Décision n° 334-AT-A-2015

le 26 octobre 2015

DEMANDE présentée par Brian Pietrzyk contre Alitalia – Società Aerea Italiana S.p.A. exerçant son activité sous le nom d’Alitalia – Società Aerea Italiana, d’Alitalia SAI et d’Alitalia.

Numéro de cas : 
15-50646

INTRODUCTION

[1] Brian Pietrzyk a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) en vertu du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée (LTC) contre Alitalia – Società Aerea Italiana S.p.A. exerçant son activité sous le nom d’Alitalia – Società Aerea Italiana, d’Alitalia SAI et d’Alitalia (Alitalia), concernant le transport de son appareil de ventilation spontanée en pression positive continue (CPAP).

QUESTION

[2] Les difficultés que M. Pietrzyk a rencontrées concernant l’acceptation de son appareil CPAP pour le transport ont-elles constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement? Le cas échéant, quelles mesures correctives devraient être prises?

LA LOI

[3] Lorsqu’il doit statuer sur une demande en vertu du paragraphe 172(1) de la LTC, l’Office applique une procédure en trois temps pour déterminer s’il y a eu obstacle abusif aux possibilités de déplacement d’une personne ayant une déficience. L’Office doit déterminer :

  1. si la personne qui est l’auteur de la demande a une déficience aux fins de la LTC;
  2. si la personne a rencontré un obstacle du fait qu’on ne lui a pas fourni un accommodement approprié pour répondre aux besoins liés à sa déficience;
  3. si l’obstacle est « abusif » parce que le fournisseur de services de transport n’a pas justifié l’existence de l’obstacle en prouvant :

i. qu’il est rationnellement lié à la fourniture des services de transport;

ii. qu’il a été adopté selon la conviction honnête et de bonne foi qu’elle était nécessaire pour fournir le service de transport;

iii. qu’il y a des contraintes qui rendraient l’élimination de l’obstacle déraisonnable, peu pratique, ou impossible (« contrainte excessive »).

FAITS, ÉLÉMENTS DE PREUVE ET PRÉSENTATIONS

M. Pietrzyk

[4] M. Pietrzyk fait valoir qu’il a rencontré des difficultés concernant le transport de son appareil CPAP au cours de son voyage avec Alitalia, de Marseille, France, à Toronto (Ontario), Canada, avec une escale à Rome, Italie.

[5] M. Pietrzyk affirme avoir été informé, lors de l’enregistrement à Marseille, que son appareil CPAP ne serait accepté ni comme bagage de cabine ni comme bagage enregistré. M. Pietrzyk soutient qu’il y avait une certaine confusion à savoir ce qu’était cet appareil et, même si l’agent à l’enregistrement lui a demandé si l’appareil contenait une bonbonne à oxygène et qu’il a répondu par la négative, M. Pietrzyk a plus tard été informé qu’il ne serait pas autorisé à monter à bord de son vol. M. Pietrzyk fait valoir qu’on lui a ensuite dit qu’il pouvait tenter sa chance à un autre comptoir. Il affirme s’être senti humilié à la suite de cette interaction avec l’agent à l’enregistrement.

[6] M. Pietrzyk fait valoir que l’agent au deuxième comptoir d’enregistrement l’a informé que le premier agent à l’enregistrement avait noté dans son dossier de réservation que son appareil CPAP contenait une bonbonne à oxygène, même s’il lui avait affirmé qu’il n’en contenait pas. M. Pietrzyk ajoute qu’on lui a ensuite demandé de retourner à la fin de la file d’enregistrement général.

[7] M. Pietrzyk indique qu’ensuite, il a dû composer avec un autre agent et il affirme que ce dernier a passé environ vingt minutes au téléphone pour lui obtenir une carte d’embarquement, et l’a autorisé à voyager avec son appareil CPAP comme bagage de cabine. M. Pietrzyk fait valoir qu’à ce moment‑là, il restait moins de 30 minutes avant le départ du vol et qu’il a dû courir pour se rendre à la porte d’embarquement.

[8] Selon M. Pietrzyk, même s’il a pu voyager avec son appareil CPAP à bord de son vol initial, comme prévu, il était épuisé en raison du stress durant tout le vol de retour, et plusieurs jours par la suite.

Alitalia

[9] Alitalia fait valoir que, pour des raisons de sécurité, elle exige que les passagers donnent un préavis d’au moins 48 heures de leur intention d’apporter dans la cabine un ventilateur, un respirateur, un appareil CPAP ou un concentrateur d’oxygène portatif, car ces appareils doivent être préalablement autorisés. De plus, Alitalia affirme que le bureau d’assistance spéciale d’Alitalia doit traiter un formulaire médical approuvé au moins sept jours avant le vol prévu, ou que les passagers doivent avoir avec eux un certificat de santé, comme l’exige l’Ente Nazionale per l’Aviazione Civile (ENAC), l’administration de l’aviation civile italienne.

[10] Alitalia affirme que les renseignements sur les exigences de transport des appareils fonctionnels à bord figurent sur son site Web et peuvent être obtenus en communiquant avec son centre d’appel. Selon Alitalia, une fois qu’elle est informée du besoin d’un passager de transporter un appareil fonctionnel, elle veille, grâce à son système de réservation et à ses autres systèmes d’administration, à ce que l’information soit communiquée de façon claire et en temps opportun aux personnes chargées de fournir le service ou l’accommodement demandé. Alitalia fait valoir que si un passager ne fournit pas de préavis, elle fera des efforts raisonnables pour fournir le service ou l’accommodement sans retarder le vol.

[11] Alitalia souligne que M. Pietrzyk ne lui a pas donné de préavis qu’il voyagerait avec son appareil CPAP.

[12] Alitalia affirme qu’en l’absence de préavis et des documents médicaux exigés par le règlement de l’Union européenne, son agent à l’enregistrement à Marseille n’a pas pu laisser M. Pietrzyk monter immédiatement à bord de l’aéronef avec son appareil CPAP, et il a dû d’abord obtenir l’autorisation du directeur de service. Alitalia affirme que M. Pietrzyk a voyagé de Paris à Rome, puis vers sa destination finale avec son appareil CPAP après que le directeur de service a procédé aux vérifications nécessaires à savoir si l’appareil CPAP de M. Pietrzyk satisfaisait aux exigences de sécurité et l’a autorisé à monter à bord de l’aéronef.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

Détermination de la déficience

Démarche de l’Office pour conclure à l’existence d’une déficience

[13] Pour déterminer s’il y a obstacle aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l’Office doit d’abord déterminer si la demande a été déposée par une personne ayant une déficience ou en son nom.

Analyse

[14] M. Pietrzyk utilise un appareil CPAP qui l’aide à respirer pendant son sommeil, et il l’apporte avec lui lorsqu’il voyage.

[15] Alitalia ne conteste pas le fait que M. Pietrzyk a une déficience aux termes de la partie V de la LTC.

Constatation

[16] À la lumière de ce qui précède. l’Office conclut que M. Pietrzyk est une personne ayant une déficience aux termes de la partie V de la LTC.

Détermination d’un obstacle

Démarche de l’Office pour conclure à l’existence d’un obstacle

[17] Un obstacle est une règle, une politique, une pratique, un obstacle physique, etc. qui est :

  • soit direct, c’est-à-dire qu’il s’applique à une personne ayant une déficience;
  • soit indirect, c’est-à-dire que, bien qu’il soit le même pour tous, il a pour effet de priver une personne ayant une déficience d’un avantage;
  • et qui prive une personne ayant une déficience de l’égalité d’accès aux services accessibles aux autres voyageurs de sorte que le fournisseur de services doit fournir un accommodement.

[18] Il incombe à la personne ayant une déficience de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle avait besoin d’un accommodement approprié qui répond aux besoins liés à sa déficience et que ces besoins n’ont pas été satisfaits.

[19] Un service ou une mesure dont le but est de répondre aux besoins liés à la déficience d’une personne est défini comme étant un « accommodement approprié ». S’il est déterminé que la personne a bénéficié d’un accommodement approprié, il est alors impossible de prétendre qu’elle a rencontré un obstacle.

Analyse

[20] L’Office maintient depuis longtemps que les personnes ayant une déficience qui demandent un accommodement ont la responsabilité de faire connaître au fournisseur de services leurs besoins liés à leur déficience et de lui donner un préavis raisonnable, soit, selon l’Office, au moins 48 heures avant le voyage. Cette mesure est nécessaire pour veiller à ce que le service lié à la déficience soit fourni comme demandé. Si une demande d’accommodement n’est pas présentée au moins 48 heures avant le voyage, l’Office s’attend à ce que le fournisseur de services fasse des efforts raisonnables pour fournir à la personne le service lié à sa déficience dont elle a besoin. L’Office est également d’avis qu’il incombe aux passagers de s’informer des politiques et des conditions de transport du transporteur, soit en consultant le site Web du transporteur, soit en communiquant avec le transporteur.

[21] Conformément à ce qui précède et, pour des raisons de sécurité, Alitalia exige que les passagers donnent un préavis d’au moins 48 heures de leur intention d’apporter dans la cabine un appareil fonctionnel, comme un appareil CPAP, un ventilateur, un respirateur ou un concentrateur d’oxygène portatif, car ces appareils doivent être préalablement autorisés. Les exigences d’Alitalia relatives au transport des appareils fonctionnels figurent sur son site Web et peuvent être obtenues en communiquant avec son centre d’appel.

[22] Comme M. Pietrzyk n’a pas donné de préavis à Alitalia qu’il voyagerait avec son appareil CPAP, Alitalia n’a pu ni vérifier si l’appareil satisfaisait aux exigences de sécurité avant l’arrivée de M. Pietrzyk à l’aéroport ni inscrire dans son dossier de réservation une autorisation préalable pour le transport de l’appareil. L’Office reconnaît que le directeur de service d’Alitalia était tenu de procéder aux vérifications de sécurité nécessaires avant que M. Pietrzyk soit autorisé à monter à bord de l’aéronef, et est d’avis que le retard d’embarquement de M. Pietrzyk découle directement du fait qu’il ne se soit pas informé de la politique d’Alitalia relative au transport des appareils CPAP et qu’il n’ait pas donné au transporteur un préavis de son intention d’apporter son appareil CPAP à bord du vol.

[23] L’Office note également que même si M. Pietrzyk n’a pas donné de préavis de son intention de voyager avec son appareil CPAP, Alitalia a tout de même fait des efforts raisonnables et pris les mesures nécessaires pour veiller à ce que M. Pietrzyk puisse voyager avec son appareil CPAP à bord de son vol prévu.

Constatation

[24] Comme M. Pietrzyk a pu voyager avec son appareil CPAP, l’Office conclut que M. Pietrzyk a obtenu un accommodement approprié. Par conséquent, l’Office conclut que les difficultés éprouvées par M. Pietrzyk concernant l’acceptation de son appareil CPAP pour le transport n’ont pas constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.

[25] Pour que l’Office puisse aller de l’avant avec la détermination du caractère abusif d’un obstacle, il doit d’abord conclure qu’une personne ayant une déficience a rencontré un obstacle à ses possibilités de déplacement. Comme l’Office a conclu que les difficultés qu’a rencontrées M. Pietrzyk concernant l’acceptation de son appareil CPAP pour le transport n’ont pas constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement, il n’est pas nécessaire que l’Office se penche sur la question du caractère abusif de l’obstacle.

CONCLUSION

[26] Pour les motifs susmentionnés, l’Office rejette la demande.

Membre(s)

Stephen Campbell
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