Décision n° 317-AT-A-2002
le 10 juin 2002
Référence no U3570//02-1
DEMANDE
Le 18 janvier 2002, Eric C. Norman a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé.
Le 28 février 2002, Air Canada a déposé sa réponse à la demande, laquelle comprenait une copie du dossier passager (ci-après le DP) de M. Norman ainsi que la politique et les procédures du transporteur relatives au transport des fauteuils roulants. Le 12 mars 2002, M. Norman a déposé sa réplique à la réponse d'Air Canada.
Le 25 mars 2002, Air Canada a déposé d'autres observations relativement à la demande et le 16 mai 2002, M. Norman a également déposé d'autres commentaires.
Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai jusqu'au 14 juin 2002.
QUESTION PRÉLIMINAIRE
L'Office note qu'Air Canada et M. Norman ont tous deux fourni des commentaires supplémentaires. L'Office, conformément à l'article 6 des Règles générales de l'Office national des transports, DORS/88-23, les accepte comme étant pertinents et nécessaires à l'examen de la présente affaire.
QUESTION
L'Office doit déterminer si les éléments suivants ont constitué des obstacles abusifs aux possibilités de déplacement de M. Norman et, le cas échéant, les mesures correctives qui doivent être prises :
- le fait que le fauteuil roulant de M. Norman n'a pas été livré à la porte de l'aéronef à son débarquement à Toronto, comme il l'avait demandé à l'avance;
- le niveau d'assistance au débarquement offert à M. Norman à son arrivée à Toronto et la confusion qui régnait au sujet de son vol de correspondance à destination de Vancouver;
- le fait que M. Norman n'a pas pu utiliser les toilettes de l'aérogare de Toronto avant l'embarquement pour son vol à destination de Vancouver.
FAITS
M. Norman a une mobilité réduite et utilise fauteuil roulant manuel.
Le 16 décembre 2001, M. Norman, son épouse et sa fille ont pris des arrangements pour voyager avec Air Canada le 17 décembre 2001, à partir de leur ville de résidence de Gander à destination de Vancouver.
Au moment de la réservation de ses vols, M. Norman a demandé qu'on lui assigne un siège accessible et que son fauteuil roulant lui soit livré à la porte de l'aéronef à Toronto pour lui permettre d'utiliser, comme il l'avait prévu, les toilettes de l'aérogare de Toronto avant son départ pour Vancouver.
Ce besoin d'assistance était indiqué dans le DP de M. Norman, contenu dans le système de réservation informatisé d'Air Canada, au moyen du code WCOB. Ce code, aux termes de la définition donnée dans le Passenger Services Conference Resolutions Manual de l'Association du transport aérien international, est utilisé pour désigner un passager qui demande un fauteuil roulant à bord.
Le 17 décembre 2001, M. Norman a pris le vol no 8238 d'Air Nova en partance de Gander à destination de St. John's (Terre-Neuve), où il a ensuite pris le vol de correspondance no 141 d'Air Canada à destination de Toronto, qui est parti en retard de St. John's, notamment en raison de dégivrage.
En raison de ce retard, le vol no 141 est arrivé 68 minutes en retard à Toronto et le fauteuil roulant de M. Norman ne lui a pas été livré à la porte de l'aéronef. Puisque le départ du vol no 011 d'Air Canada en partance de Toronto à destination de Vancouver était imminent, M. Norman n'a pas pu utiliser les toilettes de l'aérogare et a été amené jusqu'à la porte dans un fauteuil d'embarquement. Par la suite, après une discussion, M. Norman, son épouse et sa fille sont montés à bord de l'aéronef et le fauteuil roulant de M. Norman a été transféré du vol no 141 au vol no 011. Le vol no 011 à destination de Vancouver est arrivé 63 minutes en retard. À son arrivée à Vancouver, M. Norman a pu utiliser les toilettes de l'aérogare.
La politique et les procédures d'Air Canada relatives au transport des fauteuils roulants prévoient, entre autres choses, que le fauteuil roulant d'un client peut être mis à sa disposition à un point de transfert seulement si les heures des vols de correspondance prévus sont connues et que le client peut se rendre à la porte de départ du vol de correspondance de lui-même. De plus, la politique exige que les membres du personnel de l'aéroport prennent des arrangements avec une agence locale d'aides à la mobilité pour offrir des aides à la mobilité de remplacement convenables pour les aides qui ont été perdues, endommagées ou livrées en retard. La politique prévoit également que le personnel doit aviser le passager au plus tard une heure après avoir été informé du problème.
POSITIONS DES PARTIES
M. Norman fait valoir que tard le 16 décembre 2001, il a reçu des nouvelles concernant sa fille et sa famille, lesquelles l'obligeait à faire des arrangements d'urgence pour se rendre à Vancouver. M. Norman affirme qu'il a souvent voyagé sur cette route et qu'il est familier avec les procédures d'accessibilité.
Le vol no 141 a quitté St. John's en retard, notamment en raison de dégivrage, et lorsque M. Norman a exprimé son inquiétude relativement au vol de correspondance no 011 à destination de Vancouver, on l'a assuré que cela ne posait pas un problème puisque plusieurs autres passagers du vol devaient prendre la même correspondance.
À leur arrivée à Toronto, l'épouse et la fille de M. Norman se sont dirigées immédiatement à la porte d'embarquement pour le vol à destination de Vancouver. M. Norman affirme qu'il a été forcé d'attendre excessivement longtemps pour recevoir de l'assistance au débarquement à Toronto et souligne que pendant qu'il attendait, on procédait au changement d'équipage et à la préparation de l'aéronef. En attendant l'assistance, M. Norman a reçu la confirmation que son fauteuil roulant lui serait livré à la porte de l'aéronef. M. Norman précise que lorsqu'on lui a dit au débarquement que son fauteuil roulant se trouvait encore dans la soute à bagages de l'aéronef en provenance de St. John's, on lui a donné le choix de se diriger à la porte d'embarquement pour le vol de Vancouver dans un fauteuil d'embarquement ou d'attendre que quelqu'un lui apporte son fauteuil roulant de la soute. M. Norman a choisi de se rendre à la porte d'embarquement étant donné que le départ du vol à destination de Vancouver était imminent.
M. Norman indique que, pendant son débarquement, son épouse et sa fille ont été informées que l'aéronef à destination de Vancouver était déjà parti. Toutefois, après avoir vérifié dans l'ordinateur, un agent les a informées que l'aéronef était encore à la passerelle, mais que les sièges assignés à la famille Norman avaient été réassignés à d'autres passagers. M. Norman ajoute que lorsqu'il est arrivé à la porte d'embarquement, on lui a également dit qu'ils ne pouvaient embarquer parce qu'ils étaient en retard.
M. Norman affirme que plusieurs passagers du vol en partance de St. John's ont procédé à l'embarquement à bord du vol à destination de Vancouver alors que son épouse et sa fille ont été informées que leurs sièges avaient été réassignés à d'autres passagers. M. Norman ajoute qu'on l'a informé que la décision de réassigner leurs sièges avait été prise avant qu'ils ne partent de St. John's et il exprime son incrédulité à cet égard. M. Norman reconnaît que le vol no 141 de St. John's est arrivé en retard à Toronto et affirme qu'il était discriminatoire de lui refuser l'accès au vol no 011 à destination de Vancouver.
M. Norman fait valoir que l'agente avec laquelle il s'est entretenu à la porte d'embarquement du vol de Vancouver lui a d'abord dit que la seule solution pour lui était de passer la nuit à Toronto sans son fauteuil roulant. M. Norman indique qu'après qu'il lui ait indiqué qu'il devait se rendre d'urgence à Vancouver, elle a répété, en gesticulant vers lui, que rien ne serait retiré de la soute du vol no 141 et qu'il ne monterait pas à bord du vol no 011 à destination de Vancouver. M. Norman ajoute que lorsque la décision a finalement été prise de faire monter la famille Norman à bord de l'aéronef, il n'a pas pu recevoir la confirmation qu'un fauteuil roulant serait mis à sa disposition à son arrivée à Vancouver. M. Norman affirme que lorsqu'il a informé l'agente de son intention de déposer une plainte officielle à l'Office, celle-ci n'a pas répliqué.
M. Norman indique qu'il a alors demandé des renseignements concernant son fauteuil roulant et a été informé qu'il était encore dans la soute du vol no 141, que la soute ne serait pas ouverte le soir-même et, de plus, que l'aéronef partirait pour Calgary le jour suivant. Enfin, on lui a donné le choix de passer la nuit à Toronto ou de poursuivre sa route vers Vancouver comme prévu, mais sans son fauteuil roulant. M. Norman a choisi de poursuivre sa route vers Vancouver et s'est renseigné à savoir si un fauteuil roulant pourrait être mis à sa disposition à son arrivée. On lui a alors dit qu'on ne pouvait le lui garantir.
M. Norman indique qu'il avait prévu une pause de 15 minutes pour utiliser les toilettes à son arrivée à l'aérogare de Toronto avant son départ pour Vancouver, mais il précise que l'agent fournissant de l'assistance à l'embarquement l'a informé qu'il ne disposait pas d'assez de temps pour le faire mais qu'il pouvait utiliser les toilettes à bord de l'aéronef. M. Norman ajoute qu'il a expliqué qu'il ne pouvait utiliser les toilettes de l'aéronef et qu'on lui a alors répété qu'il n'avait pas le temps d'utiliser les toilettes de l'aérogare avant son départ pour Vancouver. M. Norman déclare qu'après qu'on lui ait donné ces renseignements, l'aéronef est resté immobile 40 minutes avant le départ. Il ajoute qu'il a réussi à utiliser les toilettes de l'aérogare de Vancouver, mais seulement après avoir ressenti de l'anxiété et un malaise qui auraient pu être évités.
Air Canada soutient que les agents à Toronto qui offrent des services aux passagers ayant des besoins spéciaux (nommés agents de l'équipe d'intervention spéciale ou EIS) sont entièrement formés pour répondre à tous les besoins des clients ayant une déficience. Air Canada ajoute qu'elle a mené une enquête sur la présente affaire et affirme que les agents ont respecté les procédures appropriées.
Air Canada souligne que le fauteuil roulant d'un client peut être mis à sa disposition à un point de transfert seulement si les heures des vols de correspondance prévus sont connues et si le client peut se rendre à la porte de départ de son vol de correspondance de lui-même. Air Canada précise que le vol no 141 avait 68 minutes de retard, arrivant finalement à Toronto à 21 h 38 au lieu de 20 h 30, que le personnel en soirée est limité et qu'il restait très peu de temps avant l'embarquement pour le vol à destination de Vancouver. Air Canada ajoute qu'en raison de ces facteurs, elle a informé M. Norman qu'il serait impossible de décharger les bagages et de lui rendre son fauteuil roulant.
Air Canada indique que la décision de ne pas transférer les bagages d'un aéronef à l'autre a été prise par le centre de coordination des opérations d'escale et que le personnel de bord du vol de St. John's n'était pas au courant de cette décision. Air Canada présente ses excuses à M. Norman pour l'avoir mal renseigné à bord de ce vol.
Air Canada souligne que puisque la famille Norman n'était pas à la porte d'embarquement avant l'heure de départ du vol à destination de Vancouver, l'ordinateur a automatiquement réassigné leurs sièges. Toutefois, Air Canada mentionne que deux de ses meilleurs agents de l'EIS étaient présents pour assister M. Norman à l'embarquement.
Air Canada renvoie à sa politique qui prévoit qu'un passager et son fauteuil roulant doivent se trouver à bord du même vol. Air Canada soutient qu'elle a offert de payer une chambre d'hôtel à M. Norman à Toronto ou un fauteuil roulant de remplacement par le biais d'une agence locale d'aides à la mobilité de Vancouver jusqu'à ce qu'on lui ramène son fauteuil roulant. Air Canada soutient que M. Norman a décliné ces deux offres.
Air Canada précise qu'en raison des circonstances entourant le voyage de M. Norman, l'agente à la porte d'embarquement a demandé et a exceptionnellement reçu l'autorisation du centre de coordination des opérations d'escale de laisser M. Norman voyager sans son fauteuil roulant. Selon Air Canada, le centre de coordination des opérations d'escale a alors pris la décision de transférer le fauteuil roulant de M. Norman à bord du vol à destination de Vancouver et cela a contribué à retarder le départ vu le manque de personnel pour effectuer le transfert.
Air Canada explique que le vol no 011 à destination de Vancouver a été retardé de 63 minutes pour permettre aux agents de piste de transférer le fauteuil roulant de M. Norman du vol no 141 au vol à destination de Vancouver afin de lui permettre de voyager avec son propre fauteuil roulant.
M. Norman soutient que la déclaration générale d'Air Canada en ce qui concerne les agents de l'EIS présente des lacunes et que les agents ont visiblement besoin de suivre une nouvelle formation. M. Norman ajoute que si les lignes directrices et les règlements avaient été respectés, il n'aurait eu aucune raison de déposer une plainte.
M. Norman indique que lorsqu'il attendait pour débarquer à Toronto, il a été informé que son fauteuil roulant lui serait livré. Il soutient qu'il était prêt à se diriger à la porte d'embarquement pour le vol à destination de Vancouver à l'aide du fauteuil d'embarquement, étant donné le bref délai pour la correspondance, mais qu'il voulait également s'assurer que son fauteuil roulant serait chargé à bord de ce vol.
M. Norman questionne le raisonnement derrière l'affirmation d'Air Canada qu'un passager et son fauteuil roulant doivent être à bord du même vol alors que son fauteuil roulant se trouvait dans la soute d'un vol qui devait se diriger vers Calgary.
M. Norman indique qu'on ne lui a jamais offert de lui payer une chambre d'hôtel à Toronto et que, de toute façon, il n'aurait pas accepté l'offre puisqu'il devait se rendre d'urgence à Vancouver pour être avec sa fille et sa famille. De plus, M. Norman fait valoir qu'Air Canada ne lui a pas non plus offert de lui payer un fauteuil roulant de remplacement et que, puisque que ces deux offres ne lui ont pas été faites, il n'a jamais eu l'occasion de les décliner.
M. Norman conteste les propos d'Air Canada à savoir que son personnel a été prévenant et courtois lorsqu'il a eu à s'occuper d'une situation délicate et d'un passager difficile, affirmant que c'est le contraire qui s'est produit. Il soutient que son entretien avec l'agente à la porte d'embarquement pour le vol de Vancouver était plutôt conflictuel et coercitif, si on ajoute à cela que son épouse et sa fille avaient été informées, à l'origine, que l'aéronef à destination de Vancouver était déjà parti et ensuite que leurs sièges avaient été réassignés à d'autres passagers, même si elles figuraient parmi les premiers à être arrivés à la porte d'embarquement. M. Norman affirme qu'il n'avait aucunement l'intention de causer des ennuis et qu'il s'est efforçé de collaborer le plus possible en acceptant presque n'importe quel arrangement qui lui aurait permis d'embarquer à bord du vol à destination de Vancouver.
M. Norman conteste la conclusion d'Air Canada selon laquelle le retard de 63 minutes du vol de Toronto serait attribuable à la décision de transférer son fauteuil roulant. Il précise qu'il a été informé que son fauteuil roulant était placé à bord au moment où il embarquait à bord de l'aéronef et a cru que cela se faisait simultanément. M. Norman ne comprend alors pas pourquoi il n'a pas pu utiliser les toilettes de l'aérogare de Toronto avant l'embarquement si le personnel savait que cela prendrait une heure pour transférer son fauteuil roulant. M. Norman soutient que le long retard n'est pas attribuable au transfert de son fauteuil roulant et affirme que les annonces à bord du vol n'en n'ont aucunement fait mention.
Selon M. Norman, la réponse d'Air Canada à sa demande n'expose pas les véritables faits qui se sont déroulés et ne répond pas aux questions soulevées dans sa demande, notamment en ce qui concerne le fait qu'on lui a assuré qu'il ne raterait pas son vol de correspondance à destination de Vancouver, le fait que d'autres passagers embarquaient à bord de l'aéronef alors qu'on informait sa famille que l'aéronef était parti, et que leurs sièges ont par la suite été réassignés à d'autres passagers, et le fait qu'on lui a dit que son fauteuil roulant ne serait pas retiré de la soute du vol no 141, signifiant ainsi que M. Norman resterait à Toronto sans son fauteuil roulant qui, lui, se rendrait à Calgary.
M. Norman soutient que s'il n'avait pas insisté et que s'il ne connaissait pas les règlements de l'Office, il aurait eu à passer la nuit à Toronto sans son fauteuil roulant et il serait arrivé au cours de la journée suivante à Vancouver sans son fauteuil roulant et n'aurait donc pas pu aller voir sa fille et sa famille au service de soins intensifs.
M. Norman dénonce le manque de compréhension et les déclarations trompeuses du personnel d'Air Canada et sa méconnaissance flagrante des lignes directrices et des règlements. Il ajoute qu'obliger Air Canada à diffuser une note à ses employés ou à mettre à jour ses procédures ou son manuel de formation n'est pas suffisant pour régler la situation comme il se doit. Selon M. Norman, il faudrait imposer des sanctions au personnel ayant contribué à l'incident afin d'éviter qu'une telle situation ne se reproduise.
M. Norman croit également qu'il n'y a rien qu'Air Canada puisse faire pour soulager ou éliminer l'anxiété qu'il ressent à l'idée de voyager de nouveau avec Air Canada et il conclut que la réponse du transporteur à sa demande n'est ni exacte ni satisfaisante.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.
La demande doit être présentée par une personne ayant une déficience ou en son nom. M. Norman a une mobilité réduite et utilise un fauteuil roulant et est donc une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions d'accessibilité de la LTC.
Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord déterminer si les possibilités de déplacement de la personne qui présente la demande ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors décider si l'obstacle était abusif. Pour répondre à ces questions, l'Office doit tenir compte des circonstances de l'affaire dont il est saisi.
Les possibilités de déplacement ont-elles été restreintes ou limitées par un obstacle ?
L'expression « obstacle » n'est pas définie dans la LTC, ce qui donne à penser que le Parlement ne voulait pas limiter la compétence de l'Office compte tenu de son mandat d'éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. De plus, le terme « obstacle » a un sens large et s'entend habituellement d'une chose qui entrave le progrès ou la réalisation.
Pour déterminer si une situation constitue ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans un cas donné, l'Office se penche sur les déplacements de cette personne qui sont relatés dans la demande. Dans le passé, l'Office a conclu qu'il y avait eu des obstacles dans plusieurs circonstances différentes. Par exemple, dans certains cas des personnes n'ont pas pu voyager, d'autres ont été blessées durant leurs déplacements (notamment quand l'absence d'installations convenables durant le déplacement affecte la condition physique du passager) et d'autres encore ont été privées de leurs aides à la mobilité endommagées pendant le transport. De plus, l'Office a identifié des obstacles dans les cas où des personnes ont finalement été en mesure de voyager, mais les circonstances découlant de l'expérience ont été telles qu'elles ont miné leur sentiment de confiance, de dignité, de sécurité, situation qui pourrait décourager ces personnes de voyager à l'avenir.
Le cas présent
Le fait que le fauteuil roulant personnel de M. Norman n'a pas été livré à la porte de l'aéronef
Selon les renseignements au dossier, M. Norman a une mobilité réduite et utilise un fauteuil roulant. Au moment de la réservation de ses vols, M. Norman a demandé que son fauteuil roulant lui soit livré à la porte de l'aéronef à son arrivée à Toronto. Le vol en partance de St. John's a été retardé et est arrivé 68 minutes plus tard que prévu à Toronto. Malgré la demande de M. Norman, le fauteuil roulant ne lui a pas été livré à Toronto. L'Office reconnaît, en conséquence, que M. Norman n'a pas pu agir de façon autonome à l'aérogare pour utiliser les toilettes avant de poursuivre sa route jusqu'à Vancouver. L'Office conclut donc que le fait que le fauteuil roulant de M. Norman ne lui a pas été livré à son débarquement à Toronto a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.
Assistance à Toronto
Selon M. Norman, il a été forcé d'attendre longtemps pour recevoir de l'assistance au débarquement à Toronto et a reçu un service insatisfaisant de la part de l'agente avec qui il a fait affaire à la porte d'embarquement pour le vol à destination de Vancouver. En raison des propos contradictoires donnés par le personnel d'Air Canada à M. Norman, celui-ci ne savait pas s'il pourrait embarquer à bord du vol à destination de Vancouver, si son fauteuil roulant serait retiré de la soute du vol de St. John's et s'il lui serait remis ou s'il serait chargé à bord du vol de Vancouver au cas où il recevrait la confirmation qu'il pourrait embarquer à bord de ce vol. L'Office reconnaît que la situation a créé de l'incertitude et de la confusion. De plus, l'Office souligne les difficultés éprouvées par M. Norman et sa perte de confiance dans la capacité du transporteur à assurer un service dont il a besoin et auquel il s'attend. L'Office conclut donc que le retard à fournir de l'assistance au débarquement à Toronto et le niveau de service fourni à M. Norman par l'agente à la porte d'embarquement pour le vol de Vancouver ont constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de M. Norman.
Utilisation des toilettes à Toronto
Pendant que M. Norman recevait de l'assistance à l'embarquement pour le vol à destination de Vancouver, il a demandé s'il pouvait utiliser les toilettes de l'aérogare avant l'embarquement et on lui a dit qu'il ne disposait pas d'assez de temps pour le faire. M. Norman n'a donc pas pu utiliser les toilettes à Toronto avant l'embarquement et a pu le faire seulement à son arrivée à Vancouver. L'Office note la déclaration de M. Norman que puisqu'il n'a pas pu se prévaloir de ce service, il a ressenti de l'anxiété et un malaise qui auraient pu être évités. L'Office conclut donc que le fait que M. Norman n'a pas pu utiliser les toilettes de l'aérogare de Toronto avant d'embarquer pour son vol à destination de Vancouver a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.
L'obstacle était-il abusif ?
À l'instar du terme « obstacle », l'expression « abusif » n'est pas définie dans la LTC, ce qui permet à l'Office d'exercer sa discrétion pour éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « abusif » a également un sens large et signifie habituellement que quelque chose dépasse ou viole les convenances ou le bon usage (excessif, immodéré, exagéré). Comme une chose peut être jugée exagérée ou excessive dans un cas et non dans un autre, l'Office doit tenir compte du contexte de l'allégation d'obstacle abusif. Dans cette approche contextuelle, l'Office doit trouver un juste équilibre entre le droit des passagers ayant une déficience d'utiliser le réseau de transport de compétence fédérale sans rencontrer d'obstacles abusifs, et les considérations et responsabilités commerciales et opérationnelles des transporteurs. Cette interprétation est conforme à la politique nationale des transports établie à l'article 5 de la LTC et plus précisément au sous-alinéa 5g)(ii) de la LTC qui précise, entre autres, que les modalités en vertu desquelles les transporteurs ou modes de transport exercent leurs activités ne constituent pas, dans la mesure du possible, un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.
L'industrie des transports élabore ses services pour répondre aux besoins des utilisateurs. Les dispositions d'accessibilité de la LTC exigent quant à elles que les fournisseurs de services de transport du réseau de transport de compétence fédérale adaptent leurs services dans la mesure du possible aux besoins des personnes ayant une déficience. Certains empêchements doivent toutefois être pris en considération, par exemple les mesures de sécurité que les transporteurs doivent adopter et appliquer, les horaires qu'ils doivent s'efforcer de respecter pour des raisons commerciales, la configuration du matériel et les incidences d'ordre économique qu'aura l'instauration d'un service sur les transporteurs aériens. Ces empêchements peuvent avoir une incidence sur les personnes ayant une déficience. Ainsi, ces personnes ne pourront pas nécessairement embarquer dans l'aéronef avec leur propre fauteuil roulant, elles peuvent devoir arriver à l'aérogare plus tôt aux fins de l'embarquement et elles peuvent devoir attendre plus longtemps pour obtenir de l'assistance au débarquement que les personnes n'ayant pas de déficience. Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des empêchements que les fournisseurs de services de transport connaissent dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Il faut en arriver à un équilibre entre les responsabilités des fournisseurs de services de transport et le droit des personnes ayant une déficience à voyager sans rencontrer d'obstacle, et c'est dans cette recherche d'équilibre que l'Office applique le concept d'obstacle abusif.
Le cas présent
Le fait que le fauteuil roulant personnel de M. Norman n'a pas été livré à la porte de l'aéronef
Ayant conclu que le fait que le fauteuil roulant de M. Norman n'a pas été livré à la porte de l'aéronef lors de son débarquement à Toronto a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement, l'Office doit maintenant déterminer si cet obstacle était abusif.
Le paragraphe 151(1) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA), prévoit que le transporteur aérien doit fournir tout service à la personne qui en fait la demande au moins 48 heures avant l'heure prévue pour le départ de son vol. L'Office note que la demande de M. Norman a été effectuée seulement 24 heures avant l'heure prévue de son départ et, à ce titre, Air Canada n'était tenue que de déployer des efforts raisonnables pour fournir le service en vertu du paragraphe 151(3) du RTA. La politique d'Air Canada prévoit que le fauteuil roulant d'un client peut être mis à sa disposition à un point de transfert seulement si les heures des vols de correspondance prévus sont connues. L'Office note les circonstances entourant le retard du vol de M. Norman de St. John's à destination de Toronto, notamment en raison des conditions météorologiques, lesquelles ont écourté le délai pour la correspondance de son vol à destination de Vancouver, et le fait que le personnel à Toronto était limité pour décharger le fauteuil roulant à ce moment-là. Rien au dossier n'indique que l'Office devrait conclure que les mesures d'Air Canada n'étaient pas conformes aux exigences du RTA. Par conséquent, le fait que le fauteuil roulant de M. Norman n'a pas été livré au point de transfert n'a donc pas constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement.
Assistance à Toronto
Ayant conclu que le retard à fournir de l'assistance au débarquement à Toronto et le niveau de service fourni à M. Norman par l'agente à la porte d'embarquement pour le vol de Vancouver ont constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement, l'Office doit maintenant déterminer si cet obstacle était abusif.
L'Office note les propos contradictoires fournis par les parties et reconnaît les circonstances difficiles dans lesquelles la famille Norman voyageait. L'Office reconnaît toutefois que les circonstances qui prévalaient à l'aéroport de Toronto ont été aggravées par des conditions météorologiques inclémentes à St. John's, lesquelles ont causé le retard de l'arrivée à Toronto et le bref délai de correspondance entre les vols. Le vol no 141 devait arriver à 20 h 30, mais est arrivé 68 minutes en retard, soit à 21 h 38, et le vol no 011 devait partir à 21 h 30 avant l'arrivée réelle du vol no 141. Néanmoins, Air Canada a pu faire embarquer M. Norman et transférer son fauteuil roulant. L'Office reconnaît que les retards de vols sont des inconvénients et des sources de frustration, de stress et de fatigue, mais tous les passagers ont dû faire face à cette situation à ce moment de l'année. Dans ce contexte, l'Office considère que le retard à fournir de l'assistance à Toronto et le niveau de service fourni à M. Norman à la porte d'embarquement pour le vol à destination de Vancouver n'ont pas constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement.
Utilisation des toilettes à Toronto
Ayant conclu que le fait que M. Norman n'a pas pu utiliser les toilettes de l'aérogare de Toronto avant d'embarquer pour son vol à destination de Vancouver a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement, l'Office doit maintenant déterminer si cet obstacle était abusif.
L'Office estime regrettable le fait qu'on n'a pas fourni à M. Norman l'occasion d'utiliser les toilettes de l'aérogare avant l'embarquement pour le vol no 011 à destination de Vancouver. En rétrospective, l'agente qui a fourni l'aide à l'embarquement à M. Norman aurait dû déployer tous les efforts possibles pour répondre au besoin de M. Norman d'utiliser les toilettes à Toronto. L'Office reconnaît toutefois que, dans les circonstances du cas présent, plusieurs facteurs ont eu une incidence sur le manquement au niveau du service que fournit habituellement le transporteur. Les conditions météorologiques inclémentes, les délais qu'ont entraîné ces conditions à Toronto et le départ imminent du vol no 011 à destination de Vancouver ont créé une situation où les procédures en place n'ont pu être respectées. L'Office a également pris note que M. Norman a informé le personnel d'Air Canada à plusieurs reprises de son besoin de se rendre à Vancouver le plus rapidement possible et qu'Air Canada a fourni des efforts considérables pour répondre aux demandes de M. Norman. Par conséquent, l'Office estime que, compte tenu des circonstances du cas présent, M. Norman n'a pas fait face à un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement.
CONCLUSION
À la lumière de ce qui précède, l'Office a déterminé que le fait que le fauteuil roulant de M. Norman ne lui a pas été livré au point de transfert à Toronto, le retard dans l'assistance au débarquement et le niveau insatisfaisant de service qui lui a été fourni à Toronto ainsi que le fait qu'il n'a pas pu utiliser les toilettes de l'aérogare avant l'embarquement pour son vol à destination de Vancouver n'ont pas constitué des obstacles abusifs à ses possibilités de déplacement. Par conséquent, aucune mesure corrective ne sera exigée.
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