Décision n° 350-R-2013

le 5 septembre 2013

DEMANDE présentée par Quayside Community Board, relativement au règlement extrajudiciaire obtenu par médiation déposé auprès de l’Office des transports du Canada conformément au paragraphe 36.1(7) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée.

No de référence : 
L312/13-14

DEMANDE

[1] Le 21 juin 2012, Quayside Community Board (QCB) a déposé auprès de l’Office des transports du Canada (Office) un règlement extrajudiciaire (règlement extrajudiciaire) obtenu par médiation entre lui‑même et la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (CP), la BNSF Railway Company (BNSF) (compagnies de chemin de fer fédérales), Southern Railway of British Columbia (SRY) et la Ville de Westminster (Ville). Le 5 septembre 2012, QCB conformément au paragraphe 36.1(7) de la Loi sur les transports au Canada (LTC) a demandé à l’Office de faire exécuter le règlement extrajudiciaire.

[2] QCB fait valoir que les compagnies de chemin de fer fédérales et SRY ont contrevenu à de nombreuses reprises au règlement extrajudiciaire relativement à la disposition de confidentialité, de même qu’à ses articles 1, 2, 4, 6a), 6c), 8, 9 et 10.

CONTEXTE

[3] Le 4 juillet 2008, QCB a déposé une plainte auprès de l’Office en vertu de l’article 95.1 de la LTC contre les compagnies de chemin de fer fédérales et SRY, à propos du bruit et des vibrations provenant de l’exploitation de la gare de triage de New Westminster.

[4] Le 10 décembre 2008, les compagnies de chemin de fer fédérales, QCB, SRY et la Ville ont signé le règlement extrajudiciaire ce qui signifie que les questions étaient réglées, puis le cas de médiation a été fermé. À cette même date, les parties ont signé une déclaration de décision.

[5] Le 13 avril 2010, QCB a déposé une seconde plainte auprès de l’Office, affirmant que la solution retenue dans le cadre de la médiation avait échoué. Les compagnies de chemin de fer fédérales et SRY ont répondu qu’un accord valide relativement à la question visée par la seconde plainte avait été conclu et que par conséquent, l’Office ne pouvait pas se prononcer sur la question.

[6] Dans la LET-R-152-2010">décision no LET-R-152-2010, l’Office a déterminé que le règlement extrajudiciaire n’était pas un arrêté de l’Office et ne constituait pas non plus une ordonnance ou un jugement sur consentement. L’Office a conclu que comme il n’y avait ni arrêté définitif, ni jugement sur consentement ou autre forme de décision de l’Office par suite de l’exercice de la compétence que lui confère l’article 95.3 de la LTC, l’Office pouvait entendre la seconde plainte en raison de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée ou d’un dessaisissement. L’Office a également conclu qu’il pouvait statuer sur la seconde plainte, puisque celle‑ci relevait de l’article 95.1 de la LTC.

[7] À la suite de la LET-R-152-2010">décision no LET-R-152-2010, les compagnies de chemin de fer fédérales ont déposé une demande d’appel auprès de la Cour d’appel fédérale. Le 28 septembre 2011, la Cour d’appel fédérale, dans l’affaire BNSF Railway Company c. Office des transports du Canada, 2011 CAF 269 (décision de la CAF), a annulé la décision de l’Office et renvoyé le cas à l’Office afin qu’il soit déterminé « si le règlement extrajudiciaire était censé régler les questions soulevées dans le cadre de la première plainte. Le cas échéant, compte tenu de la conclusion de l’Office selon laquelle les deux plaintes sont [TRADUCTION] “essentiellement identiques”, QCB ne pourra débattre à nouveau de ces questions auprès de l’Office ».

[8] Dans la décision no 107-R-2012, l’Office a conclu que le règlement extrajudiciaire était censé régler les questions soulevées dans le cadre de la première plainte et que par conséquent, QCB ne pouvait pas débattre à nouveau de ces questions auprès de l’Office.

[9] Le 4 juillet 2012, QCB, en vertu du paragraphe 36.1(7) de la LTC, a déposé auprès de l’Office le règlement extrajudiciaire qui est assimilé à un arrêté de l’Office en vue de son exécution après son dépôt.

[10] Le 5 septembre 2012, QCB a demandé que soit exécuté le règlement extrajudiciaire. Il a également demandé que l’Office prenne une ordonnance provisoire restreignant les transferts de gare de triage à des tiers.

[11] Après la réception de la demande d’exécution de QCB, le personnel de l’Office a amorcé une procédure de recherche des faits conformément à la procédure de l’Office. Durant la procédure de recherche des faits, le personnel a demandé des commentaires de QCB, des compagnies de chemins de fer fédérales, de SRY et de la Ville, afin de rédiger un rapport de recherche des faits (rapport). Après avoir reçu les commentaires, le rapport a été rédigé et remis aux parties aux fins de commentaires finaux. QCB, les compagnies de chemin de fer fédérales et SRY ont déposé des commentaires.

[12] Après le rapport, une formation de membres de l’Office a été nommée. Dans la décision no LET-R-80-2013, l’Office a reconnu que SRY est une compagnie de chemin de fer sous règlementation provinciale qui ne relève pas de la compétence de l’Office et que par conséquent, l’Office traiterait de la question uniquement avec les compagnies de chemin de fer fédérales en tant qu’intimées. L’Office a également conclu qu’il était important de considérer le point de vue de SRY et de la Ville sur cette question dans ses délibérations. L’Office a noté que SRY et la Ville ont participé au processus de médiation, sont signataires du règlement extrajudiciaire et ont un rôle dans la mise en place du règlement extrajudiciaire. Par conséquent, SRY et la Ville ont eu l’occasion de formuler des commentaires sur les questions soulevées auprès de l’Office conformément à l’article 46 des Règles générales de l’Office des transports du Canada DORS/2005-35, modifiées (Règles générales).

[13] Dans la même décision, l’Office était d’avis que le rapport était pertinent et nécessaire pour l’aider au processus décisionnel et a indiqué que par conséquent, il faisait partie des éléments de preuve qu’il considérerait dans le cas présent. L’Office a également fait valoir que les commentaires, présentations et éléments de preuves fournis au personnel de l’Office par QCB, les compagnies de chemin de fer fédérales, SRY et la Ville concernant l’affaire courante, ainsi qu’en préparation et en réponse au rapport, ne faisaient pas partie du dossier dans ce processus décisionnel. Les présentations et l’élément de preuve connexes sur le processus décisionnel et le rapport devaient être déposés auprès de l’Office dans le cadre des actes de procédure du cas présent.

[14] En ce qui a trait à la demande d’ordonnance provisoire de QCB, l’Office, dans la décision no LET‑R‑80‑2013, a référé QCB à la décision no LET-AT-R-356-2001, dans laquelle l’Office a confirmé que l’analyse en trois étapes qui intervient dans les demandes d’injonction interlocutoire et de suspension s’applique également aux demandes d’ordonnance provisoire en vertu du paragraphe 28(2) de la LTC. L’Office a indiqué que si QCB souhaitait poursuivre sa demande d’ordonnance provisoire, il devait déposer une présentation et d’un élément de preuve à l’appui pour satisfaire à l’analyse en trois étapes.

[15] QCB, dans sa réplique du 14 juin 2013, a indiqué qu’il laissait tomber sa demande d’ordonnance provisoire.

[16] Les constatations de l’Office fournies ci-après sont fondées sur le rapport et les présentations déposées dans le cadre des actes de procédure du cas présent.

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES

Plainte de la Ville concernant le sifflement

[17] Dans leurs présentations, les compagnies de chemin de fer fédérales et SRY ont renvoyé à une plainte sur le sifflement déposée par la Ville le 4 juillet 2008 contre les compagnies de chemin de fer fédérales.

[18] La plainte sur le sifflement n’entre pas dans la portée du cas présent et du règlement extrajudiciaire, et l’Office n’en tiendra donc pas compte.

Réparation demandée par QCB

Positions des parties

[19] QCB, dans sa requête, demande les réparations suivantes de l’Office si celui-ci conclut que certaines des conditions du règlement extrajudiciaire ont été enfreintes :

  1. que l’Office prenne et exécute des arrêtés qui éliminent de façon permanente le bruit déraisonnable résultant de l’exploitation ferroviaire durant la nuit à la gare de triage de Quayside entre 19 h et 7 h;
  2. ou que l’Office annule le règlement extrajudiciaire et la déclaration de décision.

[20] QCB fait valoir que l’Office a l’autorité et des pouvoirs judiciaires généraux en vertu des articles 25 et 27.1 de la LTC. D’après QCB, ces pouvoirs pourraient comprendre ceux d’accorder des dommages, de déménager des activités des gares de triage, de changer les heures d’exploitation dans les gares de triage, d’ordonner des mécanismes de règlement des différends et des protocoles de communication entre les parties, d’exiger que les compagnies de chemin de fer produisent des rapports et, au besoin, d’annuler un règlement extrajudiciaire et une déclaration de décision qui a été déposée auprès de l’Office.

[21] QCB fait valoir que la réparation demandée relève de la compétence de l’Office. De toute manière, QCB acceptera la décision de l’Office concernant les réparations pertinentes.

[22] Les compagnies de chemin de fer fédérales et SRY indiquent que l’Office a déjà soutenu, dans la 107-R-2012">décision no 107‑R-2012, que QCB ne pouvait pas débattre à nouveau de questions déjà réglées. Les compagnies de chemin de fer fédérales et SRY ajoutent que QCB ne peut pas utiliser sa demande liée à l’exécution du règlement extrajudiciaire pour demander des ordonnances qui imposeraient des restrictions opérationnelles aux compagnies de chemin de fer. Les compagnies de chemin de fer fédérales et SRY font valoir que certains aspects de la réparation demandée par QCB dans le cas présent ne pourraient être considérés qu’en réponse à une demande déposée en vertu du paragraphe 95.3(1) de la LTC. Les compagnies de chemin de fer fédérales et SRY font aussi valoir que l’Office n’a reçu aucune demande en ce sens et que même si c’était le cas, aucun fondement juridique ni élément de preuve ne permettrait à l’Office d’émettre des ordonnances qui empêcheraient les activités des compagnies de chemin de fer dans ces circonstances.

[23] Les compagnies de chemin de fer fédérales et SRY concluent qu’au moins une partie de la réparation demandée aurait une incidence directe sur d’autres résidants qui vivent le long du corridor ferroviaire traversant New Westminster (qui ne sont pas membres de QCB); elle aurait aussi une incidence sur les clients des compagnies de chemin de fer et de SRY, lesquels dépendent des activités continues et opportunes de la gare de triage de Quayside, des compagnies de chemin de fer elles‑mêmes, en ce qui a trait à leurs obligations relatives au niveau de service en vertu de la LTC, et des autres résidants, des propriétaires fonciers et municipalités de la région de Coquitlam.

Analyse et constatations

[24] L’Office est conscient que QCB lui a demandé, dans des plaintes déposées en 2008 et en 2010, d’émettre une directive qui limiterait les acitivitées ferroviaires à la gare de triage de Quayside entre 7 h et 23 h.

[25] L’Office rappelle à QCB que, lorsque la Cour d’appel fédérale a annulé la LET-R-152-2010">décision no LET‑R‑152-2010 elle a conclu que si le règlement extrajudiciaire était censé régler les questions soulevées dans le cadre de la première plainte, « compte tenu de la conclusion de l’Office selon laquelle les deux plaintes sont [TRADUCTION] essentiellement identiques, QCB ne pourra débattre à nouveau de ces questions auprès de l’Office ».

[26] En outre, dans la décision no 107-R-2012, l’Office a conclu que le règlement extrajudiciaire était censé régler les questions soulevées dans le cadre de la première plainte et que QCB ne pouvait pas débattre à nouveau de ces questions auprès de l’Office.

[27] Par conséquent, compte tenu du fait que l’Office a déterminé dans la décision no 107-R-2012 que le règlement extrajudiciaire était final et avait force exécutoire, l’Office n’a pas l’autorité de considérer la réparation particulière demandée par QCB.

[28] L’Office peut néanmoins faire exécuter le règlement extrajudiciaire.

Compétence

Positions des parties

[29] Les compagnies de chemin de fer fédérales et SRY font valoir que l’Office n’a pas compétence relativement aux agissements ou aux omissions allégués de l’une ou l’autre des compagnies de chemin de fer en ce qui a trait au règlement extrajudiciaire avant la date de son dépôt auprès de l’Office. En ce qui concerne la période suivant le dépôt du règlement extrajudiciaire auprès de l’Office, les compagnies de chemin de fer fédérales et SRY font valoir qu’aucun agissement ni aucune omission de la part des compagnies de chemin de fer (constituant un non‑respect du règlement extrajudiciaire) n’a été allégué par QCB.

[30] De plus, les compagnies de chemin de fer fédérales et SRY affirment que l’Office a toujours déclaré, avec raison, dans le passé, que sa compétence ne porte pas sur l’exécution d’accords privés pour les parties, que les parties soient impliquées ou non dans des instances devant l’Office. Les compagnies de chemin de fer fédérales et SRY ajoutent que l’Office n’a pas compétence pour faire exécuter le règlement extrajudiciaire, particulièrement pour déterminer si et dans quelle mesure les conditions du règlement extrajudiciaire ont été respectées, en tout ou en partie, par les compagnies de chemin de fer.

[31] Les compagnies de chemin de fer fédérales et SRY font valoir qu’une grande partie de la question abordée dans le règlement extrajudiciaire dont QCB a demandé l’exécution, le 5 septembre 2012, a, à toutes fins, déjà été réglée.

[32] QCB soutient que l’Office a compétence en vertu de la LTC pour faire exécuter le règlement extrajudiciaire par l’intermédiaire de son processus décisionnel formel et que dans le cadre de ce processus, l’Office peut enquêter à savoir si les compagnies de chemin de fer ont rempli leurs obligations aux termes du règlement extrajudiciaire de décembre 2008.

[33] La Ville est également d’avis que l’Office a compétence pour faire exécuter le règlement extrajudiciaire par l’intermédiaire de son processus décisionnel formel.

Analyse et constatations

[34] Le paragraphe 36.1(7) de la LTC prévoit ce qui suit :

L’accord éventuellement conclu au terme de la médiation peut être déposé devant l’Office; le cas échéant, il est assimilé à un arrêté de l’Office en vue de son exécution.

[35] Dans la décision no 272-R-2013, l’Office a renvoyé à deux décisions de la Cour d’appel fédérale du Canada, dans l’affaire Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Warman, (2011 CAF 297) [Warman] et l’affaire Institut canadien de la fonction publique c. Bremsak (2012 CAF 147) [Bremsak], et a conclu qu’une entente conclue entre les parties et déposée en vertu d’une disposition de la LTC (dans ce cas, le paragraphe 101(1) de la LTC), reste un accord entre des parties même s’il peut être assimilé à un arrêté de l’Office en vue de son exécution. Ces références, dans la décision no 272-R-2013, sont indiquées ci-après :

La Cour d’appel fédérale (CAF) a examiné la question du statut d’une ordonnance d’un tribunal administratif assimilée à une ordonnance de la Cour fédérale dans l’affaire Canada (Commission canadienne de la personne) c. Warman, (2011 CAF 297) [Warman]. Dans cette affaire, la CAF a conclu que l’ordonnance d’un tribunal administratif, une fois déposée pour homologation à la Cour fédérale suivant les dispositions de la loi, demeure une ordonnance d’un tribunal administratif malgré son dépôt devant la Cour fédérale pour exécution :

Selon moi, la question soulevée dans le présent appel porte sur l’enregistrement des ordonnances aux termes de l’article 57 de la Loi, et en particulier la question de savoir si l’ordonnance exécutée en vertu de cette disposition est l’ordonnance du Tribunal ou celle de la Cour.

La réponse à cette question est relativement simple si l’on considère que l’unique ordonnance exécutée selon ce régime est celle du Tribunal et qu’il n’existe aujourd’hui aucun principe juridique limitant la procédure de l’outrage aux seules ordonnances rendues par les cours supérieures.

[…] dans la présente affaire, il n’y a qu’une seule ordonnance – l’ordonnance du Tribunal – qui est exécutée par la Cour fédérale conformément à l’article 57, comme si elle était une ordonnance de cette Cour. Cette intention est on ne peut mieux exprimée par la version française, selon laquelle : « [L]es ordonnances rendues en vertu des articles 53 et 54 […] peuvent […] être assimilées aux ordonnances rendues par celle-ci [c’est-à-dire la Cour fédérale]. »

Dans l’affaire Institut canadien de la fonction publique c. Bremsak (2012 CAF 147) [Bremsak], la CAF a confirmé l’approche établie dans l’affaire Warman. Se référant aux motifs du juge Noël, qui a rédigé la décision majoritaire dans Warman, la CAF a indiqué dans l’affaire Bremsak que : « [d]e façon plus générale, Warman établit que la procédure d’exécution faisant suite au dépôt de l’ordonnance d’un tribunal administratif devant la Cour fédérale vise l’ordonnance du tribunal administratif ».

Il ressort clairement des affaires Warman et Bremsak que l’opération du mécanisme par lequel une ordonnance d’un tribunal administratif est assimilée à une ordonnance d’une cour aux fins d’exécution n’altère pas la nature de cette ordonnance. L’ordonnance d’un tribunal administratif demeure une ordonnance de ce tribunal, malgré son dépôt devant la Cour fédérale pour exécution.

Les décisions rendues dans les affaires Warman et Bremsak ont trait à des ordonnances de tribunaux administratifs assimilées par l’opération de la loi à des ordonnances de la Cour fédérale. Cependant, l’Office note que les dispositions législatives examinées dans ces deux affaires établissaient un mécanisme d’assimilation décrit par les mêmes termes, ou des termes ayant à toute fin pratique le même effet, que ceux utilisés au paragraphe 101(2) de la LTC. En français, le paragraphe 101(2) de la LTC utilise l’expression « est assimilée à un arrêté de l’Office » (en anglais, « becomes an order »), tandis que l’article 57 de la Loi canadienne sur les droits de la personne et le paragraphe 52(2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique utilisent respectivement les expressions « peuvent être assimilées aux ordonnances rendues par [la CF] » (en anglais, « may be made an order ») et « est assimilée à une ordonnance rendue par [la CF] » (en anglais, « becomes an order »). Pour cette raison, l’Office considère que les principes élaborés dans les affaires Warman et Bremsak sont applicables, par analogie et avec les adaptations nécessaires, à l’interprétation du paragraphe 101(2) de la LTC.

[36] Dans le cas présent, l’Office conclut que les principes élaborés dans les affaires Warman et Bremsak sont applicables, par analogie, et avec les adaptations nécessaires, à l’interprétation du paragraphe 36.1(7) de la LTC. L’Office conclut que, après qu’un accord est déposé auprès de l’Office conformément au paragraphe 36.1(7) de la LTC, il est assimilé à un arrêté de l’Office en vue de son exécution. Ceci étant dit, le règlement extrajudiciaire reste un accord entre les parties, même après son dépôt auprès de l’Office.

[37] Le libellé du paragraphe 36.1(7) de la LTC indique clairement que l’accord conclu au terme de la médiation est assimilé à un arrêté de l’Office en vue de son exécution après son dépôt. Il revient aux parties à l’accord de le déposer auprès de l’Office le plus tôt possible afin de le faire exécuter advenant toute infraction. Dans le cas présent, le règlement extrajudiciaire a été déposé plus de trois ans après avoir été signé.

[38] L’Office a, en vertu du paragraphe 33(4) de la LTC, la discrétion de faire exécuter lui‑même un accord qui a été déposé. Un tel accord devient exécutable en vertu du paragraphe 36.1(7) de la LTC. Le paragraphe 33(4) de la LTC, qui renferme le mot « peut », donne le pouvoir à l’Office de faire exécuter l’accord, sans en imposer l’obligation. La question soulevée dans cette demande concerne l’exécution d’un accord qui a été conclu suivant une médiation menée en vertu du paragraphe 36.1(1) de la LTC. La question de la compétence de l’Office dans le présent cas va au‑delà d’une simple considération d’un accord privé entre les parties et, par conséquent, l’Office estime qu’il est approprié d’exercer sa compétence en vertu du paragraphe 33(4) de la LTC.

[39] L’Office est d’avis que l’une des conséquences logiques d’un accord qui doit être exécuté après son dépôt est le fait qu’il doive effectivement être exécuté à partir de ce moment, et que même si l’Office pourrait prendre en considération un élément de preuve d’une contravention continue, il ne peut pas émettre des ordonnances pour remédier à des contraventions qui ont eu lieu avant le dépôt de l’accord. Dans le cas présent, certains articles du règlement extrajudiciaire sont échus et ne peuvent pas être exécutés en raison du passage du temps.

[40] Compte tenu de la conclusion antérieure de l’Office selon laquelle un accord doit être exécuté après son dépôt, l’Office est d’avis qu’il n’est pas nécessaire de déterminer si les exigences des articles 8, 9 et 10 ont été respectées, car ils ont été remplacés par l’article 11 du règlement extrajudiciaire.

[41] Selon le libellé de l’article 11, l’Office est d’avis que, contrairement aux articles 8, 9 et 10, l’article 11 ne vient pas remplacer les articles 1 à 7. Si l’intention du règlement extrajudiciaire avait été que l’article 11 remplace les articles 1 à 7, cela aurait été indiqué. Par conséquent, l’Office conclut que les articles 1 à 7 du règlement extrajudiciaire sont encore en vigueur.

[42] Ayant conclu qu’il a compétence pour faire exécuter le règlement extrajudiciaire comme s’il s’agissait d’un arrêté de l’Office après son dépôt, l’Office se penchera sur la question de savoir si les compagnies de chemin de fer fédérales ont rempli leurs obligations en vertu des articles 1, 2, 4, 6a) et 6c) du règlement extrajudiciaire. Conformément à sa conclusion précédente, l’Office ne se penchera pas sur les articles 8, 9 et 10. Les articles 3, 5, 6b), 7, 11 et 12 ne seront pas examinés, car QCB n’allègue aucune contravention de ces articles.

Caractère confidentiel du règlement extrajudiciaire

Positions des parties

[43] QCB fait valoir que les compagnies de chemin de fer fédérales ont rendu le règlement extrajudiciaire public lorsqu’elles l’ont déposé auprès de la Cour d’appel fédérale dans le cadre d’une demande d’autorisation d’interjeter appel. QCB ajoute que lorsque les compagnies de chemin de fer ont déposé leur demande d’autorisation d’interjeter appel auprès de la Cour d’appel fédérale, elles ont inclus le règlement extrajudiciaire sans demander au greffier de la Cour ou au juge que des documents soient gardés confidentiels ou scellés. QCB soutient que parce qu’aucune réparation n’est possible, cette contravention est irréparable. Selon QCB, cette contravention, en soi, constituerait un motif suffisant pour que le règlement extrajudiciaire soit annulé.

[44] QCB affirme que ce n’est pas la première fois que les compagnies de chemin de fer allèguent que QCB a contrevenu aux conditions de confidentialité du règlement extrajudiciaire en déposant la plainte auprès de l’Office en 2010. QCB estime que même se elle avait contrevenu à la condition en matière de confidentialité du règlement extrajudiciaire, cela n’aurait pas pour autant autorisé les compagnies de chemin de fer à rendre public le règlement extrajudiciaire en entier.

[45] Les compagnies de chemin de fer fédérales et SRY sont d’avis que dans les circonstances, particulièrement maintenant que l’Office doit statuer sur le cas, aucune des parties ne peut s’appuyer sur les dispositions en matière de confidentialité qui figurent dans le consentement à la médiation signé le 9 décembre 2008 ou dans le règlement extrajudiciaire du 10 décembre 2008, ni demander leur exécution.

[46] Les compagnies de chemin de fer fédérales et SRY font valoir que dans une lettre du 13 avril 2010 à l’Office, QCB a divulgué les conditions du règlement extrajudiciaire que les compagnies de chemin de fer auraient, selon elle, enfreintes. Les compagnies de chemin de fer fédérales et SRY soutiennent avoir donc été obligées de lever ces conditions, d’abord auprès de l’Office et ensuite auprès de la Cour d’appel fédérale. Les compagnies de chemin de fer fédérales et SRY ajoutent que, dans une certaine mesure, le règlement extrajudiciaire a été divulgué à l’Office puis à la Cour d’appel fédérale, car il constituait une partie nécessaire des instances judiciaires.

[47] Les compagnies de chemin de fer fédérales et SRY font valoir que, dans ces circonstances, QCB a décidé unilatéralement d’ignorer l’obligation de confidentialité qui figure dans le règlement extrajudiciaire. Les compagnies de chemin de fer fédérales, pour se défendre contre les allégations devant l’Office et la Cour d’appel fédérale, avaient alors tout le loisir d’invoquer les conditions du règlement extrajudiciaire dans leur défense. Les compagnies de chemin de fer fédérales et SRY ajoutent que QCB elle‑même s’est dégagée de toute obligation de confidentialité que les compagnies de chemin de fer ont déjà pu avoir envers QCB.

[48] Les compagnies de chemin de fer fédérales et SRY déclarent que dans l’intérêt de la bonne administration de la justice, par l’Office et la Cour d’appel fédérale, une partie à un litige (dans le cas présent les compagnies de chemin de fer) doit divulguer dans les éléments de preuve les renseignements qui ont pu être reçus en toute confidentialité, lorsqu’une telle divulgation est nécessaire pour le bon déroulement des instances en cours. Les compagnies de chemin de fer fédérales et SRY ajoutent qu’afin de régler correctement et en profondeur les questions que QCB a présentées à l’Office (et plus tard à la Cour d’appel fédérale), les conditions précises du règlement extrajudiciaire de QCB devaient être divulguées, discutées et analysées.

[49] Les compagnies de chemin de fer fédérales et SRY indiquent que le caractère confidentiel de cette affaire a été abordé expressément dans le rapport. Les compagnies de chemin de fer fédérales et SRY ajoutent que l’Office a particulièrement traité de cet aspect dans la décision no LET-R-80-2013 dans le contexte du règlement extrajudiciaire.

Analyse et constatations

[50] L’Office note que le règlement extrajudiciaire énonce clairement que cette entente est confidentielle, à moins que les parties en décident autrement.

[51] En ce qui a trait à la plainte de 2010 de QCB, l’Office a conclu ce qui suit dans le paragraphe 25 de la décision no 107-R-2012 :

L’Office, en vertu du paragraphe 24(4) des Règles générales, conclut que le document en entier est pertinent dans la mesure où son but est l’intérêt principal de cette instance. Les préoccupations des compagnies de chemin de fer ne portent pas sur le fait que le règlement extrajudiciaire ne soit pas pris en considération par l’Office. Les compagnies de chemin de fer se soucient plutôt du risque que les conditions du règlement extrajudiciaire ne restent pas confidentielles et soient versées aux archives publiques. En outre, l’Office fait remarquer que le paragraphe 36.1(4) de la LTC exige que « tout ce qui se rapporte à la médiation d’un différend est confidentiel ». Par conséquent, les clauses du règlement extrajudiciaire qui se trouvent sous le titre [traduction] « Conditions du règlement et calendrier de mise en œuvre » ne seront pas versées aux archives publiques, mais seront gardées confidentielles. Par contre, pour répondre à une préoccupation apparente de QCB, l’Office confirme qu’il a examiné le règlement extrajudiciaire en entier pour prendre sa décision dans la présente affaire.

[52] L’Office note que, dans le contexte des instances ayant mené à cette décision, il a accordé une demande de confidentialité en vertu de l’article 23 des Règles générales, relativement aux articles du règlement extrajudiciaire sous le titre [traduction] « Conditions du règlement et calendrier de mise en œuvre ». À ce moment‑là, QCB s’est opposée à la demande de confidentialité du règlement extrajudiciaire, faisant valoir que tous les renseignements qu’il renferme ont déjà fait l’objet d’une divulgation publique soit à la Cour d’appel fédérale, lors de la défense de l’Office, ou dans de la correspondance approuvée par les compagnies de chemin de fer pour publication.

[53] L’Office est conscient que le règlement extrajudiciaire et l’information qu’il renferme font partie des archives publiques de la Cour d’appel fédérale. Compte tenu de sa conclusion antérieure selon laquelle le règlement extrajudiciaire est assimilé à un arrêté de l’Office en vue de son exécution après son dépôt, et ayant noté que le règlement extrajudiciaire fait partie des archives publiques de la Cour d’appel fédérale, l’Office est d’avis qu’il n’est pas nécessaire qu’il examine ce paragraphe du règlement extrajudiciaire pour régler le présent différend.

[54] Néanmoins, comme il est indiqué dans la décision no LET-R-80-2013 et conformément à la décision no 107-R-2012, l’Office maintiendra la confidentialité du règlement extrajudiciaire tout au long de cette instance. Par conséquent, les articles du règlement extrajudiciaire sous le titre « Conditions du règlement et calendrier de mise en œuvre » ne seront pas versés dans les archives publiques, mais seront gardés confidentiels. Par conséquent, l’Office émettra une version publique et une version confidentielle des motifs de la présente décision.

QUESTION

[55] Les compagnies de chemin de fer fédérales ont-elles rempli leurs obligations aux termes du règlement extrajudiciaire?

ANALYSES ET CONSTATATIONS

La loi

[56] Le paragraphe 36.1(7) de la LTC dispose que :

L’accord éventuellement conclu au terme de la médiation peut être déposé devant l’Office; le cas échéant, il est assimilé à un arrêté de l’Office en vue de son exécution.

[57] Le paragraphe 33(4) de la LTC dispose que :

L’Office peut toujours faire exécuter lui-même ses décisions ou arrêtés, même s’ils ont été homologués par une cour.

Article 1 du règlement extrajudiciaire

[58] L’Office conclut que les compagnies de chemin de fer fédérales ont rempli leurs obligations en ce qui a trait à l’article 1 du règlement extrajudiciaire.

Articles 2 et 4 du règlement extrajudiciaire

[59] L’Office conclut que les compagnies de chemin de fer fédérales ont rempli leurs obligations en ce qui a trait aux articles 2 et 4 du règlement extrajudiciaire.

Articles 6a) et 6c) du règlement extrajudiciaire

[60] Un élément de preuve de 2009 a été déposé par les parties relativement aux articles 6a) et 6c) du règlement extrajudiciaire. Compte tenu de sa conclusion antérieure selon laquelle le règlement extrajudiciaire est assimilé à un arrêté de l’Office en vue de son exécution après son dépôt, l’Office est d’avis qu’il n’est pas nécessaire de tenir compte de l’élément de preuve rattaché à l’article 6, qui date d’avant le dépôt du règlement extrajudiciaire le 4 juillet 2012.

[61] L’Office conclut que les compagnies de chemin de fer fédérales n’ont pas établi qu’elles avaient rempli leurs obligations conformément aux articles 6a) et 6c) du règlement extrajudiciaire. L’Office est d’avis que les articles 6a) et 6c) constituent une obligation conjointe pour les compagnies de chemin de fer fédérales en vertu du règlement extrajudiciaire.

[62] L’Office note qu’il n’y a pas de clause de résiliation régissant cet article du règlement extrajudiciaire et que par conséquent, à moins qu’elles ne soient modifiées par consentement des parties, les obligations se poursuivent à perpétuité.

ORDONNANCE

[63] En raison du caractère confidentiel du règlement extrajudiciaire, l’Office émettra une lettre décision sous pli confidentiel à QCB, aux compagnies de chemins de fer fédérales, à SRY et à la Ville, dans laquelle il énoncera les motifs détaillés de la présente décision, de même que l’ordonnance connexe de l’Office qui exige des compagnies de chemin de fer fédérales qu’elles prennent des mesures de réparations pour remplir leurs obligations en vertu des articles 6a) et 6c) du règlement extrajudiciaire.

Membre(s)

Geoffrey C. Hare
Raymon J. Kaduck
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