Décision n° 351-R-2002

le 5 juillet 2002

le 5 juillet 2002

DEMANDE présentée par le ministère des Transports de la Province de Québec, en vertu du paragraphe 101(3) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, en vue de reconstruire le passage supérieur permettant à la route 116 de franchir l'emprise et les voies ferrées de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, au point milliaire 61,40 de la subdivision St-Hyacinthe, à Saint-Bruno-de-Montarville, dans la province de Québec, comme il est indiqué sur le plan no PO-02-10745, feuillets 1 à 6, du 5 mars 2002.

Référence no R 8050/639-61.40


DEMANDE

Le 21 janvier 2002, le ministère des Transports de la Province de Québec (ci-après le Ministère) a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé.

Le 12 mars 2002, le Ministère a déposé sa plaidoirie complète ainsi qu'une étude environnementale du projet à l'appui de sa demande.

Le 12 avril 2002, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (ci-après CN) a déposé sa réponse à la demande et, le 26 avril 2002, le Ministère y a répliqué.

Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai jusqu'au 5 juillet 2002.

QUESTIONS ENVIRONNEMENTALES

Un examen préalable du projet a été effectué et un rapport d'examen préalable a été établi conformément au paragraphe 18(1) de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.C. (1992), ch. 37 (ci-après LCÉE).

Dans le cas présent, l'Office estime que la participation du public à l'examen préalable du projet, aux termes du paragraphe 18(3) de la LCÉE, n'est pas requise.

Après avoir pris en compte le rapport d'examen préalable, l'Office détermine que la réalisation du projet n'est pas susceptible d'entraîner des effets environnementaux négatifs importants.

FAITS

Par l'ordonnance no 59754 en date du 8 octobre 1940, la Commission des transports du Canada a autorisé la construction d'un passage supérieur à l'endroit visé aux présentes. L'ordonnance prévoit que les coûts de construction et d'entretien du passage supérieur sont à la charge du Ministère.

En 1998, le Ministère a procédé à la pose d'un grillage métallique au-dessous de la dalle afin d'empêcher la chute de pièces de béton détachées. En 2001, le Ministère a stabilisé un mur en aile en enfonçant des pieux dans le remblai et en les attachant à la structure.

Malgré ces interventions, le Ministère doit procéder à la reconstruction à court terme de la structure étant donné son état actuel.

À la suite de discussions entre le Ministère et CN, cette dernière demande que l'espace libre latéral de l'actuelle structure soit augmenté de façon à obtenir un dégagement latéral de 5,49 mètres (18 pieds), soit un dégagement latéral supérieur de 3,66 mètres (12 pieds) à celui de la structure existante. Cela entraînera des coûts supplémentaires de plus d'un million de dollars et exigera des frais d'entretien également plus importants.

Le Ministère demande donc à l'Office d'autoriser la reconstruction du passage supérieur selon les espaces libres actuels ou de répartir les coûts de reconstruction et d'entretien futur de la nouvelle structure de façon à ce que les coûts supplémentaires engendrés par l'augmentation du dégagement latéral soient supportés par CN.

QUESTION

L'Office doit déterminer si la demande du Ministère est fondée en droit conformément à l'article 101 de la LTC et, s'il y a lieu, déterminer la quote-part de chaque partie à l'égard des coûts de reconstruction et d'entretien futur de la structure.

POSITIONS DES PARTIES

Le Ministère atteste que la structure en question existe depuis 1940 et que ses dimensions actuelles correspondent parfaitement aux besoins actuels de la circulation routière et de ceux de la circulation ferroviaire.

CN fait valoir que la demande du Ministère ne se veut pas une entente au sens de l'article 101 de la LTC puisque, dans sa demande, le Ministère accepte implicitement que les conditions de la construction soient celles que dicte l'ordonnance no 59754. CN ajoute que la demande ne porte pas non plus sur la répartition des coûts. CN soutient que le Ministère déclare dans son mémoire que des coûts supplémentaires seront engendrés qu'importe l'option, ou la norme, retenue. Selon CN, le Ministère accepte implicitement de payer les coûts engendrés si l'on devait retenir la nouvelle norme. CN soutient que la compétence de l'Office se limite donc à déterminer si la présente demande constitue une demande de reconstruction qui, aux fins de l'article 101 de la LTC, est, en l'instance, assimilée à une construction.

Pour sa part, CN soutient qu'il s'agit d'un projet de reconstruction pour les raisons suivantes : la structure a atteint la limite de sa vie utile; selon CN, le Ministère qualifie l'exercice de reconstruction; la description des travaux prévoit l'enlèvement de ce qui est en place et l'érection d'un nouvel ouvrage; l'alignement de la route est modifié et la vitesse permise sur la route augmentera.

Par ailleurs, CN cite la conclusion rendue par l'Office national des transports du Canada (ci-après l'ONT) en date du 11 juillet 1989 dans une affaire de reconstruction de certains étagements en Ontario :

On the other hand, reconstruction has been defined as "building again to a higher standard, qualitative change: modification, improvements and/or alterations that add to the value or improve the original design of the structure." Some examples of reconstruction are the addition of parallel structure, widening of a road, diversion of highway and or/railway, and changing of vertical/horizontal alignment.

CN maintient que l'ONT, dans l'affaire précitée, a également défini l'entretien comme les travaux permanents nécessaires pour maintenir une installation en bon état et dans un état semblable à celui dans lequel elle était au moment de sa construction.

De plus, CN cite la déclaration suivante faite par l'ONT en date du 10 mai 1991 relativement à l'ajout de passerelles à une structure ferroviaire :

The Agency is of the opinion that a basic grade separation is that portion of the work which is required to provide adequate facilities for present day needs at the time of construction or reconstruction of the grade separation.

CN maintient que la reconstruction doit être effectuée en fonction des normes actuelles et, pour appuyer sa position voulant que le dégagement soit porté à 18 pieds, elle renvoie au document préparé par l'Engineering Branch, Railway Transport Committee, Canadian Transport Commission intitulé Cost Apportionment of Grade Separations en date du 31 mai 1985. À l'époque où la Commission canadienne des transports était aussi responsable de la sécurité ferroviaire, ce document énonçait la norme suivante :

LATERAL CLEARANCE

  1. Minimum recommended lateral clearances shall be :

    a) 18 feet from centerline of track to nearest pier or abutment.

CN déclare que cette norme a été reprise dans un document de l'ONT intitulé Lignes directrices pour la répartition des frais des sauts-de-mouton (ci-après les Lignes directrices) qui prévoit un dégagement latéral minimal de 5,5 mètres.

Selon CN, l'Office doit refuser de statuer sur cette norme puisqu'il s'agit là d'un aspect relevant de la sécurité ferroviaire sur lequel il n'a aucune compétence. CN maintient que l'Office excéderait ses pouvoirs s'il statuait sur une question relevant de la sécurité ferroviaire et approuvait la demande du Ministère.

CN soutient que l'Office doit donc rejeter la demande du Ministère ou conclure que la reconstruction de la structure en place doit être effectuée en conformité avec les normes actuelles et aux frais du Ministère.

Le Ministère indique que CN ne lui a jamais fait savoir qu'elle considérait dangereux le dégagement latéral actuel de la structure et qu'il posait un problème en matière de sécurité ou d'exploitation ferroviaire nécessitant des transformations majeures. Le Ministère ajoute que CN ne tirera aucun avantage de l'élargissement de la structure puisque plusieurs autres structures situées dans le corridor en question sont d'une largeur similaire ou inférieure à celle de la structure visée aux présentes.

Le Ministère fait valoir que s'il n'y avait pas de circulation ferroviaire, seul un entretien normal de la structure dans sa forme actuelle suffirait pour les besoins de la circulation routière, et ce, pour plusieurs années.

Contrairement aux prétentions de CN, le Ministère ne tire aucun avantage de la reconstruction de l'actuelle structure puisque la géométrie de cette dernière doit être maintenue étant donné que les travaux proposés doivent être exécutés à l'intérieur des emprises existantes et sur un tronçon de route très urbanisé. En conséquence, le Ministère fait valoir que la structure sera conservée dans sa forme actuelle pour plusieurs années, car elle répond aux normes du Ministère et est sécuritaire pour les usagers de la route.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.

Compétence de l'Office

L'Office doit préalablement statuer sur la question de compétence de l'Office soulevée par CN, et ce plus particulièrement sur le plan de l'ingénierie et de la sécurité ferroviaire.

L'Office reconnaît qu'au chapitre de la sécurité, la norme relative au dégagement latéral minimal requis pour assurer la sécurité des activités ferroviaires relève de Transports Canada. L'article 101 de la LTC confère à l'Office le pouvoir d'autoriser la construction d'un franchissement routier si les parties ne peuvent s'entendre sur un aspect, quel qu'il soit, relatif à la construction, à l'entretien ou à la répartition des coûts afférents.

Demande de reconstruction

L'Office note que le Ministère a déclaré être obligé de procéder à la reconstruction de la structure existante à la suite des travaux d'entretien exécutés au cours des dernières années, et que les travaux qu'il propose d'effectuer peuvent être assimilés à des travaux d'entretien que prévoit l'ordonnance no 59754.

L'ordonnance no 59754 accordait au Ministère l'autorisation de construire et d'entretenir la structure à ses frais. L'ordonnance ne fait aucune mention de la reconstruction éventuelle de la structure. Les circonstances entourant tout projet de reconstruction peuvent être très différentes des circonstances qui ont mené à la construction initiale de la structure.

L'Office estime que les travaux d'entretien qu'a effectués le Ministère au cours des dernières années témoignent de l'état actuel de la structure. À cet égard, il est noté que le Ministère a procédé à la pose d'un grillage métallique au-dessous de la dalle afin d'empêcher la chute de pièces de béton détachées. De plus, des travaux de stabilisation d'un mur en aile ont aussi été effectués pour préserver la structure. L'Office note que cette structure date de plus de 60 ans et que son état actuel en justifie la reconstruction complète.

Par ailleurs, le plan indique que le Ministère profitera de l'occasion pour apporter des modifications à l'alignement de la route et aux pentes d'approches pour ainsi permettre une augmentation de la vitesse de la circulation routière à cet endroit.

En ce qui concerne la norme relative au dégagement latéral, l'Office note que CN cite les documents intitulés Cost Apportionment of Grade Separations en date du 31 mai 1985 et les Lignes directrices pour la répartition des frais des sauts-de-mouton à l'appui de sa position. Ces documents n'établissent pas une norme de dégagement minimal pour assurer la sécurité des activités ferroviaires. Les normes énoncées dans ces documents à l'égard de la hauteur libre et du dégagement latéral des sauts-de-mouton doivent être appliquées uniquement au chapitre de la répartition des coûts de construction de tels ouvrages et non en fonction de la sécurité des activités ferroviaires.

À cet égard, l'Office reprend la définition ci-après que l'on retrouve dans les Lignes directrices au sujet d'un saut-de-mouton élémentaire :

partie de l'ouvrage qui est nécessaire pour fournir les installations répondant aux besoins présents au moment de la construction ou de la reconstruction du saut-de-mouton.

Par ailleurs, l'article 6 des Lignes directrices énonce, en partie, ce qui suit :

Les dégagements et la protection des piles dépassant les éléments suivants sont normalement considérés comme installations excédentaires :

a) Passages supérieurs

...
(ii) un dégagement latéral de 5,5 mètres entre l'axe de la voie ferrée la plus proche et la pile ou la culée la plus proche du saut-de-mouton élémentaire.

Par conséquent, l'Office constate que la norme du dégagement latéral de 5,5 mètres énoncée dans les Lignes directrices sert à déterminer la distance de l'espace libre latéral d'une structure. Tout dégagement latéral supérieur à cette norme constitue donc une installation jugée excédentaire et les coûts y afférents doivent être supportés par la partie qui en fait la demande.

L'Office remarque que CN se fonde sur la distance que l'on retrouve à l'article précité pour soutenir qu'un dégagement latéral minimal de 5,5 mètres est nécessaire aux fins de la reconstruction de la nouvelle structure, et ce comme s'il s'agissait d'une norme minimale requise pour assurer la sécurité des activités ferroviaires.

Toutefois, CN ne fournit aucune preuve permettant d'établir que le dégagement latéral actuel de la structure existante est insuffisant pour les besoins des activités ferroviaires ou qu'il représente un danger en ce qui a trait à la sécurité des activités ferroviaires. L'Office estime donc que, dans le cas présent, tout dégagement supérieur à celui de la structure actuelle constituerait une installation excédentaire et qu'il reviendrait à CN d'en supporter les coûts afférents.

CONCLUSION

L'Office, par les présentes, autorise le Ministère à reconstruire et à entretenir le passage supérieur situé au point milliaire 61,40 de la subdivision St-Hyacinthe de CN. En l'espèce, le dégagement latéral que requiert CN constitue une installation jugée excédentaire aux besoins présents. Les parties au dossier ont 15 jours suivant la date de la présente décision pour aviser l'Office s'ils désirent modifier le plan soumis à l'Office pour y refléter un dégagement latéral de 18 pieds, comme le demande CN. Advenant l'accord des parties relativement à l'ajout de ce dégagement latéral, les coûts supplémentaires y afférents devront être supportés par CN.

Par contre, si l'on procède à la reconstruction de la structure selon le plan déposé auprès de l'Office, tous les coûts associés à la reconstruction et à l'entretien futur du passage supérieur devront être payés par le Ministère.

La présente autorisation ne soustrait ni le Ministère ni CN aux obligations qui leur incombent en vertu de la Loi sur la sécurité ferroviaire, L.R.C. (1985), ch. 32 (4e suppl.).

Date de modification :