Décision n° 37-C-A-2018

le 30 mai 2018

DEMANDE présentée par Sylvain Unvoy et al., en son nom et au nom de cinq autres personnes, contre Air Canada exerçant également son activité sous le nom d’Air Canada rouge et d’Air Canada Cargo.

Numéro de cas : 
17-06503

RÉSUMÉ

[1] Les demandeurs ont déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) contre Air Canada concernant le vol no AC1750 de Montréal (Québec), Canada à Cayo Coco, Cuba, le 9 août 2017, qui a été retardé d’environ six heures.

[2] Les demandeurs réclament une indemnisation de 800 $ par personne, soit l’équivalent de l’indemnisation allouée pour un refus d’embarquement.

[3] L’Office se penchera sur la question suivante :

Air Canada a-t-elle correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif intitulé International Passenger Rules and Fares Tariff, NTA(A) No. 458 (tarif), comme l’exige le paragraphe 110(4) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88‑58, modifié (RTA)? Si Air Canada n’a pas correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif, quel recours, le cas échéant, est à la disposition des demandeurs?

[4] Pour les motifs énoncés ci-après, l’Office conclut qu’Air Canada a correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif. L’Office rejette donc la demande.

CONTEXTE

[5] Les demandeurs ont réservé auprès d’Air Canada un vol aller-retour de Montréal à Cayo Coco dont le départ était prévu le 9 août et le retour le 16 août 2017. Le vol no AC 1750 d’Air Canada devait partir à 8 h 05 et son arrivée était prévue à 12 h.

[6] Le 9 août 2017, vers 5 h 45, lorsque les demandeurs se sont présentés à l’aéroport, ils ont été informés qu’il y avait un retard en raison d’un bris mécanique. Un changement d’aéronef s’est avéré nécessaire.

[7] L’aéronef utilisé pour le vol no AC 1750 a quitté la barrière à 14 h 02 et a décollé à 14 h 20 avec les demandeurs à bord.

LA LOI

[8] Le paragraphe 110(4) du RTA exige que le transporteur aérien, dans le cadre de l’exploitation d’un service international, applique correctement les conditions énoncées dans son tarif.

[9] Si l’Office conclut qu’un transporteur aérien n’a pas correctement appliqué son tarif, l’article 113.1 du RTA confère à l’Office le pouvoir d’ordonner au transporteur :

  1. de prendre les mesures correctives qu’il estime indiquées;
  2. de verser les indemnités à quiconque pour toutes dépenses qu’il a supportées en raison de la non-application de ces prix, taux, frais ou conditions de transport.

[10] La règle 5(2) du tarif prévoit en partie ce qui suit:

Le transport international est assujetti aux règles de responsabilité et à toutes les autres dispositions de la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, signée à Varsovie le 12 octobre 1929, ou de la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international (convention de Montréal de 1999), ou de ces mêmes conventions telles qu’elles ont été modifiées, selon celle des deux qui s’applique au transport en cause. Les dispositions des règles qui vont à l’encontre des dispositions de ladite convention seront, dans cette mesure, mais uniquement dans cette mesure, inapplicables au transport international.

[11] La règle 80(A)(3) du tarif prévoit en partie ce qui suit:

PERTURBATIONS D’HORAIRE

(A) GÉNÉRALITÉ

(3) Meilleur effort

Le transporteur s’engage à faire de son mieux pour transporter le passager et ses bagages avec une diligence raisonnable, mais aucun délai particulier n’est fixé pour le début ou la fin du transport. Sous réserve de ce qui précède, le transporteur peut, sans préavis, changer de transporteur ou d’appareil et, en cas de nécessité, il peut modifier l’itinéraire, ajouter des points d’arrêt ou omettre les escales figurant sur le billet.

[12] L’article 19 de la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international – Convention de Montréal (Convention de Montréal) prévoit que :

Le transporteur est responsable du dommage résultant d’un retard dans le transport aérien de passagers, de bagages ou de marchandises. Cependant, le transporteur n’est pas responsable du dommage causé par un retard s’il prouve que lui, ses préposés et mandataires ont pris toutes les mesures qui pouvait raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage, ou qu’il leur était impossible de les prendre.

POSITIONS DES PARTIES ET CONSTATATIONS DE FAITS

Position des demandeurs

[13] Les demandeurs font valoir qu’il s’agit d’un retard et non d’un changement d’horaire. Selon eux, ils ont été avisés du retard seulement une fois rendus à l’aéroport malgré le fait que M. Unvoy avait laissé son numéro de téléphone cellulaire afin d’être informé s’il y avait un changement d’horaire. Selon les demandeurs, un autre aéronef d’Air Canada, en provenance d’Islande, a effectué le vol.

[14] Les demandeurs font valoir qu’il n’est pas suffisant, pour Air Canada, d’alléguer qu’elle a pris toutes les mesures nécessaires pour éviter le dommage. Ils affirment qu’Air Canada doit prouver qu’elle pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer. Selon eux, Air Canada est tenue à cette obligation. D’ailleurs, ils indiquent qu’un bris mécanique n’est pas un cas de force majeure permettant à un transporteur aérien de se dégager de son obligation. À l’appui de leur argument, les demandeurs réfèrent au cas Verrault c. 124851 Canada inc. (C.Q., 2003-02-28).

[15] Les demandeurs ajoutent que le tarif d’Air Canada est assujetti à la Convention de Montréal et que celle-ci a préséance sur le tarif. Selon les demandeurs, le tarif d’Air Canada est déraisonnable compte tenu de l’article 19 de la Convention de Montréal.

[16] Les demandeurs font valoir qu’Air Canada n’a pas réussi à renverser la présomption de responsabilité établie dans l’article 19 de la Convention de Montréal. Ils font également valoir qu’Air Canada a tort d’admettre qu’il y a eu un bris mécanique et qu’elle a dû changer d’aéronef en raison de ce bris. Selon eux, Air Canada n’a pas démontré qu’elle a tenté d’éviter le dommage ou qu’il lui était impossible de prendre les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour ce faire.

[17] Les demandeurs exigent une indemnisation de 800 $ par personne, c’est-à-dire l’équivalent de 200 pour cent du montant de base accordé pour un refus d’embarquement de plus de six heures.

[18] De plus, les demandeurs affirment ne pas avoir de reçus de dépenses puisqu’ils réclament seulement une réparation pour le retard de vol de plus de six heures.

[19] Les demandeurs sont en désaccord avec l’affirmation d’Air Canada selon laquelle l’Office n’a pas compétence pour accorder des montants aux passagers qui ont subi un retard. Les demandeurs affirment que l’article 22 de la Convention de Montréal y renvoie spécifiquement.

Position d’Air Canada

[20] Air Canada affirme avoir respecté ses obligations tarifaires. Elle fait valoir que son tarif international s’applique puisque l’itinéraire des demandeurs était entre le Canada et Cuba.

[21] Air Canada indique que le vol a été retardé, car l’équipage a découvert une fuite hydraulique. Air Canada a fourni le rapport d’opération Netline pour ce vol.

[22] Air Canada fait valoir que les demandeurs admettent avoir voyagé à bord du vol en question et qu’il ne peut s’agir d’un refus d’embarquement. Selon Air Canada, il est impossible d’alléguer un refus d’embarquement sur un vol qu’on admet avoir effectué. Ainsi, les demandeurs ne peuvent prétendre avoir subi un préjudice en raison d’un refus d’embarquement , ni avoir le droit à une indemnisation.

[23] De plus, Air Canada fait valoir qu’elle a distribué des coupons-repas pendant l’attente du départ. Air Canada indique que les demandeurs ne réclament pas d’indemnisation pour des dépenses intérimaires engagées en raison du retard du vol.

[24] Air Canada ajoute que la Convention de Montréal prévoit des indemnités pour les préjudices corporels ou relatifs à des pertes pécuniaires découlant d’un retard de vol ou de bagages, tout en excluant les dommages non pécuniaires, plus précisément pour troubles et inconvénients. Air Canada réfère précisément à l’article 29 de la Convention de Montréal.

[25] De plus, selon Air Canada, l’Office n’a pas la compétence d’accorder les dommages réclamés et même s’il en avait la compétence, la nature des dommages réclamés fait en sorte que ceux-ci ne sont pas permissibles en vertu de son tarif et de la Convention de Montréal.

[26] Air Canada demande à l’Office de rejeter la demande parce qu’elle est non fondée en droit.

Constatations de faits

[27] Selon le dossier devant lui, l’Office constate les faits ci-après.

[28] Les preuves déposées démontrent que le délai a été causé par un bris mécanique de l’aéronef d’Air Canada. Ce délai a occasionné un retard d’environ six heures du départ du vol des demandeurs.

[29] La preuve établit que les demandeurs ont par la suite voyagé à bord de l’aéronef de rechange d’Air Canada.

[30] Les demandeurs ont reçu d’Air Canada des coupons repas pendant l’attente du départ.

ANALYSE ET DÉTERMINATIONS

[31] Conformément à un principe bien établi sur lequel s’appuie l’Office lorsqu’il examine de telles demandes, il incombe au demandeur de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le transporteur n’a pas correctement appliqué les conditions de transport énoncées dans son tarif ou qu’il ne les a pas appliqués de façon uniforme.

[32] La règle tarifaire applicable aux perturbations d’horaire telle qu’elle est énoncée dans le tarif prévoit qu’Air Canada est tenue de faire de son mieux pour transporter les passagers et leurs bagages avec la diligence raisonnable, mais qu’aucun délai n’est fixé pour le début ou la fin du transport. De plus, le transporteur peut changer d’aéronef.

[33] La Convention de Montréal prévoit des recours distincts selon qu’il s’agit d’un retard ou d’un refus d’embarquement. La preuve établit que les demandeurs ont voyagé à bord du vol d’Air Canada, donc l’indemnisation pour refus d’embarquement ne s’applique pas. En ce qui a trait au délai subi par les demandeurs, la Convention de Montréal prévoit que le transporteur est responsable pour les dommages occasionnés par ce délai, à moins qu’il prouve qu’il a pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement s’imposer pour éviter le dommage. En l’espèce, Air Canada ne conteste pas le délai ni sa responsabilité concernant les dommages pécuniaires que le délai pourrait avoir occasionnés aux demandeurs.

[34] Selon le tarif d’Air Canada qui incorpore par renvoi la Convention de Montréal, conformément à l’article 29 de la Convention de Montréal, Air Canada est seulement tenue de rembourser les dépenses engagées par les demandeurs.

[35] L’article 29 de la Convention prévoit ce qui suit :

Dans le transport de passagers, de bagages et de marchandises, toute action en dommages-intérêts, à quelque titre que ce soit, en vertu de la présente convention, en raison d’un contrat ou d’un acte illicite ou pour toute autre cause, ne peut être exercée que dans les conditions et dans les limites de responsabilité prévues par la présente convention, sans préjudice de la détermination des personnes qui ont le droit d’agir et de leurs droits respectifs. Dans toute action de ce genre, on ne pourra pas obtenir de dommages-intérêts punitifs ou exemplaires ni de dommages à un titre autre que la réparation. 

[36] L’Office considère que les demandeurs ont droit à des dommages à titre de réparation en raison du délai subi. Cependant l’Office note que les demandeurs n’ont pas réclamé d’indemnisation pour des dépenses engagées en raison du retard. Dans les circonstances, l’Office conclut que les demandeurs n’ont pas droit à une réparation.

[37] L’Office note de plus que les demandeurs ne contredisent pas Air Canada lorsqu’elle affirme leur avoir donné des coupons-repas.

[38] Par conséquent et à la lumière des constatations qui précèdent, l’Office conclut qu’Air Canada a correctement appliqué les conditions énoncées dans son tarif.

CONCLUSION

[39] L’Office rejette la demande.

Membre(s)

William G. McMurray
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