Décision n° 386-AT-A-2009
le 10 septembre 2009
PLAINTE déposée par Roderick Scott contre Air Canada.
Référence no U3570/08-43
Introduction
[1] Le 26 septembre 2008, Roderick Scott a déposé une plainte auprès de l'Office des transports du Canada (Office) en vertu du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée, concernant les difficultés qu'il a éprouvées le 30 septembre 2007, sur le vol AC1250 d'Air Canada entre Montréal (Québec), Canada et Cancun, Mexique, en raison :
- des sièges attribués à M. Scott et à son fils et de l'attitude du chef de cabine face au besoin de M. Scott de se faire aider par son fils;
- du refus d'Air Canada de placer le fauteuil roulant de M. Scott dans l'espace de rangement à bord pendant le vol AC1250 entre Montréal et Cancun;
- des dommages causés au fauteuil roulant de M. Scott;
- des dommages causés aux bagages de M. Scott.
[2] Pour les motifs énoncés ci-après, l'Office conclut que les points qui suivent n'ont pas constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de M. Scott :
- Les sièges attribués à M. Scott et à son fils, de même que l'attitude du chef de cabine face au besoin de M. Scott de se faire aider par son fils pendant le vol AC1250.
- Le refus d'Air Canada de placer le fauteuil roulant de M. Scott dans l'espace de rangement à bord pendant le vol AC1250.
[3] Par contre, l'Office conclut que le point suivant a constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de M. Scott :
- Les dommages causés au fauteuil roulant de M. Scott.
Observations préliminaires
[4] En ce qui concerne les préoccupations de M. Scott ayant trait aux dommages causés à son fauteuil roulant et à ses bagages, Air Canada fait valoir que le droit de M. Scott à une indemnisation est éteint et que l'Office devrait écarter ces questions de sa demande. La décision porte sur l'argument d'Air Canada en tant qu'observation préliminaire et détermine les questions dont l'Office tiendra compte.
[5] En ce qui concerne les dommages causés au fauteuil roulant et aux bagages de M. Scott, Air Canada soutient que la Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, incorporée dans les lois du Canada en vertu de la Loi sur le transport aérien, L.R.C. (1985), c. C-26, prévoit le seul motif d'action et le seul correctif quant aux circonstances plaidées. L'article 31 de la Convention prévoit, en partie, que les demandes d'indemnisation doivent être présentées, par écrit, au transporteur dans les sept jours suivant la réception des biens endommagés. Il est important de noter que les dommages causés à un fauteuil roulant constituent une question liée à la déficience. Par ailleurs, la preuve versée au dossier quant à l'allégation de dommages causés aux bagages n'indique pas qu'il s'agit d'une question liée à la déficience.
[6] En ce qui a trait à la demande d'indemnisation concernant les dommages causés au fauteuil roulant de M. Scott, Air Canada fait remarquer que celui-ci avait jusqu'au 8 octobre 2007 pour donner un avis écrit dans les sept jours prescrits. Même si Air Canada reconnaît qu'un rapport de bagage endommagé et d'objet perdu a été rempli à l'arrivée de M. Scott à Cancun, le transporteur affirme qu'il s'agissait d'un avis verbal et qu'il a reçu un avis écrit seulement le 3 juillet 2008, soit dix mois après l'allégation des dommages causés au fauteuil. Selon Air Canada, le retard de M. Scott à envoyer sa demande justifie le rejet de cette partie de la demande.
[7] Dans son examen de la demande d'indemnisation pour les dommages causés aux bagages de M. Scott, l'Office est d'accord avec Air Canada qu'il a omis de donner un avis écrit dans les sept jours prescrits. Même si M. Scott soutient avoir montré tous les dommages, y compris ceux de ses bagages, au personnel d'Air Canada à l'aéroport de Cancun, rien n'indique qu'Air Canada a reçu un avis écrit dans les sept jours suivants celui où M. Scott a reçu ses bagages. Par conséquent, l'Office rejette cette partie de la demande de M. Scott.
[8] Après examen des arguments d'Air Canada quant aux dommages causés au fauteuil de M. Scott, l'Office est d'avis que le rapport de bagage endommagé et d'objet perdu constitue un avis écrit suffisant au transporteur. En effet, si Air Canada considérait que son rapport de bagage endommagé et d'objet perdu n'était pas suffisant pour présenter une demande d'indemnisation par écrit, il aurait dû en informer M. Scott. L'Office accepte donc cette partie de la plainte.
Faits et mémoires
[9] M. Scott, un quadriplégique qui utilise un fauteuil roulant et un cathéter, a voyagé le 30 septembre 2007 avec son fils, Richard Scott, avec Air Canada entre Edmonton (Alberta), Canada et Cancun, avec correspondance à Montréal, à bord des vols AC1138 et AC1250 respectivement.
[10] M. Scott s'est procuré deux sièges voisins pour lui et son fils. D'Edmonton à Montréal, M. Scott a pu ranger son fauteuil roulant pliant dans le compartiment prévu à cet égard à bord.
[11] Bien que les sièges 19D et E en classe économie aient d'abord été attribués à M. Scott et à son fils entre Montréal et Cancun, Air Canada fait observer qu'elle a permis à M. Scott de prendre place dans la classe affaires en signe de bonne volonté, mais pas à son fils.
[12] M. Scott et son fils ont été les derniers à monter à bord du vol entre Montréal et Cancun et le directeur de service pour le vol a informé M. Scott que son fauteuil roulant ne serait pas placé dans l'espace de rangement de la cabine, mais dans la soute à bagages. M. Scott a alors été conduit au siège 1A de la classe affaires et son fils à son siège dans la classe économique.
[13] M. Scott affirme qu'une agente de bord lui a confirmé que s'il avait besoin de son fils pendant le vol, celui-ci pourrait venir l'aider. Pendant le vol, M. Scott a eu besoin d'aide. Il affirme que l'agente de bord a voulu aller chercher son fils, mais que le chef de cabine l'en a empêchée. M. Scott soutient que le chef de cabine est finalement arrivé avec son fils, après plusieurs demandes et après qu'il ait mouillé son pantalon. Son fils s'est occupé de la situation à l'aide d'un cathéter, puis est resté avec lui, dans la classe affaires, pour le reste du vol. Selon M. Scott, le chef de cabine s'est montré antipathique, brusque et d'aucune aide. Air Canada conteste la plupart des faits décrits par M. Scott.
[14] M. Scott soutient qu'à son arrivée à Cancun, il a découvert que son fauteuil roulant était endommagé. Un rapport de bagage endommagé et d'objet perdu indiquant que le fauteuil présentait des déchirures et des égratignures a été rempli. M. Scott affirme que ses bagages étaient aussi endommagés.
[15] M. Scott ajoute que lui et son fils ont quitté l'aéroport en taxi et que ce soir-là, à l'hôtel, un pneu du fauteuil a éclaté. Le lendemain, M. Scott a fait remplacer les deux pneus.
[16] Même si le voyage devait durer six semaines, après six jours, le fils de M. Scott est retourné à Edmonton avec un autre transporteur aérien. Quant à M. Scott, il a fait seul le voyage de retour le 2 novembre 2007. Afin d'éviter les problèmes éprouvés pendant le vol à destination de Cancun, il a porté un cathéter interne.
Analyse et constatations
[17] Une demande en vertu de l'article 172 de la LTC doit être déposée par une personne ayant une déficience ou en son nom. Dans ce cas-ci, M. Scott est quadriplégique et se déplace en fauteuil roulant. Il est donc une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions d'accessibilité de la LTC.
[18] Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord déterminer si les possibilités de déplacement de la personne ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors déterminer si l'obstacle était abusif.
Démarche de l'Office pour déterminer les obstacles
[19] Le mandat que confère la partie V de la LTC à l'Office consiste à veiller à l'élimination des obstacles abusifs que les personnes ayant une déficience rencontrent lorsqu'elles se déplacent dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « obstacle » n'est pas défini dans la LTC, mais il se prête à une interprétation libérale, car il s'entend généralement de ce qui s'oppose au passage ou à l'obtention d'un résultat.
[20] Lorsqu'il se penche sur la question de savoir si une situation a constitué ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience, l'Office examine généralement l'incident relaté dans la demande afin de déterminer si la personne qui l'a présentée a établi à première vue :
- qu'un obstacle aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience a été le résultat d'une distinction, d'une exclusion ou d'une préférence;
- que l'obstacle était lié à la déficience de cette personne;
- que l'obstacle est discriminatoire du fait qu'il a imposé un fardeau à la personne ou l'a privée d'un avantage.
[21] Si la demande ne satisfait pas à l'un de ces trois critères, l'Office estimera que le demandeur n'a pas prouvé, à première vue, qu'il y avait un obstacle.
Démarche de l'Office pour déterminer si l'obstacle et l'accommodement sont abusifs
[22] Dès que le demandeur établit qu'il y a obstacle aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans le réseau de transport fédéral, le fardeau de la preuve est déplacé vers le fournisseur du service de transport visé qui doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l'obstacle n'est pas abusif. À cette fin, il doit répondre aux trois critères suivants :
- la source de l'obstacle est rationnellement liée à un objectif légitime, par exemple aux objectifs établis dans la politique nationale des transports énoncée à l'article 5 de la LTC;
- la source de l'obstacle a été adoptée de bonne foi en croyant sincèrement qu'elle est nécessaire pour réaliser cet objectif légitime;
- la source de l'obstacle est raisonnablement nécessaire pour réaliser cet objectif, de sorte qu'il lui est impossible de répondre aux besoins de la personne ayant une déficience sans se voir imposer une contrainte excessive.
Le cas présent
Les sièges attribués à M. Scott et à son fils de même que l'attitude du chef de cabine quant au besoin de M. Scott de se faire aider par son fils au cours du vol AC1250 ont-ils constitué des obstacles aux possibilités de déplacement du demandeur?
[23] Pour répondre au premier des trois critères, M. Scott doit démontrer que, n'ayant pas obtenu les services que requièrent sa situation de personne ayant une déficience, il n'a pas eu un accès égal au réseau de transport. On doit donc se demander si l'attribution d'un siège à côté de M. Scott à son fils lors du vol AC1250 était nécessaire pour répondre aux besoins liés à sa déficience. Si tel est le cas, l'attribution des sièges aux deux passagers ainsi que l'attitude du chef de cabine quant au besoin d'aide de M. Scott ont-ils constitué des obstacles?
[24] Conformément à son mandat en vertu des dispositions de la LTC en matière de transport accessible, l'Office, comme le faisait son prédécesseur, l'Office national des transports, ont reconnu les principes d'accessibilité établis depuis longtemps, dont certains sont énoncés dans le passage suivant de la décision no 6-AT-A-2008, et en ont tenu compte.
[25] Les fournisseurs de services de transport sont tenus de fournir les mêmes services aux personnes ayant une déficience que ceux qu'ils offrent aux autres passagers, bien que la notion d'accès équivalent puisse signifier que le personnel du fournisseur de services offre un niveau d'assistance différent et parfois supérieur aux personnes ayant une déficience que celui qu'il offre aux autres passagers. Cette assistance permet souvent à de nombreuses personnes ayant une déficience de voyager de manière autonome et à d'autres de voyager de la manière la plus autonome possible.
[26] Néanmoins, il y a des personnes qui, en raison de leur déficience, ne sont pas en mesure de voir elles-mêmes à leurs besoins et nécessitent l'aide d'un préposé aux soins pour les assister à cet égard dans leur vie quotidienne. Lorsque ces personnes ayant une déficience voyagent et qu'elles ne peuvent se nourrir, prendre leurs médicaments ou utiliser les toilettes sans aide en cours de vol, elles peuvent être tenues de voyager avec un accompagnateur, car le personnel du fournisseur de services n'est pas en mesure de voir aux soins personnels des passagers en cours de vol. De plus, les fournisseurs de services de transport peuvent exiger que certaines personnes ayant une déficience voyagent avec un accompagnateur lorsque, pour des raisons de sécurité, elles peuvent avoir besoin d'aide en cas d'évacuation d'urgence ou de décompression. Cet accompagnateur est considéré théoriquement comme étant une « extension » de la personne ayant une déficience, car il voyage avec celle-ci afin de répondre à ses besoins de soins personnels et de déplacement.
[27] Pour le transporteur, refuser la présence d'un accompagnateur quand cela est nécessaire revient essentiellement à priver celui qui en a besoin de l'accès au réseau de transport auquel tous les autres voyageurs ont droit. Dans ce genre de situation, le demandeur doit prouver qu'il a besoin d'un accompagnateur pour obtenir des services que n'offre pas le transporteur (comme les services personnels).
[28] Air Canada conteste la déclaration de M. Scott voulant qu'il ait besoin d'un accompagnateur en voyage. Elle note que le dossier du passager n'indique pas que celui-ci en a besoin d'un. Pour ce qui est du dossier de M. Scott, Air Canada renvoie au code « WCBD », selon lequel les fauteuils roulants qui utilisent des piles sèches sont des bagages consignés, ajoutant que c'est la seule mention au dossier des services spéciaux demandés par M. Scott. Toutefois, celui-ci affirme ne jamais avoir mentionné que son fauteuil roulant utilise des piles sèches. De son côté, Air Canada estime que si M. Scott n'était pas autonome, le code « WCBD » aurait dû être accompagné d'un autre code pour indiquer son degré de mobilité, comme par exemple le code « WCHC » (paraplégique ou quadriplégique, autonome ou pas), le code « WCHR » (a besoin d'un fauteuil roulant pour se déplacer sur de longues distances) ou le code « WCHS » (ne peut monter ou descendre les escaliers).
[29] Selon Air Canada, si M. Scott ou son agent de voyage avait déclaré qu'il était non autonome et devait être accompagné, elle aurait exigé qu'il demande à un médecin de remplir et de signer le formulaire portant sur l'état de santé des personnes désirant voyager par avion (formulaire FFT). Air Canada soutient que ses dossiers ne font pas état de la réception ni du traitement d'un formulaire FFT. En effet, d'après Air Canada, le dossier passager ne parle nulle part de la présentation par M. Scott ou l'agent de voyage d'une demande de services supplémentaires pour le vol AC1250.
[30] Dans sa réponse, M. Scott soutient que l'agent de réservation du transporteur lui a posé plusieurs questions et qu'il y a répondu franchement. Par conséquent, si de mauvais codes figurent au dossier ou si on ne lui a pas demandé de remplir de formulaires, il s'agit d'un manquement de la part du personnel d'Air Canada.
[31] Selon M. Scott, son fils lui servait d'accompagnateur médical et ils ont demandé des sièges voisins afin qu'il puisse répondre à ses besoins médicaux. Il soutient que lorsqu'il a réglé les modalités du voyage, il a informé le comptoir des réservations et des services spéciaux d'Air Canada que son fils serait son accompagnateur médical. De plus, il affirme avoir demandé la même attribution de sièges aux aéroports d'Edmonton et de Montréal. Même s'il est vague quant aux services qu'il attend d'un accompagnateur, il indique néanmoins qu'il avait besoin de son fils pendant le vol AC1250 pour aller aux toilettes.
[32] Renvoyant au dossier passager concernant une autre réservation faite par M. Scott en 2006, Air Canada fait observer qu'il n'avait pas non plus indiqué avoir besoin d'un accompagnateur. M. Scott affirme que pour ce voyage, pour lequel il a payé le plein tarif, il avait informé de ses besoins médicaux et demandé de s'asseoir à côté des trois autres membres de son groupe. De plus, au moment de sa réservation, il était parfaitement autonome, ce qui n'est plus le cas depuis la blessure qu'il a subie en janvier 2006 à cause du manque d'expérience du personnel d'un transporteur aérien.
[33] M. Scott a affirmé qu'il présenterait une lettre de son médecin de famille qui le soigne depuis 32 ans. L'Office en a bien reçu une du Dr Paul Kivi de la Patricia Heights Clinic, indiquant que M. Scott est son patient depuis mars 2008, mais cette lettre n'était pas signée. Selon ce médecin, M. Scott a besoin d'un accompagnateur lorsqu'il voyage, pour l'aider, en raison de son immobilité, lors des transferts de siège et pour aller aux toilettes. Il confirme en outre que M. Scott utilise généralement un cathéter urétral.
[34] Air Canada fait remarquer que le Dr Kivi n'était pas le médecin de M. Scott au moment du voyage du 30 septembre 2007. Elle ajoute également que, selon ses tarifs, les personnes qui ne sont pas autonomes doivent présenter un formulaire FFT rempli par leur médecin, mais que cela n'a pas été fait pour ce voyage et que cela ne l'a pas encore été puisque la lettre du médecin ne suffit pas.
[35] M. Scott dit avoir fourni tous les renseignements demandés par les employés de réservation, d'enregistrement, de bord et de service à la clientèle. Il soutient que s'il y a une erreur dans les dossiers d'Air Canada, ce n'est pas parce qu'il a caché des faits, mais bien parce que'on ne les lui a pas demandés. Si on l'avait fait, dit-il, il aurait donné les renseignements demandés, médicaux ou autres.
[36] La preuve que M. Scott a soumise quant aux services liés à une déficience dont il avait besoin pour le vol AC1250 suppose qu'il a besoin d'aide pour prendre place dans son siège et le quitter et pour aller aux toilettes. Cette aide, toutefois, n'est pas généralement considérée comme un service personnel et ne justifie pas le besoin d'un accompagnateur puisque le personnel du transporteur aérien est tenu de la fournir, peu importe que le transporteur exploite un service international ou intérieur.
[37] Même si les transporteurs offrent habituellement ce genre d'aide, l'Office reconnaît que parfois, elle ne répond pas nécessairement aux besoins liés à la déficience d'un individu. Selon la situation, la personne peut avoir besoin d'un accompagnateur pour lui offrir des services qui, autrement, lui seraient offerts par le transporteur.
[38] Pour cela, la demanderesse doit prouver que les services qu'offre le transporteur aux personnes ayant une déficience ne répondent pas à ses besoins de la même façon que le ferait un accompagnateur. À moins de prouver le caractère particulier de la situation, la demanderesse est réputée ne pas avoir démontré qu'il a besoin d'un accompagnateur ou que les services du transporteur ne répondent pas aux besoins liés à sa déficience.
[39] Même si son fils a aidé M. Scott à utiliser un cathéter pendant le vol AC1250, l'Office note, tout comme Air Canada, que le demandeur n'a pas eu besoin d'un accompagnateur et n'en a pas demandé un pour revenir de Cancun le 2 novembre 2007, puisque son fils est revenu avant lui. Selon Air Canada, ce retour plus tôt au Canada n'est pas compatible avec la nécessité d'un accompagnateur. Enfin, M. Scott se dit offusqué par la déclaration d'Air Canada puisqu'il a pu compter sur deux accompagnateurs compétents pendant son séjour au Belize.
[40] L'Office note que pour éviter les problèmes survenus lors du vol à destination de Cancun, M. Scott a utilisé un cathéter interne pour son vol de retour et on a communiqué avec sa fille, qui vit à Toronto, au cas où il aurait des problèmes. Il a pu ainsi revenir seul de Cancun. L'Office note également que ni M. Scott ni son médecin n'ont déposé de preuves que l'utilisation d'autres types de cathéters aurait eu des effets nuisibles sur M. Scott lors de son voyage. Enfin, sans égard à la position de M. Scott qui affirme ne pas avoir été informé qu'on lui avait attribué un siège en classe affaires avant de monter à bord du vol entre Montréal et Cancun, le fait est qu'il n'a pas refusé de prendre place en classe affaires, même s'il savait qu'il ne serait pas avec son fils.
[41] De nombreux facteurs infirment l'allégation de M. Scott voulant qu'il avait besoin d'un accompagnateur. L'Office conclut donc que M. Scott n'a pas démontré que l'absence de services liés à sa déficience l'a privé d'un accès égal au réseau de transport. Pour être précis, il n'a pas démontré que la présence de son fils, sur le vol AC1250, était nécessaire pour répondre aux besoins liés à sa déficience. Par conséquent, l'Office ne considérera pas l'attribution des sièges à M. Scott et à son fils ni l'attitude du chef de cabine face au besoin de se faire aider par son fils. La plainte de M. Scott sur ce point est donc rejetée.
Le refus d'Air Canada de placer le fauteuil roulant de M. Scott dans l'espace de rangement de la cabine lors du vol AC1250 entre Montréal et Cancun a-t-il constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement?
[42] M. Scott soutient que puisque son fauteuil roulant avait été endommagé au cours d'un voyage aérien où il se trouvait dans la soute à bagages, son fauteuil roulant aurait dû être rangé dans l'espace de rangement de la cabine pendant le vol AC1250. Il prétend avoir pris des dispositions en ce sens lorsqu'il a réservé son vol, de même qu'à l'enregistrement aux aéroports d'Edmonton et de Montréal. Pour sa part, Air Canada affirme n'avoir aucune indication à ce sujet, que ce soit au moment où M. Scott a réservé ou avant son enregistrement à Edmonton. Selon Air Canada, le fait de ranger une fauteuil roulant dans la cabine aide le voyageur à quitter l'aéronef; il ne s'agit pas d'une nécessité.
[43] Air Canada déclare qu'elle accepte de placer les petites aides à la mobilité dans l'espace de rangement de la cabine lorsqu'elle le peut. Lorsque l'utilisation d'une aide (comme les cannes, béquilles et marchettes) est nécessaire pendant le vol, Air Canada la range en priorité dans la cabine. Elle ajoute qu'elle accepte de prendre comme bagages à mains dans la cabine les petits fauteuils roulants pliants manuels quand il y a de l'espace. Sinon, les aides sont transportées dans la soute et elles en sont retirées en priorité.
[44] Lors du vol de M. Scott entre Edmonton et Montréal, Air Canada déclare avoir rangé son fauteuil roulant dans la cabine, car il y avait peu de petits articles à transporter sur ce vol. En revanche, selon Air Canada, l'espace était très limité à bord du vol AC1250 à destination de Cancun, car l'équipage avait pris deux fois plus de nourriture à Montréal, pour aller à Cancun et en revenir. Air Canada affirme que lorsque M. Scott et son fils sont montés à bord, les placards et les compartiments de rangement supérieurs étaient pleins.
[45] Pour faire la preuve à première vue qu'il y a eu obstacle, M. Scott doit démontrer qu'on ne lui a pas fourni un service répondant à sa déficience.
[46] L'Office est conscient que les personnes ayant une déficience qui se servent d'aides à la mobilité en ont besoin pour utiliser le réseau de transport fédéral et exige que ces aides soient placées à bord du même vol, de sorte que les personnes puissent les utiliser à leur arrivée à destination.
[47] L'Office reconnaît depuis longtemps l'importance d'offrir des services aux personnes ayant une déficience qui voyagent par avion. Ainsi, les transporteurs aériens qui offrent des vols intérieurs doivent, depuis 1994, leur offrir des services uniformes. La partie VII du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58, modifié (RTA) prévoit les modalités de transport des personnes ayant une déficience et exige que les transporteurs aériens, sous réserve d'un avis d'au moins 48 heures avant le voyage, leur offrent des services, dont le transport des aides à la mobilité. Le RTA exige également que les transporteurs déploient des efforts raisonnables pour offrir ces services lorsque la demande est faite moins de 48 heures avant le voyage.
[48] Même si l'Office reconnaît que ce règlement ne s'applique qu'aux vols intérieurs, le principe qui le sous-tend s'applique aussi aux vols internationaux.
[49] Conformément au paragraphe 148(5) du RTA, l'Office s'attend, quand l'espace le permet, à ce que le transporteur aérien range dans la cabine de l'aéronef les aides à la mobilité, y compris les fauteuils roulants pliants manuels. Quand cela est impossible, conformément au paragraphe 148(1) du RTA, l'Office s'attend que les transporteurs aériens prennent comme bagages prioritaires, sans frais et en sus de la franchise de bagages accordée aux passagers, les aides à la mobilité, y compris les fauteuils roulants pliants manuels. En matière d'accessibilité, l'Office reconnaît, dans le RTA, deux façons raisonnables de répondre aux besoins des personnes qui utilisent des aides à la mobilité en voyage, en les plaçant soit dans la soute à bagages comme bagage prioritaire, soit dans la cabine quand l'espace le permet. Pour l'Office, ces deux façons offrent un accès égal au réseau de transport pour les personnes ayant une déficience.
[50] L'Office est conscient que M. Scott aurait préféré avoir son fauteuil roulant dans la cabine et qu'il craignait que son fauteuil soit endommagé s'il était transporté dans la soute à bagages. Toutefois, pour le vol international en question, contrairement à l'affirmation de M. Scott, le rangement du fauteuil roulant dans la cabine n'est pas une exigence réglementaire.
[51] Selon l'Office, le Règlement sur la formation du personnel en matière d'aide aux personnes ayant une déficience, DORS/94-42, modifié exige aux transporteurs aériens canadiens de donner à leurs employés et aux entrepreneurs susceptibles de manier des aides à la mobilité la formation requise par leurs fonctions en ce qui a trait :
- aux divers types d'aide à la mobilité;
- aux exigences, aux limites et aux procédures de sécurité, de transport et de rangement des aides à la mobilité dans le compartiment d'un véhicule qui est réservé aux passagers;
- à la façon de transporter et de ranger les aides à la mobilité dans le compartiment à bagages d'un véhicule, y compris leur désassemblage, leur emballage, leur déballage et leur réassemblage.
[52] De plus, conformément au RTA, l'Office s'attend, en cas de dommage ou de perte d'une aide à la mobilité, que le transporteur aérien la fasse réparer ou la remplace.
[53] En vertu de ce qui précède, l'Office estime que, compte tenu des limites d'espace, le transporteur aérien peut également répondre aux besoins des personnes ayant une déficience en transportant leurs aides à la mobilité dans la soute à bagages ou dans la cabine. L'Office conclut donc que le fait pour Air Canada de ne pas avoir rangé le fauteuil roulant de M. Scott dans la cabine lors du vol AC1250, par manque d'espace, n'a pas constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.
Les dommages causés au fauteuil roulant de M. Scott ont-ils constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement?
[54] Dans sa demande, M. Scott soutient qu'à son arrivée à Cancun, il s'est aperçu que son fauteuil roulant présentait des dommages importants et qu'il ne pouvait être réparé ailleurs qu'au Canada ou aux États-Unis. Même si Air Canada reconnaît que le fauteuil roulant de M. Scott présentait des dommages, sa description dans le rapport de bagage endommagé et d'objet perdu parle seulement de « WHCR déchiré ou égratigné », sans autre indication que le « passager poursuivra son voyage » et « le fera réparer au Canada ».
[55] M. Scott soutient qu'après avoir quitté l'aéroport, il s'est rendu à Playa del Carmen, Mexique et qu'il n'était pas encore 18 h lorsque l'un des pneus spéciaux a éclaté et endommagé tout le flanc. Son fils attribue la crevaison aux dommages causés au fauteuil pendant le vol AC1250.
[56] D'après la description des dommages par M. Scott, les jantes de poussée étaient « visiblement déchirées », les roulements à billes neufs des roues avaient « du jeu », les roulettes avant étaient brisées, tandis que le pneu spécial mentionné était « déchiré ». M. Scott a aussi fait mention des manchons de plastique qui recouvrent les poignées de frein en métal. Pour ce qui est des roulements à billes, M. Scott dit qu'on risque de les endommager en déposant le fauteuil sur le côté et en plaçant des articles dessus, ce qui empêche les roues de tourner également. De plus, selon M. Scott, les manchons de freins en plastique étaient brisés. Enfin, l'un des panneaux de protection latérale amovibles avait disparu, étant probablement tombé, selon M. Scott, dans la soute à bagages.
[57] M. Scott dit avoir payé 606,62 $CAN pour faire réparer son fauteuil roulant à son retour au Canada et 120 $US pour remplacer les deux pneus à Playa del Carmen. Pour attester le coût des réparations à son fauteuil roulant, il a présenté deux factures de Shoppers Home Health Care.
[58] Air Canada signale que les factures font état de la réparation des roulements à billes et des manchons de frein mais que cela semble n'avoir rien à voir avec les déchirures et les égratignures mentionnées dans le rapport de bagage endommagé et d'objet perdu. Elle fait aussi remarquer que, sur l'une des factures, on lit « Le client a »; elle se demande donc si l'atelier de réparation a effectué toutes les réparations indiquées sur les factures. Air Canada commente également la deuxième facture, selon laquelle le panneau de protection latérale amovible a été remplacé, mais sans indication quant au type de fauteuil roulant réparé. Finalement, elle déclare qu'elle n'acceptera pas les factures comme preuve de réparation du fauteuil qu'a utilisé M. Scott le 30 septembre 2007 sans la description des réparations effectuées et sans une confirmation par l'atelier des pièces remplacées et des raisons du remplacement. Selon M. Scott, l'atelier devait fournir un document, mais l'Office n'a rien reçu à ce jour. D'après les factures présentées par M. Scott, Shoppers Home Health Care a remplacé la roue, la potence, les roulements à billes des roulettes, les manchons de poignée de frein, les mains courantes, les deux pneus de 24 pouces sur 1,75 pouces et l'un des panneaux de protection latérale amovibles.
[59] À l'examen des éléments de preuve et de la question de savoir si la partie qui a présenté la demande a satisfait au fardeau de la preuve, l'Office doit déterminer si elle a fourni des éléments de preuve suffisants pour appuyer sa demande, de façon à contrebalancer les éléments de preuve de l'intimée. Lorsqu'une demanderesse omet de le faire, elle manque de s'acquitter de son fardeau de la preuve. Pour ce qui est du pneu crevé ainsi que des réparations et des pièces remplacées, les éléments de preuve n'appuient pas de façon concluante l'affirmation de M. Scott voulant que les pièces ont été endommagées pendant le transport de son fauteuil par Air Canada. En effet, il s'est écoulé du temps entre le moment où il a reçu son fauteuil et celui où le pneu a éclaté. De même, rien ne prouve que la disparition du panneau de protection latérale s'est produit pendant le transport du fauteuil par Air Canada. Qui plus est, le rapport de bagage endommagé et d'objet perdu n'indique nulle part qu'un des panneaux manquait. De plus, en ce qui concerne le remplacement des roulements à billes, l'Office signale que cela n'a rien avoir avec les déchirures et les égratignures décrites dans le rapport de bagage endommagé et d'objet perdu. De fait, la description du travail sur la facture indique que les roulements ont été remplacés parce qu'ils n'étaient pas lubrifiés. L'Office conclut que M. Scott n'a pas prouvé à première vue que les présumés dommages causés à son fauteuil roulant, soit le pneu crevé, le panneau de protection latérale manquant, la roue et la potence brisées et les roulements à billes des roulettes, ont constitué des obstacles à ses possibilités de déplacement.
[60] Par contre, la description des réparations sur la facture indique que les mains courantes étaient endommagées. L'Office considère que cela est conforme au rapport de bagage endommagé et d'objet perdu rempli par le personnel du transporteur aérien à Cancun le 30 septembre 2007, où l'on décrit les dommages du fauteuil roulant de M. Scott comme des déchirures et des égratignures. Par conséquent, l'Office conclut que ces dommages ont été causés pendant le transport du fauteuil roulant par Air Canada et ont constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de M. Scott.
L'obstacle était-il abusif?
[61] Selon Air Canada, il lui arrive rarement d'endommager un fauteuil roulant. Elle en transporte des milliers chaque année sans problème. Dans ce cas-ci, elle considère que M. Scott n'a pas prouvé que les réparations qu'il veut se faire rembourser sont justifiées par les présumés dommages.
[62] L'Office maintient depuis longtemps que les transporteurs doivent faire réparer sans tarder les aides à la mobilité endommagées pendant qu'ils en avaient la garde. Lorsque c'est la personne ayant une déficience qui s'occupe des réparations, le transporteur doit lui rembourser les dommages dont il est responsable.
[63] Air Canada n'a pas prouvé l'origine des déchirures et des égratignures causées au fauteuil roulant de M. Scott, ni fait état de contraintes l'ayant empêchée de s'occuper du problème à l'arrivée de M. Scott à Cancun. Par contre, de l'aveu même de M. Scott, le fauteuil roulant ne pouvait pas être réparé ailleurs qu'au Canada ou aux États-Unis. L'Office conclut qu'Air Canada n'a pas prouvé qu'il lui aurait été difficile d'éviter les déchirures et les égratignures causées au fauteuil sans se voir imposer une contrainte excessive. Ainsi, l'Office conclut que les déchirures et les égratignures causées au fauteuil roulant de M. Scott ont constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement.
[64] Par conséquent, l'Office conclut que les mains courantes sont admissibles à un remboursement et qu'Air Canada doit rembourser à M. Scott le coût de leur remplacement, soit 211,10 $CAN, ainsi que les deux tiers du coût de la main-d'oeuvre, soit 75 $CAN. L'Office ordonne donc à Air Canada de rembourser à M. Scott la somme totale de 286,10 $CAN.
Conclusion
[65] À la lumière de ce qui précède, l'Office conclut que les sièges attribués à M. Scott et à son fils ainsi que l'attitude du chef de cabine quant au besoin de M. Scott de se faire aider par son fils n'ont pas constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement. De même, l'Office conclut que le refus d'Air Canada de placer le fauteuil roulant de M. Scott dans la cabine pendant le vol AC1250 entre Montréal et Cancun n'a pas constitué un obstacle. L'Office ne prendra donc pas de mesures à ces égards.
[66] Pour ce qui est des dommages causés au fauteuil roulant, l'Office conclut que cela a causé un obstacle aux possibilités de déplacement de M. Scott. Par conséquent, l'Office ordonne à Air Canada de rembourser à M. Scott le montant de 286,10 $CAN dans les trente (30) jours suivant la date de cette décision.
Membres
- J. Mark MacKeigan
- Jean-Denis Pelletier, ing./P. Eng.
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