plate-forme élévatrice. L'utilisation du service de Para Transpo n'était pas non plus une option puisqu'il n'était pas disponible à cette heure de la nuit.
L'AAO savait que les taxis accessibles étaient hors service et savait également, ou aurait dû le savoir, puisqu'elle a reconnu la responsabilité qu'elle a d'offrir des services de transport accessible à l'aéroport d'Ottawa, que les procédures en place ne répondaient pas aux besoins des passagers ayant une déficience dont les vols arrivaient tard la nuit à l'aéroport. L'Office est donc d'avis que les procédures en place étaient, dans les circonstances, inadéquates puisqu'elles ne prévoyaient aucun service accessible à l'intention des passagers ayant une déficience dont les vols arrivaient à l'aéroport d'Ottawa tard la nuit.
Selon l'Office, l'AAO n'aurait pas dû autoriser West-Way Taxi à désaffecter les taxis accessibles sans disposer d'une solution de rechange appropriée. L'AAO a expliqué que le remplacement des taxis avait été retardé en raison des modifications dans les règlements applicables aux taxis accessibles de la nouvelle ville d'Ottawa et des nouvelles normes provinciales régissant les fourgonnettes-taxis accessibles. L'Office ne met pas en doute l'explication de l'AAO mais il estime que cette explication n'est pas suffisante pour justifier l'absence d'un plan auxiliaire afin de répondre aux besoins des voyageurs ayant une déficience, quelle que soit l'heure d'arrivée de leur vol à l'aéroport.
D'autre part, l'Office reconnaît que la demande pour des services de taxi accessible à l'aéroport d'Ottawa est peu élevée et qu'il n'est pas raisonnable de s'attendre à ce qu'un taxi accessible soit toujours sur place, à l'aéroport, au moment de l'arrivée d'une personne ayant une déficience, mais il estime que le service devrait à tout le moins être disponible.
En outre, l'Office relève qu'il n'y avait pas de renseignements ni de signalisation à l'intention des voyageurs relativement aux services de transport terrestre, alors que le comptoir des services de transport terrestre à l'aéroport était fermé le 3 décembre 2001. L'AAO a procédé à l'installation d'une affiche après l'incident de M. Derksen seulement.
L'Office note que l'AAO recommande que les personnes ayant besoin de services de transport accessible fassent des réservations à cet égard avant leur voyage à Ottawa. L'Office estime qu'il s'agit là d'une pratique raisonnable et qui garantirait la disponibilité des services de transport terrestre accessible, au besoin. Toutefois, cela ne libère pas l'AAO de la responsabilité qui lui incombe d'offrir des services de transport accessible aux personnes ayant une déficience.
Compte tenu de ce qui précède, l'Office détermine que la non-disponibilité de services de transport terrestre accessible à l'aéroport d'Ottawa, le 3 décembre 2001, a constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de M. Derksen.
Autres questions
En ce qui concerne la demande de M. Derksen pour que l'Office impose une amende à l'AAO, le paragraphe 172(3) de la LTC prescrit ce qui suit :
En cas de décision positive, l'Office peut exiger la prise de mesures correctives indiquées ou le versement d'une indemnité destinée à couvrir les frais supportés par une personne ayant une déficience en raison de l'obstacle en cause, ou les deux.
À ce titre, l'Office peut accorder uniquement une indemnité à l'égard des dépenses justifiées qu'a entraînées l'obstacle abusif. M. Derksen n'a pas fait valoir qu'il a engagé des coûts additionnels par suite de la non-disponibilité d'un taxi accessible à l'aéroport d'Ottawa, le 3 décembre 2001. Par conséquent, le paragraphe 172(3) de la LTC ne s'applique pas.
Le paragraphe 172(3) de la LTC est un texte désigné aux termes de l'article 177 de la LTC, auquel une sanction administrative pécuniaire s'applique si l'on contrevient au paragraphe 172(3). Cela dit, l'amende serait imposée uniquement si une organisation ne donne pas suite aux mesures correctives prescrites par l'Office. Par conséquent, rien ne justifie, au moment de la présente décision, l'imposition d'une amende.
Mesures prises par l'AAO
L'Office observe que depuis l'incident de M. Derksen, l'AAO a pris un certain nombre de mesures correctives. À cet égard, l'AAO a procédé à l'installation d'une affiche au comptoir des services de transport terrestre, pour fournir des renseignements sur la façon d'obtenir des services de transport après les heures de fermeture.
En outre, l'AAO a indiqué que West-Way Taxi avait mis deux fourgonnettes-taxis accessibles en service à l'aéroport d'Ottawa à l'intention des passagers ayant une déficience. En ce qui a trait aux plans auxiliaires pour le cas où les taxis accessibles ne sont pas disponibles, West-Way Taxi exploite maintenant une partie du service de Para Transpo et exerce donc un meilleur contrôle sur la disponibilité de ce service à l'aéroport d'Ottawa.
L'AAO a mentionné également que le service d'autobus-navette à destination des hôtels du centre-ville dispose maintenant de deux véhicules accessibles en fauteuil roulant sur un total de quatre, et elle a précisé que le service d'autobus-navette des hôtels de Gatineau comprend également un véhicule accessible.
Selon l'AAO, toutes les personnes œuvrant dans le secteur des services de transport terrestre (chauffeurs de taxi, conducteurs d'autobus-navette, répartiteurs, personnel du service de transport terrestre et autres) à l'aéroport d'Ottawa ont suivi une formation relative aux services de transport accessible offerts aux personnes ayant une déficience, dans le cadre d'un programme coparrainé par Transports Canada.
CONCLUSION
Compte tenu des constatations qui précèdent, l'Office conclut que la non-disponibilité de services de transport terrestre accessible à l'aéroport d'Ottawa, le 3 décembre 2001, a constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de M. Derksen.
En conséquence, l'Office enjoint par les présentes à l'AAO de prendre les mesures suivantes dans les trente (30) jours suivant la date de cette décision :
- Aviser l'Office des plans auxiliaires qui ont été élaborés ou de toutes autres mesures qui ont été prises pour éviter que l'incident de M. Derksen ne se répète, y compris la faisabilité et la valeur pratique de garder ouvert jusqu'au dernier vol, chaque jour, le comptoir des services de transport terrestre à l'aéroport d'Ottawa;
- Signaler à l'Office les plans auxiliaires qui ont été élaborés ou toutes autres mesures prises pour assurer la fourniture de services de transport accessible lorsque les fourgonnettes-taxis accessibles sont désaffectées pour des travaux d'entretien ou de réparation.
Après avoir examiné les renseignements requis, l'Office déterminera si de nouvelles mesures s'imposent.
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