Décision n° 312-AT-R-2013
DEMANDE présentée par Nelly Sabbagh contre VIA Rail Canada Inc.
INTRODUCTION
[1] Dans la décision no 178-AT-R-2013 (décision de demande de justification), l’Office des transports du Canada (Office) a examiné une demande présentée par Nelly Sabbagh en vertu du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée (LTC) contre VIA Rail Canada Inc. (VIA), en ce qui a trait aux services liés à sa déficience qu’elle a demandés à VIA pour pouvoir atteindre les plateformes d’embarquement :
- à la gare centrale de Montréal;
- à la gare d’Ottawa;
- à la gare de Dorval.
LA LOI
[2] Lorsqu’il doit statuer sur une demande en vertu du paragraphe 172(1) de la LTC, l’Office applique une procédure particulière en trois temps pour déterminer s’il y a eu obstacle abusif aux possibilités de déplacement d’une personne ayant une déficience. L’Office doit déterminer :
- si la personne qui est l’auteur de la demande a une déficience aux fins de la LTC;
- si la personne a rencontré un obstacle du fait qu’on ne lui a pas fourni un accommodement approprié pour répondre aux besoins liés à sa déficience. Un obstacle est une règle, une politique, une pratique, un obstacle physique, etc. qui a pour effet de priver la personne ayant une déficience de l’égalité d’accès aux services offerts aux autres voyageurs par le fournisseur de services de transport;
- si l’obstacle est « abusif ». Un obstacle est abusif à moins que le fournisseur de services de transport puisse prouver qu’il y a des contraintes qui rendraient l’élimination de l’obstacle déraisonnable, peu pratique ou impossible, de sorte qu’il ne peut pas fournir la mesure d’accommodement sans se voir imposer une contrainte excessive. Si l’obstacle est jugé abusif, l’Office ordonnera la prise de mesures correctives pour éliminer l’obstacle abusif.
CONTEXTE
[3] Dans sa décision de justification, l’Office a fait la détermination définitive suivante relativement à ce qui constitue un accommodement approprié et un accommodement raisonnable (soit la meilleure solution de rechange) :
[47] L’Office conclut que les mesures ci-après constituent des accommodements appropriés pour les personnes ayant une déficience, y compris Mme Sabbagh, qui ont besoin d’assistance avec fauteuil roulant lorsqu’il faut changer d’étage pour se rendre à la plateforme d’embarquement ou en revenir :
- monte-escaliers pour fauteuil roulant;
- passages au niveau du sol, s’ils sont sécuritaires;
- ascenseurs pour les voyageurs;
- rampes pour les voyageurs.
[49] L’Office conclut que les mesures ci-après constituent des accommodements raisonnables (meilleures solutions de rechange) dans le cas présent, et devraient être considérées lorsque les mesures d’accommodement approprié susmentionnées imposeraient une contrainte excessive à VIA :
- ascenseurs de service;
- rampes pour bagages et fournitures;
- voyage à partir d’une autre gare ou à bord d’un autre train;
- escaliers mécaniques.
La gare centrale de Montréal et la gare d’Ottawa
[4] Dans la décision de demande de justification, l’Office a conclu que les politiques de VIA sur la fourniture d’assistance avec fauteuil roulant aux personnes ayant une déficience, y compris Mme Sabbagh, lorsqu’il faut changer d’étage pour se rendre à la plateforme d’embarquement ou en revenir à la gare centrale de Montréal et à la gare d’Ottawa constituent des accommodements appropriés pour ces personnes. Toutefois, l’Office a conclu que le défaut de VIA d’appliquer sa politique a constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de Mme Sabbagh, et il a ordonné à VIA de mettre en œuvre des mesures correctives.
La gare de Dorval
[5] L’Office a également conclu, dans la décision de demande de justification, que VIA avait démontré qu’elle se verrait imposer une contrainte excessive si elle permettait aux personnes qui utilisent un fauteuil roulant de traverser les voies à la gare de Dorval pour atteindre la plateforme d’embarquement nord. Toutefois, VIA n’avait pas démontré si la fourniture de toute autre forme d’accommodement approprié à la gare de Dorval, c.‑à‑d. un monte-escalier pour fauteuil roulant, ou encore un ascenseur ou une rampe pour les voyageurs, lui imposerait une contrainte excessive. L’Office a donc conclu, à titre préliminaire, que la politique de VIA visant à fournir de l’assistance avec fauteuil roulant aux personnes ayant une déficience, y compris Mme Sabbagh, lorsqu’il faut changer d’étage pour se rendre à la plateforme d’embarquement nord et en revenir, à la gare de Dorval constitue un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de ces personnes.
[6] L’Office a donné à VIA l’occasion de justifier les raisons pour lesquelles l’Office ne devrait pas finaliser sa détermination et ainsi ordonner à VIA de mettre en œuvre l’une des trois mesures d’accommodement approprié. Mme Sabbagh a aussi eu l’occasion de commenter la réponse de VIA à la décision de demande de justification.
[7] Dans la présente décision, l’Office tiendra compte de la réponse de VIA à la décision de demande de justification et des commentaires de Mme Sabbagh, finalisera ses conclusions préliminaires et déterminera s’il doit enjoindre à VIA de mettre en œuvre l’une des autres mesures d’accommodement approprié (c.-à-d. monte-escaliers pour fauteuil roulant, ascenseur ou rampe pour voyageurs).
OBSERVATION PRÉLIMINAIRE
[8] Dans le cadre de sa présentation en réplique à la réponse de VIA à la décision de demande de justification, Mme Sabbagh a formulé des commentaires relativement à la détermination de l’Office quant à l’accommodement approprié et à la portée de l’ordonnance relative aux mesures correctives touchant la gare centrale de Montréal et la gare d’Ottawa.
[9] L’Office a examiné les présentations de Mme Sabbagh et de VIA avant de prendre une décision finale relativement à l’accommodement approprié et à l’ordonnance relative aux mesures correctives. Aucune autre présentation de Mme Sabbagh relativement aux questions ayant déjà fait l’objet d’une détermination n’est requise et ne sera reçue. Par conséquent, l’Office ne tiendra pas compte des commentaires supplémentaires de Mme Sabbagh dans la présente décision.
CONSTATATION PRÉLIMINAIRE - LA POLITIQUE DE VIA SUR LA FOURNITURE D’ASSISTANCE AVEC FAUTEUIL ROULANT AUX PERSONNES AYANT UNE DÉFICIENCE, Y COMPRIS MME SABBAGH, LORSQU’IL FAUT CHANGER D’ÉTAGE POUR SE RENDRE À LA PLATEFORME D’EMBARQUEMENT OU EN REVENIR À LA GARE DE DORVAL CONSTITUE-ELLE UN OBSTACLE ABUSIF AUX POSSIBILITÉS DE DÉPLACEMENT DE CES PERSONNES?
Démarche de l’Office pour conclure à l’existence d’un obstacle abusif
[10] Un obstacle est abusif à moins que le fournisseur de services puisse justifier son existence. Dès lors que l’Office a déterminé qu’une personne ayant une déficience a rencontré un obstacle, le fournisseur de services peut :
- soit fournir l’accommodement approprié ou offrir une autre solution qui répond tout autant aux besoins de la personne liés à sa déficience. En pareil cas, l’Office déterminera les mesures correctives qui s’imposent pour s’assurer que l’accommodement approprié est fourni;
- soit justifier l’existence de l’obstacle en prouvant qu’il ne peut pas raisonnablement fournir l’accommodement approprié ou toute autre forme d’accommodement raisonnable sans se voir imposer une contrainte excessive. Le fardeau de la preuve incombe au fournisseur de services de prouver que la fourniture de l’accommodement entraînerait une contrainte excessive. À défaut de ce faire, l’Office conclura que l’obstacle est abusif et il ordonnera des mesures correctives pour s’assurer que l’accommodement est fourni.
[11] Dans les situations où le fournisseur de services est d’avis qu’il ne peut pas fournir l’accommodement adapté aux besoins de la personne ayant une déficience, il doit justifier l’existence de l’obstacle.
[12] Le critère que doit respecter un fournisseur de services pour justifier l’existence d’un obstacle comporte trois éléments. Le fournisseur de services doit prouver :
- que la source de l’obstacle est rationnellement liée à la fourniture des services de transport;
- que la source de l’obstacle a été adoptée selon la conviction honnête et de bonne foi qu’elle était nécessaire pour fournir les services de transport;
- qu’il ne peut fournir aucun accommodement sans se voir imposer une contrainte excessive.
[13] Il incombe au fournisseur de services de fournir des preuves suffisamment convaincantes pour établir selon la prépondérance des probabilités que l’obstacle est justifié (c.-à-d. que la mise en place des mesures d’accommodement entraînerait une contrainte excessive).
[14] Si un fournisseur de services s’acquitte du fardeau de la preuve, l’Office conclura que l’obstacle n’est pas abusif et il n’ordonnera pas de mesures correctives.
LE CAS PRÉSENT
[15] L’Office se penchera maintenant sur la question de savoir si VIA a démontré qu’elle se verrait imposer une contrainte excessive si elle mettait en œuvre l’une des autres mesures d’accommodement approprié (c.-à-d. rampes ou ascenseurs accessibles aux voyageurs et monte‑escaliers pour fauteuil roulant).
[16] L’Office se penchera également sur la question de l’utilisation de la voie sud de la gare de Dorval conformément à un nouvel accord avec la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), que VIA propose à titre de mesure de rechange aux mesures d’accommodement approprié susmentionnées.
1. Monte-escaliers pour fauteuil roulant
Faits, éléments de preuve et présentations
[17] VIA indique que la gare de Dorval sera déplacée et qu’elle collabore actuellement avec Transports Québec, l’Administration aéroportuaire de Montréal et l’Agence Métropolitaine de Transport en vue de créer une nouvelle installation multimodale à l’aéroport international Pierre‑Elliot‑Trudeau de Montréal.
[18] VIA indique aussi qu’au printemps 2013, Transports Québec l’a avisée que le ministère se concentre actuellement sur le « projet routier » et que le volet ferroviaire du projet devrait être réactivé en 2014. VIA fait valoir que des modifications importantes seront apportées à l’infrastructure routière et ferroviaire actuelle sur laquelle elle exploite ses trains à la gare de Dorval; ces travaux comporteront la démolition et le remplacement des ponts ferroviaires existants de même que la démolition de la gare de Dorval actuelle. VIA souligne que la nouvelle gare sera conçue de manière à être entièrement accessible, notamment des ascenseurs publics seront intégrés pour traverser les voies, si nécessaire. VIA indique que la nouvelle gare ne comportera pas de tunnels et n’obligera pas le recours à des monte-escaliers pour fauteuil roulant.
[19] VIA soutient que deux monte-escaliers pour fauteuil roulant devraient être installés à la gare de Dorval et que le budget du projet, évalué environ à 250 000 $, servirait à payer des améliorations aux installations électriques, des modifications à la signalisation et à l’architecture ainsi que les honoraires professionnels. VIA a déposé une copie du plan d’aménagement lié à l’installation des monte-escaliers pour fauteuil roulant. VIA indique que l’installation ne sera pas achevée avant mai 2014.
[20] VIA fait valoir qu’elle serait forcée d’absorber sans nécessité des coûts d’immobilisations pour l’installation de ces deux monte-escaliers pour fauteuil roulant et devrait défrayer des coûts d’exploitation additionnels d’entretien qui ne pourraient être récupérés avec le temps en raison de la démolition de la gare de Dorval.
[21] VIA soutient que l’Office ne devrait pas finaliser sa détermination et enjoindre à VIA de mettre en œuvre l’une des « trois autres mesures d’accommodement approprié » du fait que toute dépense liée à ces mesures serait associée à une installation dont la démolition est prévue. VIA soutient que la démolition et le déplacement de la gare de Dorval, de même que les dépenses liées à une installation qui doit être démolie font en sorte qu’il serait déraisonnable, peu pratique ou impossible d’éliminer l’obstacle en question et que cela constituerait, par conséquent, une contrainte excessive pour VIA.
[22] Mme Sabbagh convient avec VIA qu’en attendant le déplacement de la gare de Dorval, l’installation de monte-escaliers pour fauteuil roulant serait une dépense inutile. Cependant, Mme Sabbagh fait part de ses attentes selon lesqueslles VIA devrait s’assurer que les personnes qui utilisent un fauteuil roulant sont en mesure d’embarquer à bord de trains à partir de la voie sud en tout temps.
Analyse et constatations
[23] Lorsqu’il doit déterminer si les coûts d’un accommodement entraîneront une contrainte excessive, l’Office considère les éléments de preuve financière déposés par un fournisseur de services et évalue les avantages sociaux et économiques de la fourniture de l’accommodement par rapport aux coûts financiers que le fournisseur de services devrait assumer pour fournir cet accommodement.
[24] Pour que le fournisseur de services s’acquitte du fardeau de la preuve, il ne suffit pas de démontrer que l’accommodement représenterait un montant donné à débourser. Le fournisseur de services doit également démontrer que ce montant aurait une incidence significative sur ses activités.
[25] Les coûts correspondront à une contrainte excessive s’ils sont :
- quantifiables;
- différentiels (c.-à-d. de nouveaux coûts);
- attribuables à la satisfaction des besoins des personnes ayant une déficience; et
- tellement élevés que leur incidence sera préjudiciable pour le fournisseur de services au point où il serait déraisonnable, peu pratique ou impossible de fournir l’accommodement.
[26] Au moment de l’évaluation de l’incidence des coûts liés à la fourniture d’un accommodement, il faut tenir compte des moyens qui permettraient de gérer ou de compenser les coûts des accommodements, notamment :
- le recouvrement des coûts;
- la production de revenus découlant d’une demande accrue de voyage par des personnes ayant une déficience;
- la réduction des taxes payables dans le futur;
- l’obtention de subventions ou de prêts de sources gouvernementales ou autres.
[27] Le coût restant, une fois que tous les bénéfices, toutes les autres déductions et d’autres facteurs ont été pris en considération (coût net), est utilisé par l’Office dans son analyse de l’incidence des coûts liés à la fourniture de l’accommodement.
[28] D’autres facteurs pertinents peuvent être considérés au moment de l’évaluation de l’incidence des coûts, notamment l’incidence sur la capacité du fournisseur de services :
- de générer des profits et de la valeur pour les actionnaires;
- de répondre à ses obligations de paiement à court terme;
- de s’acquitter du service de la dette et de ses engagements auprès des ses créanciers;
- d’entreprendre d’importantes dépenses en immobilisations.
[29] Un fournisseur de services doit fournir des éléments de preuve fiables étayant le calcul des coûts et l’incidence de ces coûts sur son entreprise, comme les états financiers actuels vérifiés et les états financiers provisoires; les prévisions à jour des mouvements de trésorerie et les hypothèses sous‑jacentes; un plan d’affaires détaillé; les rapports annuels et d’autres données financières étayées par ses registres financiers.
[30] Même si VIA fait valoir que le coût estimé du projet est de 250 000 $, elle n’a fourni aucun renseignement précisant la nature du coût (c.-à-d. coût des modifications structurelles connexes, coût réel des monte-escaliers pour fauteuil roulant, etc.). En outre, VIA n’a fourni aucun élément de preuve pour étayer ce coût, comme un estimé de coût d’un fournisseur ou une facture relative à l’achat et à l’installation d’un monte-escaliers pour fauteuil roulant à une autre gare comme la gare centrale de Montréal.
[31] VIA fait aussi valoir qu’il faudrait apporter des modifications architecturales pour installer les monte-escaliers pour fauteuil roulant à la gare de Dorval. Cependant, elle n’a fourni aucun renseignement sur ces modifications, ni sur les monte-escaliers pour fauteuil roulant qu’elle installerait si ce n’est que le fabricant serait Garaventa Lift. À cet égard, l’Office est au courant du fait que de nombreux fabricants de monte-escaliers pour fauteuils roulants, peut‑être même Garaventa Lift, produisent différents modèles, dont certains sont fabriqués de manière à pouvoir être installés avec des modifications structurelles ou architecturales limitées.
[32] Comme il a été indiqué précédemment, lorsqu’il évalue une contrainte de coût soulevée par un fournisseur de services, l’Office considère le coût net d’une mesure d’accommodement étant donné que cela représente une incidence pertinente sur le coût du fournisseur de services. Dans le cas présent, VIA n’a pas indiqué si le coût estimé de 250 000 $ pour les deux monte-escaliers pour fauteuil roulant représente les montants qui pourraient être retranchés du coût, comme les économies qui résulteraient du fait de ne plus avoir à fournir un moyen de transport de rechange vers d’autres gares. En outre, VIA n’a pas indiqué si les monte-escaliers pour fauteuil roulant pourraient, à la suite de la démolition de la gare de Dorval, être utilisés à une autre de ses gares ou être vendus éventuellement.
[33] En ce qui concerne l’incidence du coût estimé des deux monte-escaliers pour fauteuil roulant, VIA n’a pas expliqué l’incidence de ce coût sur sa situation financière actuelle ou future et n’a pas justifié ce coût en fournissant des documents à l’appui comme des états financiers, des prévisions de mouvements de trésorerie, un plan d’affaires, etc. VIA fait plutôt valoir que le coût ne pourra être recouvré avec le temps en raison de la démolition de la gare de Dorval.
[34] Une obligation d’accommodement ne peut être envisagée de la même manière qu’une décision d’affaires. Même si VIA peut considérer que l’acquisition des deux monte-escaliers pour fauteuil roulant ne représente pas une bonne décision d’affaires étant donné que la gare de Dorval sera démolie ultérieurement, il est évident que le volet ferroviaire du projet ne sera pas achevé avant une période de temps considérable alors que les dates réelles de démolition et de remplacement n’ont pas encore été déterminées. Même si l’Office pourrait considérer qu’une nouvelle gare entièrement accessible est une autre forme d’accommodement approprié répondant tout autant aux besoins, cela ne serait le cas qu’une fois la gare opérationnelle. Dans l’intervalle, l’obligation d’accommodement de VIA existe toujours et n’a pas été remplie étant donné qu’aucun accommodement approprié n’a été instauré à la gare de Dorval.
[35] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que VIA n’a présenté aucun élément de preuve pour démontrer que l’incidence du coût d’installation des deux monte-escaliers pour fauteuil roulant à la gare de Dorval serait préjudiciable au point où il serait déraisonnable, peu pratique ou impossible pour VIA de fournir l’accommodement requis. Par conséquent, l’Office conclut que VIA n’a pas démontré qu’elle se verrait imposer une contrainte excessive si elle était tenue d’installer deux monte-escaliers pour fauteuil roulant à la gare de Dorval.
2. Rampes ou ascenseurs accessibles aux voyageurs
Faits, éléments de preuve et présentations
[36] VIA fait valoir qu’à la gare de Dorval, on ne peut avoir accès à la voie nord que par un tunnel souterrain et qu’aucun ascenseur ni aucune rampe d’accès n’est disponible pour que les voyageurs puissent avoir accès à la voie.
Analyse et constatations
[37] VIA indique qu’il n’y a ni rampe d’embarquement ni ascenseur accessible au public donnant accès à la voie nord. Cependant, VIA n’a fourni aucun élément de preuve précis pour démontrer que la mise en œuvre de l’une ou l’autre de ces mesures créerait une contrainte excessive. Même si VIA argue que les coûts engendrés pour fournir l’accommodement approprié à la gare de Dorval ne sont pas justifiés puisque la gare doit être démolie et remplacée par une gare entièrement accessible, comme il a été mentionné plus haut, l’Office conclut qu’une telle gare ne pourrait être considérée qu’une fois opérationnelle. Dans l’intervalle, aucune mesure d’accommodement approprié n’est en place à la gare de Dorval.
[38] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que VIA n’a pas démontré qu’elle se verrait imposer une contrainte excessive si elle était tenue d’installer un ascenseur ou une rampe pour les voyageurs à titre de mesure d’accommodement pour les personnes ayant une déficience, y compris Mme Sabbagh, qui ont besoin d’assistance avec fauteuil roulant pour se rendre à la plateforme d’embarquement et en revenir lorsqu’il faut changer d’étage.
3. Mesures de rechange
Faits, éléments de preuve et présentations
[39] VIA indique qu’elle a envisagé des mesures de rechange et qu’elle est à mettre en œuvre une mesure en reconnaissance de la nécessité de répondre aux besoins liés aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience, y compris Mme Sabbagh.
[40] VIA explique qu’elle a négocié un nouvel accord avec CN, qui contrôle l’aiguillage des trains de VIA à la gare de Dorval, accord aux termes duquel elle peut demander à CN l’autorisation d’utiliser la voie sud à la gare de Dorval. VIA ajoute que dans ces cas, CN fera « tous les efforts raisonnables » pour qu’elle puisse utiliser la voie sud.
[41] VIA fait valoir que cette entente contractuelle avec CN « est un nouvel élément factuel et que cela signifie que sauf dans de rares cas, VIA pourra demander à CN d’aiguiller les trains de VIA de façon à ce qu’ils arrêtent sur la voie sud, donnant ainsi un accès complet aux personnes ayant une déficience. »
[42] VIA fait valoir que le fardeau financier lié à l’installation de deux monte-escaliers pour fauteuil roulant est injustifiable dans les circonstances étant donné qu’il existe une solution de rechange opérationnelle qui, selon elle, répond tout autant aux besoins des voyageurs ayant une déficience. VIA est d’avis que l’investissement en immobilisations associé aux deux monte-escaliers pour fauteuil roulant ne fournit aucun avantage social ou économique supérieur aux avantages offerts par les dispositions contractuelles et l’accord opérationnel conclu avec CN l’autorisant à utiliser la voie sud.
[43] Mme Sabbagh est d’avis que cette mesure de rechange doit être disponible en tout temps afin que les trains soient toujours en mesure d’utiliser la voie sud.
[44] VIA indique que si un train ne peut être placé sur la voie sud, les deux options suivantes seront offertes :
- un autre mode de transport pour amener la personne à destination (dans le corridor ferroviaire), et
- une heure de départ différente.
Analyse et constatations
[45] Bien que VIA affirme que l’accord opérationnel avec CN l’autorisant à utiliser la voie sud permet tout autant de répondre aux besoins des personnes ayant une déficience, l’Office a déjà déterminé, comme il est indiqué dans la décision de demande de justification, que les mesures requises pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience, y compris Mme Sabbagh, qui ont besoin d’assistance avec fauteuil roulant pour se rendre à la plateforme d’embarquement ou en revenir, comprennent les mesures suivantes :
- monte-escaliers pour fauteuil roulant;
- passages au niveau du sol, s’ils sont sécuritaires;
- ascenseurs pour les voyageurs;
- rampes pour les voyageurs.
[46] De plus, en faisant cette détermination, l’Office a déjà examiné les présentations de VIA concernant l’utilisation de la voie sud à la gare de Dorval. Même si VIA indique que CN fera tous les efforts raisonnables pour que le train soit placé sur la voie sud au besoin, elle n’a pas démontré que cette mesure de rechange éliminerait, dans tous les cas, l’obstacle abusif, pour les personnes ayant une déficience qui utilisent un fauteuil roulant, qui existe à la gare de Dorval. Même s’il est possible qu’elle réduise le nombre de cas où des personnes qui utilisent un fauteuil roulant ne pourraient monter à bord du train, la solution de rechange proposée par VIA ne garantit pas que les passagers pourront toujours monter à bord à partir de la voie sud, ce qui signifie que les personnes qui utilisent un fauteuil roulant n’ont aucune garantie qu’elles pourront voyager comme prévu à partir de la gare de Dorval.
[47] VIA fait valoir que si le train ne peut être placé sur la voie sud, elle offrira un moyen de transport de rechange vers une autre gare (dans le même corridor ferroviaire) ou un départ à une heure différente. Dans la décision de demande de justification, l’Office a conclu que ces deux solutions représentaient la meilleure solution de rechange en matière d’accommodement raisonnable.
[48] VIA a indiqué que l’accord avec CN l’autorisant à placer le train sur la voie sud, une gare de départ de rechange et une heure de départ différente (lorsque le train accueillera des passagers à partir de la voie nord) représentaient la meilleure solution de rechange en matière d’accommodement raisonnable. Cependant, pour que l’Office puisse considérer une forme proposée d’accommodement raisonnable, VIA doit démontrer que la fourniture de l’une des mesures d’accommodement approprié indiquées par l’Office (c.-à-d. monte-escaliers pour fauteuil roulant, ascenseur ou rampe pour les voyageurs) crée une contrainte excessive.
[49] À la lumière de ce qui précède, l’Office conclut que VIA n’a pas démontré qu’elle se verrait imposer une contrainte excessive si elle était tenue de fournir un accommodement approprié et, à ce titre, l’Office ne considérera pas le nouvel accord avec CN comme une mesure d’accommodement raisonnable. Néanmoins, étant donné qu’il s’écoulera un certain temps avant que VIA puisse mettre en œuvre une mesure d’accommodement approprié à la gare de Dorval, l’Office est d’avis que VIA devrait mettre en œuvre son nouvel accord avec CN à titre de mesure provisoire pour fournir un accommodement à Mme Sabbagh et aux autres personnes ayant une déficience qui utilisent un fauteuil roulant.
CONSTATATION FINALE ET CONCLUSION
[50] L’Office conclut que VIA n’a pas démontré que la mise en œuvre de l’une des autres mesures d’accommodement approprié (c.à-d. des monte-escaliers pour fauteuil roulant, des ascenseurs ou des rampes accessibles aux voyageurs) créerait une contrainte excessive et n’a pas justifié les raisons pour lesquelles l’Office ne devrait pas finaliser sa détermination et enjoindre à VIA de mettre en œuvre, à la gare de Dorval, l’une des trois autres mesures d’accommodement approprié.
[51] L’Office conclut donc, de manière définitive, que la politique de VIA visant la fourniture d’assistance avec fauteuil roulant aux personnes ayant une déficience, y compris Mme Sabbagh, pour se rendre à la plateforme d’embarquement ou à en revenir lorsqu’il faut changer d’étage à la gare de Dorval, constitue un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de ces personnes.
[52] En outre, l’Office conclut que le nouvel accord de VIA avec CN devrait être mis en œuvre à titre de mesure d’accommodement provisoire pendant que VIA travaille à la mise en œuvre de l’une des trois autres mesures d’accommodement approprié.
ORDONNANCE
[53] À la lumière de la constatation susmentionnée concernant l’obstacle abusif, VIA doit mettre en œuvre l’une des trois autres mesures d’accommodement approprié à la gare de Dorval (c.-à-d. des monte-escaliers pour fauteuil roulant, des ascenseurs ou des rampes d’accès accessibles aux voyageurs). Dans l’intervalle, VIA doit également mettre en œuvre son nouvel accord avec CN comme il a été décrit précédemment.
[54] En outre, en ce qui touche la mise en œuvre de l’accommodement approprié, VIA est tenue de déposer, d’ici le 13 septembre 2013 un calendrier détaillé, accompagné des documents à l’appui, y compris les contrats/accords avec un fournisseur et, dans la mesure où cela s’applique, l’entité (les entités) chargée(s) de leur installation.
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