Décision n° 37-C-A-2002

le 23 janvier 2002

le 23 janvier 2002

RELATIVE à une plainte déposée par Todd Bass contre Air Canada concernant la pénalité imposée pour des changements de réservations applicables aux vols intérieurs.

Référence no M4370/A74/01-1056


PLAINTE

Le 20 juin 2001, Todd Bass a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la plainte énoncée dans l'intitulé.

Le 25 juillet 2001, le personnel de l'Office a demandé à Air Canada de donner suite à la plainte à la lumière du paragraphe 67.2(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10 (ci-après la LTC).

Le 13 août 2001, Air Canada a déposé sa réponse et le 31 août 2001, M. Bass y a répliqué.

Aux termes du paragraphe 29(1) de la LTC, l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai pour une période indéterminée.

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES

Même si M. Bass a fait parvenir sa réplique après le délai prescrit, l'Office, en vertu de l'article 6 des Règles générales de l'Office national des transports, DORS/88-23, l'accepte, la jugeant pertinente et nécessaire à son examen de la présente affaire.

Dans sa réponse à la plainte, Air Canada a demandé des détails au sujet de la plainte de M. Bass. Après un examen attentif de la demande d'Air Canada, l'Office estime que les faits en cause sont énoncés clairement dans la plainte. Par conséquent, l'Office rejette, par les présentes, la demande de renseignements d'Air Canada au sujet de la plainte de M. Bass.

QUESTIONS

L'Office doit déterminer :

  1. si Air Canada a appliqué, aux fins de ses services intérieurs, des conditions de transport déraisonnables ou injustement discriminatoires au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC; et, si tel est le cas,
  2. si l'Office doit suspendre ou annuler cette condition ou lui en substituer une nouvelle.

POSITIONS DES PARTIES

Dans une lettre du 6 avril 2001 adressée à Air Canada, M. Bass a précisé qu'il a acheté un billet d'avion en prévision d'un voyage à destination de Fort St. John (Colombie-Britannique) et qu'il a été avisé qu'une pénalité de 145 $ CAN lui serait imposée pour des changements de réservations. M. Bass a demandé à Air Canada de justifier cette pénalité, qu'il jugeait excessive. Dans sa réplique à M. Bass en date du 19 avril 2001, le transporteur a expliqué que les tarifs réduits comportent des conditions de transport plus restrictives et que l'une d'elles prévoit que la réémission des billets d'avion non remboursables est autorisée sous réserve de frais. Air Canada a ajouté que le fait de passer outre aux conditions de transport inhérentes aux tarifs réduits serait considéré comme discriminatoire par les clients qui ont payé le plein tarif afin de se prévaloir du privilège d'annuler ou de modifier leurs réservations en tout temps. Elle a suggéré à M. Bass de communiquer avec son service de réservation pour obtenir des précisions à cet égard.

Dans une lettre du 27 avril 2001 adressée à Air Canada, M. Bass a expliqué qu'il a communiqué avec le service de réservation du transporteur et a été informé par un agent de réservation que la pénalité prévue était la même pour tous les types de tarif. M. Bass n'a pas obtenu de justification relativement à l'augmentation de la pénalité à 145 $ CAN. Le 15 mai 2001, Air Canada a répondu que des frais de 145 $ CAN s'appliquent à tout type de billet d'avion non remboursable et ce, quelle que soit la valeur du billet. Bien que le transporteur regrette que M. Bass juge le montant de la pénalité trop élevé, c'est ce qu'il en coûte pour exploiter ses services.

Dans la plainte adressée à l'Office, M. Bass réitère que la pénalité de 145 $ CAN qu'impose Air Canada pour changer une réservation est trop élevée, alors qu'elle était de seulement 50 $ CAN l'année dernière. Il ajoute qu'il souhaite une réduction raisonnable de ce montant, c'est-à-dire sous les 100 $ CAN, ou à tout le moins une explication de l'augmentation.

Dans sa réponse à la plainte, Air Canada explique que la pénalité se veut une protection ou une restriction efficace, une condition standard dans la vente de billets d'avion et un élément clé de la pratique en vigueur au sein de l'industrie du transport aérien en ce qui concerne l'établissement de prix différentiels. Cette pratique est utile pour répartir les clients selon différents segments de marché, y compris les clients disposés à payer des tarifs supérieurs pour jouir d'une plus grande flexibilité et ceux qui sont prêts à sacrifier cette flexibilité pour payer des tarifs réduits. Selon Air Canada, l'absence d'une pénalité aurait pour effet de compromettre son système de prix différentiels, elle serait dans l'impossibilité de recouvrir ses coûts fixes, et si les clients payant des tarifs réduits jouissaient de la même flexibilité que ceux assumant des tarifs supérieurs, personne ne verserait de montant supplémentaire pour un tarif sans restriction. Comme la pénalité est un moyen efficace pour maintenir l'intégrité de son système de prix différentiels, Air Canada fait valoir que l'augmentation de cette pénalité représente une solution de rechange qui est préférable à l'annulation de son tarif restreint le plus bas, ou encore à l'interdiction d'effectuer des changements à ce tarif.

En outre, Air Canada soutient que la pénalité est un élément clé dans ses systèmes de gestion du rendement et des revenus, du fait que ces systèmes non seulement lui permettent d'établir des prévisions précises sur la demande et d'augmenter le degré de précision de la gestion de sa flotte d'aéronefs, comme la planification des horaires et de la capacité, mais contribuent également au contrôle des ventes et des réservations, ce qui permet de réduire le nombre de défections et de refus d'embarquement.

Enfin, le transporteur soutient que la pénalité ne représente pas une condition déraisonnable du fait que le montant de 145 $ CAN a été établi en fonction des forces du marché, les transporteurs américains ayant procédé à une hausse similaire de leur pénalité. Air Canada ajoute que si M. Bass ne voulait pas accepter les conditions inhérentes aux tarifs restreints, il aurait dû payer un tarif plus élevé, sans restriction et avec plus de flexibilité.

Dans sa réplique, M. Bass maintient sa position selon laquelle la pénalité de 145 $ CAN est trop élevée. Il ajoute qu'Air Canada fait preuve de discrimination en appliquant les conditions de marché concurrentielles d'un autre pays au marché canadien et fait valoir que la hausse de la pénalité par les transporteurs aériens américains ne permet pas de justifier une augmentation similaire au Canada ou ne signifie pas qu'elle est raisonnable.

M. Bass avance également que le montant de la pénalité est déraisonnable du fait que les passagers qui ont acheté un billet d'avion avec pénalité sont déjà pénalisés s'ils modifient leurs réservations du fait que le nouvel itinéraire entraîne souvent une hausse du prix. Selon lui, si Air Canada veut recouvrer ses coûts, elle ne devrait pas le faire aux dépens des clients qui doivent changer leurs préparatifs de voyage. M. Bass soutient qu'Air Canada pourrait établir des prévisions sur la demande, faciliter le contrôle des réservations et réduire le nombre de défections et de réservations inutilisées en exigeant des passagers qu'ils reconfirment leurs réservations. D'après lui, il est injuste pour Air Canada d'augmenter ses revenus en pénalisant les clients consciencieux qui ont apporté des changements à leurs réservations des semaines à l'avance, plutôt que les clients qui ne se présentent pas.

D'autre part, M. Bass suggère qu'une pénalité proportionnelle conviendrait peut-être mieux que la pratique actuelle d'une seule pénalité de 145 $ CAN pour tous les tarifs avec restrictions.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.

La compétence de l'Office à l'égard des plaintes portant sur les tarifs intérieurs est définie aux articles 67, 67.1 et 67.2 de la LTC. Aux termes du paragraphe 67.2(1) de la LTC, l'Office peut, sur dépôt d'une plainte, prendre certaines mesures correctives lorsqu'il conclut que le titulaire d'une licence intérieure a appliqué, à l'égard de son service intérieur, des conditions de transport déraisonnables ou injustement discriminatoires. Plus précisément, le paragraphe 67.2(1) stipule ce qui suit :

S'il conclut, sur dépôt d'une plainte, que le titulaire d'une licence intérieure a appliqué pour un de ses services intérieurs des conditions de transport déraisonnables ou injustement discriminatoires, l'Office peut suspendre ou annuler ces conditions ou leur en substituer de nouvelles.

La pénalité imposée par Air Canada pour des changements de réservations applicables au transport entre des points situés au Canada est-elle « déraisonnable » au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC?

Selon les principes d'interprétation législative, les mots utilisés dans le libellé d'une loi doivent être lus dans leur contexte entier et selon leur sens usuel et leur acceptation courante en tenant compte du régime législatif, de l'objet de la loi et de l'intention du Parlement. Comme l'a mentionné le juge Rouleau de la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada dans l'affaire ECG Canada Inc. c. M.N.R., [1987] 2 F.C. 415 :

Il ne fait aucun doute que l'approche littérale constitue une méthode reconnue dans le domaine de l'interprétation des lois. Néanmoins, la Cour peut toujours examiner l'objet d'une loi non pas pour modifier ce qui a été dit par le législateur, mais afin de comprendre et de déterminer ce qu'il a dit. L'objet de la loi et les circonstances qui entourent son adoption constituent des considérations pertinentes dont il faut tenir compte non seulement lorsqu'il y a un doute, mais dans tous les cas.

Le terme « déraisonnable » n'est pas défini dans la LTC ni dans le Règlement sur les transports aériens DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA). Le Canadian Oxford Dictionary définit le terme « déraisonnable » comme suit : « going beyond the limits of what is reasonable or equitable; not guided by or listening to reason ». (« au delà des limites de ce qui est raisonnable ou équitable; n'est pas guidé par la raison ou n'entend pas raison ») [traduction]. Le Black's Law Dictionary définit le terme « déraisonnable » comme suit : « irrational; foolish; unwise; absurd; silly; preposterous; senseless; stupid » (« irrationnel, fou, imprudent, absurde, sot, contraire au bon sens, insensé, stupide ») [traduction].

Même si la portée du mot « déraisonnable », par rapport aux conditions de transport, n'a pas été considérée du point de vue juridique au Canada, les tribunaux se sont maintes fois penchés sur sa signification dans des contextes comme la révision judiciaire (C.U.P.E. c. New Brunswick Liquor Corporation, [1979] 2 R.C.S. 227) ou la révision d'une décision discrétionnaire basée sur un facteur non pertinent, un but illégitime ou la mauvaise foi (Associated Provincial Picture Houses c. Wednesbury Corporation, [1948] 1 K.B. 233; Ville de Montréal c. Beauvais, (1909) 42 S.C.R. 211; décision no 445-R-2000 de l'Office des transports du Canada en date du 30 juin 2000). Alors qu'il est difficile d'extrapoler des principes distincts sur la signification du mot « déraisonnable » à partir de ces cas, les tribunaux ont toujours maintenu ce qui suit :

  1. La signification du mot ne peut pas être déterminée à partir d'un dictionnaire;
  2. Une signification fondée sur le contexte doit être donnée au mot;
  3. En général, le mot signifie « sans fondement rationnel ».

Le paragraphe 67.2(1) de la LTC fait partie de la section intitulée « Service intérieur », de la partie II de la LTC (Transport aérien). Cette section renferme 10 dispositions législatives qui prévoient des solutions précises pour les voyageurs tout en imposant des obligations aux titulaires de licence intérieure dans le but de redresser les situations où il est déterminé qu'un prix, un taux, des frais ou d'autres conditions de transport établis de façon unilatérale par un transporteur aérien sont déraisonnables, injustement discriminatoires ou non appliqués par le transporteur. De l'avis de l'Office, le libellé du paragraphe 67.2(1) de la LTC tient compte du fait que le Parlement reconnaît la nécessité d'une réglementation pour atteindre l'objectif établi par la politique nationale des transports énoncée à l'article 5 de la LTC qui prévoit en partie ce qui suit :

[...] les liaisons assurées en provenance ou à destination d'un point du Canada par chaque transporteur ou mode de transport s'effectuent, dans la mesure du possible, à des prix et selon des modalités qui ne constituent pas :

(i) un désavantage injuste pour les autres liaisons de ce genre, mis à part le désavantage inhérent aux lieux desservis, à l'importance du trafic, à l'ampleur des activités connexes ou à la nature du trafic ou du service en cause,

Cette position correspond à l'article 12 de la Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, qui prévoit que :

Tout texte est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet.

Pour déterminer si une condition de transport appliquée par un transporteur est « déraisonnable » au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC, l'Office doit donc s'assurer de ne pas interpréter la disposition de façon à compromettre la capacité des voyageurs d'utiliser avec efficience le recours instauré par le Parlement afin de les protéger contre l'établissement unilatéral de conditions de transport par les transporteurs aériens.

Inversement, l'Office doit également tenir compte de ce qui suit :

  1. les obligations opérationnelles et commerciales du transporteur aérien visé par la plainte;
  2. les autres dispositions de la partie II de la LTC visant la protection des consommateurs, qui obligent les transporteurs aériens à publier, afficher ou rendre disponibles des tarifs qui renferment les renseignements requis par le RTA et à n'appliquer que les conditions de transport énoncées dans ces tarifs;
  3. le fait que les transporteurs aériens sont tenus d'établir et d'appliquer des conditions de transport qui s'adressent à tous les passagers et non pas à un seul en particulier.

Par conséquent, l'Office est d'avis que pour déterminer si une condition de transport appliquée par un transporteur aérien du réseau intérieur est « déraisonnable » au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC, un équilibre doit être établi entre, d'une part, les droits des passagers d'être assujettis à des conditions de transport qui soient raisonnables et, d'autre part, les obligations statutaires, commerciales et opérationnelles du transporteur aérien concerné.

L'enquête de l'Office sur la plainte de M. Bass a révélé que la pénalité imposée par Air Canada pour des changements de réservations vise uniquement les tarifs à rabais, est conforme à l'objectif qui consiste à dissuader les voyageurs de changer la date de leur voyage et n'est pas excessive en ce qu'il est toujours possible d'apporter des changements. En outre, l'Office estime que l'imposition de frais pour apporter des changements de réservations est une pratique courante des transporteurs aériens en ce qui concerne les tarifs réduits. Cette pratique aide les transporteurs aériens à établir des prix différentiels pour différents segments de marché et à administrer des systèmes de gestion du rendement et des revenus pour établir des prévisions assez fiables sur les coefficients de remplissage des vols et ainsi maximaliser le rendement. De même, l'Office reconnaît que les tarifs très réduits de transporteurs aériens comportent souvent plus de restrictions que celui d'Air Canada offert à M. Bass, y compris une condition interdisant d'apporter des changements aux billets d'avion.

La pénalité imposée par Air Canada pour des changements de réservations applicables au transport entre des points situés au Canada est-elle « injustement discriminatoire » au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC?

Comme pour le mot « déraisonnable », l'expression « injustement discriminatoire » n'est pas définie dans la LTC ou dans le RTA.

En ce qui concerne la signification du mot « discriminatoire », la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Andrews c. Law Society (British Columbia), [1989] 1 C.S.C. 143, a statué que : « (...) la discrimination peut se décrire comme une distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d'un individu ou d'un groupe d'individus, qui a pour effet d'imposer à cet individu ou à ce groupe des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d'autres ou d'empêcher ou de restreindre l'accès aux possibilités, aux bénéfices et aux avantages offerts à d'autres membres de la société. »

En outre, dans l'affaire O'Connell c. Canadian Broadcasting Corp. (1988), 88 C.L.L.C. 17, 017, le Tribunal canadien des droits de la personne a statué « qu'une ligne de conduite ou une règle peut être jugée discriminatoire, qu'elle comporte (...) une « discrimination directe » (une pratique ou une règle qui, à première vue, établit une distinction pour un motif prohibé), ou « une discrimination par suite d'un effet préjudiciable » (une règle ou une norme qui est neutre à première vue et qui s'applique également à tous les employés, mais qui a un effet discriminatoire pour un motif prohibé sur un seul employé ou un groupe d'employés). ».

Les interprétations judiciaires ci-dessus du mot « discrimination » sont bien reconnues au Canada et ont été utilisées par divers tribunaux et diverses cours (Brooks c. Canada Safeway Ltd., [1989] 4 W.W.R. 193; Canada (Solliciteur général) v. George, [1991] 1 F.C. 344; Headley c. Canada (Commission de la fonction publique), [1987] 2 C.F. 235.). Toutefois, l'Office observe que, contrairement aux contextes des droits de la personne et des relations de travail dans lesquels ces décisions ont été rendues et où le principe dominant est celui de l'intolérance à l'égard de la discrimination, la LTC prévoit que des conditions de transport « discriminatoires » peuvent être tolérées dans la mesure où elles ne sont pas « injustement discriminatoires » [soulignement ajouté à dessein].

Par conséquent, le processus utilisé pour déterminer si une condition de transport appliquée par un transporteur sur une route intérieure est « injustement discriminatoire » comprend deux étapes. En premier lieu, il incombe à l'Office de déterminer si cette condition de transport est « discriminatoire ». S'il n'y a pas discrimination, l'Office peut mettre fin à son enquête. Toutefois, si l'Office conclut que la condition appliquée par le transporteur aérien de réseau intérieur est « discriminatoire », il doit alors déterminer si elle l'est « injustement ».

La signification du mot « indu » a fait l'objet d'une analyse détaillée par la Cour fédérale d'appel dans l'affaire Via Rail Canada Inc. c. Office national des transports et Jean Lemonde, [2001] 2 F.C. 25. Ainsi, la Cour a statué comme suit :

Bien qu'« indu » soit un mot d'usage courant dénué d'un sens technique précis, la Cour suprême du Canada a défini de diverses façons ce terme comme signifiant « illégitime, immodéré, excessif ou oppressif » ou comme exprimant « la gravité ou l'importance ». À cette liste de synonymes, le Concise Oxford Dictionary of Current English ajoute « disproportionate » (disproportionné).

Ce qui ressort clairement de l'ensemble de ces termes, c'est que le caractère indu est une notion bien relative. Je souscris à l'avis exprimé par le juge Cartwright (plus tard juge en chef) dans l'extrait suivant :

[TRADUCTION] « Indu » et « indûment » ne sont pas des termes absolus dont le sens coule de source. Leur utilisation présuppose l'existence d'une règle ou norme définissant ce qui est « dû ». Il ne me semble pas que l'on facilite leur interprétation en leur substituant les adjectifs « illégitime », « immodéré », « excessif », « oppressif » ou « mauvais », ou les adverbes correspondants, en l'absence d'une détermination de ce qui, sous ce rapport est légitime, modéré, tolérable ou bon.

Ainsi donc la bonne façon d'établir si quelque chose est « indu » est d'examiner le contexte. Le caractère indu doit se définir en fonction de l'objet de la disposition législative pertinente. Il peut s'avérer utile d'évaluer les conséquences ou répercussions qu'entraîne l'omission de supprimer la chose indue.

La Cour suprême a également reconnu que ce terme implique la pondération des intérêts des diverses parties. Dans une affaire où il fallait décider si un employeur avait tenu compte du droit d'un employé de pratiquer sa religion sans qu'il en résulte de contrainte excessive, Mme le juge Wilson, se prononçant pour la majorité, a jugé utile de dresser une liste de certains facteurs applicables à une telle appréciation, puis a conclu : « Cette énumération ne se veut pas exhaustive et les résultats qu'on obtiendra en mesurant ces facteurs par rapport au droit de l'employé de ne pas faire l'objet de discrimination varieront nécessairement selon le cas ».

Par conséquent, l'Office est d'avis que, lorsqu'il s'agit de déterminer si une condition de transport appliquée par le transporteur intérieur est « injustement discriminatoire » au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC, il faut adopter une méthode contextuelle qui permet d'établir un équilibre entre, d'une part, le droit des voyageurs de ne pas être assujettis à des conditions de transport discriminatoires et, d'autre part, les obligations statutaires, opérationnelles et commerciales des transporteurs aériens exerçant leurs activités au Canada. Cette position est également conforme à la politique nationale des transports énoncée à l'article 5 de la LTC.

Ainsi, l'Office doit se demander en premier lieu, pour déterminer si une condition de transport appliquée par un transporteur aérien est « injustement discriminatoire » au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC, si la condition de transport est discriminatoire.

L'Office juge que rien au dossier ne laisse croire que la pénalité imposée par Air Canada pour des changements de réservations est discriminatoire ou qu'elle a été appliquée de façon discriminatoire.

Étant donné que la pénalité imposée par Air Canada n'est pas « discriminatoire » au sens du paragraphe 67.2(1) de la LTC, l'Office n'a pas besoin de déterminer si la pénalité est « injustement » discriminatoire.

Par conséquent, l'Office conclut que la pénalité imposée par Air Canada pour des changements de réservations n'est ni déraisonnable, ni injustement discriminatoire.

CONCLUSION

À la lumière des constatations qui précèdent, l'Office rejette, par les présentes, la plainte.

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