Décision n° 6-AT-A-2008
RELATIVE à la demande présentée par la succession d'Eric Norman, Joanne Neubauer et le Conseil des Canadiens avec déficiences en vertu du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, modifiée, contre Air Canada, la Société en commandite Jazz Air, représentée par son commandité, Commandité Gestion Jazz Air inc. exerçant son activité sous le nom d'Air Canada Jazz, WestJet, l'Administration de l'aéroport international de Gander et l'Association du transport aérien du Canada, relativement aux tarifs et frais que doivent payer les personnes ayant une déficience qui ont besoin de plus d'un siège en raison de leur déficience lorsqu'elles utilisent des services de transport aérien intérieurs;
RELATIVE aux audiences tenues du 30 mai au 3 juin 2005, le 14 octobre 2005, du 14 au 29 novembre 2006 et le 12 décembre 2006 pour aider l'Office des transports du Canada dans l'examen de la demande.
Sommaire exécutif1
Introduction
[1] L'Office des transports du Canada (l'Office) est un tribunal quasi judiciaire indépendant qui relève de la compétence du gouvernement du Canada. La partie V de la loi habilitante de l'Office, la Loi sur les transports au Canada (la LTC), contient des dispositions concernant le transport accessible qui confèrent à l'Office la responsabilité d'éliminer les obstacles abusifs aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sein du réseau de transport de compétence fédérale. L'importance que le Parlement attache à un réseau de transport fédéral accessible aux personnes ayant une déficience est reflétée dans la Politique nationale des transports du Canada énoncée à l'article 5 de la LTC et dans les dispositions de fond sur le transport accessible qui prévoient le pouvoir de prendre des règlements et le pouvoir d'enquêter sur des plaintes, tous deux pour les fins expresses d'éliminer tout obstacle abusif dans le réseau de transport fédéral sur de nombreux plans, y compris « toute mesure concernant les tarifs, taux, prix, frais et autres conditions de transport applicables au transport et aux services connexes offerts aux personnes ayant une déficience ». Il s'agit du contexte de la décision rendue par l'Office.
[2] Dans certains cas, l'Office peut conclure qu'un aspect du réseau de transport fédéral constitue un obstacle pour certaines personnes ayant une déficience. Lorsqu'il tire ce genre de conclusion, il doit par la suite déterminer si cet obstacle est abusif. L'Office ne peut ordonner des mesures correctives que lorsqu'il conclut qu'un obstacle est abusif.
[3] La Cour suprême du Canada a récemment confirmé, dans l'affaire Conseil des Canadiens avec déficiences c. Via Rail Canada Inc. (ci-après l'affaire CCD c. VIA), que les dispositions sur le transport accessible de la LTC sont, essentiellement, une législation sur les droits de la personne. De plus, la Cour a affirmé que les principes de la Loi canadienne sur les droits de la personne, y compris la notion d'accommodement raisonnable, doivent être appliqués par l'Office lorsqu'il identifie les obstacles abusifs et y remédie.
[4] Conformément à la Politique nationale des transports, l'Office a reconnu bon nombre de principes d'accessibilité de longue date qui sont conformes à ceux reflétés dans la jurisprudence générale des droits de la personne. Les principes suivants sont particulièrement pertinents pour la décision devant être rendue :
- les personnes ayant une déficience ont les mêmes droits que les autres personnes afin de participer pleinement à tous les aspects de la vie en société, et l'égalité d'accès au transport est crucial à la capacité des personnes ayant une déficience d'exercer ce droit. Les personnes ayant une déficience ont les mêmes besoins de transport que les autres personnes - par exemple, pour affaires, pour le plaisir et pour des raisons médicales - et devraient disposer des mêmes options de transport que les autres, comme celle concernant le mode de transport, les heures de départ, le coût, la qualité du service et la capacité de voyager avec des amis, des membres de leur famille ou des collègues;
- toutes les personnes ayant une déficience ont le droit d'être traitées de la même manière sans égard à la raison sous-jacente de leur déficience et il ne devrait pas y avoir de discrimination entre les personnes ayant une déficience en ce qui a trait à l'admissibilité aux avantages, comme l'a récemment confirmé la Cour suprême du Canada dans l'affaire Tranchemontagne c. Ontario (Directeur du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées), et fait partie du principe que les personnes ayant une déficience doivent être traitées avec dignité et respect;
- les personnes ayant une déficience ne doivent pas être désavantagées économiquement en raison de leur déficience et ne devraient pas payer plus cher pour leurs services de transport que les autres passagers qui n'ont pas de déficience, y compris dans les circonstances où les fournisseurs de services de transport doivent fournir des services différents pour garantir un accès équivalent au réseau de transport fédéral. Ce principe d'accessibilité est la base de ce qui est communément appelé, dans la communauté des personnes ayant une déficience, le principe de « une personne, un tarif (1P1T) », sur lequel repose la présente demande.
[5] Ces principes reflètent les intérêts de la communauté des personnes ayant une déficience et sont utilisés par l'Office lors de sa détermination de l'existence d'obstacles et de son évaluation du caractère abusif des obstacles trouvés, ce qui nécessite la comparaison de ces intérêts avec ceux de l'industrie et du grand public.
[6] Dès qu'un demandeur établit dans sa demande qu'il y a obstacle aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans le réseau de transport fédéral, le fardeau de la preuve est déplacé vers le fournisseur de services de transport visé qui doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l'obstacle n'est pas abusif. À cette fin, il doit prouver que la source de l'obstacle :
- est rationnellement liée à un objectif légitime, par exemple aux objectifs établis dans la Politique nationale des transports;
- a été adoptée de bonne foi par le fournisseur de services de transport en croyant sincèrement qu'elle était nécessaire pour réaliser cet objectif légitime;
- est raisonnablement nécessaire pour réaliser cet objectif, de sorte qu'il lui est impossible de répondre aux besoins de la personne ayant une déficience sans se voir imposer une contrainte excessive.
[7] Le fournisseur de services de transport doit démontrer que toutes les mesures raisonnables d'accommodement ont été fournies sans qu'il se voit imposer une contrainte excessive. Dans chaque cas, la mesure raisonnable d'accommodement varie dans une certaine mesure selon les circonstances et dépend d'un équilibre entre les intérêts des personnes ayant une déficience et ceux des fournisseurs de services. Il faut également tenir compte de l'importance et du caractère répétitif ou permanent de l'obstacle et de l'incidence de celui-ci sur les personnes ayant une déficience et des questions et responsabilités d'ordre commercial et opérationnel du fournisseur de services.
[8] Dans la plupart des cas, plusieurs options s'offriront pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience ou d'un groupe ayant les mêmes caractéristiques. Dans chaque cas, la meilleure option est celle qui respecte la dignité de la personne, répond à ses besoins et promeut l'indépendance, l'intégration et la pleine participation des personnes ayant une déficience dans le réseau de transport fédéral. Tout compte fait, la mesure raisonnable d'accommodement se traduira par la solution la plus convenable qui n'imposera pas de contrainte excessive au fournisseur de services de transport.
[9] Dans la détermination du caractère excessif d'une affaire, le fournisseur de services de transport doit démontrer qu'il a considéré la demande d'accommodation et déterminé qu'il n'y avait aucune autre solution de rechange raisonnable pouvant mieux répondre aux besoins d'une personne ayant une déficience qui se trouve en présence d'un obstacle et qu'en raison de ces contraintes il serait déraisonnable, peu pratique, voire impossible, d'éliminer l'obstacle. À titre d'exemples de contraintes auxquelles sont soumis les fournisseurs de services de transports qui sont pertinentes pour le cas présent, notons les suivantes : les questions d'ordre structurel, sécuritaire, opérationnel, financier et économique.
[10] Lorsqu'un fournisseur de services de transport peut justifier qu'il offre un peu moins qu'un accès équivalent, y compris l'absence de toute mesure d'accommodement, l'Office ne conclura pas que les mesures destinées à répondre aux besoins constituent un obstacle abusif. Cependant, si l'Office estime que le fournisseur de services de transport n'a pas démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins en place sont raisonnables, dans les circonstances, il peut alors conclure qu'il y a un obstacle abusif et peut exiger la prise de mesures correctives pour éliminer cet obstacle abusif.
Demande
[11] Dans la décision, l'Office a traité d'un problème de longue date auquel font face les personnes ayant une déficience grave du fait qu'il leur en coûte plus cher que les autres passagers pour se prévaloir des services de transport aérien d'un point A à un point B, pour le motif qu'elles sont contraintes de payer un siège supplémentaire en raison de leur déficience pour elles-mêmes ou pour leur accompagnateur. Les demandeurs sont : Eric Norman2, Joanne Neubauer et le Conseil des Canadiens avec déficiences (CCD), un organisme composé de représentants d'organisations provinciales œuvrant pour les personnes ayant une déficience dans tout le pays, ainsi que d'importantes organisations nationales pour les personnes ayant une déficience. Les intimées sont :
- Air Canada, le plus gros transporteur aérien à service complet du Canada, et Air Canada Jazz, le plus gros transporteur aérien régional, collectivement appelées Air Canada, à moins d'avis contraire.
- WestJet, le deuxième plus gros transporteur aérien du Canada.
- l'administration de l'aéroport international de Gander (l'administration de l'aéroport de Gander), une organisation à but non lucratif qui gère les activités de l'aéroport international de Gander.
[12] Les demandeurs soutiennent que les politiques tarifaires d'Air Canada et de WestJet, qui exigent un coût par siège, constituent des obstacles abusifs aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience. Les demandeurs soutiennent aussi que l'imposition de frais d'améliorations aéroportuaires par l'administration de l'aéroport de Gander aux accompagnateurs, qui seront appelés à fournir de l'aide précise et liée à la déficience aux personnes ayant une déficience pendant le vol, constitue aussi un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.
[13] Les demandeurs ont demandé à l'Office d'ordonner aux intimées de mettre en œuvre un « régime une personne, un tarif » pour le transport aérien intérieur, de sorte que :
- les transporteurs en cause permettront aux accompagnateurs de voyager gratuitement, et ce pour toutes les personnes ayant une déficience qui, en vertu des tarifs intérieurs des transporteurs en cause, doivent voyager avec un accompagnateur;
- les transporteurs en cause fourniront à la personne un deuxième siège adjacent gratuitement ou un siège plus large sans frais supplémentaires, pour toutes les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité qui ne peuvent pas abaisser l'accoudoir du siège qui leur est assigné de manière sécuritaire et avec dignité;
- le siège additionnel sera fourni par les transporteurs en cause gratuitement, pour toute personne ayant une déficience qui a besoin d'un siège additionnel afin de répondre à ses besoins liés à sa déficience;
- l'administration de l'aéroport de Gander ne percevra pas de frais d'améliorations aéroportuaires pour les sièges additionnels nécessaires aux personnes ayant une déficience qui doivent voyager avec un accompagnateur en vertu des tarifs du transporteur.
[14] À la suite du dépôt de longues plaidoiries écrites, ainsi que des preuves d'experts et autres, de nombreuses requêtes interlocutoires et décisions, d'un sursis d'instance de 18 mois afin de permettre à l'un des transporteurs en cause d'effectuer une importante restructuration organisationnelle, de quatre semaines d'audience publique au cours d'une période de 18 mois, y compris un ajournement de 10 mois, l'Office a rendu sa décision dans cette affaire.
Obstacles abusifs
Évaluation du caractère abusif
[15] Même si l'Office a reconnu que l'obligation des intimées de mettre en œuvre une politique 1P1T donnerait lieu à des coûts et à des défis opérationnels, il a conclu que, selon la preuve présentée, ceux-ci n'entraîneraient pas de contraintes excessives pour les intimées. Plus précisément, l'Office a déterminé que l'administration de l'aéroport de Gander n'a pas déposé de preuve et, donc, ne s'est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait de montrer qu'il était déraisonnable, peu pratique, voire impossible pour elle de répondre aux besoins des personnes ayant une déficience qui doivent voyager avec un accompagnateur sans se voir imposer une contrainte excessive.
[16] De plus, l'Office a déterminé que :
- les pertes de revenus nets annuels des transporteurs, qui représentent moins de 0,2 pour cent de leurs revenus passagers bruts annuels et environ 41 ¢ et 16 ¢ en revenus cédés par voyage intérieur pour Air Canada et WestJet, respectivement, et
- la nécessité pour ces transporteurs d'élaborer de nouveaux mécanismes de contrôle d'admissibilité ou de modifier ceux qui existent afin qu'ils puissent appliquer correctement les nouvelles politiques n'exercent pas sur eux, selon la preuve fournie à l'Office, une contrainte excessive.
[17] L'Office a étudié avec soin l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire CCD c. VIA dans lequel elle déclare :
Pour justifier le maintien d'un obstacle discriminatoire, on invoque dans presque tous les cas ce qu'il en coûterait pour l'atténuer ou l'éliminer afin de répondre aux besoins de la personne qui demande l'accès. Il s'agit là d'un facteur qui peut légitimement être pris en compte : Central Alberta Dairy Pool c. Alberta (Commission des droits de la personne), [1990] 2 R.C.S. 489, p. 520-21. Cependant, dans l'arrêt Grismer, par. 41, notre Cour a averti que les tribunaux doivent « se garder de ne pas accorder suffisamment d'importance à l'accommodement de la personne handicapée. »
[18] L'Office a reconnu la preuve présentée par l'expert des demandeurs pour les impacts sociaux positifs suivants d'une politique 1P1T :
- une diminution de la pression sur les systèmes d'aide sociale et sur le fardeau fiscal relativement à l'augmentation des niveaux de revenu et du niveau de vie attribuable à une plus grande mobilité liée au travail pour les personnes ayant une déficience;
- une valeur d'assurance découlant du maintien de l'accès au transport aérien dans l'éventualité d'une déficience, reconnaissant la réalité actuarielle voulant que du point de vue statistique, tous les membres de la société courront le risque d'avoir un jour ou l'autre une déficience permanente ou temporaire;
- la garantie ou la préservation du droit d'accès des personnes ayant une déficience.
[19] L'Office est d'avis que les augmentations estimées du prix des billets qu'engendrerait une politique 1P1T, soit de 77 ¢ et de 44 ¢ en ce qui concerne les vols intérieurs d'Air Canada et de WestJet, respectivement, sont raisonnables, compte tenu de l'accès amélioré au réseau de transport fédéral pour les personnes ayant une déficience grave que consent l'adoption d'une politique 1P1T.
Solution de rechange raisonnables
[20] Des éléments de preuve ont été déposés afin d'établir l'existence d'autres solutions de rechange valables en remplacement de l'adoption souhaitée d'une politique 1P1T (par exemple, Air Canada a une politique qui consent un rabais de 50 pour cent sur le plein tarif pour le siège de l'accompagnateur). Cependant, l'Office a déterminé que les transporteurs en cause n'ont pas prouvé qu'une politique 1P1T leur imposerait une contrainte excessive. De ce fait, l'Office a conclu qu'il n'était pas nécessaire d'analyser les solutions de rechange présentées, les jugeant non raisonnables pour le motif qu'elles prévoient des niveaux d'accommodement moindres que ce qu'accorde une politique 1P1T, que l'Office estime raisonnable.
Conclusion sur les obstacles abusifs
[21] Il est important pour les personnes ayant une déficience d'avoir accès à un réseau de transport fédéral qui est libre d'obstacles abusifs. Dans le cas présent, les limites à l'accès sont les suivantes :
- les frais d'améliorations facturés par l'administration de l'aéroport de Gander aux accompagnateurs des personnes ayant une déficience;
- les politiques d'Air Canada et de WestJet qui font payer des frais supplémentaires pour les sièges requis par les personnes ayant une déficience qui voyagent au sein du réseau de services aériens intérieurs.
[22] Dans son examen de ce droit d'accès, l'Office se doit de tenir compte de la preuve présentée par les intimées pour établir l'existence d'une contrainte excessive. Or, l'administration de l'aéroport de Gander n'a pas soumis de preuve permettant de conclure à l'existence d'une telle contrainte. Pour ce qui est d'Air Canada et de WestJet, les éléments de preuve qu'elles ont soumis ne démontrent pas que les contraintes liées au coût (répercussions économiques et financières connexes) et les contraintes opérationnelles que leur imposerait l'adoption d'une politique 1P1T exerceraient sur elles une contrainte excessive. À cet égard, l'Office a déterminé que :
- la politique des frais d'améliorations aéroportuaires de l'administration de l'aéroport de Gander
- et les politiques tarifaires d'Air Canada, d'Air Canada Jazz et de WestJet liées aux services aériens intérieurs
constituent des obstacles abusifs aux personnes qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience lors de leurs déplacements en avion, puisque ces politiques exigent de ces personnes qu'elles paient des frais et des redevances supplémentaires afin de se prévaloir des services de transport, qui excèdent ce que les autres passagers paient pour les mêmes services de transport, afin que leurs besoins liés à leur déficience soient satisfaits.
Mesures correctives ordonnées
[23] Ayant conclu que les politiques précitées de l'administration de l'aéroport de Gander, d'Air Canada, d'Air Canada Jazz et de WestJet constituent des obstacles abusifs, l'Office a ordonné aux intimées de modifier leurs politiques et procédures actuelles afin d'instituer un régime « une personne, un tarif » à l'intention des personnes ayant une déficience qui, au sein du réseau de services aériens intérieurs, ont besoin d'un siège additionnel lors de leurs déplacements en avion, en mettant en œuvre les mesures correctives qui suivent.
1. Administration de l'aéroport international de Gander
[24] L'administration de l'aéroport de Gander ne devra pas percevoir de frais d'améliorations aéroportuaires pour les sièges additionnels requis par les personnes ayant une déficience qui doivent voyager avec un Accompagnateur, au sein du réseau de services aériens intérieurs, en vertu des tarifs du transporteur.
2. Air Canada, Air Canada Jazz et WestJet
[25] Les transporteurs en cause ne devront pas percevoir de frais pour les sièges additionnels fournis aux personnes ayant une déficience suivantes :
- les personnes qui doivent voyager avec un Accompagnateur en vertu des modalités du tarif du transporteur;
- les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité;
- les autres personnes qui ont besoin d'un siège additionnel pour elles-mêmes en raison de leur déficience lors de leurs déplacements en avion.
[26] En ce qui a trait à la mise en œuvre des mesures correctives, reconnaissant que les intimées se devaient, dans le cas des transporteurs en cause, d'élaborer de nouveaux mécanismes de contrôle d'admissibilité ou de modifier ceux qui existent afin de leur permettre d'appliquer correctement les nouvelles politiques, et, dans le cas de l'administration de l'aéroport de Gander, d'établir une procédure pour faciliter l'identification des personnes ayant une déficience qui sont tenues de voyager avec un Accompagnateur, en vertu des tarifs intérieurs des transporteurs aériens, l'Office a estimé indiqué de leur accorder une période de douze mois pour finaliser et mettre en œuvre les mesures correctives ordonnées.
Les déterminations de l'Office à l'appui de ses conclusions d'obstacles abusifs
[27] Les déterminations de l'Office ci-après fournissent de plus amples renseignements sur ce sur quoi il s'est penché pour en arriver à ses conclusions d'obstacles abusifs.
Déterminations au sujet de la déficience
[28] L'Office a déterminé que pour la demande déposée par, au nom, ou relative à des personnes ayant une déficience, il y a, en particulier, deux groupes cibles précis :
- les personnes ayant une déficience plus grave qui doivent, en vertu des tarifs intérieurs des transporteurs en cause, voyager avec un Accompagnateur. La décision s'applique seulement aux personnes ayant une déficience qui doivent voyager avec une autre personne, en tant qu'Accompagnateur, qui sera appelée à répondre à divers besoins personnels précis pendant le vol, comme par exemple pour manger, prendre des médicaments et utiliser la toilette, ou qui leur fourniront une aide physique en cas d'évacuation d'urgence ou de décompression en vol. Il doit être noté que la décision ne s'applique pas à la plus grande sous-population des personnes, ayant une déficience ou autres, qui préfèrent voyager avec un compagnon pour diverses raisons personnelles, ni aux personnes ayant une déficience qui ont seulement besoin de soins personnels à destination, mais non en vol.
- les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour elles-mêmes et, en particulier, les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité. Encore une fois, la décision ne s'applique pas aux personnes obèses qui sont obèses mais qui n'ont pas de déficience en raison de leur obésité. En appliquant la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Linda McKay-Panos c. Air Canada et Office des transports du Canada [2006] CFA 8, l'Office a déterminé que les personnes gravement obèses peuvent avoir une déficience au sens de la partie V de la LTC, mais seulement lorsqu'elles ne peuvent pas prendre place dans un siège d'aéronef.
Déterminations relatives aux obstacles
[29] L'Office a conclu que les politiques tarifaires d'Air Canada et de WestJet et la politique des frais d'améliorations aéroportuaires appliqués par l'administration de l'aéroport de Gander constituent des obstacles aux possibilités de déplacement des personnes qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience afin de voyager en avion, puisqu'elles représentent un désavantage économique qui limite les possibilités de voyage liées à l'emploi, à l'éducation, aux loisirs, aux soins médicaux et aux urgences disponibles pour ces personnes.
Déterminations relatives au caractère abusif
[30] À cette étape, le fardeau de la preuve est déplacé car il incombe alors aux intimées de démontrer que la fourniture de la mesure d'accommodement demandée, dans ce cas la mise en œuvre d'une politique 1P1T, est déraisonnable, peu pratique ou impossible.
1. Frais d'améliorations aéroportuaires facturés par l'administration de l'aéroport de Gander
[31] L'Office a accepté que la politique de l'administration de l'aéroport de Gander au sujet de la facturation des frais d'améliorations aéroportuaires avait un objectif légitime et était liée de façon rationnelle à cet objectif. Toutefois, l'Office a déterminé que l'administration de l'aéroport de Gander ne s'est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait et que les frais d'améliorations aéroportuaires facturés aux billets des Accompagnateurs des personnes ayant une déficience constituent un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de ces personnes. L'administration de l'aéroport de Gander a affirmé que les frais d'améliorations aéroportuaires n'étaient pas un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience qui doivent voyager avec un accompagnateur, mais elle n'a pas fourni de preuves afin d'appuyer cette position malgré le fait qu'elle ait eu plusieurs occasions de le faire.
2. Frais facturés par Air Canada et WestJet
[32] L'Office a accepté que les politiques des transporteurs en cause au sujet de la facturation de frais ont un objectif légitime et qu'elles sont liées de façon rationnelle à cet objectif. Les transporteurs en cause ont soumis énormément de preuves pour étayer leur position que les trois types de contraintes qui suivent présentent, pour eux, des contraintes excessives et, ainsi, un obstacle à leur capacité de répondre aux besoins de personnes ayant une déficience, comme les demandeurs :
- contraintes de coûts;
- contraintes de sécurité;
- contraintes opérationnelles.
Contraintes de coûts
[33] Le coût de la mise en œuvre d'une politique 1P1T était au centre des contraintes soulevées par les transporteurs en cause dans leurs arguments voulant que l'adoption d'une telle politique au sujet des services aériens intérieurs exercerait sur eux une contrainte excessive. Afin d'évaluer la nature et l'importante de la contrainte posée par le coût de la fourniture de mesures d'accommodement à ces personnes ayant une déficience par l'imposition d'une politique 1P1T, l'Office doit d'abord déterminer le coût estimatif pour chacun des transporteurs en cause lié à la fourniture des mesures d'accommodement demandées et ensuite évaluer les répercussions économiques et financières de ce coût pour eux.
Fréquence
[34] Dans le cadre de son examen du coût estimatif lié à l'adoption d'une politique 1P1T, l'Office a d'abord déterminé la fréquence ou le nombre de fois que les transporteurs pourraient être tenus de fournir des mesures d'accommodement aux personnes ayant une déficience en vertu d'une telle politique. Afin d'estimer la fréquence, l'Office a examiné les trois facteurs suivants :
- le nombre de personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience afin de voyager en avion au Canada;
- la propension à voyager de la population cible, c'est-à-dire la tendance à voyager établie en fonction de la proportion de cette population qui utilise les services aériens intérieurs;
- le nombre de voyages aériens intérieurs que cette population effectue au cours d'une année.
(i) le nombre de personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience afin de voyager en avion au Canada
Les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour leur Accompagnateur afin de voyager en avion
[35] Parmi les positions présentées par les parties, l'Office a accepté comme étant la plus raisonnable la position des demandeurs voulant que 3,6 pour cent des personnes ayant une déficience seraient tenues de voyager avec un Accompagnateur lors de leurs déplacements en avion au sens des tarifs aériens intérieurs des transporteurs en cause. L'Office en est arrivé à cette conclusion, jugeant que l'approche utilisée par l'expert économiste des demandeurs aboutissait à une estimation raisonnable de la population cible puisque cette approche reflète l'exigence tarifaire pour les personnes ayant une déficience de voyager avec un Accompagnateur et tient compte de la gravité de la déficience.
[36] L'Office a rejeté l'argument des transporteurs en cause que 18,5 pour cent des personnes ayant une déficience qui voyagent par avion seraient admissibles aux avantages d'une politique 1P1T en tant que personnes ayant une déficience tenues de voyager avec un Accompagnateur. L'Office l'a décidé ainsi, estimant qu'une telle représentation était surévaluée car elle ne reflétait pas les tarifs intérieurs d'Air Canada ou de WestJet qui disposent que seules les catégories de personnes suivantes sont tenues de voyager avec un Accompagnateur : les personnes sourdes et aveugles; les personnes ayant une déficience mentale non autonomes; les personnes ambulatoires, non autonomes; et les personnes non ambulatoires et non autonomes. Les personnes qui sont non autonomes sont des personnes qui sont incapables de suffire elles-même à leurs besoins personnels précis pendant le vol ou ont besoin d'aide en cas d'évacuation d'urgence ou de décompression en vol, au-delà des services fournis par le personnel du transporteur. L'Office a considéré important le fait que toutes les études subséquentes des autres experts des transporteurs en cause reposaient sur cette même sur-représentation.
[37] L'Office a aussi rejeté la position des transporteurs en cause affirmant qu'il y aurait un taux d'abus de 5 à 25 pour cent d'une politique 1P1T, compte tenu du fait que les transporteurs n'ont pas fourni de preuve afin d'appuyer le caractère raisonnable de ce présumé taux d'abus. Cette position a également été rejetée eu égard, plus particulièrement, aux procédures adoptées par les transporteurs pour déterminer l'admissibilité aux conditions de voyage en établissant la nature de la déficience de la personne et l'évaluation de ses capacités par l'entremise d'une combinaison de preuves provenant des médecins praticiens de la personne et des systèmes Medadesk ou Medalink des transporteurs en cause. L'Office a précisément noté les commentaires de l'expert des transporteurs en cause lorsqu'il a déclaré que si l'on devait laisser aux transporteurs aériens le soin de déterminer qui est admissible à la politique 1P1T, « ils vont restreindre énormément les chiffres et, à la fin de la journée, ceux-ci seraient extrêmement petits; et quel que soit le coût pour les transporteurs aériens, il serait très faible, probablement moins élevé que le coût de s'opposer à cette politique. »
Les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité
[38] L'Office considère raisonnable la proposition des transporteurs en cause qui fixe à 2 pour cent de la population adulte canadienne le nombre estimatif de personnes ayant une déficience en raison de leur obésité grave pour les besoins des services aériens intérieurs des transporteurs en cause, à la lumière du nombre et de la taille des sièges actuellement utilisés par Air Canada et WestJet sur leurs vols intérieurs.
[39] Dans un premier temps, les transporteurs ont affirmé que le nombre de personnes obèses qui seraient admissibles aux avantages d'une politique 1P1T constituerait une proportion de quelque 1,9 à 32,2 pour cent de la population adulte canadienne; ils ont par la suite noté que le rapport de leur expert contenait des hypothèses et raisonnements erronés et ont accepté la proposition de l'expert de l'Office qui fixe ce nombre dans une proportion de 1 à 2,4 pour cent.
(ii) la propension à voyager de la population cible, c'est-à-dire la tendance à voyager établie en fonction de la proportion de cette population qui utilise les services aériens intérieurs
[40] L'Office a estimé que la propension à voyager des personnes ayant une déficience grave, y compris les personnes qui ont besoin d'un Accompagnateur pour pouvoir voyager en avion et les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité, est de 10 pour cent, ce qui est beaucoup moins élevé que la propension à voyager de l'ensemble des personnes ayant une déficience qui est de 18,8 pour cent. En arrivant à cette conclusion, l'Office a tenu compte de la gravité des déficiences des personnes qui ont besoin d'un Accompagnateur pour pouvoir voyager en avion et il a aussi déterminé que les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité sont probablement plus sévèrement déficientes que la plupart des personnes ayant une déficience puisqu'elles seront classées à la plus haute extrémité de l'échelle de classification d'obésité en raison de graves problèmes de mobilité et d'autres co-morbidités qui auront un impact important sur leur santé, leur qualité de vie et leur niveau de revenu.
(iii) Le nombre de voyages aériens intérieurs qu'effectuent annuellement les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel
[41] L'Office a conclu que la population cible des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel afin de voyager en avion effectuerait en moyenne 2,5 allers simples par année. L'Office en est arrivé à ce chiffre en supposant que la population générale des personnes ayant une déficience effectue 50 pour cent moins de voyages que la population générale des canadiens et en reconnaissant que la population ciblée dans ce cas est composée de personnes ayant de plus graves déficiences qui voyageraient beaucoup moins souvent que la population générale des personnes ayant une déficience. Cela est d'autant plus vrai si l'on tient compte de l'impact de leur déficience sur leur niveau d'emploi et de revenu et des difficultés que ces personnes éprouvent lorsqu'elles voyagent.
[42] L'Office a rejeté l'argument des transporteurs en cause qui fixe à 4,94 le nombre de voyages que la population cible des personnes ayant une déficience effectuerait par année. L'Office a déterminé que cet argument reposait sur des données recueillies par l'Office lors d'un précédent sondage qui n'avait pas été conçu pour mesurer ce taux. De plus, l'Office a conclu qu'il était déraisonnable de fixer à 4,94 le nombre de voyages qu'effectue annuellement ce sous-groupe de la population des personnes ayant une déficience, si l'on considère que la population canadienne effectue 5 à 6 voyages par année, laquelle statistique repose sur une évidence, plus juste de l'avis de l'Office, avancée par l'un des experts des transporteurs en cause.
[43] Par conséquent, selon la preuve fournie, l'Office a déterminé ce qui suit :
- 80 600 personnes ayant une déficience qui voyagent par avion pourront profiter d'une politique 1P1T;
- cette population cible effectuerait en moyenne 2,5 allers simples par année;
- si l'on tient compte des parts du marché intérieur des transporteurs en cause, pour Air Canada, cela se traduira par 54 200 voyages intérieurs, ce qui représente 0,32 pour cent du total de ses 17 125 200 voyages intérieurs effectués en 2005, et pour WestJet, cela se traduira par 28 900 voyages intérieurs, ce qui représente 0,32 pour cent du total de ses 9 133 440 voyages intérieurs effectués en 2005.
Coût des mesures d'accommodement
[44] L'Office a ensuite examiné les coûts connexes pour les transporteurs.
[45] Les parties ont soumis de nombreux rapports qui fournissaient les coûts estimatifs d'une politique 1P1T en ce qui a trait aux pertes de revenus annuels attribuables aux personnes ayant une déficience qui auraient besoin d'un siège additionnel pour leur Accompagnateur; certains fournissaient différents coûts estimatifs selon que les prix des billets, ou les coefficients d'occupation, augmentent en réponse à l'adoption d'une politique 1P1T. Aucun rapport ne fournissait les coûts estimatifs d'une politique 1P1T associés aux voyages des personnes qui ont une déficience en raison de leur obésité, ces données n'étant pas disponibles au moment où les rapports ont été rédigés.
[46] Finalement, l'Office a estimé le coût d'une politique 1P1T pour chaque transporteur en adoptant une méthode qui reflète le fait qu'Air Canada et WestJet ont recours à des « systèmes de gestion du rendement » pour gérer les ventes de sièges en fonction de la demande prévue, une approche similaire à celle utilisée par l'économiste expert des transporteurs en cause. Les transporteurs en cause ont aussi soumis des rapports préparés par des cabinets comptables qui faisaient abstraction d'une possible augmentation des prix des billets en réponse à une politique 1P1T. L'Office a déterminé que l'approche utilisée par les cabinets comptables n'était pas appropriée puisque la preuve démontrait clairement que les systèmes de gestion du rendement des transporteurs réagiraient à toute augmentation de la demande de sièges découlant des avantages d'une politique 1P1T en augmentant le prix des billets afin de maximiser les revenus passagers et satisfaire à l'exigence d'optimalité des coefficients d'occupation.
[47] En adoptant une méthode qui tient compte du recours à des systèmes de gestion du rendement, l'Office a estimé le coût d'une politique 1P1T pour les transporteurs en cause en fonction :
- des pertes de revenus liées aux personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience et qui voyagent déjà;
- des gains de revenus provenant des voyages additionnels qu'effectueraient les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience;
- des pertes de revenus attribuables à une augmentation des prix.
[48] L'Office était d'accord en principe avec les demandeurs que le coût des mesures d'accommodement devrait être calculé en excluant tous les montants à porter à d'autres sources de financement, y compris les crédits et déductions d'impôts, et les revenus et épargnes, qui seront générés en raison des mesures d'accommodement prises. Les demandeurs n'ont pas fourni de preuve pour quantifier les économies que réaliseront les transporteurs. Toutefois, l'Office a réduit le coût estimatif d'une politique 1P1T pour WestJet de 35 pour cent afin de refléter une diminution des impôts exigibles futurs associés à l'augmentation des pertes autres qu'en capital disponibles pour le report aux fins d'impôts, découlant de la réduction des revenus attribuable à la politique 1P1T. Aucune preuve n'appuyait un avantage fiscal futur similaire pour Air Canada.
[49] Considérant l'avantage fiscal futur pour WestJet attribuable à une politique 1P1T, l'Office a déterminé que le coût annuel estimatif sera de 7,1 millions de dollars pour Air Canada et de 1,5 millions de dollars pour WestJet, ou 41 ¢ et 16 ¢ par voyage intérieur, respectivement. L'Office a aussi déterminé que le prix moyen des billets de voyage intérieur augmenterait de 77 ¢ pour un vol d'Air Canada et de 44 ¢ pour un vol de WestJet.
[50] L'Office a rejeté les estimations de coûts fournies par les transporteurs en cause de 49,6 à 59,1 millions de dollars par année pour Air Canada et de 12,9 à 21,7 millions de dollars par année pour WestJet, ainsi que les estimations fournies par les demandeurs de 5,36 millions de dollars par année pour Air Canada et de 2,31 millions de dollars par année pour WestJet.
[51] La surévaluation des coûts par les transporteurs en cause découlait des facteurs suivants :
- Les transporteurs en cause ont adopté une méthode de calcul qui ne tenait pas compte de leur recours à des systèmes de gestion du rendement afin de maximiser les revenus et satisfaire à l'exigence d'optimalité des coefficients d'occupation, lesquels systèmes réagiraient à une politique 1P1T en augmentant le prix des billets;
- Les transporteurs en cause ont estimé des pertes de revenus de quelque 4,4 à 22,6 millions de dollars par année, sous prétexte qu'il y aurait abus de la politique 1P1T, ce que l'Office a rejeté comme étant un argument non corroboré et déraisonnable. L'Office estime que suffisamment de moyens peuvent être adoptés par les transporteurs en cause, sous la forme de mécanismes de contrôle d'admissibilité similaires à ceux qui existent déjà, pour contrer les abus;
- les transporteurs en cause ont fixé à 18,5 pour cent le taux d'accompagnement, ce qui ne tient pas compte des dispositions des tarifs des transporteurs qui limitent l'admissibilité d'une politique 1P1T; l'Office a conclu qu'un taux de 3,6 pour cent, eu égard aux tarifs des transporteurs, était plus raisonnable;
- les transporteurs en cause ont fixé à 4,94 le taux de voyages annuels qu'effectueraient les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience; l'Office a conclu à un taux de 2,5 voyages par année qu'il considère plus raisonnable, puisqu'il reflète mieux la situation des personnes ayant une déficience grave, en ce qu'elles éprouvent plus de difficultés à voyager par avion et qu'elles ont des revenus moindres;
- les transporteurs en cause ont utilisé un taux de propension à voyager de 20 pour cent pour les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité; l'Office a déterminé qu'il était plus raisonnable de fixer le taux de propension à voyager de ce sous-groupe de la population des personnes ayant une déficience à 10 pour cent, encore une fois, parce qu'il reflète mieux la situation des personnes ayant une déficience grave, en ce qu'elles éprouvent plus de difficultés à voyager par avion et qu'elles ont des revenus moindres.
Répercussions économiques et financières d'une politique 1P1T
[52] L'Office a ensuite évalué les répercussions économiques et financières connexes du coût, puisque le coût des mesures d'accommodement, en soi, ne permet pas de déterminer si une telle politique pose des contraintes excessives aux transporteurs en cause.
a) Répercussions économiques d'une politique 1P1T
[53] Les transporteurs en cause ont présenté des preuves concernant les répercussions économiques négatives qu'aurait sur eux une politique 1P1T, notamment les désavantages sur le plan de la concurrence auxquels ils seraient soumis et la prise de mesures d'interfinancement. Les demandeurs ont présenté des preuves concernant les effets économiques positifs découlant d'une politique 1P1T.
[54] Les transporteurs en cause ont indiqué que l'adoption d'une politique 1P1T leur ferait assumer une position concurrentielle défavorable. L'Office a reconnu que même si les transporteurs, tous ensemble, représentent plus de 90 pour cent du marché intérieur, ils font face à un certain niveau de concurrence en fonction des trajets. Toutefois, l'Office a conclu que les transporteurs en cause n'avaient pas fourni de preuve au sujet de la portée et de l'impact de cette concurrence. Donc, l'Office n'était pas convaincu que la nature des désavantages concurrentiels qui pourraient être subis par les transporteurs en cause aura des effets négatifs importants sur eux.
[55] Les transporteurs en cause affirmaient aussi qu'avec la mise en œuvre d'une politique 1P1T, ils engageront des coûts d'exploitation beaucoup plus élevés en raison de l'augmentation disproportionnée des demandes de voyage sur leurs vols par des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel. Cependant, l'Office a conclu que les transporteurs en cause n'ont pas fourni de preuves qui définissent et corroborent les composantes précises des coûts d'exploitation totaux associés à la prestation d'aide et de services aux personnes ayant une déficience. Ils n'ont également pas fait la preuve de l'impact des coûts d'exploitation additionnels qu'ils pourraient être tenus de débourser en raison d'une politique 1P1T.
[56] Les transporteurs en cause ont aussi fait valoir qu'une politique 1P1T, sans disposer d'une subvention directe du gouvernement, les forceront à adopter des mesures d'interfinancement. Toutefois, l'Office a déterminé que les transporteurs en cause n'ont pas su le montrer et il note que la Cour suprême du Canada a fourni une indication claire dans la décision qu'il a rendue dans l'affaire CCD c. VIA qu'il était raisonnable de procéder à des mesures d'interfinancement pour l'atteinte des principaux objectifs de société, comme l'accommodation des personnes ayant une déficience.
[57] En ce qui concerne l'impact social positif d'une politique 1P1T, l'Office a reconnu les valeurs économiques spécifiques suivantes :
- une diminution de la pression sur les systèmes d'aide sociale;
- une valeur d'assurance, reconnaissant la réalité actuarielle voulant que du point de vue statistique, tous les membres de la société courront le risque d'avoir un jour ou l'autre une déficience permanente ou temporaire;
- la préservation du droit d'accès des personnes ayant une déficience.
[58] L'Office a conclu que l'impact social positif d'une politique 1P1T pourrait l'emporter sur les coûts connexes, sur le plan de l'importance des coûts. À cet égard, l'Office a estimé que le prix moyen des billets d'avion découlant d'une politique 1P1T se traduirait par une augmentation de 77 ¢ pour Air Canada et de 44 ¢ pour WestJet. L'Office a estimé que ces augmentations de prix des billets étaient relativement faible, en termes de dollars absolus et en tant que pourcentage du prix des vols intérieurs moyens, de sorte que ces augmentations sont raisonnables, particulièrement à la lumière des valeurs économiques susmentionnées et de l'amélioration de l'accès au réseau de transport fédéral pour les personnes ayant une déficience grave qu'engendreraient une politique 1P1T. L'un des experts des transporteurs en cause a reconnu que les avantages d'un accès universel constituaient les valeurs économiques positives. La Cour suprême du Canada l'a aussi confirmé dans l'affaire CCD c. VIA. Qui plus est, de telles valeurs reflètent les principes fondamentaux en matière d'accessibilité et l'Office doit en tenir compte dans son analyse du caractère abusif d'une politique 1P1T.
[59] L'Office a conclu qu'Air Canada et WestJet n'ont pas démontré que les répercussions économiques d'une politique 1P1T dans le marché intérieur constituent une contrainte excessive pour les transporteurs.
b) Répercussions financières
[60] L'Office a examiné les contraintes financières d'une politique 1P1T en ce qui a trait aux coûts historiques des mesures d'accommodement des transporteurs en cause; la capacité des transporteurs en cause d'absorber le coût d'une politique 1P1T; et le coût de la mise en œuvre de mécanismes de sélection dans le but d'évaluer l'admissibilité aux avantages d'une politique 1P1T.
Coûts historiques des mesures d'accommodement
[61] L'Office a déterminé que les coûts généraux historiques des mesures d'accommodement pour toutes les personnes ayant une déficience n'étaient pas pertinents pour déterminer si le coût d'une mesure d'accommodement en particulier pour certaines personnes ayant une déficience était abusive. Les transporteurs en cause ont fait valoir qu'ils assument déjà un lourd fardeau financier en raison des mesures qu'ils doivent prendre pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience et que tout augmentation de ce fardeau serait une contrainte excessive, mais l'Office a estimé qu'il serait erroné de considérer la totalité des coûts des mesures d'accommodement pour toutes les personnes ayant une déficience dans un contexte autre que celui faisant partie des coûts d'exploitation généraux des transporteurs.
[62] Cela est conforme à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire CCD c. VIA dans laquelle le tribunal a déclaré que, « Les formes de déficience ne sont jamais toutes en cause lorsqu'on prétend qu'une forme particulière soulève une question de discrimination. » L'Office a aussi souligné que sa détermination à savoir si le coût d'une politique 1P1T représente un obstacle abusif pour Air Canada et WestJet ne doit pas s'appuyer uniquement sur une évaluation des contraintes d'ordre opérationnel; elle doit également trouver son fondement dans le contexte des répercussions économiques et financières associées à ce coût. Ainsi, on ne saurait parvenir à une détermination en se fondant sur le montant qui est déjà dépensé pour les mesures d'accommodement existantes et les services d'accessibilité actuellement offerts pour les personnes ayant une déficience.
La capacité des transporteurs en cause d'absorber le coût d'une politique 1P1T
[63] La preuve portant sur la capacité des transporteurs en cause d'absorber le coût d'une politique 1P1T a été fournie en fonction de :
- la nature cyclique de l'industrie du transport aérien national;
- l'impact d'une politique 1P1T sur la capitalisation boursière des transporteurs en cause;
- l'impact d'une politique 1P1T sur les revenus bruts, la cote de solvabilité et le coût du capital des transporteurs en cause.
(i) nature cyclique de l'industrie du transport aérien national
[64] Les transporteurs en cause ont présenté des preuves des hauts et des bas de l'industrie aérienne canadienne et de la saisonnalité annuelle de la demande, ce qui, selon l'Office, n'aidait pas beaucoup à trouver réponse à la question, si l'on note que la plupart des entreprises fonctionnent, à un certain degré, dans un milieu cyclique et que cela n'a pas d'incidence sur la question de savoir si les coûts des mesures d'accommodement sont abusifs.
(ii) l'impact d'une politique 1P1T sur la capitalisation boursière des transporteurs en caus
[65] Les transporteurs en cause ont déposé un rapport lors de la deuxième audience qui concluait que pour chaque tranche de 1 million de dollars de coûts avant impôts attribuable à une politique 1P1T, Air Canada et WestJet subiront une perte de valeur actualisée se situant entre 9 et 13 millions de dollars. Toutefois, le rapport comportait de nombreuses limites. Entre autres, sa portée était limitée à une observation d'ordre général des facteurs et des approches se rapportant à l'évaluation de la valeur actualisée d'une réduction des revenus avant impôts des transporteurs; aucune étude approfondie sur l'industrie et aucune analyse du rendement des investissements n'avaient été effectuées; le rapport n'en était pas un d'évaluation; et aucune tentative d'évaluation de l'impact d'une politique 1P1T sur la capitalisation boursière ou la valeur des actions d'Air Canada ou de WestJet n'avait été faite. Pour ce qui est de l'hypothèse sur laquelle reposait la préparation du rapport, voulant que le coût d'une politique 1P1T ne serait pas transmis aux consommateurs, l'expert des transporteurs en cause a indiqué qu'il serait approprié de tenir compte des éventuels changements tarifaires liés à l'adoption d'une politique 1P1T afin de mesurer le plein impact d'une telle politique et sa valeur pour l'entreprise de transport aérien. L'expert des transporteurs en cause a reconnu que le rapport n'aidait pas à tirer des conclusions à propos de la viabilité économique d'Air Canada ou de WestJet à la lumière des prévisions des pertes de revenus attribuables à l'adoption de la politique 1P1T.
[66] L'Office a estimé que le rapport des transporteurs en cause était, en soi, d'une aide très limitée afin d'évaluer l'importance de l'impact financier sur les transporteur du coût d'une politique 1P1T. L'Office a noté qu'un coût, en soi, ne permet pas de faire une détermination du caractère abusif; une analyse contextuelle qui évalue l'importance de l'impact du coût sur les intimées est plutôt nécessaire. À cet égard, l'Office a noté qu'aucune tentative sérieuse n'avait été entreprise afin de démontrer l'importance de l'impact d'une politique 1P1T sur les transporteurs, soit en fonction de la capitalisation boursière ou de la valeur des actions des transporteurs ou autrement; ils ont plutôt fait valoir que « tout changement des conditions de coût pour une entreprise a un impact sur ses activités et sa valeur. » Pour leur part, les demandeurs ont présenté un argument convaincant que l'impact d'une politique 1P1T serait comparable à l'impact d'événements quotidiens aléatoires.
[67] En l'absence de preuves démontrant l'importance de l'impact d'une politique 1P1T, l'Office a conclu que les transporteurs en cause ont la capacité d'engager les coûts d'une politique 1P1T.
(iii) impact d'une politique 1P1T sur les revenus bruts, la cote de solvabilité et le coût du capital des transporteurs en cause
[68] L'Office a accepté la proposition avancée par l'expert des demandeurs qu'il est possible, par la comparaison avec les revenus bruts, d'obtenir une indication de l'importance relative des pertes de revenus nets annuels attribuables à une politique 1P1T. Plus précisément, l'Office a accepté l'observation faite par l'expert des demandeurs, avec laquelle l'expert des transporteurs en cause était d'accord, qu'un impact sur les revenus bruts de 0,2 pour cent serait compris dans la marge d'erreur pour les prévisions générales de revenus. En d'autres mots, tout changement de l'ordre de 0,2 pour cent serait compris dans la marge d'incertitude des prévisions de revenus. L'Office a aussi accepté la conclusion de l'expert des demandeurs, à laquelle l'expert des transporteurs en cause ne s'est pas opposé, qu'un déclin de 0,2 pour cent des revenus bruts serait moins que ce qui est habituellement associé à la preuve de préjudice matériel réel ou au besoin des marchés financiers de réévaluer la cote de solvabilité et le taux de la dette.
[69] L'Office a estimé à 7,1 millions de dollars les pertes de revenus nets annuels d'Air Canada découlant du coût d'une politique 1P1T, et le transporteur a déclaré environ 8,2 milliards de dollars en revenus passagers pour 2005. L'Office a donc déterminé que la mise en œuvre d'une politique 1P1T à l'intérieur du pays aurait un impact de 0,09 pour cent sur les revenus d'Air Canada. Pour WestJet, les pertes de revenus nets annuels avant impôts ont été estimées à 2,3 millions de dollars, et les revenus « de clients » et « d'affrètement et autres » à 1,4 milliards de dollars en 2005. L'Office a déterminé que la mise en œuvre d'une politique 1P1T à l'intérieur du pays aurait un impact de 0,16 pour cent sur les revenus de WestJet. À la lumière de ces constatations, l'Office a conclu que, sur le plan des revenus bruts d'Air Canada et de WestJet, le coût d'une politique 1P1T ne serait pas important si l'on tient compte de ses répercussions sur la cote de solvabilité des transporteurs et de la réaction des marchés financiers, puisque l'impact pour les deux transporteurs, mesuré en pourcentage, serait contenu dans la marge d'erreur pour les prévisions générales de revenus.
Conclusion sur la contrainte excessive des répercussions financières d'une politique 1P1T
[70] Les transporteurs en cause ont fait valoir que la présentation en preuve d'une opinion indiquant que les transporteurs en cause ne seraient pas en mesure d'absorber le coût d'une politique 1P1T reviendrait à usurper la compétence de l'Office pour décider de la question. Cependant, l'Office n'était pas d'accord avec cette position des transporteurs en cause et il a souligné que pour satisfaire à l'exigence du fardeau de la preuve, l'intimé qui fonde sa défense sur des contraintes de coûts doit produire une preuve qui démontre l'importance de l'impact du coût; de plus, afin de démontrer que le coût constituerait une contrainte excessive, l'intimé doit prouver que le coût et l'importance de son impact lui seraient préjudiciables à un point tel qu'il serait déraisonnable, peu pratique ou impossible de fournir la mesure d'accommodement demandée. L'Office a rejeté la position des demandeurs voulant qu'un intimé qui fonde sa défense sur des contraintes de coûts doit prouver que la mesure d'accommodement menacerait sa survie ou modifierait le caractère essentiel de l'entreprise.
[71] Après avoir examiné tous les éléments de preuve au dossier, l'Office a déterminé que les transporteurs en cause n'ont pas démontré que les répercussions financières du coût d'une politique 1P1T leur impose une contrainte excessive. Plus précisément, l'Office a conclu :
- que les coûts historiques des mesures d'accommodement n'étaient pas pertinents à son examen des répercussions financières d'une politique 1P1T sur les transporteurs en cause;
- que les éléments de preuve présentés par les transporteurs en cause au sujet du caractère cyclique de l'industrie du transport aérien, quand on les examine avec les éléments de preuve relatifs à leur plus grande capacité de résister à d'importants événements économiques négatifs grâce à l'intensification des efforts de contrôle des coûts, n'ont pas montré qu'ils seraient incapables de soutenir l'impact d'une politique 1P1T;
- que le rapport d'expert déposé par les transporteurs en cause concernant l'impact du coût d'une politique 1P1T sur la valeur commerciale d'Air Canada et de WestJet ne démontrait pas l'importance de pareil impact pour ces transporteurs, sauf en termes généraux, en indiquant que tout changement des conditions de coûts pour une entreprise a un impact sur ses affaires et sur sa valeur commerciale »;
- que le coût d'une politique 1P1T ne serait pas important si l'on tient compte de ses répercussions sur les cotes crédit et de la réaction des marchés financiers, puisque le coût net annuel, après impôts, d'une politique 1P1T représenterait un déclin de moins de 0,2 pour cent des revenus bruts des transporteurs, ce qui, de l'avis même de leur expert, est prévu dans la marge d'erreur.
Contraintes relatives à la sécurité
[72] En ce qui a trait aux présumées contraintes relatives à la sécurité, l'Office a rejeté l'affirmation des transporteurs en cause voulant que la demande à l'étude découle de l'exigence des tarifs d'Air Canada et de WestJet pour le groupe cible des personnes ayant une déficience de voyager avec un Accompagnateur et que la mesure d'accommodement requise serait que l'on permette aux personnes ayant une déficience de décider si elles voyageront avec un Accompagnateur. L'Office a plutôt fait valoir que la notion de sécurité n'est pertinente qu'au moment de définir le nombre de personnes pouvant bénéficier d'une politique 1P1T, puisque l'Office a déterminé que dans l'affaire à l'étude, il est question de l'admissibilité à un avantage économique, pour lequel les transporteurs peuvent établir des critères, et non du refus de transporter des personnes qui préfèrent voyager avec un compagnon pour n'importe quelle raison.
Contraintes opérationnelles
[73] L'Office a conclu qu'il était possible de mettre en place un processus de contrôle efficace afin d'évaluer l'admissibilité à la politique 1P1T, selon les faits suivants établis par la preuve :
- les évaluations des capacités fonctionnelles peuvent servir et servent, en particulier dans l'industrie du transport en commun, à déterminer des capacités plus complexes que celle de savoir si un passager a besoin d'un Accompagnateur pour lui fournir de l'aide pour se nourrir, prendre des médicaments ou utiliser les toilettes, sans offenser les personnes ayant une déficience;
- les transporteurs ont déjà des mécanismes de contrôle en place qui, avec l'expertise appropriée, pourraient être adaptés afin d'évaluer le besoin d'un Accompagnateur;
- Southwest Airlines a une politique officielle à l'égard des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité; elle soumet ces personnes à un test objectif le jour du voyage pour déterminer leur admissibilité aux mesures d'accommodement en place, test qui consiste à évaluer la capacité de ces personnes à prendre place dans un siège passager en descendant les accoudoirs.
[74] En ce qui a trait aux personnes ayant une déficience en raison de leur obésité, comme dans les autres cas de déficience, il peut y avoir certains cas où il sera évident lors du processus de contrôle initial du transporteur qu'une personne ayant une déficience en raison de son obésité ne pourra prendre place dans un siège de l'aéronef utilisé par le transporteur; une évaluation individuelle de la capacité de la personne à prendre place dans le siège de l'aéronef pourrait par contre être nécessaire dans d'autres cas. L'Office reconnaît qu'actuellement les systèmes d'évaluation des transporteurs ne traitent pas des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité et que tout processus de contrôle dans ces cas sera plus complexe. Toutefois, à la lumière de l'expérience de Southwest Airlines, il semble que cette complexité peut être atténuée grâce à l'élaboration et à la mise en œuvre, sensible, d'un test objectif, comme le test de l'accoudoir utilisé par Southwest Airlines.
[75] L'Office a statué qu'il ne dicterait pas aux transporteurs en cause les moyens qu'ils devraient utiliser pour évaluer l'admissibilité. Toutefois, l'Office a déterminé qu'il existait des mécanismes de contrôle d'admissibilité raisonnables et pratiques. Un processus de contrôle qui exigerait une évaluation médicale initiale et, à la rigueur, un test objectif comme celui utilisé par Southwest Airlines pourrait être perçu par les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité comme étant lourd et difficile. Cependant, l'Office a conclu que ce type d'évaluation de ces personnes rendrait une telle évaluation plus objective et serait raisonnable compte tenu de l'avantage financier que leur procurerait l'adoption de la politique 1P1T.
[76] L'Office a conclu que les transporteurs en cause n'ont pas prouvé que des contraintes opérationnelles les empêcheraient de mettre en œuvre/d'opérationnaliser une politique 1P1T à l'avantage des populations cibles des personnes ayant une déficience et que les transporteurs en cause n'ont pas démontré que les enjeux constituent pour eux une contrainte excessive.
Table des matières
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Partie II - Déterminations en vertu de l'article 172 de la LTC
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Partie V - Déterminations sur les contraintes soulevées par Air Canada et WestJet
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Détermination du coût de la mesure d'accommodement
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Rapports d'expert sur l'estimation du coût d'une politique 1P1T
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Coût estimatif d'une politique 1P1T
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Pertes estimatives de revenu net avant impôts attribuables à une politique 1P1T
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Approche pour calculer les pertes annuelles de revenu net avant impôts
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Les abréviations utilisées dans la présente décision sont présentées à l'annexe A et un glossaire des termes et des définitions utilisés dans la présente décision est présenté à l'annexe B.
Partie I - Contexte
Audience
Tribunal3
Gilles Dufault Membre, président du Comité, Office des transports du Canada
Beaton Tulk Membre, Office des transports du Canada
Participants
Elizabeth Barker Avocate, Office des transports du Canada
Inge Green Avocate, Office des transports du Canada
Comparants
David Baker Avocat des demandeurs
Sarah Godwin Avocate des demandeurs
Eric Norman Demandeur
Joanne Neubauer Demanderesse
Adele D. Furrie Témoin expert des demandeurs
David Lewis, Ph. D. Témoin expert des demandeurs
Ritu Khullar Avocat de l'intervenante, Linda McKay-Panos
Laurie Ringaert Témoin expert de l'intervenante
Gerard Chouest Avocat d'Air Canada et de WestJet
Rinku Deswal Avocat d'Air Canada et de WestJet
Professeur David Allison Témoin expert d'Air Canada et de WestJet
Richard Crosson Témoin expert d'Air Canada et de WestJet
Professeur Frederick Lazar, Ph. D. Témoin expert d'Air Canada
Brenda Pask Témoin expert de WestJet
Michael Tretheway, Ph. D. Témoin expert de WestJet
Cliff MacKay Témoin d'Air Canada et de WestJet
Colleen Arnold Témoin d'Air Canada
Dr Edward Bekeris, M.D. Témoin d'Air Canada
Odette Desmarais Témoin d'Air Canada
Lucie Guillemette Témoin d'Air Canada
Juliane Lambert Témoin d'Air Canada
Marian O'Connor Témoin d'Air Canada
Hugh Dunleavy Témoin de WestJet
Lorne Mackenzie Témoin de WestJet
Lisa Puchala Témoin de WestJet
Dean Puffer Témoin de WestJet
Richard S. Fisher Expert indépendant nommé par l'Office
Professeur Peter Katzmarzyk Expert indépendant nommé par l'Office
Susan Greene Témoin, à la demande de l'Office
Question
[1] La question soulevée par les demandeurs a trait au fait que les personnes ayant une déficience doivent payer le tarif pour le siège supplémentaire qu'elles requièrent en raison de leur déficience lorsqu'elles utilisent des services de transport aérien intérieurs4, de même que les frais d'améliorations aéroportuaires perçus pour leur Accompagnateur5, ce qui constitue selon eux des obstacles abusifs aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.
[2] Comme réparation, les demandeurs demandent à l'Office de prendre un arrêté, en vertu du paragraphe 172(3) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), enjoignant aux intimées de mettre en place un régime « une personne, un tarif » pour le transport aérien intérieur, de telle sorte que :
- pour toute personne ayant une déficience et qui est tenue de voyager avec un Accompagnateur aux termes des tarifs des compagnies aériennes, Air Canada, la Société en commandite Jazz Air, représentée par son commandité, Commandité Gestion Jazz Air inc. exerçant son activité sous le nom d'Air Canada Jazz (ci-après Air Canada Jazz) et WestJet (ci-après les transporteurs en cause) autorisent l'accompagnateur à voyager sans frais;
- pour toute personne ayant une déficience en raison de son obésité qui ne peut abaisser l'accoudoir du siège qui lui est assigné de manière sécuritaire et avec dignité, les transporteurs en cause lui fournissent un second siège adjacent ou un siège plus large sans frais;
- pour toute personne ayant une déficience qui a besoin d'un siège supplémentaire en raison de sa déficience, les transporteurs en cause le lui fournissent sans frais;
- ni l'Administration de l'aéroport international de Gander, ni l'Association du transport aérien du Canada (ci-après l'ATAC) n'imposent ou ne perçoivent des frais d'améliorations aéroportuaires sur le siège supplémentaire fourni aux personnes ayant une déficience susmentionnées.
[3] Les intimées font valoir que ces tarifs et frais additionnels ne constituent pas des obstacles abusifs aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience, car il est raisonnable que l'on demande à celles-ci de payer les frais pour les sièges qu'elles utilisent, et les frais d'améliorations pour les services et les installations dont bénéficient les Accompagnateurs en tant que passager. Plus précisément, les transporteurs en cause affirment que les demandes devraient être rejetées, car, si elles étaient reçues, elles entraîneraient pour eux une contrainte excessive et déraisonnable, notamment :
- un accroissement du fardeau financier que ces compagnies aériennes doivent déjà assumer en raison des mesures qu'elles sont tenues de mettre en place pour éliminer les obstacles aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience, notamment en ce qui a trait à la formation des employés et aux services et équipements spéciaux;
- un désavantage concurrentiel, car elles seraient assujetties à des règles différentes de celles qui s'appliquent aux autres transporteurs aériens qui assurent un service intérieur;
- un désavantage concurrentiel sur la scène internationale, car leurs compétiteurs n'ont pas à assumer un fardeau financier semblable.
Observations préliminaires
Décisions déjà rendues par l'Office
1. Portée de l'enquête de l'Office
[4] Le 22 janvier 2003, les transporteurs en cause et l'ATAC ont adressé des interrogatoires écrits au Conseil des Canadiens avec déficiences (ci-après le CCD), et lui ont demandé entre autres de préciser le nombre de personnes qui selon lui devraient bénéficier de l'application du principe « une personne, un tarif » (ci-après 1P1T), selon la définition qu'en donne l'annexe A, sur lequel repose sa demande, afin de permettre aux intimées de connaître le nombre de personnes qui, selon le CCD, seraient admissibles à l'application d'une politique 1P1T, et dans quelles circonstances. Le CCD a répondu que « toute personne qui a besoin de plus d'un siège à bord d'un aéronef en raison de sa déficience devrait bénéficier de ce principe ». (traduction)
[5] En réponse, les transporteurs en cause et l'ATAC ont déposé des motions devant l'Office demandant, entre autres, une réponse complète du CCD ou sinon, qu'un autre cadre soit utilisé afin de déterminer la taille de la catégorie des personnes qui seraient admissibles à l'application d'une politique 1P1T. De plus, les transporteurs en cause et l'ATAC ont demandé à l'Office de déterminer les transporteurs et les classes de services qui seraient touchés par la demande, car, selon eux, « il n'existe aucun fondement selon lequel un arrêté pourrait être pris sans que cela n'ait de répercussions sur les intérêts de l'ensemble des transporteurs aériens qui exercent des activités au Canada ». (traduction)
[6] Dans la décision no LET-AT-A-356-2004, l'Office a déterminé, en ce qui a trait aux personnes qui pourraient bénéficier d'un arrêté de l'Office, que la catégorie des personnes qui pourraient bénéficier d'une éventuelle réparation systémique sont les personnes ayant une déficience qui, lorsqu'elles voyagent par avion, ont besoin de plus d'un siège en raison de leur déficience, soit pour elles-mêmes ou pour leur Accompagnateur. En ce qui a trait à la modification de la liste des intimées de manière à inclure d'autres transporteurs de l'industrie du transport aérien intérieur, l'Office a confirmé qu'en vertu de l'article 172 de la LTC, il ne peut élargir la portée d'une demande en ajoutant d'autres intimées à son enquête. Toutefois, l'Office note que cela n'empêche pas d'autres transporteurs de participer à l'instance, par exemple, en demandant le statut d'intervenant.
2. Compétence relativement au droit pour la sécurité des passagers du transport aérien
[7] Les demandeurs ont inclus initialement dans leur demande le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien (ci-après le DSPTA) perçu en vertu de la Loi sur le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, L.C. (2002), ch. 9 (ci-après la LDSPTA) auprès, entre autres, des personnes ayant une déficience qui ont besoin de plus d'un siège en raison de leur déficience lorsqu'elles voyagent par avion. Toutefois, en réponse à une motion déposée par le ministre du Revenu national, de l'époque, et après examen des plaidoiries écrites relativement à cette question, l'Office a déterminé dans la décision no LET-AT-A-128-2005 datée du 21 avril 2005, qu'il n'avait pas compétence sur le DSPTA et a rejeté la demande contre le ministre du Revenu national. L'Office a établi que le DSPTA n'est pas assimilable à des frais conformément au paragraphe 170(1) de la LTC, car il est imposé en vertu de la LDSPTA et, à ce titre, ne relève pas des pouvoirs de l'Office en matière de réglementation et de règlement des plaintes.
3. Demande en vertu du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés
[8] Les demandeurs ont aussi fait valoir dans leur demande que les tarifs contenus dans le tarif des transporteurs en cause, les frais d'améliorations imposés par l'Administration de l'aéroport international de Gander et le DSPTA sont assujettis à la Charte canadienne des droits et libertés, L.R.C. (1985), appendice II, no 44, annexe B (ci-après la Charte) et qu'ils devraient être invalidés parce qu'ils violent le paragraphe 15(1) de la Charte et qu'ils ne peuvent être confirmés aux termes de l'article 1 de la Charte. Les demandeurs ont affirmé que l'Office est un « tribunal compétent » pour rendre une décision en vertu du paragraphe 15(1) et ordonner réparation en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte.
[9] Les intimées, l'ATAC et le ministre du Revenu national ont contesté cette affirmation. Ils ont fait valoir que l'Office n'est pas un tribunal compétent pour déterminer s'il y a lieu d'accorder des réparations fondées sur la Charte et, quoi qu'il en soit, les actions des transporteurs en cause et de l'ATAC ne sont pas assujetties à un examen en vertu de la Charte.
[10] Après examen des plaidoiries écrites qui ont été déposées, l'Office a conclu dans la décision no LET-AT-A-128-2005 qu'il n'y avait pas lieu d'examiner la question de sa compétence pour entendre des arguments fondés sur la Charte et pour accorder des réparations en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte. L'Office a déterminé que la Charte ne s'appliquait ni aux transporteurs en cause, ni à l'ATAC, et que la preuve présentée était insuffisante pour permettre de répondre à la question quant à savoir si le contrôle exercé par le gouvernement fédéral relativement à l'Administration de l'aéroport international de Gander est suffisant pour que celle-ci soit assujettie à la Charte. Dans ce dernier cas, l'Office a aussi noté qu'il serait préférable qu'un autre forum se penche sur cette question en raison des importantes conséquences qu'une telle décision pourrait avoir sur l'Administration de l'aéroport international de Gander.
Questions pendantes
1. Statut de l'ATAC en tant qu'intimée
[11] Dans sa réponse datée du 28 février 2003, l'ATAC a indiqué que les transporteurs aériens percevaient les frais d'améliorations auprès de tous les passagers des transporteurs aériens en partance de certains aéroports conformément à un protocole d'entente signé entre l'ATAC et les transporteurs aériens et certaines administrations aéroportuaires, notamment l'Administration de l'aéroport international de Gander (ci-après le PE). En vertu de ce PE, l'ATAC agit à titre d'administrateur et de secrétaire, et exerce un rôle purement administratif en établissant de quelle manière les frais d'améliorations perçus sont versés aux administrations aéroportuaires.
[12] Par conséquent, l'Office estime que c'est l'Administration de l'aéroport international de Gander, et non l'ATAC, qui est l'intimée appropriée relativement à la demande portant sur les frais d'améliorations qui sont perçus à l'aéroport international de Gander, et rejette donc la demande contre l'ATAC.
2. Demande en vertu du paragraphe 67.2(1) de la LTC
[13] Les demandeurs ont d'abord soumis leur demande non seulement en vertu de l'article 172 de la LTC – la disposition relative au traitement des plaintes en matière de transport accessible par l'Office – mais aussi en vertu du paragraphe 67.2(1) de la LTC qui autorise l'Office à suspendre ou annuler les conditions de transport qu'appliquent des transporteurs aériens canadiens qui exploitent des services aériens intérieurs s'il conclut, sur dépôt d'une plainte, qu'elles sont déraisonnables ou injustement discriminatoires.
[14] Sans juger de l'exactitude de l'affirmation des demandeurs comme quoi le paragraphe 67.2(1) s'applique aux tarifs et aux frais, l'Office estime qu'il est approprié de limiter son examen de la demande à sa compétence prévue en vertu de l'article 172, s'agissant de la disposition la plus précise et pouvant s'appliquer de façon plus étroite aux préoccupations des personnes ayant une déficience en ce qui a trait à l'accessibilité. La compétence de l'Office pour ce qui est de déterminer si « les tarifs [...] applicables au transport des personnes ayant une déficience » et « les frais [...] applicables au transport et aux services connexes offerts aux personnes ayant une déficience » constituent des obstacles abusifs aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience, est prévue explicitement à l'alinéa 170(1)c) et au paragraphe 172(1) de la LTC. En outre, le pouvoir de l'Office d'ordonner des mesures correctives en vertu du paragraphe 172(3) de la LTC a en fait une portée plus large que le pouvoir de réparation prévu par la disposition plus générale du paragraphe 67.2(1) de la LTC, et comprend les réparations prévues en vertu du paragraphe 67.2(1).
[15] Pour ces raisons, l'Office n'examinera la demande que dans le contexte de la disposition plus précise en matière de traitement des plaintes prévue à l'article 172 de la LTC.
Parties
Les demandeurs
[16] Eric Norman était paraplégique et habitait à Gander (Terre-Neuve). Il avait besoin d'un siège supplémentaire pour son Accompagnateur lorsqu'il voyageait par avion. Après le décès de M. Norman le 12 mars 2006, sa demande a été maintenue par sa succession.
[17] M. Norman a été surintendant adjoint d'un conseil scolaire la majeure partie de sa carrière, mais il a dû prendre sa retraite à l'âge de 51 ans après avoir contracté une maladie rare en 1983 qui l'a rendu paraplégique. Il a fait valoir que comme il vivait à Gander (Terre-Neuve), le transport aérien était le seul moyen réaliste qui s'offrait à lui pour voyager à l'extérieur de l'île, ce qu'il devait faire pour subir des traitements médicaux, entre autres choses. La province de Terre-Neuve assumait 50 pour cent de ses frais de voyage pour qu'il puisse recevoir des soins de santé qui n'étaient pas disponibles dans la province. Bien que M. Norman ait reconnu qu'il avait les moyens de payer ses frais de voyage, il a indiqué que les frais additionnels associés au fait de devoir voyager avec un Accompagnateur lui causaient des préoccupations, car il vivait avec un revenu fixe.
[18] M. Norman a estimé qu'il prenait de sept à 10 vols par année, dont quatre en moyenne étaient pour des raisons personnelles. M. Norman a mentionné qu'il avait l'habitude de voyager seul au début, mais que cela lui a causé des problèmes, et que par conséquent depuis de nombreuses années il voyageait en compagnie de son épouse ou d'un autre membre de la famille agissant comme Accompagnateur.
[19] M. Norman a voyagé avec Air Canada les 19 et 24 mai 2002, et il a bénéficié d'un rabais de 50 pour cent sur le tarif applicable pour le siège de son Accompagnateur.
[20] Le 3 juin 2002, M. Norman devait se rendre avec son Accompagnateur à Toronto pour y subir des traitements. Il a obtenu confirmation auprès d'Air Canada qu'il était admissible au rabais de 50 pour cent sur le prix du billet de l'Accompagnateur, mais a été avisé qu'Air Canada Tango (un transporteur à rabais lancé par Air Canada qui a depuis cessé ses activités) n'offrait pas un tel rabais. Il a été indigné de l'explication que lui a donnée le préposé aux réservations comme quoi le rabais n'était pas offert parce qu'Air Canada Tango était une « compagnie aérienne sans services de luxe », ce à quoi M. Norman a répondu que le rabais d'Accompagnateur n'était pas un « luxe » pour lui, mais bien une nécessité. Il a payé les deux billets et est revenu le 6 juin 2002.
[21] Le 25 juin 2002, M. Norman devait encore une fois se rendre à Toronto, et il est parti de Gander à bord d'un vol d'Air Canada Jazz. Il a obtenu le rabais applicable sur le prix du billet de son Accompagnateur.
[22] Le 2 mars 2004, il a effectué avec son Accompagnateur le trajet Gander-Toronto via Halifax pour aller subir des traitements, et il est revenu le 22 mars 2004. Le tronçon Gander-Halifax était assuré par Air Canada Jazz, alors que la liaison Halifax-Toronto était assurée par Air Canada. Le prix du billet de M. Norman s'est élevé à 722,48 $ (prix du billet : 542,00 $; TPS : 0,84 $; TVH : 85,06 $; frais d'améliorations aéroportuaires : 24,00 $; droit pour la sécurité des passagers du transport aérien : 13,08 $; frais non remboursables pour service intérieur : 50,00 $ et TVH sur les frais : 7,50 $). Le prix total du billet à tarif réduit de son accompagnateur s'est élevé à 433,83 $ (prix du billet : 291,00 $; TPS : 0,84 $; TVH : 47,41 $; frais d'améliorations aéroportuaires : 24,00 $; droit pour la sécurité des passagers du transport aérien : 13,08 $; frais non remboursables pour service intérieur : 50,00 $ et TVH sur les frais : 7,50 $). Le coût total de son voyage aller-retour a été de 1 156,31 $.
[23] Le 25 mai 2005, M. Norman est parti de St. John's avec son Accompagnateur pour se rendre à Toronto subir d'autres traitements, et il est revenu le 29 mai 2005. M. Norman a voyagé à bord d'un vol exploité par Air Canada, et a été informé que les rabais de Tango ne comprenaient pas de rabais pour un Accompagnateur. M. Norman a tout de même choisi de voyager avec Tango, car le coût total des deux billets s'élevait à environ 1 396 $, comparativement à 2 471 $ qu'il aurait dû payer pour son billet et pour le billet d'Accompagnateur avec le forfait à tarif réduit Latitude s'il avait voyagé avec Air Canada.
[24] M. Norman a indiqué qu'en 2004 il avait effectué au total cinq voyages à des fins médicales ou autres et qu'il a déboursé entre 1 000 $ et 2 000 $ pour que son Accompagnateur voyage avec lui, et ce, en plus de ses propres dépenses de voyage et en ne tenant pas compte de la subvention du gouvernement de Terre-Neuve versée pour les voyages effectués à des fins médicales.
[25] M. Norman a indiqué qu'après être devenu handicapé en 1983, il a fait du bénévolat auprès d'organismes d'aide aux personnes ayant une déficience, d'abord au niveau local; par la suite, il a œuvré au niveau provincial auprès de la Consumer Organization of Disabled People of Newfoundland and Labrador; et enfin, au niveau fédéral, auprès du CCD (auparavant appelé la Coalition des Organisations Provinciales Ombudsman des Handicapés, ci-après la COPOH) en tant que membre, membre du conseil d'administration et président du comité des transports, de même qu'auprès du Comité consultatif sur le transport accessible (ci-après le CCTA) du ministre des Transports, encore une fois en tant que membre et président. À ce titre, il connaissait la question du principe 1P1T et a fait des représentations à cet égard dans le contexte de l'industrie canadienne du transport aérien. Il a mentionné « qu'un consensus se dégage au sein de la communauté des personnes ayant une déficience quant au fait que le transport est probablement la question la plus importante à régler avant que l'on puisse traiter des autres questions de façon satisfaisante. » (traduction)
[26] Selon M. Norman, le principe 1P1T a été soulevé officiellement pour la première fois en 1979 lors d'une conférence nationale organisée par la COPOH sur les problèmes de transport pour les personnes ayant une déficience. Il a souligné que la première réponse du gouvernement à la suite de cette conférence a été la décision prise en 1980 par le Comité des transports par chemin de fer, de l'un des organismes que l'Office a remplacé, la Commission canadienne des transports, dans l'affaire Clariss Kelly, selon laquelle le Comité a enjoint à VIA Rail Canada Inc., entre autres, d'établir un tarif fondé sur le principe 1P1T.
[27] Le CCD a par la suite fait des représentations auprès d'un Comité parlementaire spécial portant notamment sur la question du 1P1T; M. Norman a signalé que le rapport Obstacles publié par ce comité formulait une recommandation touchant le principe 1P1T. En 1983, la COPOH a fait des représentations auprès d'un comité spécial du Comité des transports aériens de la Commission canadienne des transports, créé dans le but d'examiner les questions entourant l'accessibilité du transport aérien, notamment la question du 1P1T; le Comité a finalement recommandé que le principe 1P1T soit reconnu dans un règlement.
[28] En 1993, un autre des organismes que l'Office a remplacé, l'Office national des transports, a proposé un règlement sur les tarifs aériens pour Accompagnateurs. Toutefois, M. Norman a mentionné certains problèmes que soulevait le projet de règlement du point de vue du CCD, notamment que le règlement ne prévoyait qu'une réduction de 75 pour cent du prix du billet d'un Accompagnateur et qu'à son avis les critères d'admissibilité étaient beaucoup trop stricts et auraient pour effet que de nombreuses personnes ayant une déficience et qui ont besoin des services d'un Accompagnateur seraient inadmissibles au tarif réduit.
[29] En 1995, l'ATAC a proposé que ses membres offrent sur une base volontaire une réduction de 50 pour cent sur tous leurs tarifs d'Accompagnateur; M. Norman souligne qu'il s'agissait d'une offre alléchante à l'époque. Il mentionne un exemple alors présenté montrant qu'une réduction de 50 pour cent appliquée à un tarif réduit aurait eu pour effet que le billet d'un Accompagnateur serait revenu à seulement 9 pour cent du plein tarif. Toutefois, M. Norman indique que cette politique n'a été appliquée que pendant une courte période, avant que des changements ne soient apportés, et que l'on se retrouve maintenant dans la situation où, par exemple, Air Canada n'offre qu'une réduction de 50 pour cent sur son plein tarif et non sur ses tarifs réduits.
[30] À la demande du ministre des Transports, l'ATAC a formé un sous-comité chargé d'examiner la question du 1P1T, formé de représentants de la communauté des personnes ayant une déficience et de l'industrie du transport aérien, mais M. Norman a indiqué qu'à sa connaissance le sous-comité ne s'est réuni que trois fois sur une période de 18 mois et qu'il est devenu « totalement paralysé » et dans l'incapacité d'établir un consensus nécessaire pour formuler une recommandation au ministre.
[31] Ultérieurement, le CCD a décidé de déposer une demande à l'Office afin de régler cette question.
[32] Joanne Neubauer vit avec une forme grave de polyarthrite rhumatoïde, une maladie évolutive, depuis l'âge de deux ans et habite à Victoria (Colombie-Britannique). Elle a besoin d'un fauteuil roulant pour se déplacer, mais peut utiliser des béquilles pour de courtes distances. Elle a aussi besoin de l'aide de préposés aux soins personnels dans sa vie quotidienne et d'un siège supplémentaire pour un Accompagnateur lorsqu'elle prend l'avion. Elle a fait savoir que le gouvernement provincial assume les frais liés aux tâches régulières de son Accompagnateur, mais non les coûts de transport.
[33] Mme Neubauer mentionne qu'elle a été sans emploi pour la majeure partie de sa vie adulte, bien qu'elle ait travaillé pendant de courtes périodes à des projets impliquant des personnes ayant une déficience, et fait du bénévolat auprès d'un organisme représentant celles-ci par le passé. Elle dispose d'un revenu fixe limité, qui provient du programme provincial d'aide au revenu pour les personnes ayant une déficience.
[34] Mme Neubauer a démontré qu'elle voyageait environ une fois par année, mais qu'elle le ferait davantage si elle ne devait pas payer un tarif additionnel pour son Accompagnateur. À sept occasions, Mme Neubauer a calculé qu'elle n'avait pas les moyens de prendre l'avion entre Victoria et Edmonton, Prince George, Grande Prairie ou Dawson Creek.
[35] En juin 1999, Mme Neubauer s'est adressée à WestJet afin de savoir combien il lui en coûterait pour elle et son Accompagnateur pour se rendre de Victoria à Edmonton le 15 juillet 1999, avec retour le 10 août suivant. On lui a alors dit que WestJet n'offre pas de tarif réduit pour les Accompagnateurs. Elle mentionne que par expérience elle sait que deux billets plein tarif avec WestJet lui coûteraient moins cher qu'un billet plein tarif et un billet à tarif réduit de 50 pour cent pour son Accompagnateur avec Air Canada. Malgré cela, elle a calculé qu'elle n'avait pas les moyens de se rendre à Edmonton par avion, bien qu'il s'agisse pour elle du meilleur moyen de transport compte tenu des besoins reliés à sa déficience. Elle a alors choisi de partager la location d'une camionnette avec un ami, car une automobile n'aurait pu recevoir son fauteuil roulant. En octobre 2000, Mme Neubauer s'est adressée à WestJet afin de savoir combien il lui en coûterait pour elle et son Accompagnateur pour se rendre de Victoria à Grande Prairie le 28 octobre 2000, avec retour le 30 octobre suivant, à l'occasion du 25e anniversaire de mariage de son frère. Elle dit avoir espéré alors que WestJet aurait adopté une politique semblable à celle des autres compagnies aériennes au Canada qui offrent un tarif réduit pour un siège supplémentaire dont ont besoin des personnes ayant une déficience; on lui a alors dit que WestJet n'offrait pas de tarif réduit pour les Accompagnateurs. Mme Neubauer affirme que sans un rabais elle n'avait pas les moyens d'acheter les billets; c'est son frère qui a finalement acheté des billets pour Mme Neubauer et son Accompagnateur pour un voyage avec Air Canada. Elle déclare que malgré le fait que son frère ait indiqué à l'agent de billetterie d'Air Canada que le second billet était pour un Accompagnateur, il n'a pas songé à demander, et on ne le lui a pas offert, le tarif réduit de 50 pour cent pour l'Accompagnateur.
[36] Mme Neubauer a été invitée à représenter le Action Committee of People with Disabilities dans le cadre d'une conférence parrainée par le Social Planning and Research Council of British Columbia, qui devait se tenir à Prince George, du 27 juillet au 2 août 2002. Encore une fois, Mme Neubauer s'est informée du coût des billets avec WestJet, et on lui a dit que WestJet n'offrait toujours pas de tarif réduit pour les Accompagnateurs. Mme Neubauer se rappelle que chaque billet lui aurait coûté un peu moins de 200 $, et que, sans le rabais, elle ne pouvait se le permettre. Par conséquent, elle dit qu'elle n'a pas pu se rendre à la conférence pour représenter le comité.
[37] Mme Neubauer ajoute qu'elle a été dans l'impossibilité de prendre l'avion pour se rendre chez ses parents à Dawson Creek à quatre différentes occasions :
- en 1998, pour le 50e anniversaire de mariage de ses parents;
- en 1999, pour le 80e anniversaire de naissance de son père;
- en janvier 2005, pour visiter sa mère souffrante;
- en mars 2005, pour visiter ses parents avant leur déménagement à Vancouver.
[38] En 1998, elle a pu emprunter la camionnette d'un ami pour se rendre à Dawson Creek, mais elle n'a pas été en mesure de le faire en 1999 et 2005 en raison des conditions de conduite hivernale. Elle mentionne aussi que son état s'est détérioré et qu'il ne lui permet plus d'effectuer de tels voyages dans un véhicule personnel, ce qui limite ses options de déplacement.
[39] Le Conseil des Canadiens avec déficiences a été fondé en 1976 et œuvre à l'échelle nationale afin d'améliorer la situation des femmes et des hommes ayant une déficience en éliminant les inégalités et la discrimination. Le CCD est formé de représentants d'organismes provinciaux et d'organismes nationaux majeurs œuvrant pour les personnes ayant une déficience.
[40] Le CCD fait valoir que la question du 1P1T est une préoccupation de longue date des milieux œuvrant pour les personnes ayant une déficience. La COPOH a jugé cette question prioritaire depuis pratiquement sa création à la fin des années 70. En 1979, la COPOH a organisé une conférence nationale sur les transports à l'occasion de laquelle les participants ont adopté une résolution demandant une politique nationale afin que « les frais additionnels pour un accompagnateur soient assumés par les transporteurs aériens » (traduction), c'est-à-dire l'adoption d'une politique « une personne, un tarif ». Le CCD souligne qu'après l'adoption de cette motion, cette question est devenue un thème central de la communauté des personnes ayant une déficience pour les 20 années suivantes.
L'intervenante
[41] Linda McKay-Panos habite à Calgary (Alberta); en raison de son obésité, elle a besoin d'un siège supplémentaire lorsqu'elle prend l'avion. À la suite de la décision de la Cour d'appel fédérale du 13 janvier 2006 qui concluait qu'elle est une personne ayant une déficience aux termes de la partie V de la LTC, comme il est énoncé au paragraphe 127 ci-après, elle a sollicité auprès de l'Office un droit de participation à l'audience en tant qu'intervenante à l'appui des demandeurs, et l'Office lui a accordé ce droit dans la décision no LET-AT-A-175-2006.
[42] L'expérience de voyage de Mme McKay-Panos avec Air Canada est décrite dans la décision de l'Office no 567-AT-A-2002
[43] Mme McKay-Panos maintient qu'elle a été victime de stéréotypes, qu'elle a été la cible de discrimination et qu'elle a été traitée de manière impolie et empreinte de jugement. Elle affirme qu'elle n'a pas été traitée avec dignité à cause de son obésité. Mme McKay-Panos affirme que les tarifs qu'elle doit payer pour acheter un second siège en classe économique ou un siège en classe affaires signifient qu'elle ne peut pas participer équitablement au transport, une activité qui est disponible à des fins professionnelles et personnelles aux Canadiens qui n'ont pas de déficience.
Les intimées
[44] Air Canada est le plus important transporteur aérien à prestations complètes du Canada et le plus grand fournisseur de services passagers réguliers sur les marchés canadien, transfrontalier et international. Avec Air Canada Jazz, Air Canada a fourni des services aériens à 23 562 000 passagers en 2005 et offre des vols directs vers plus de 170 destinations, sur cinq continents. Air Canada est un membre fondateur du réseau Star AllianceTM, un vaste réseau de transporteurs aériens internationaux.
[45] Air Canada Jazz est le plus important transporteur aérien régional au Canada et exploite des services intérieurs et transfrontaliers de transport de passagers au nom d'Air Canada. Air Canada Jazz applique les mêmes politiques et procédures qu'Air Canada, et c'est pourquoi la preuve ayant trait aux deux transporteurs a été combinée; ainsi, toutes les références à Air Canada dans la présente décision comprennent aussi Air Canada Jazz, à moins d'indication contraire.
[46] WestJet est le deuxième transporteur aérien en importance au Canada, et assure principalement des services intérieurs, mais a étendu son offre ces dernières années avec des services transfrontaliers (depuis 2004) et internationaux (depuis 2006). WestJet a transporté 8 530 000 passagers en 2005.
[47] L'Administration de l'aéroport international de Gander est un organisme à but non lucratif qui gère les activités de l'aéroport depuis que le gouvernement fédéral l'a cédé le 1er mars 2001.
Experts
Au nom des demandeurs
[48] Adele D. Furrie a été directrice du Programme des enquêtes postcensitaires de Statistique Canada, responsable des Enquêtes sur la santé et les limitations d'activités (ci-après ESLA) menées en 1986 et 1991 et du programme national de base de données statistiques sur les questions se rapportant aux personnes ayant une déficience. Elle a aussi été présidente du comité consultatif pour l'Enquête sur la participation et les limitations d'activités (ci-après l'EPLA) de 2006, et a travaillé pour la division de statistique des Nations Unies et des États-Unis, conseillant les pays en développement sur la collecte de statistiques sur les questions de déficience. L'Office a reconnu les compétences de Mme Furrie à titre de témoin expert sur les questions démographiques se rapportant aux personnes ayant une déficience, et sur la conception et l'analyse des données sur les déficiences.
[49] Les demandeurs ont soumis deux rapports rédigés par Mme Furrie : le premier, daté du 17 mai 2005, et le second, une mise à jour, daté du 27 mai 2005, intitulé Report on Incidence of Persons with Disabilities in Canada Who May Require More Than One Aircraft Seat, dans lesquels elle a examiné les données présentées dans l'EPLA de 2001 afin de définir et de quantifier trois sous-populations de personnes ayant une déficience alors pertinentes à cette affaire, soit les personnes qui ont besoin d'un accompagnateur lorsqu'elles voyagent, les personnes qui ont une déficience en raison de leur obésité et les personnes qui utilisent une civière, afin d'estimer le nombre d'entre elles qui pourraient bénéficier d'une politique 1P1T, et d'estimer leurs revenus et leur capacité de se déplacer sur de longues distances.
[50] David Lewis est titulaire d'un doctorat en économie de la London School of Economics, et a rédigé une thèse sur les aspects économiques associés à la satisfaction des besoins de transport des personnes ayant une déficience. Il a reçu le prix William G. Bell pour son leadership exceptionnel en matière de transport spécialisé pour les personnes ayant une déficience. Il est vice-président exécutif et directeur national des Services économiques et financiers de HDR/HLB Decision Economics, et a travaillé auprès des gouvernements américain et canadien à la réalisation de diverses analyses d'impact réglementaire et économique ayant trait à la Americans with Disabilities Act, à la Air Carrier Access Act et à la politique « Ciel ouvert » proposée par Transports Canada. Il possède une expérience dans la réalisation d'analyses de risques et d'analyses de solvabilité pour l'industrie des services financiers. L'Office a reconnu les compétences de M. Lewis à titre de témoin expert en économie, en mesure de fournir une opinion et un témoignage d'expert sur l'évaluation des répercussions économiques associées à la satisfaction des besoins de transport des personnes ayant une déficience, et ce, tant sur les fournisseurs de services de transport que sur les personnes ayant une déficience, et notamment sur la détermination des sous-populations pertinentes, l'élasticité de la demande, l'analyse du comportement des consommateurs et du risque financier, de même qu'en ce qui a trait à la collecte des données.
[51] Les demandeurs ont soumis deux rapports rédigés par M. Lewis :
- Le premier, soumis le 21 juillet 2006, intitulé Financial and Economic Effects of One Person-One Fare, présente les répercussions financières sur l'industrie du transport aérien, de même que les effets économiques sur les passagers des compagnies aériennes et le grand public, de la mise en œuvre d'une politique 1P1T pour les personnes ayant une déficience voyageant avec un accompagnateur, en vertu des tarifs des transporteurs aériens. M. Lewis a combiné ce qui, à son avis, était la théorie économique et les données disponibles les plus pertinentes pour élaborer la structure et les modèles logiques permettant la quantification des coûts potentiels pour Air Canada et WestJet si une politique 1P1T était adoptée sur les routes intérieures. Selon son rapport, il a aussi employé son processus d'analyse de risques (Risk Analysis Process©) afin de tenir compte des données limitées et de l'incertitude inhérente au cadre de modélisation. M. Lewis indique qu'il a utilisé les mêmes facteurs pour le nombre d'allers simples, le tarif moyen et l'élasticité des prix que ceux qu'a utilisés l'expert économiste des transporteurs en cause, le professeur Lazar; il a aussi utilisé les mêmes facteurs de vols complets, les mêmes coûts marginaux et les mêmes parts du marché intérieur que ceux utilisés par Ernst & Young Orenda Corporate Finance Inc., la firme d'expert retenue par Air Canada, et par Siebert/Pask, la firme d'expert retenue par WestJet. Il a fourni des estimations de pertes de recettes associées aux personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un accompagnateur et un modèle servant à déterminer les pertes de recettes associées aux personnes qui ont besoin de plus d'un siège en raison de leur obésité, mais a fait savoir qu'il a été dans l'incapacité d'établir un modèle fonctionnel en raison du manque de données.
- Le second, daté du 8 septembre 2006, intitulé Review of "Analysis of Issues Raised" by Moncrieff Management Limited, August 11, 2006, présente un examen du rapport de Richard S. Fisher, l'un des deux experts nommés par l'Office.
[52] Lors de la seconde audience, M. Lewis a soumis une annexe intitulée Summary of Evidence, comportant un aperçu général de son modèle d'accompagnateur, et une annexe présentant les répercussions sur le revenu net selon deux scénarios : le premier, fondé sur ses estimations de base, et le second, fondé sur un taux de voyages de 2,5, sur des facteurs de vols complets reposant sur le nombre d'aéronefs qui décollent à pleine capacité, et sur un tarif moyen pour un aller simple du service intérieur de 222 $ pour Air Canada et de 150 $ pour WestJet.
Au nom de l'intervenante
[53] Laurie Ringaert est titulaire d'un baccalauréat en réadaptation médicale et ergothérapie, et d'une maîtrise en sciences et en santé communautaire de l'Université du Manitoba. Elle est directrice du Office of Research de la School of Public Health de l'Université de la Caroline du Nord, où elle a élaboré l'infrastructure nécessaire pour aider les chercheurs de l'Université sur des questions comme l'obésité, la qualité de l'eau et les disparités en matière de santé. Elle a auparavant occupé les postes de directrice du Centre for Universal Design de l'Université de la Caroline du Nord, de directrice du Centre for Barrier Free Design (plus tard connu sous le nom de Universal Design Institute) de l'Université du Manitoba, et de chef de la recherche et du développement au Canadian Centre on Disability Studies où elle exerce toujours des activités en tant que recherchiste en chef. Elle a été enquêteuse principale dans des projets de recherche, notamment des évaluations de la fonctionnalité d'immeubles et d'installations de soins de longue durée; la détermination des dimensions aux fins des codes et des normes du bâtiment en ce qui a trait aux besoins des utilisateurs de triporteurs et de fauteuils roulants électriques; elle a été l'auteure de l'une des premières méthodologies de recherche portant sur des personnes et sur leurs mouvements dans leur environnement. Elle est membre du Comité permanent de l'usage et des moyens d'évacuation des bâtiments du Conseil national de recherches chargé de l'application des exigences afférentes du Code national du bâtiment et du Comité sur l'accessibilité de l'Association canadienne de normalisation. L'Office a reconnu les compétences de Mme Ringaert à titre d'experte en études sur les déficiences, en anthropométrie et en aménagement universel, mais à l'exclusion des aéronefs et des composantes et aménagements intérieurs des aéronefs.
[54] L'intervenante a soumis un rapport, daté du 21 juillet 2006, intitulé Report of Laurie Ringaert, BSc, BMR-OT, MSc., dans lequel Mme Ringaert fournit des renseignements généraux sur l'ergothérapie, l'anthropométrie et l'aménagement universel. Ce rapport comporte aussi une critique méthodologique des rapports d'experts rédigés par le professeur Allison, témoin expert pour les transporteurs en cause, dans lesquels il formule une opinion et des recommandations visant des enquêtes statistiques plus précises et un mécanisme permettant d'identifier les personnes admissibles à des mesures d'accommodement.
Au nom des transporteurs en cause
[55] Le professeur Frederick Lazar est titulaire d'un doctorat de l'Université Harvard, et est membre du corps professoral du département d'économie de l'Université York depuis 1972. Il a occupé le poste de directeur du programme d'études supérieures en économie et de coordonnateur des matières économiques de la Schulich School of Business. Il possède une expérience propre à l'industrie du transport aérien, notamment en ce qui a trait aux répercussions économiques des politiques, comme la déréglementation et la politique nationale des aéroports. L'expérience du professeur Lazar relativement aux personnes ayant une déficience a trait au travail effectué pour le procureur général de l'Ontario relativement au financement des programmes pour les enfants autistiques. Lors de l'audience de mai 2005, l'Office a reconnu ses compétences pour fournir une opinion et un témoignage d'expert sur l'importance économique de l'industrie du transport aérien, les facteurs économiques ayant une incidence sur l'entrée sur le marché et la capacité d'exercer des activités dans cette industrie, et les répercussions de la réglementation sur l'industrie. Lors de l'audience de novembre 2006, l'Office a aussi reconnu ses compétences à titre d'économiste, et en particulier en tant qu'expert de la théorie économique et des implications de celle-ci; de l'utilisation de la théorie économique pour la résolution des problèmes découlant de cette instance; de l'estimation des populations, notamment les profils de croissance fondés sur des études économiques et des données statistiques; et sur l'incidence de la stimulation de la demande sur les préférences des consommateurs.
[56] Dans la présente instance, Air Canada a soumis à l'Office deux rapports rédigés par le professeur Lazar, tous deux subséquemment adoptés et utilisés par WestJet :
- Le premier, daté du 25 novembre 2005, intitulé Potential Costs for Airlines of a One Passenger, One Fare Rule, estime les coûts potentiels pour les compagnies aériennes d'une politique 1P1T. Le rapport présente un certain nombre d'hypothèses nécessaires pour un cadre préliminaire afin d'évaluer les pertes pour les compagnies aériennes assurant des services intérieurs, transfrontaliers et internationaux à destination, en provenance et à l'intérieur du Canada. Le rapport estimait les pertes de recettes annuelles jusqu'en 2015, et était qualifié de rapport préliminaire devant ultérieurement être complété par un autre rapport.
- Le second rapport, daté du 1er juin 2006, intitulé Potential Costs in 2005 for ACE and WestJet of a One Passenger, One Fare Rule, limitait la portée de l'analyse du professeur Lazar de manière à n'inclure que le trafic intérieur et transfrontalier pour Air Canada et WestJet, et prédisait que les systèmes de gestion du rendement des transporteurs en cause réagiraient aux voyages effectués par des personnes ayant une déficience en raison de l'adoption d'une politique 1P1T par une augmentation des tarifs moyens.
[57] Richard Crosson est un comptable agréé et expert en évaluation d'entreprise qui possède une expérience en expertise comptable et en consultation de gestion, et une spécialisation en conseils financiers, en particulier en ce qui a trait au soutien juridique et à l'évaluation d'entreprise. Il est partenaire et vice-président principal chez Ernst & Young Orenda Corporate Finance Inc. (ci-après Ernst & Young). L'Office a reconnu les compétences de M. Crosson à titre de comptable agréé et expert en évaluation d'entreprise, en mesure de montrer les répercussions financières potentielles d'une transaction ou d'une série de transactions ayant une incidence sur la vente d'un produit commercial, et en particulier sur la vente des billets d'avion, et possédant les connaissances et l'expertise nécessaires pour analyser et illustrer des méthodes d'évaluation d'actifs, notamment l'approche fondée sur le marché et une approche de l'évaluation fondée sur les bénéfices.
[58] Dans cette affaire, Air Canada a soumis deux rapports rédigés par le groupe d'Ernst & Young chargé des évaluations sous la direction de M. Crosson :
- Le premier rapport, daté du 25 novembre 2005, intitulé Relevant Costs Incurred by Air Canada & Jazz, comportait une analyse des coûts d'exploitation et d'immobilisations actuellement engagés par les transporteurs aériens afin de répondre aux besoins des personnes ayant une déficience.
- Le second rapport, daté du 28 novembre 2005, intitulé Preliminary Estimate of Potential Costs of "One Passenger – One Fare Rule", fournissait des calculs préliminaires relativement aux coûts potentiels pour Air Canada associés à une politique 1P1T, relativement aux personnes ayant une déficience voyageant avec un accompagnateur. Les données sur les voyages-passagers fournies dans le rapport du 25 novembre 2005 du professeur Lazar ont été utilisées et adaptées afin d'inclure seulement les personnes ayant une déficience voyageant avec un accompagnateur sur les vols intérieurs d'Air Canada.
[59] Les deux rapports comportaient une mention indiquant qu'Ernst & Young n'avait pas été retenue pour vérifier les données d'Air Canada et que la firme se fondait sur des renseignements financiers et autres que la direction et le personnel d'Air Canada lui avaient fournis, sans vérification.
[60] Un troisième rapport, daté du 8 octobre 2006, intitulé Estimate of Air Canada and WestJet's Market Shares, a été soumis comme complément au rapport du 1er juin 2006 du professeur Lazar.
[61] De plus, trois addenda au rapport d'Ernst & Young du 28 novembre 2005 ont été soumis :
- Le premier, daté du 14 novembre 2006, intitulé Summary of 1P1F Costs – Accompanied PWDs, comportait les calculs révisés des estimations de coûts d'une politique 1P1T pour Air Canada fondées sur plusieurs hypothèses révisées, et utilisant diverses données sur les voyages-passagers tirées des deux rapports rédigés par le professeur Lazar.
- Le deuxième, daté du 21 novembre 2006, intitulé Value Impact of 1P1F Costs, a été soumis au nom des transporteurs en cause et présentait un examen général des méthodes et des facteurs pertinents à la détermination de la valeur actualisée d'une réduction des bénéfices annuels avant impôts des transporteurs en cause. L'addenda précise qu'Ernst & Young n'a pas tenté d'évaluer l'incidence de l'adoption d'une politique 1P1T sur la capitalisation boursière ou la valeur des actions d'Air Canada ou de WestJet.
- Le troisième, daté du 24 novembre 2006, intitulé Revised Estimate of 1P1F Costs, a été rédigé afin de démontrer comment les coûts marginaux directement reliés au transport aérien intérieur auraient une incidence sur les pertes estimées dans les rapports précédents.
[62] Brenda Pask est une comptable agréée et experte en évaluation d'entreprise, et partenaire chez Siebert/Pask. Elle offre des services de soutien en matière d'évaluation d'entreprise et de litiges d'ordre financier, avec un accent sur des questions de droit de la famille et de dommages corporels. L'Office a reconnu ses compétences à titre de comptable agréé et d'experte en évaluation d'entreprise, qualifiée pour examiner des données comptables et en faire rapport dans le but d'établir des conclusions relativement aux coûts engagés à l'égard de transactions, d'actions ou de projets.
[63] WestJet a soumis deux rapports rédigés par Siebert/Pask sous la direction de Mme Pask :
- Le premier, daté du 18 mai 2005, visait à aider à déterminer les coûts engagés par WestJet à l'égard des mesures d'accommodement pour les « clients ayant des besoins spéciaux » (traduction). La lettre d'accompagnement précise que Siebert/Pask n'a pas vérifié les données fournies par WestJet, et qu'elle n'émet aucune opinion quant à l'exactitude et au caractère exhaustif des coûts engagés par WestJet afin de répondre aux besoins des « clients ayant des besoins spéciaux », car l'expression d'opinions ne figure pas dans son mandat. La lettre précise aussi qu'elle présumait que les renseignements financiers, les données statistiques et les hypothèses de coûts ne seraient pas jugés comme étant erronés ou incomplets s'ils devaient faire l'objet d'une vérification par les vérificateurs externes de WestJet. Des addenda à ce rapport ont été soumis le 25 novembre et le 1er décembre 2005, et dans ce dernier cas on indiquait que l'addenda était une mise à jour visant à remplacer l'addenda du 25 novembre et le rapport du 18 mai 2005.
- Le second rapport, daté du 9 janvier 2006, intitulé Calculation Scenarios of the Financial Impact to WestJet Airlines Ltd. of a "One Passenger One Fare Rule", présente une estimation des pertes de recettes associées aux personnes ayant une déficience ayant besoin d'un Accompagnateur. Le but était de calculer les coûts potentiels et les augmentations de revenus si WestJet devait adopter une politique 1P1T, en se fondant sur l'affirmation de l'avocat des transporteurs en cause comme quoi une politique 1P1T exigerait des compagnies aériennes qu'elles assurent gratuitement le transport « des accompagnateurs personnels, des membres de la famille ou des amis (collectivement appelés « accompagnateurs personnels ») qui accompagnent des personnes ayant une déficience lorsqu'elles voyagent par avion » (traduction). On indique dans le rapport que celui-ci est fondé sur les renseignements contenus dans le premier rapport du professeur Lazar portant sur le nombre de passagers ayant une déficience qui voyagent par avion, et sur les renseignements publics relativement à la part de marché de WestJet sur le service intérieur, le tarif net moyen par passager, le coût marginal par passager et les coefficients d'occupation présentés dans les rapports annuels de Transports Canada pour 2003 et 2004, et le rapport annuel de WestJet pour 2004. Selon le rapport, Siebert/Pask n'a pas effectué de vérification à l'égard des renseignements qu'elle a utilisés.
[64] Lors de l'audience de novembre 2006, Siebert/Pask a soumis des annexes comme addenda à son rapport du 9 janvier 2006, et comportant un scénario révisé reflétant le temps additionnel nécessaire pour aider les « clients ayant des besoins spéciaux » avec leur réservation et une estimation des coûts accrus découlant de l'aide accordée aux « clients ayant des besoins spéciaux » par les agents de réservations. Ces révisions étaient fondées sur la déclaration sous serment faite par Hobe Horton, le 14 novembre 2006.
[65] À l'audience de novembre 2006, Siebert/Pask a aussi soumis un sommaire de rapport afin d'harmoniser son rapport du 9 janvier 2006 avec les hypothèses révisées contenues dans le rapport 2006 du professeur Lazar relativement aux données sur les voyages-passagers et la part de marché de WestJet.
[66] Michael Tretheway est un économiste titulaire d'un doctorat en économie de l'Université de Wisconsin-Madison. Il est vice-président exécutif et économiste en chef chez InterVISTAS Consulting Inc., qui fournit des services d'experts-conseils à une clientèle provenant principalement des secteurs du transport et du tourisme. Il est membre du corps professoral de la faculté de commerce et d'administration des affaires de l'Université de la Colombie-Britannique depuis 1983, où il donne des cours sur l'économie des transports, la gestion du transport aérien, le rôle des transports dans l'économie, de même que sur le gouvernement et l'entreprise. Il possède de l'expérience dans le secteur de l'économie des transporteurs aériens et a rédigé des publications sur la question. L'Office a reconnu les compétences de M. Tretheway à titre d'expert sur la théorie économique et l'incidence de celle-ci; sur les répercussions d'un accroissement ou d'une diminution du prix des biens et des services sur la demande; sur l'incidence de la stimulation de la demande sur les préférences des consommateurs; sur le marché des services de transport aérien et sur l'impact de la réglementation sur celui-ci; sur l'incidence des subventions directes et indirectes; et sur les volumes de trafic et les tarifs du transport aérien au Canada.
[67] WestJet a soumis à l'Office deux rapports rédigés par M. Tretheway :
-
Le premier, daté du 18 mai 2005, intitulé Statement of Dr. Michael W. Tretheway, porte sur les coûts de renonciation associés à la fourniture de plus d'un siège à un voyageur ayant une déficience, notamment :
- l'utilité des coefficients d'occupation (moyen, élevé et faible pour une route ou un vol) pour évaluer si un siège vide sera disponible et pourra être offert sans frais à une personne ayant une déficience qui a besoin d'un siège supplémentaire;
- l'utilité des tarifs moyens pour déterminer le manque à gagner découlant d'une politique 1P1T;
- si une politique 1P1T entraînerait une réduction du volume total de voyages aériens ou une modification du tarif moyen payé par les passagers.
-
Dans le second rapport, daté du 6 janvier 2006, intitulé Second Statement of Dr. Michael W. Tretheway, celui-ci mentionne que l'avocat de WestJet lui a demandé d'examiner des questions comme :
- l'éventualité qu'une politique 1P1T entraîne un désavantage concurrentiel pour les transporteurs en cause;
- les répercussions sur les transporteurs aériens étrangers si une politique 1P1T était appliquée aux transporteurs canadiens à l'égard des routes transfrontalières et internationales;
- l'incidence d'une multitude de règlements sur le modèle d'entreprise (modèle d'entreprise des transporteurs traditionnels et des transporteurs à rabais);
- s'il y a de meilleures options pour régler les problèmes d'accessibilité soulevés dans cette affaire, comme les subventions indirectes.
[68] Le professeur David Allison est un psychologue clinique licencié titulaire d'un doctorat en psychologie clinique et scolaire de l'Université Hofstra. Il est aussi chef du département de génétique statistique, professeur au département de biostatistique et des sciences de la nutrition, et directeur du centre de recherche sur la nutrition clinique à l'Université d'Alabama à Birmingham. Le professeur Allison possède une expérience dans la conception et la réalisation d'études sur l'obésité humaine et a publié des articles sur l'obésité et des questions connexes. L'Office a reconnu les compétences du professeur Allison à titre de biostatisticien possédant une expertise dans le domaine de l'obésité humaine, en mesure de fournir une opinion et un témoignage d'expert sur la prévalence de l'obésité et les différentes catégories d'obésité; sur le rapport entre l'indice de masse corporelle et les mesures volumétriques ou de circonférences; l'interprétation des données provenant d'études sur les réponses comportementales aux changements de circonstances; l'estimation de la taille de certaines populations au moyen de méthodes statistiques et de données empiriques; et la détermination de l'association ou de l'influence causale entre l'obésité et d'autres variables.
[69] Les transporteurs en cause ont soumis à l'Office trois rapports rédigés par le professeur Allison :
- Le premier, déposé le 28 novembre 2005, intitulé Expert Report of David B. Allison, Ph.D., fournit des renseignements généraux sur l'obésité et une estimation de la proportion de la population canadienne qui ne peut prendre place dans un siège d'aéronef d'une certaine taille, « prendre place » signifiant que l'une des mesures de largeur de la personne excède la distance séparant les deux accoudoirs d'un siège d'aéronef.
- Le deuxième, déposé le 1er juin 2006, intitulé Supplementary Analysis : One Passenger One Fare Estimates of the Proportion of the Population who may Require an Additional Airline Seat, présente une estimation de la proportion de la population qui ne peut prendre place dans un siège d'aéronef et qui n'a pas d'autre déficience pouvant être pertinente lors d'un voyage par avion.
- Le troisième, déposé le 1er novembre 2006, intitulé Airline Seating Project, présente les résultats d'un projet dirigé par le professeur Allison et portant sur la relation anthropométrique entre l'obésité et l'admissibilité quant à la taille. Ce projet visait à recueillir de nouvelles données empiriques qui pourraient être utilisées pour estimer la proportion de la population qui ne peut prendre place dans un siège d'aéronef, en formulant des observations plus directes sur les dimensions corporelles des personnes et si elles pourraient ou non prendre place dans un siège d'aéronef.
Experts nommés par l'Office
[70] Le professeur Peter Katzmarzyk est titulaire d'un doctorat en sciences de l'exercice de l'Université Michigan State et possède de l'expérience dans la réalisation d'études épidémiologiques sur l'obésité et des questions connexes au sein de la population canadienne et a collaboré à des études et des sondages nationaux à grande échelle. Il est professeur agrégé à la School of Kinesiology and Health Studies de l'Université Queen et a publié des articles sur l'obésité et des questions connexes. L'Office a retenu ses services afin qu'il fournisse une évaluation des rapports du professeur Allison et des autres documents soumis à l'Office portant sur la question de l'obésité. L'Office a reconnu les compétences du professeur Katzmarzyk à titre d'expert en épidémiologie, en biostatistique et en anthropométrie avec une spécialisation en obésité humaine, en mesure de fournir une opinion et un témoignage d'expert sur les catégories d'obésité et leur prévalence; l'association entre l'indice de masse corporelle et les mesures volumétriques ou de circonférences; l'estimation de la taille de certaines populations au moyen de méthodes statistiques et de données empiriques; et l'association ou l'influence causale entre l'obésité et d'autres variables.
[71] Le professeur Katzmarzyk a déposé deux rapports :
- Le premier, daté du 10 août 2006, intitulé Expert Report of Peter T. Katzmarzyk, Ph.D., présente un examen et une critique du premier rapport du professeur Allison.
- Le second, soumis le 8 novembre 2006, intitulé Critique of the Airline Seating Project Report Submitted by Dr. David B. Allison on Wednesday, November 1, 2006, présente une critique du troisième rapport du professeur Allison.
[72] Richard S. Fisher est titulaire d'un baccalauréat en sciences aéronautiques du Massachusetts Institute of Technology et d'une maîtrise en administration des affaires de l'Université Harvard. Il est président de Moncrieff Management Ltd. et expert-conseil en aviation spécialisé dans la prévision du trafic aérien, la planification stratégique, la planification du matériel, les analyses coûts-avantages, l'analyse des routes, l'affectation des aéronefs, la commercialisation et la faisabilité financière. L'Office a retenu ses services afin qu'il effectue des recherches et des analyses suffisamment en profondeur pour permettre à l'Office d'évaluer la preuve présentée dans les mémoires, notamment les rapports d'experts déposés par les demandeurs et les intimées. L'Office a reconnu les compétences de M. Fisher à titre d'expert dans l'analyse des données d'aviation dans le cadre de son travail autant dans le secteur public que privé, en particulier dans les domaines de la prévision du trafic aérien et de l'analyse coûts-avantages aux fins de la planification stratégique et de l'évaluation de la faisabilité financière, de sorte qu'il est en mesure d'effectuer et d'évaluer une analyse comparative des rapports d'experts soumis par les parties, en se fondant sur les données utilisées dans ces rapports et sur des données d'aviation qui sont publiques.
[73] M. Fisher a rédigé et déposé un rapport, daté du 11 août 2006, intitulé Final Report – Analysis of Issues Raised – Air Travel for Persons with Disabilities Who Require Additional Seating Due to Their Disabilities – pour aider l'Office à évaluer la preuve présentée dans les rapports d'experts déposés par les demandeurs et les intimés; ce rapport fournissait une discussion et une analyse comparative des rapports d'experts déposés par les parties relativement à l'incidence, à l'augmentation et aux coûts pour les compagnies aériennes des voyages effectués par les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un Accompagnateur et celles qui ont besoin d'un siège supplémentaire.
Autres témoins
Au nom des demandeurs
[74] Robert D. Brown est ancien président du conseil et chef de la direction de Pricewaterhouse Coopers, où il a occupé pendant de nombreuses années le poste de chef des Services fiscaux; ancien président de l'Institut canadien des comptables agréés et de l'Association canadienne d'études fiscales; coprésident d'un comité fédéral chargé d'examiner l'aide fiscale aux personnes ayant une déficience; conseiller au ministère des Finances; administrateur et consultant du Board of Residential Equities Real Estate Investment Trust; administrateur du Canadian Apartment Properties Real Estate Investment Trust; et administrateur et vice-président de l'Office ontarien de financement. Les demandeurs ont soumis un rapport le 27 juin 2007 rédigé par M. Brown dans lequel il examine les répercussions d'une politique 1P1T sur la fiscalité de WestJet.
Au nom des transporteurs en cause
[75] Colleen Arnold est gestionnaire des Services aéroportuaires chez Air Canada et chargée des politiques et des procédures que doivent suivre les employés dans la prestation des services du comptoir d'enregistrement jusqu'à la porte d'embarquement, et de la porte jusqu'au siège d'aéronef.
[76] Le Dr Edward Bekeris est médecin principal et directeur principal par intérim des Services de santé au travail chez Air Canada, et il est chargé d'un groupe de médecins et d'infirmiers et d'infirmières en santé au travail qui ont notamment comme responsabilité d'évaluer les renseignements médicaux fournis par les personnes ayant une déficience afin de déterminer si elles sont aptes à voyager et dans quelles conditions.
[77] Odette Desmarais est gestionnaire de la formation des Services au sol chez Air Canada, et est chargée de recueillir des données statistiques sur les activités aéroportuaires devant servir à des initiatives de perfectionnement et de formation; de déterminer les priorités de formation aux aéroports canadiens; d'élaborer le matériel de formation et de donner la formation.
[78] Lucie Guillemette est directrice principale de la Gestion du réseau chez Air Canada, et est chargée de la maximisation des recettes pour le réseau Air Canada, notamment la gestion des marchés, de l'inventaire et des prix. Mme Guillemette a décrit les procédures et les méthodes utilisées pour gérer l'inventaire des sièges, le concept de déplacement des passagers, et a expliqué la question des coefficients d'occupation.
[79] Juliane Lambert est directrice générale, Sécurité des employés et des cabines et gestionnaire des agents de bord désignée chez Air Canada. Elle est chargée de la sécurité des cabines et de la sécurité des employés, notamment de la formation et de la supervision du personnel de cabine, des procédures et des aménagements des cabines, et de l'élaboration des cartes de mesures de sécurité.
[80] Marian O'Connor est directrice, Programme des aéronefs et aménagement chez Air Canada. Elle travaille au sein de la direction du marketing et entretient des relations avec la direction de la maintenance en ce qui a trait à l'aménagement intérieur des aéronefs, notamment le compartiment passagers, dans les aspects qui touchent la configuration des sièges et des toilettes.
[81] Hugh Dunleavy est vice-président directeur, Distribution commerciale chez WestJet. M. Dunleavy a livré des observations sur la dynamique de l'établissement du prix des billets, les processus qui servent à gérer l'inventaire des sièges, les coefficients d'occupation et les répercussions de l'imposition d'une augmentation de tarif afin de compenser les effets d'une règle 1P1T.
[82] Lorne MacKenzie est directeur de la réglementation aéroportuaire chez WestJet. Il est chargé de veiller à ce que WestJet se conforme à tous les aspects de la réglementation, notamment en ce qui a trait aux aéroports, aux opérations en vol, et aux opérations aériennes dans bon nombre de services. M. MacKenzie est aussi chargé de formuler et de mettre en œuvre des positions stratégiques à long terme en matière de législation gouvernementale.
[83] Lisa Puchala est directrice des normes et de l'entraînement en vol et gestionnaire du service en vol désignée chez WestJet. Elle est chargée de tous les aspects touchant la sécurité des cabines.
[84] Dean Puffer est le gestionnaire du service à la clientèle chez WestJet, qui offre un service d'assistance pour les réservations, pour les aéroports et pour le contrôle des opérations. Il fournit une orientation stratégique pour le service et fait partie du comité principal GEM (Guest Experience Matters) de WestJet. Il a parlé de l'évolution du service à la clientèle qui est passé de quatre employés à plus de 60, et des initiatives que WestJet a élaborées et mises en œuvre à l'égard des personnes ayant une déficience.
[85] Cliff MacKay a été président-directeur général de l'Association du transport aérien du Canada de 1998 à mai 2006. Il a fourni un aperçu de l'industrie du transport aérien en général, de son contexte et de sa nature (besoins d'immobilisations, coûts typiquement assumés par l'industrie, concurrence, nature cyclique), d'événements particuliers qui ont touché l'industrie canadienne du transport aérien, des tarifs, de la demande passagers et de la préoccupation de l'industrie relativement aux coûts.
À la demande de l'Office
[86] Susan Greene est chef de la Sécurité des cabines à Transports Canada, Aviation civile. Elle est chargée d'élaborer des règlements et des procédures visant à réduire le nombre de morts et de blessés causés par des accidents d'aéronefs et de fournir un environnement sûr pour les passagers et les équipages à bord des aéronefs. Mme Greene a discuté des principaux facteurs de sécurité à prendre en compte dans l'évacuation d'un aéronef, et des lignes directrices et des règlements se rapportant aux passagers ayant une déficience, notamment les lignes directrices sur les exigences relatives aux sièges passagers et les lignes directrices sur le transport des passagers non ambulatoires à bord de gros avions à turboréacteurs.
Autre preuve
[87] De nombreux autres éléments de preuve ont été déposés par les parties, notamment le document intitulé Agreed Statement of Facts Concerning South West Airlines' Customer of Size Policy; une lettre datée du 5 septembre 2006, rédigée par le Dr Ross Roussev, au sujet des troubles épileptiques; et 27 déclarations sous serment déposées par des employés des transporteurs en cause établissant, entre autres, les renseignements et les faits pertinents qui ont été fournis aux experts pour la rédaction de leurs rapports. Cette preuve a été acceptée par l'Office, et la présente décision y fait référence au besoin.
Déroulement
[88] La demande soulève des questions complexes et importantes qui suscitent depuis très longtemps de la controverse au sein de la communauté des personnes ayant une déficience et de l'industrie du transport aérien.
[89] L'Office a fait enquête et examiné en profondeur l'ensemble des questions soulevées par les parties, ce qui fait qu'il lui a fallu plus de temps pour examiner l'affaire et rendre sa décision. Par exemple, au cours de son enquête, l'Office a :
- dirigé des plaidoiries écrites très détaillées;
- rendu plusieurs décisions préliminaires en matière de compétence, notamment une décision concernant la compétence de l'Office à l'égard de la Charte;
- entendu les plaidoiries et rendu de nombreuses décisions préliminaires en matière de procédure;
- tenu des audiences pendant 23 jours, soit du 30 mai au 3 juin 2005; le 14 octobre 2005; du 14 au 29 novembre 2006; et le 12 décembre 2006,
afin de donner aux parties la possibilité de produire la preuve et d'en déterminer la validité, notamment la vaste preuve d'experts et autre produite par les demandeurs, une intervenante à l'appui des demandeurs et les transporteurs en cause. En outre, il convient de noter que l'enquête de l'Office a été suspendue pendant 18 mois du 1er avril 2003 au 1er octobre 2004 à la suite d'une ordonnance de la Cour supérieure de justice de l'Ontario qui a eu pour effet de suspendre toutes procédures contre Air Canada pendant que celle-ci était sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies pendant sa restructuration. De plus, suivant une requête des demandeurs, l'Office a accordé un ajournement d'audience en janvier 2006 afin d'examiner le préjudice occasionné par le dépôt tardif de la preuve par les transporteurs en cause. Cet ajournement a retardé de 10 mois le début de l'audience de novembre 2006.
[90] Par ailleurs, d'importantes décisions ont été rendues par la Cour d'appel fédérale le 13 janvier 2006 dans l'affaire Linda McKay-Panos c. Air Canada, 2006 CAF 8 (ci-après l'affaire McKay-Panos c. Air Canada) et par la Cour suprême du Canada le 23 mars 2007 dans l'affaire Conseil des Canadiens avec déficiences c. VIA Rail Canada Inc., 2007 CSC 15 (ci-après l'affaire CCD c. VIA), toutes deux ayant eu des conséquences importantes dans le traitement de la présente demande par l'Office. Celui-ci a fourni aux parties l'occasion de faire d'autres représentations à la suite de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire CCD c. VIA, processus qui s'est terminé le 31 août 2007.
[91] Ces procédures sont décrites plus en détail à l'annexe D de la présente décision.
Cadre de la décision de l'Office
Cadre législatif
[92] Le mandat législatif de l'Office en ce qui concerne les personnes ayant une déficience est énoncé à la partie V de la LTC, laquelle confère le pouvoir de prendre des règlements (paragraphe 170(1)) et un pouvoir d'arbitrer les plaintes (paragraphe 172(1)), dans le but exprès d'éliminer les obstacles abusifs aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sein du réseau de transport fédéral. La portée de la compétence de l'Office pour éliminer les obstacles abusifs tant par la réglementation que par le traitement de plaintes est définie en partie par une liste inclusive de questions présentées au paragraphe 170(1), laquelle est incorporée par renvoi au paragraphe 172(1).
[93] Le paragraphe 170(1) de la LTC prévoit que :
L'Office peut prendre des règlements afin d'éliminer tous obstacles abusifs, dans le réseau de transport assujetti à la compétence législative du Parlement, aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience et peut notamment, à cette occasion, régir :
- la conception et la construction des moyens de transport ainsi que des installations et locaux connexes — y compris les commodités et l'équipement qui s'y trouvent —, leur modification ou la signalisation dans ceux-ci ou leurs environs;
- la formation du personnel des transporteurs ou de celui employé dans ces installations et locaux;
- toute mesure concernant les tarifs, taux, prix, frais et autres conditions de transport applicables au transport et aux services connexes offerts aux personnes ayant une déficience;
- la communication d'information à ces personnes.
[94] Le paragraphe 172(1) de la LTC prévoit que :
Même en l'absence de disposition réglementaire applicable, l'Office peut, sur demande, enquêter sur toute question relative à l'un des domaines visés au paragraphe 170(1) pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.
[95] Le paragraphe 172(3) de la LTC établit le pouvoir de l'Office d'exiger, entre autres, la prise de mesures correctives s'il est déterminé qu'un obstacle est abusif :
En cas de décision positive, l'Office peut exiger la prise de mesures correctives indiquées ou le versement d'une indemnité destinée à couvrir les frais supportés par une personne ayant une déficience en raison de l'obstacle en cause, ou les deux.
[96] La politique nationale des transports du Canada, comme rédigée à l'article 5 de la LTC au moment du dépôt de la présente demande, établit clairement que l'un des objectifs de la LTC est d'assurer que le réseau de transport fédéral est accessible aux personnes ayant une déficience, sans obstacles abusifs :
Il est déclaré que, d'une part, la mise en place d'un réseau sûr, rentable et bien adapté de services de transport viables et efficaces, accessibles aux personnes ayant une déficience, utilisant au mieux et aux moindres frais globaux tous les modes de transport existants, est essentielle à la satisfaction des besoins des expéditeurs et des voyageurs — y compris des personnes ayant une déficience — en matière de transports comme à la prospérité et à la croissance économique du Canada et de ses régions, et, d'autre part, que ces objectifs sont plus susceptibles de se réaliser en situation de concurrence de tous les transporteurs, à l'intérieur des divers modes de transport ou entre eux, à condition que, compte dûment tenu de la politique nationale, des avantages liés à l'harmonisation de la réglementation fédérale et provinciale et du contexte juridique et constitutionnel :
[...]
g) les liaisons assurées en provenance ou à destination d'un point du Canada par chaque transporteur ou mode de transport s'effectuent, dans la mesure du possible, à des prix et selon des modalités qui ne constituent pas :
[...]
(ii) un obstacle abusif à la circulation des personnes, y compris les personnes ayant une déficience,
[...]
Il est en outre déclaré que la présente loi vise la réalisation de ceux de ces objectifs qui portent sur les questions relevant de la compétence législative du Parlement en matière de transports.
[97] Les extraits ci-dessus présentent seulement les aspects de la politique nationale des transports qui touchent l'accessibilité, mais la politique au complet est présentée à l'annexe C de la présente décision.
[98] La politique a récemment été modifiée avec l'adoption du projet de loi C-11 le 22 juin 2007, mais cette modification n'a pas d'incidence sur la présente décision, car les changements apportés à la politique nationale des transports ne sont pas rétroactifs et il n'y a pas eu de changements aux dispositions principales qui guident l'exercice par l'Office du pouvoir de statuer sur les plaintes en vertu de l'article 172 de la LTC.
[99] La Cour suprême du Canada s'est récemment penchée sur les dispositions de la partie V de la LTC en matière de transport accessible dans la décision qu'elle a rendue concernant l'affaire CCD c. VIA à propos de l'inaccessibilité des voitures voyageurs Renaissance de VIA. Cette décision de la Cour suprême du Canada est importante, car c'est la première fois que la Cour examine le mandat de l'Office en vertu de la partie V de la LTC.
[100] Dans sa décision, la Cour suprême a fourni d'importantes directives à l'Office relativement à l'exécution de son mandat, notamment la confirmation que la partie V de la LTC est un texte législatif sur les droits de la personne et que l'Office est tenu d'appliquer les mêmes principes en matière de droits de la personne que ce que l'on trouve dans d'autres lois portant sur les droits de la personne, comme la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (ci-après la LCDP), et dans la jurisprudence découlant de l'application de la LCDP. Plus particulièrement, la Cour suprême a précisé que lorsqu'un demandeur a établi dans sa demande l'existence d'un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans le réseau de transport fédéral, il incombe alors au fournisseur de services de transport intimé de faire la preuve, selon la prépondérance des probabilités, que cet obstacle n'est pas abusif en démontrant que des mesures raisonnables d'accommodement ont été prises, c'est-à-dire dans la mesure où il n'en résulte pas une contrainte excessive. La présente décision fera référence au besoin à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire CCD c. VIA.
Partie V de la LTC en tant que dispositions législatives sur les droits de la personne et application de la Charte
1. Dispositions législatives sur les droits de la personne
[101] La partie V de la LTC comporte, de par sa nature même, des dispositions législatives sur les droits de la personne dont le but est d'éliminer les obstacles abusifs aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience dans le réseau de transport du Canada, comme l'a confirmé récemment la Cour suprême du Canada dans sa décision dans l'affaire CCD c. VIA.
2. Valeurs de la Charte
[102] Dans leur demande, les demandeurs font valoir que le pouvoir discrétionnaire dévolu à l'Office en vertu de l'article 172 de la LTC « est un pouvoir discrétionnaire conféré par la LTC qui doit être exercé conformément aux prescriptions du paragraphe 15(1) de la Charte ». (traduction) L'Office, en tant qu'organisme gouvernemental exerçant un pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mandat accordé par la LTC, est assujetti à la Charte et, par conséquent, doit interpréter et exécuter son mandat d'une manière compatible avec celle-ci et les valeurs qui y sont énoncées.
[103] La partie V de la LTC vise à assurer que les personnes ayant une déficience, un groupe minoritaire reconnu, ne fassent pas l'objet d'une discrimination abusive dans le réseau de transport fédéral. Ainsi, l'Office constate que non seulement la Loi est conforme à la Charte, mais qu'elle vise une intention similaire, c'est-à-dire l'élimination d'une discrimination abusive bien que dans un contexte plus limité, c'est-à-dire l'élimination des obstacles abusifs aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience dans le réseau de transport fédéral.
[104] La Cour suprême du Canada, dans sa décision dans l'affaire CCD c. VIA, indique clairement que la détermination de l'existence d'un « obstacle abusif » qui incombe à l'Office dans l'exécution de son mandat aux termes de la partie V de la LTC est la même que celle qu'a établie la Cour suprême dans l'arrêt Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3 (ci-après l'arrêt Meiorin) qui enjoint à l'intimé de faire la preuve, selon la prépondérance des probabilités, que cet obstacle n'est pas abusif en démontrant que la source de la discrimination :
- est rationnellement liée à un objectif légitime;
- a été adoptée par l'intimé, car celui-ci croyait sincèrement qu'elle était nécessaire pour réaliser cet objectif légitime;
- est raisonnablement nécessaire pour réaliser cet objectif, de sorte qu'il est impossible pour l'intimé de répondre aux besoins du demandeur sans que l'intimé ne subisse une contrainte excessive.
[105] Par ailleurs, l'Office prend note de la directive de la Cour suprême du Canada qui lui demande d'appliquer les principes des droits de la personne, notamment ceux qui sont inscrits dans la LCDP, et la jurisprudence qui découle de son application. Par conséquent, les personnes ayant une déficience ont droit à l'élimination des obstacles « abusifs » ou « déraisonnables », à savoir les obstacles injustifiables au regard des principes en matière de droits de la personne. Afin d'établir une justification de bonne foi ou légitime à une violation de ces droits, les fournisseurs de services intimés devront démontrer qu'ils ont pris toutes les mesures d'accommodement possible tant qu'il n'en a pas résulté pour eux une contrainte excessive, comme il est discuté plus en détails au paragraphe 107 ci-dessous, notamment la prise de mesures positives pour appliquer des normes générales. De plus, afin de corriger les exclusions discriminatoires, on attend des fournisseurs de services qu'ils adoptent des solutions qui favorisent l'indépendance et l'accès, au lieu de les entraver.
Principes d'accessibilité
[106] Dans l'exécution de son mandat en vertu des dispositions de la LTC sur le transport accessible, l'Office, ainsi qu'un des organismes qu'il a remplacé, l'Office national des transports, a reconnu et considéré plusieurs principes d'accessibilité déjà anciens, qui sont conformes aux principes qui ont vu jour dans la jurisprudence générale en matière de droits de la personne. Ces principes reflètent les intérêts de la communauté des personnes ayant une déficience et sont utilisés par l'Office à la fois pour déterminer l'existence d'obstacles et pour évaluer le caractère abusif des obstacles trouvés, ce qui nécessite de concilier ces intérêts et ceux de l'industrie. Bien que l'Office ait tenu compte de ces principes, explicitement ou implicitement, dans ses décisions antérieures, il trouve important d'établir certains de ces principes pour qu'on comprenne mieux les conclusions qui suivront dans la présente décision.
- Les personnes ayant une déficience ont le même droit que les autres de participer pleinement à tous les aspects de la vie en société, et pour exercer ce droit, ces personnes doivent bénéficier de l'égalité d'accès au transport. En outre, le droit d'égalité d'accès au transport traduit la reconnaissance du fait que les personnes ayant une déficience ont les mêmes besoins de transport (affaires, loisirs, santé) que les autres et devraient disposer des mêmes options, y compris en ce qui concerne les modes de transport, les heures de départ, les coûts, la qualité des services et la capacité de voyager avec des amis, des parents ou des collègues.
- Idéalement, les personnes ayant une déficience jouiraient d'un plein accès à tous les modes de transport et l'égalité d'accès serait une réalité pour tous. Or, ce n'est pas le cas. On sait que le réseau de transport, comme les autres aspects de la vie en société, comporte des barrières et des obstacles à la participation. Dans le domaine des transports, des barrières et obstacles inhérents empêchent ou rendent difficile l'accès au réseau de transport à certaines personnes en raison de leur déficience.
- Dans la mesure où les fournisseurs de service de transport sont conscients des besoins des personnes ayant une déficience et qu'ils sont disposés à répondre adéquatement à ces besoins, on peut dire que les personnes ayant une déficience peuvent avoir un accès équivalent au réseau sans se heurter à des obstacles. La notion implicite derrière l'expression « accès équivalent » est que, pour assurer l'égalité d'accès aux personnes ayant une déficience, les fournisseurs de services de transport peuvent avoir à fournir un accès différent — plus de services ou des services différents, des installations ou des caractéristiques différentes — le tout, conçu pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience afin qu'elles aient accès au réseau, elles aussi.
- La majorité des personnes ayant une déficience souhaitent être le plus autonome possible dans leur vie, notamment lorsqu'elles voyagent. Les fournisseurs de services de transport sont tenus de fournir les mêmes services aux personnes ayant une déficience que ceux qu'ils offrent aux autres passagers, bien que la notion d'accès équivalent puisse signifier que le personnel du fournisseur de services offre un niveau d'assistance différent et parfois supérieur aux personnes ayant une déficience que celui qu'il offre aux autres passagers. Cette assistance permet souvent à de nombreuses personnes ayant une déficience de voyager de manière autonome et à d'autres de voyager de la manière la plus autonome possible.
- Néanmoins, il y a des personnes qui, en raison de leur déficience, ne sont pas en mesure de voir elles-mêmes à leurs besoins et nécessitent l'aide d'un préposé aux soins pour les assister à cet égard dans leur vie quotidienne. Lorsque ces personnes ayant une déficience voyagent et qu'elles ne peuvent se nourrir, prendre leurs médicaments ou utiliser les toilettes sans aide en cours de vol, elles peuvent être tenues de voyager avec un Accompagnateur, car le personnel du fournisseur de services n'est pas en mesure de voir aux soins personnels des passagers en cours de vol. De plus, les fournisseurs de services de transport peuvent exiger que certaines personnes ayant une déficience voyagent avec un Accompagnateur lorsque, pour des raisons de sécurité, elles peuvent avoir besoin d'aide en cas d'évacuation d'urgence ou de décompression. Cet Accompagnateur est considéré théoriquement comme étant une « extension » de la personne ayant une déficience, car il voyage avec celle-ci afin de répondre à ses besoins de soins personnels et de déplacement.
- Les personnes ayant une déficience doivent être traitées avec dignité et respect. Le droit à être traité avec dignité repose en partie sur la notion que toutes les personnes ayant une déficience ont droit à être traitées de la même manière, peu importe la raison sous-jacente de leur déficience, et sur le fait qu'il ne doit pas y avoir de discrimination entre les personnes ayant une déficience en ce qui a trait à l'admissibilité aux avantages.
- L'un des aspects importants du droit à l'égalité des personnes ayant une déficience est que celles-ci ne doivent pas subir un désavantage économique en raison de leur déficience et qu'elles ne devraient pas avoir à payer davantage pour des services de transport que les autres passagers qui n'ont pas de déficience, notamment lorsque les fournisseurs de services de transport doivent offrir des services différents afin d'assurer un accès équivalent au réseau de transport fédéral. Ce principe d'accessibilité est le fondement de ce qu'on appelle communément dans la communauté des personnes ayant une déficience le principe 1P1T.
[107] Il s'agit de principes importants, mais il est aussi important de noter qu'ils ne sont pas absolus. Une autre notion importante est celle de l'adoption de mesures raisonnables d'accommodement, ce qui, dans le contexte du mandat de l'Office, renvoie à la responsabilité du fournisseur de services de transport de répondre, « dans la mesure où il n'en résulte pas une contrainte excessive », aux besoins des personnes ayant une déficience. À cet égard, le mandat de l'Office en vertu de la partie V de la LTC est d'éliminer seulement les obstacles abusifs aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sein du réseau de transport fédéral. Par contre, lorsqu'un fournisseur de services de transport peut justifier qu'il offre un peu moins qu'un accès équivalent, y compris l'absence de mesures d'accommodement, l'Office ne conclura pas à l'existence d'un obstacle abusif. Toutefois, si l'Office estime que le fournisseur de services de transport intimé n'a pu faire la preuve que la mesure d'accommodement fournie est raisonnable dans les circonstances, alors l'Office peut conclure qu'il y a obstacle abusif et exiger la prise de mesures correctives pour éliminer cet obstacle abusif. Ces principes, et en particulier l'énoncé ci-dessus relativement à la nature du mandat de l'Office en vertu de la partie V de la LTC, sont conformes à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire CCD c. VIA.
Partie II - Déterminations en vertu de l'article 172 de la LTC
[108] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours de son enquête relativement à la demande.
[109] En application de l'article 172 de la LTC, l'Office peut faire enquête sur certaines questions pour déterminer s'il existe un obstacle abusif dans le réseau de transport fédéral aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience. À cet égard, l'Office doit tenir compte des circonstances de l'affaire soumises par les parties dans leur demande afin de pouvoir d'abord répondre aux questions préliminaires suivantes en matière de compétence :
- Est-ce que la demande soulève des questions qui se rapportent au réseau de transport fédéral? Si oui,
- Est-ce que la demande a été déposée par des personnes ayant une déficience ou en leur nom?
Si l'Office a compétence en la matière, il doit répondre aux questions de fond suivantes :
- Est-ce que les possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience ont été restreintes ou limitées par un obstacle dans le réseau de transport fédéral? Si oui,
- Est-ce que l'obstacle était abusif?
A. Réseau de transport fédéral
[110] Comme l'a déterminé l'Office dans la décision no LET-AT-A-356-2004, la portée de l'enquête de l'Office dans cette affaire se limite à l'examen des éléments suivants :
- les frais d'améliorations imposés par l'Administration de l'aéroport international de Gander
- et les frais additionnels imposés pour les services aériens intérieurs par Air Canada et WestJet
aux personnes qui ont besoin de plus d'un siège en raison de leur déficience, que ce soit pour leur Accompagnateur et/ou elles-mêmes. Les deux questions relèvent clairement du réseau de transport fédéral et sont prévues expressément à l'alinéa 170(1)c) de la LTC qui prévoit que l'Office peut prendre des règlements à l'égard des tarifs, taux, prix, frais et autres conditions de transport applicables au transport et aux services connexes offerts aux personnes ayant une déficience, questions qui sont incorporées par renvoi à l'article 172 de la LTC portant sur le pouvoir de l'Office d'arbitrer les plaintes.
B. Déficience
Démarche adoptée par l'Office pour déterminer la déficience
[111] Dans cette affaire, les demandeurs, soit deux personnes et une organisation représentant les personnes ayant une déficience, appuyés par l'intervenante, souhaitent obtenir des réparations systémiques de l'Administration de l'aéroport international de Gander, d'Air Canada et de WestJet qui seraient disponibles à toute personne qui a besoin de plus d'un siège en raison de sa déficience pour voyager par avion. Par conséquent, comme l'a indiqué par l'Office dans la décision no LET-AT-A-356-2004, il s'agit de la population cible des personnes ayant une déficience qui serait admissible à une politique 1P1T, et qui peut se diviser en deux sous-groupes principaux :
- les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège supplémentaire à bord d'un aéronef pour leur Accompagnateur;
- les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège supplémentaire à bord d'un aéronef pour elles-mêmes.
[112] Comme les facteurs à prendre en considération pour déterminer la présence d'une déficience sont différents pour chaque sous-groupe, ils seront présentés séparément ci-après.
1. Personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège supplémentaire à bord d'un aéronef pour leur Accompagnateur
[113] La majorité des personnes ayant une déficience souhaitent être le plus autonome possible dans leur vie, notamment lorsqu'elles voyagent. Les fournisseurs de services de transport sont tenus de fournir les mêmes services de transport aux personnes ayant une déficience que ceux qu'ils offrent aux autres passagers, bien que la fourniture d'un accès équivalent puisse signifier qu'ils aient à offrir un niveau d'assistance différent et parfois supérieur aux personnes ayant une déficience que celui qu'ils offrent aux autres passagers. Ces obligations sont prévues par des lois, des règlements et des décisions de l'Office. Par exemple, les fournisseurs de services de transport offrent une assistance aux personnes ayant une déficience pour les aider à réserver des sièges accessibles, à se déplacer dans l'aérogare, à embarquer et à débarquer, à effectuer le transfert d'un fauteuil roulant à un fauteuil d'embarquement et au siège passager, et inversement, et à se déplacer à bord de l'aéronef, notamment entre le siège passager et les toilettes. De plus, les fournisseurs de services de transport prennent des mesures de leur propre chef afin d'améliorer l'accessibilité de leurs services. Cette assistance permet souvent à de nombreuses personnes ayant une déficience de voyager de manière autonome et à d'autres de voyager de la manière la plus autonome possible.
[114] Toutefois, il y a certains soins personnels que le personnel des fournisseurs de services de transport n'est pas tenu de fournir aux personnes ayant une déficience : en particulier, nourrir la personne, lui donner ses médicaments et l'aider à utiliser la cuvette dans les toilettes. Lorsqu'une personne ayant une déficience n'est pas en mesure en raison de celle-ci d'assurer seule ces soins personnels particuliers, le fournisseur de services de transport exige généralement6 qu'elle voyage avec un Accompagnateur.
[115] De plus, certaines personnes ont d'importantes difficultés à se déplacer ou à communiquer en raison de leur déficience à un point tel qu'elles auraient besoin d'une aide spéciale en cas d'évacuation d'urgence ou de décompression, et les tarifs des transporteurs en cause exigent dans ces cas-là qu'elles voyagent avec un Accompagnateur pour des raisons de sécurité, de manière à ce que celui-ci puisse les aider en cas d'évacuation d'urgence ou de décompression.
[116] Certaines personnes peuvent être tenues de voyager avec un Accompagnateur, alors que d'autres ne le sont pas, car elles sont autonomes même si elles ont une mobilité réduite. Le Chapitre d'information central d'Air Canada (document interne qui énonce les politiques et procédures du transporteur) qui donne la définition suivante d'une personne non ambulatoire et autonome : « qui n'est pas en mesure de se déplacer à l'intérieur de la cabine de l'aéronef sans aide, mais qui est autonome et qui n'exige aucune attention spéciale ou inhabituelle pendant le vol, p. ex., la clientèle en fauteuil roulant. Un passager non ambulatoire et autonome n'est pas tenu de voyager avec un Accompagnateur pour l'aider en cas d'évacuation d'urgence. Un client qui est autonome et en mesure de voir à ses soins personnels pendant le vol, malgré sa déficience, n'est pas tenu d'avoir un Accompagnateur » (traduction). Juliane Lambert et Lisa Pachula ont déclaré dans leurs témoignages que les passagers non ambulatoires et autonomes peuvent être acceptés pour voyager seul, c'est-à-dire sans Accompagnateur, s'ils sont en mesure de déboucler leur ceinture de sécurité et de se déplacer au moins jusqu'à l'allée pour obtenir de l'aide pour se rendre jusqu'à l'issue la plus proche et pour évacuer.
[117] Toutefois, la question dont est saisi l'Office dans cette affaire est le droit à un accommodement de nature économique d'une catégorie particulière de personnes ayant une déficience, c'est-à-dire celles qui sont actuellement tenues, en vertu des tarifs des transporteurs en cause, de voyager avec un Accompagnateur.
[118] Les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un Accompagnateur lorsqu'elles voyagent, notamment M. Norman et Mme Neubauer, sont considérées, dans le spectre des limitations fonctionnelles, comme étant des personnes ayant une déficience grave et à l'égard desquelles l'Office peut déterminer la présence d'une déficience au sens de la partie V de la LTC sans faire référence à l'état de santé sous-jacent qui entraîne ce besoin, semblable à la détermination d'une déficience dans le cas d'une personne qui nécessite le recours à un fauteuil roulant pour se déplacer. En tant que catégorie, les personnes qui sont tenues de voyager avec un Accompagnateur sont habituellement des personnes ayant une déficience, tout comme les personnes qui requièrent un fauteuil roulant pour se déplacer sont des personnes ayant une déficience, peu importe la raison pour laquelle la personne a besoin d'une aide à la mobilité ou d'un Accompagnateur. Le fait que l'état de santé d'une personne nécessite le recours à un fauteuil roulant ou la présence d'un Accompagnateur est suffisant pour que l'Office conclue qu'elle est une personne ayant une déficience au sens de la Partie V de la LTC.
[119] Il est très important de souligner que la présente décision ne vise que le groupe relativement restreint de personnes ayant une déficience grave qui sont tenues, en vertu des tarifs des transporteurs en cause, de voyager avec un accompagnateur afin que celui-ci puisse répondre à leurs besoins personnels particuliers pendant le vol ou leur fournir une aide en cas d'évacuation d'urgence ou de décompression. Cette décision ne vise pas le groupe plus large de personnes, ayant une déficience ou non, qui préfèrent voyager avec un compagnon pour des raisons autres que de voir à leurs besoins reliés à une déficience et/ou à leurs besoins en matière de déplacement reliés à la sécurité et/ou de communication en cours de vol, en cas d'évacuation d'urgence ou de décompression, et ne vise pas non plus les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un accompagnateur à destination, mais non en vol aux fins établies dans les tarifs des transporteurs en cause.
[120] En outre, il faut reconnaître que ce qui importe est la fonction que doit exercer l'Accompagnateur en vol, et non l'identité de la personne qui agit à ce titre. L'Office sait que dans de nombreux cas, comme dans celui du regretté Éric Norman, un membre de la famille ou un ami peut exercer le rôle d'Accompagnateur, et que le concept d'Accompagnateur se veut suffisamment large pour continuer d'englober ces personnes, et qu'il ne doit pas être interprété d'une manière restrictive comme signifiant un accompagnateur professionnel.
2. Personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège supplémentaire à bord d'un aéronef pour elles-mêmes
[121] Ce sous-groupe de la population cible des personnes ayant une déficience peut se diviser dans les deux catégories suivantes : la personne ayant une déficience en raison de son obésité et la personne ayant un autre type de déficience.
a) Personne ayant une déficience en raison de son obésité
[122] Cette catégorie comprend les personnes qui ont une déficience qui est en fait occasionnée par la disposition des sièges établie par les transporteurs aériens à bord de leurs aéronefs. Le rôle de l'environnement dans la création d'une déficience a été explicitement reconnu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire CCD c. VIA :
Monsieur Lepofsky a fait remarquer que [traduction] « [l]'un des plus grands obstacles auxquels se heurtent les Canadiens ayant une déficience réside dans le fait que la quasi-totalité des principales institutions publiques et privées de la société canadienne étaient initialement conçues en fonction du principe implicite selon lequel elles étaient destinées à desservir des personnes physiquement aptes [...] » : « The Duty to Accommodate : A Purposive Approach », (1993), 1 Can. Lab. L.J. 1, p. 6. En fin de compte, c'est [traduction] « l'effet conjugué de la déficience ou de l'incapacité d'une personne et du climat social qui détermine si cette personne est atteinte d'un handicap » : I.B. McKenna, « Legal Rights for Persons with Disabilities in Canada : Can the Impasse be Resolved? » (1997-98), 29 R.D. Ottawa 153, p. 164. (par. 181)
[123] Le 12 décembre 2001, l'Office a rendu la décision no 646-AT-A-2001 (ci-après la décision de Calgary), la décision préliminaire en matière de compétence visant à déterminer si l'obésité est une déficience aux fins de l'application de la LTC. Cette décision faisait suite à une audience publique de deux semaines à l'occasion de laquelle l'Office a entendu une quantité importante de preuves tant de nature juridique que médicale présentées par des spécialistes, notamment des médecins, un professeur de biostatistique et un expert de la classification des déficiences reconnu mondialement. Dans la décision, l'Office a examiné plusieurs modèles d'analyse des déficiences et en a retenu un, qui se veut une synthèse du modèle médical et du modèle social, afin de répondre à cette question. En appliquant ce modèle, l'Office a déterminé que l'obésité pouvait représenter une déficience, mais seulement dans les cas où elle entraîne des limitations d'activité et/ou des restrictions de participation de la personne dans le cadre du réseau de transport fédéral. En conséquence, l'Office a conclu que l'obésité proprement dite ne constitue pas une déficience aux termes la partie V de la LTC, mais que certaines personnes obèses peuvent avoir une déficience en raison de leur obésité.
[124] Dans la décision de Calgary, l'Office s'est rapporté à la preuve soumise par le Dr Lau, une sommité canadienne en matière d'obésité, qui a comparu devant le Comité dans cette affaire :
[Le Dr Lau] affirme ne pas être en mesure de préciser un IMC au-delà duquel il peut affirmer avec la moindre certitude que les gens ne pourront pas prendre place dans un siège, mais que ces personnes seraient obèses de classe III [c'est-à-dire une obésité sévère ou morbide, avec un IMC supérieur à 40]. Selon le Dr Lau, cela n'empêche pas qu'une personne dont l'IMC se situe entre 41 et 45 puisse prendre place dans un siège dans lequel une autre personne qui a un IMC de 39,5, mais dont le tissu adipeux est réparti d'une certaine façon autour de la taille, ne peut prendre place.
[125] Par conséquent, l'Office a indiqué dans la décision de Calgary qu'il continuera d'étudier, en fonction de chaque cas pris individuellement, la question de savoir si une personne obèse est aussi une personne ayant une déficience aux termes de la LTC. La décision de Calgary n'a pas été portée en appel.
[126] L'Office a ensuite examiné la demande de Mme McKay-Panos et, dans la décision no 567-AT-A-2002, le comité de l'Office chargé d'entendre la demande a déterminé à la majorité de deux membres que bien qu'elle appartenait à la catégorie d'obésité de la classe III et qu'elle ne pouvait prendre place dans un siège de la classe économique des aéronefs d'Air Canada, elle n'était pas une personne ayant une déficience. Le membre dissident a appliqué la méthodologie de la décision de Calgary et a déterminé qu'elle était une personne ayant une déficience en raison de son obésité, et indiqué qu'il aurait par conséquent cherché à déterminer si elle avait fait face à des obstacles abusifs à ses possibilités de déplacement.
[127] Mme McKay-Panos en a appelé de la décision de l'Office devant la Cour d'appel fédérale. La Cour d'appel fédérale a rendu sa décision le 13 janvier 2006 dans l'affaire McKay-Panos c. Air Canada, et renversé la décision de l'Office. La Cour a appliqué la méthodologie proposée par l'Office dans la décision de Calgary pour déterminer s'il y a déficience dans le cas des personnes qui sont obèses et, selon cette méthodologie, a conclu que Mme McKay-Panos était, en fait, une personne ayant une déficience en raison de son obésité.
[128] Par conséquent, il n'y a plus aucun doute qu'il y a des personnes qui ont une déficience au sens de la partie V de la LTC en raison de leur obésité lorsqu'elles ne peuvent prendre place dans un siège d'aéronef; toutefois, conformément à la décision de Calgary et à la décision de la Cour d'appel fédérale susmentionnée, la réponse à la question de savoir si une personne a une déficience en raison de son obésité dépend des faits et des circonstances de chaque situation et doit être évaluée au cas par cas.
b) Personne ayant un autre type de déficience
[129] Selon l'expérience de l'Office, il s'agit d'une petite catégorie de personnes ayant une déficience qui auraient besoin d'un siège supplémentaire, qui comprendrait les personnes qui, en raison de leur déficience, ne peuvent par exemple se tenir droites dans un siège d'aéronef pour toute la durée du vol. Dans certains cas, il peut être évident qu'il s'agit de personnes ayant une déficience, alors que dans d'autres, l'Office estime qu'il pourrait être plus difficile de faire cette détermination et qu'il faudrait peut-être effectuer une évaluation individuelle.
[130] À un certain moment, l'Office examinait aussi, comme élément de cette catégorie, le très petit nombre de personnes ayant une déficience qui ont besoin d'une civière pour voyager par avion, dans le cadre des demandes soumises par Barry Growe et Eric Tucker, mais avec l'annulation du service de civière d'Air Canada en 2005, les transporteurs en cause7 ne satisfont plus aux besoins de ces personnes ayant une déficience et, par conséquent, elles ne font plus partie de la population cible aux fins de la présente affaire, comme l'a confirmé l'Office dans la décision No LET-AT-A-319-2005. (voir paragraphe 42 de l'annexe D)
Le cas présent
[131] Pour avoir compétence relativement à une demande, l'Office doit d'abord déterminer si le demandeur a une déficience ou si la demande se rapporte à des personnes ayant une déficience aux termes de la partie V de la LTC. Dans cette affaire, l'Office doit aussi tenir compte d'une intervention déposée par Mme McKay-Panos à l'appui des demandeurs.
[132] Le demandeur Eric Norman était paraplégique. Il utilisait un fauteuil roulant pour se déplacer et avait besoin d'un Accompagnateur pour voyager par avion.
[133] La demanderesse Joanne Neubauer vit avec une forme grave de polyarthrite rhumatoïde. Elle utilise un fauteuil roulant pour se déplacer et a besoin de préposés aux soins personnels pour l'aider dans sa vie quotidienne. Elle a besoin d'un Accompagnateur pour voyager par avion.
[134] Comme il est indiqué au paragraphe 41 ci-dessus, la Cour d'appel fédérale a déjà déterminé que l'intervenante, Mme McKay-Panos, est une personne ayant une déficience aux termes de la partie V de la LTC, étant une personne appartenant à la catégorie d'obésité de la classe III, c'est-à-dire une obésité morbide ou sévère, qui ne pouvait prendre place dans un siège de la classe économique sur des vols d'Air Canada.
[135] Étant donné les circonstances propres à chaque demandeur et à l'intervenante, il ne fait aucun doute que ces personnes étaient des personnes ayant une déficience au moment de leur voyage. Toutefois, considérant la nature de la présente demande et la réparation demandée, c'est-à-dire un arrêté de l'Office enjoignant aux intimées nommément désignées d'offrir une réparation systémique à l'ensemble des personnes ayant une déficience qui ont besoin de plus d'un siège en raison de leur déficience lorsqu'elles voyagent par avion, il est important de tenir compte de la méthodologie utilisée par l'Office pour déterminer s'il y a déficience, au sens des paragraphes 111 à 120 ci-dessus. La décision de l'Office dans cette affaire pourrait avoir des répercussions sur l'élaboration des politiques et des procédures d'Air Canada, de WestJet et de l'Administration de l'aéroport international de Gander qui s'appliqueront à l'avenir à toutes les personnes ayant une déficience qui ont besoin de plus d'un siège en raison de leur déficience.
Conclusion de l'Office sur la déficience
[136] À la lumière de ce qui précède et étant donné la nécessité dans certains cas d'effectuer des évaluations individuelles afin de déterminer la déficience, l'Office n'est pas en mesure de déterminer précisément qui ferait partie de la catégorie des personnes ayant une déficience qui pourraient être admissibles aux avantages d'une politique 1P1T. Toutefois, il convient de souligner que la présente décision ne vise que les personnes qui sont jugées avoir une déficience aux termes de la partie V de la LTC. De plus, en ce qui a trait aux personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un Accompagnateur, la présente décision ne vise que les personnes ayant une déficience qui sont tenues de voyager avec un Accompagnateur, en vertu des tarifs des transporteurs en cause, que ce soit pour obtenir de l'aide pour des soins personnels particuliers ou pour des raisons de sécurité, c'est-à-dire pour les aider en cas d'évacuation d'urgence ou de décompression. Enfin, le besoin d'un siège supplémentaire doit découler de la déficience de la personne.
Partie III - Obstacles
Démarche de l'Office pour conclure à la présence ou non d'un obstacle
[137] Le mandat que confère la partie V de la LTC à l'Office consiste à veiller à l'élimination des obstacles abusifs que les personnes ayant une déficience rencontrent lorsqu'elles se déplacent dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « obstacle » n'est pas défini dans la LTC, mais il se prête à une interprétation libérale, car il s'entend généralement de ce qui s'oppose au passage, à l'action, à l'obtention d'un résultat ou de ce qui gêne le mouvement. Par exemple, les difficultés ou les obstacles aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience peuvent être causées par les installations des fournisseurs de services de transport de compétence fédérale, découler de la conception des équipements ou de l'application de politiques, de procédures ou de pratiques, ou résulter de ce que les fournisseurs de services de transport ne se conforment pas à ces dernières, ou encore de ce qu'ils n'ont pas su prendre des mesures positives afin d'assurer leur respect, y compris le fait de ne pas avoir assuré la formation adéquate des employés et des agents contractuels.
[138] Lorsqu'il se penche sur la question de savoir si une situation a constitué ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience, l'Office examine généralement l'incident relaté dans la demande afin de déterminer si son auteur a établi, prima facie :
- qu'un obstacle aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience a été le résultat d'une distinction, d'une exclusion ou d'une préférence;
- que l'obstacle était lié à la déficience de cette personne;
- et que l'obstacle est discriminatoire du fait qu'il a imposé un fardeau à la personne ou l'a privée d'un avantage.
[139] Il n'est pas nécessaire d'avoir éprouvé des difficultés lors d'un voyage pour soumettre une demande à l'Office en vertu de la partie V de la LTC. Ainsi, la conception d'installations ou d'équipements, ou l'éventuelle mise en œuvre d'une politique est suffisante pour permettre à l'Office d'exercer sa compétence.
[140] L'Office a conclu, dans des cas antérieurs, qu'il y avait eu des obstacles dans plusieurs circonstances différentes. Par exemple, dans certains cas, les personnes n'ont pas pu voyager, d'autres ont été blessées durant leurs déplacements (notamment quand l'absence d'installations convenables durant le déplacement affecte la condition physique du passager), et d'autres encore ont été privées de leur aide à la mobilité après le voyage parce que celle-ci avait été endommagée pendant le transport. De plus, dans certains cas, l'Office a conclu à la présence d'obstacles lorsque les personnes ont finalement été en mesure de voyager mais où les circonstances de l'expérience ont fait en sorte qu'elles ont été lésées dans leur sentiment de confiance et de sécurité et dans leur dignité. L'Office a reconnu que de tels sentiments pouvaient faire en sorte que ces personnes seraient peu enclines à vouloir faire d'autres voyages et, par conséquent, avoir un effet négatif sur leurs déplacements.
Le cas présent
Faits
[141] Selon la structure tarifaire des deux transporteurs en cause, les tarifs imposés aux passagers reposent sur le nombre de sièges utilisés par la personne.
[142] WestJet n'offre pas de rabais pour les sièges additionnels dont les personnes ayant une déficience ont besoin, y compris les sièges occupés par les Accompagnateurs avec qui les personnes ayant une déficience doivent se déplacer, si bien que celles-ci se voient imposer le plein tarif. Cela dit, le transporteur applique une politique dite « 1 personne, 2 sièges », aux termes de laquelle une personne peut réserver des sièges additionnels pour d'autres raisons, quoique sans rabais, par exemple des musiciens appelés à voyager avec de gros instruments de musique ou des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour elles-mêmes.
[143] Air Canada offre des tarifs réduits pour les Accompagnateurs dont les services sont requis par les personnes ayant une déficience de même que des sièges additionnels dont les passagers ont besoin, par exemple des musiciens qui voyagent avec de gros instruments de musique ou des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour elles-mêmes. Cela dit, le rabais n'est applicable qu'aux pleins tarifs des vols intérieurs et transfrontaliers (comme le tarif Latitude). Ainsi, le prix de deux billets avec rabais (tarif Tango) est souvent moins élevé que celui d'un billet plein tarif et d'un billet avec rabais tarifaire confort ou pour Accompagnateur.
[144] Les deux transporteurs en cause prévoient également des politiques et des pratiques qui permettent de prendre des mesures spéciales d'accommodement pour les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience pour voyager, aux termes desquelles le personnel du transporteur peut fournir gratuitement le siège à la personne à l'aéroport la journée même du voyage, s'il y a des sièges libres à bord du vol de cette personne.
[145] L'Administration de l'aéroport international de Gander impose les frais d'améliorations aéroportuaires selon le nombre de passagers embarquant au départ. De ce fait, ils s'appliquent aux Accompagnateurs avec qui les personnes ayant une déficience doivent se déplacer.
[146] Les demandeurs dans le cas présent, en l'occurrence Eric Norman et Joanne Neubauer, étaient contraints de se déplacer avec des Accompagnateurs et de payer les tarifs additionnels imposés par les transporteurs en cause. M. Norman était également contraint de payer les frais d'améliorations aéroportuaires additionnels qu'impose l'Administration de l'aéroport international de Gander aux Accompagnateurs.
[147] D'autre part, Mme McKay-Panos n'a pu prendre place dans le siège que lui avait assigné Air Canada en raison de sa déficience, si bien qu'elle a eu besoin d'un siège additionnel pour voyager par avion au Canada. Pour le premier vol de départ, aucun siège additionnel ne lui a été offert, et elle a dû prendre place dans le siège qui lui avait été assigné, ce qui n'a pas été sans lui causer beaucoup de souffrance, de contusion, d'inconfort, sans parler de la gêne et de l'humiliation qu'elle a ressenties. Elle a été informée des mesures spéciales d'accommodement d'Air Canada, et pour le deuxième vol de départ, le personnel du transporteur lui a offert un siège dans la classe affaires. Toutefois, au moment du retour, il n'y avait pas de siège libre à bord du premier vol et encore une fois, un siège lui a été offert dans lequel elle ne pouvait prendre place. Lors du second vol cette journée-là, le personnel du transporteur n'a pas pris de mesure spéciale d'accommodement et ce, même si un siège était disponible. Elle a dû payer un tarif additionnel pour occuper un siège disponible dans la classe affaires, soit la somme de 972 $.
Position des demandeurs
[148] Les demandeurs font valoir que les personnes ayant une déficience veulent bénéficier de l'égalité d'accès au réseau fédéral de transport, de telle sorte qu'elles puissent voyager comme le font les autres Canadiens. Cela dit, dans la mesure où certaines personnes ayant une déficience se voient imposé un tarif supérieur, en raison de leur déficience, à ce que doivent payer les passagers qui n'ont pas besoin de siège additionnel, les demandeurs considèrent que cela revient à imposer un supplément à ces personnes pour effectuer le même voyage que les autres passagers.
[149] Selon les demandeurs, l'Office reconnaît depuis de nombreuses années l'existence de l'obstacle suscité par les politiques des transporteurs en cause qui prévoient un supplément pour un siège additionnel, précisant que l'Office a déjà rendu une décision sur cette question dans la cause Buchholz c. Air Canada (décision no 523-A-1993).
[150] Les demandeurs soulignent que si certaines personnes doivent payer plus cher pour leur transport que d'autres personnes, en raison de leur déficience, sans égard au motif ou au montant comme tel, elles rencontrent un obstacle et sont victimes de discrimination. Toutefois, outre le principe de discrimination économique, les demandeurs sont d'avis que les tarifs additionnels ont un impact important sur l'accès des personnes ayant une déficience au réseau fédéral de transport, dans la mesure où :
- les personnes ayant une déficience touchent à l'heure actuelle un revenu relativement faible et rencontrent d'importants obstacles en milieu de travail;
- le fait d'imposer un tarif additionnel, en plus de ceux payés par les personnes qui n'ont pas de déficience, peut rendre les longs trajets prohibitifs pour beaucoup de personnes qui, s'il en avait été autrement, auraient voyagé par affaires ou pour des raisons personnelles;
- les tarifs et frais additionnels imposés aux personnes ayant une déficience, pour le siège additionnel dont elles ont besoin en raison de leur déficience, ne feront qu'exacerber le désavantage des voyages plus dispendieux pour beaucoup d'entre elles, et pour d'autres, rendre les voyages par avion prohibitifs à un point tel qu'elles ne peuvent plus utiliser l'avion.
[151] D'autre part, pour appuyer leur position selon laquelle ils sont tout simplement incapables d'assumer toutes dépenses additionnelles et inutiles, les demandeurs font état des dépenses supplémentaires qu'entraîne leur déficience, comme les frais de subsistance et les frais médicaux. Par exemple, elle mentionne l'important fardeau économique et personnel qui pèse sur eux en raison de l'Accompagnateur qui doit voyager avec eux.
[152] En ce qui concerne les frais d'améliorations aéroportuaires, les demandeurs signalent que l'Administration de l'aéroport international de Gander ajoute un taux fixe au prix du billet d'avion, sans égard aux dispositions tarifaires applicables aux personnes ayant une déficience ni à l'impact de ces frais sur le déplacement de ces personnes. Ils font remarquer que le plein montant de ces frais est ajouté au prix du billet ou à la portion du prix du billet concernant l'Accompagnateur d'une personne ayant une déficience et ce, sans égard au principe 1P1T.
[153] Lors de l'audience de mai 2005, M. Norman a expliqué qu'il a été interloqué par le fait d'avoir à payer deux fois les frais d'améliorations aéroportuaires à Gander. Même s'il a reconnu que l'Administration de l'aéroport international de Gander n'est pas la seule organisation à imposer de tels frais, c'était la première fois qu'il était à même de constater leur impact sur les dépenses déjà élevées qu'il consacre à ses voyages par avion.
Position de l'intervenante
[154] Mme McKay-Panos maintient qu'elle a été victime de stéréotypes, qu'elle a été la cible de discrimination et qu'elle a été traitée de manière impolie et empreinte de jugement. Elle affirme qu'elle n'a pas été traitée avec dignité à cause de son obésité. Enfin, le prix additionnel à payer pour l'achat d'un deuxième siège en classe économique ou en classe affaires signifie qu'elle ne peut pas voyager par avion de façon équitable, activité accessible aux Canadiens ordinaires à des fins professionnelles et personnelles. Mme McKay-Panos a formulé la déclaration suivante lors de l'audience de novembre 2006 :
La question n'est pas monétaire. Elle porte plutôt sur la dignité humaine. Pour moi, les politiques d'Air Canada sont excessivement fermes et discriminatoires. J'ai ressenti l'humiliation, l'embarras et des douleurs physiques [...] Je veux voyager par avion comme tout le monde, je veux le faire dans la dignité et sans humiliation, et je m'attends à payer un tarif raisonnable. Je ne veux pas me soucier des dimensions du siège qui me sera assigné. Je ne veux pas me soucier de la façon dont on me traitera. Je ne crois pas que je justifie un traitement différent des autres voyageurs. J'exige le respect. Je veux me rendre à un autre endroit sans problème. De fait, je veux vivre une expérience normale des voyages en avion. Je ne veux surtout pas que l'expérience soit pénible pour moi ou pour le transporteur aérien. Je veux tout simplement pouvoir décider de me rendre à un endroit en particulier par avion, faire une réservation et être en mesure d'effectuer le voyage comme toute autre personne au Canada. Je veux pouvoir téléphoner et faire une réservation, préciser que je suis obèse et demander ce que j'ai à faire. Je veux que les dispositions de voyage soient prises de façon transparente. Je m'attends à payer un tarif raisonnable, mais je ne veux pas que ce tarif devienne un obstacle à ma capacité de voyager, comme cela devrait être le cas pour quiconque veut voyager. (traduction)
Position des transporteurs en cause
[155] Les transporteurs en cause ne contestent pas la présence d'un obstacle aux possibilités de déplacement de certaines personnes qui ont une déficience en raison de leurs politiques qui prévoient l'imposition de tarifs additionnels pour l'utilisation d'un siège additionnel en raison de la déficience. À cet égard, ils déclarent ce qui suit :
Pour certaines personnes de cette catégorie [de personnes ayant une déficience], l'existence d'une déficience et d'un obstacle à leurs possibilités de déplacement ne fera pas de doute. La vraie question est de savoir si l'obstacle est de nature abusive. Cela dit, en ce qui concerne les autres membres de cette catégorie [de personnes ayant une déficience], des questions seront soulevées quant à l'existence de la présumée déficience et de l'obstacle. (traduction)
[156] La position de l'Administration de l'aéroport international de Gander se résume à ceci : les frais d'améliorations aéroportuaires de 12 $ qui sont imposés aux passagers embarquant au départ à l'aéroport international de Gander ne représentent pas un obstacle aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience puisqu'ils sont modiques. Pour l'Administration aéroportuaire, il y a lieu d'imposer ces frais à chaque passager, y compris aux personnes ayant une déficience et aux Accompagnateurs, qui profitent de l'agrandissement et de l'amélioration de l'aéroport international de Gander et ce, quelle que soit la raison du voyage.
Analyse et constatations de l'Office
[157] L'Office est d'avis que tout le monde a droit à un accès raisonnable aux services de transport. Air Canada et WestJet exercent des activités pour le transport de personnes, et les personnes ayant une déficience font partie de ce groupe. Les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un Accompagnateur ont besoin aussi d'un siège supplémentaire, tout comme les personnes qui, en raison de leur déficience, ne peuvent pas prendre place dans le siège fourni par la compagnie aérienne pour le transport des personnes. À partir de diverses classes de tarif, Air Canada et WestJet déterminent leurs tarifs en fonction des sièges occupés par les personnes en cours de transport. Cette pratique a pour effet de désavantager les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience pour voyager mais qui bénéficient du même transport entre les points A et B que les autres passagers.
[158] L'Office reconnaît que pour nombre de personnes, qui ont une déficience ou non, les voyages par avion ne sont peut-être pas financièrement accessibles. Cela dit, l'Office doit déterminer s'il convient d'imposer à certaines personnes qui ont une déficience, en raison de leur déficience, des tarifs additionnels pour le même transport offert aux autres passagers entre les points A et B.
[159] L'Office fait observer que l'imposition de tarifs additionnels augmente le coût du voyage des personnes qui ont besoin d'un Accompagnateur pour voyager, comme le démontrent les cas de M. Norman et de Mme Neubauer, qui ont eu à assumer un coût de voyage plus élevé qu'un passager qui n'a pas de déficience.
[160] Dans le cas de M. Norman, même si ce dernier était admissible à une réduction de 50 pour cent du tarif pour Accompagnateur d'Air Canada, l'Office constate que dans certaines occasions, il a choisi de délaisser le rabais du fait que le coût de son billet d'avion et de celui de son Accompagnateur avec rabais, aux termes de la politique sur le tarif pour Accompagnateur, était supérieur au prix d'achat de deux billets à rabais.
[161] Pour sa part, Mme Neubauer précise qu'elle voyage par avion une fois par année, environ, mais qu'elle utiliserait ce mode de transport plus fréquemment si elle n'avait pas à payer un tarif additionnel pour son Accompagnateur.
[162] Les personnes ayant une déficience sont une minorité, et il est reconnu en général qu'elles sont désavantagées dans la société en raison de leur déficience. Le taux de chômage et le niveau de sous-emploi de cette sous-population sont plus élevés, leur revenu est plus bas et le niveau de scolarité plus faible que dans la population en général.8 De ce fait, des mesures législatives sont prévues pour éliminer les désavantages des personnes ayant une déficience et pour garantir qu'elles ne soient victimes de discrimination. En particulier, la partie V de la LTC a pour objet d'améliorer l'accès des personnes ayant une déficience au réseau fédéral de transport, de telle sorte qu'elles puissent participer pleinement à la société.
[163] L'Office est d'avis que les politiques des transporteurs en cause qui consistent à imposer des tarifs aux personnes ayant une déficience pour les sièges additionnels nécessaires en raison de leur déficience (pour leur Accompagnateur ou pour elles-mêmes) constituent un désavantage économique lié directement à la déficience des personnes et susceptible pour ainsi dire de limiter les options de voyage qui s'offrent à elles et, de ce fait, les possibilités de voyage pour des raisons d'emploi, de loisirs, d'études, de soins médicaux et d'urgence. Puisque les personnes ayant une déficience sont statistiquement plus susceptibles d'être dans la tranche de revenu inférieure, l'incidence économique de ces politiques tarifaires sur ce groupe de personnes n'en est que plus prononcée du fait qu'elles semblent moins en mesure d'absorber ces frais. L'Office fait observer que selon les demandeurs, les transporteurs en cause ne sont pas sans reconnaître que les personnes à qui des tarifs additionnels sont imposés en raison de leur déficience peuvent ainsi se heurter à un obstacle à leurs possibilités de déplacement.
[164] L'Office signale l'impact significatif, pour les personnes ayant une déficience, des tarifs imposés pour des sièges additionnels dont elles ont besoin pour voyager, comme le démontrent les éléments de preuve fournis par M. Norman et Mme Neubauer. L'Office accepte les preuves fournies par les demandeurs comme quoi pour certaines personnes, il peut être difficile, voire impossible, de voyager en raison des tarifs additionnels. L'Office prend note de la déclaration de Mme Neubauer : « pour moi, le principe « une personne, un prix » signifie que j'aurai à tout le moins une chance de m'en tirer, la chance d'être ce que je considère comme sur un pied d'égalité avec le reste de la société, c'est-à-dire, avec les fonds que j'aurai trouvés, voyager et accomplir ce qui me tient vraiment à cœur, par plaisir et pour le travail ». (traduction)
[165] M. Norman a reconnu être en mesure de payer ses frais de voyage. Cela dit, l'Office estime que la capacité de certaines personnes ayant une déficience de payer plus cher leur voyage que les autres passagers n'est pas un facteur pertinent en l'espèce pour déterminer l'existence d'obstacles, car cette capacité de payer n'a aucun lien avec la discrimination économique que soulève l'imposition des tarifs et des frais additionnels.
[166] Comme pour M. Norman qui demeure à Terre-Neuve-et-Labrador et qui avait besoin de voyager par avion par affaires et pour des raisons médicales, l'Office ajoute que certaines personnes ayant une déficience qui demeurent dans de petites collectivités et des régions éloignées sont peut-être plus tributaires du transport aérien, en raison de l'absence de solutions de rechange raisonnables dans le secteur des transports et que, pour elles, le coût plus élevé du transport aérien peut avoir un impact plus important. L'Office indique que pour des personnes ayant une déficience, comme Mme Neubauer, le transport aérien se veut la seule option réaliste compte tenu de leurs besoins liés à la déficience.
[167] En ce qui concerne les frais d'améliorations aéroportuaires, l'Office est d'avis que dans la mesure où ils sont imposés à chaque passager embarquant au départ, signifiant que les personnes qui ont besoin des services d'un Accompagnateur doivent les payer deux fois, comme dans le cas de M. Norman, ces frais additionnels représentent un désavantage économique lié directement à la déficience de la personne et qui a pour effet de limiter les options de voyage pour les personnes qui ont besoin des services d'un Accompagnateur pour voyager par avion. L'Office précise qu'à Gander, les frais d'améliorations aéroportuaires sont de 12 $ et aux autres aéroports, supérieurs à 20 $, ce qui peut représenter un élément important du coût du billet d'avion, selon le prix demandé. L'Office partage l'opinion du CCD selon laquelle tous frais additionnels, minimes ou autres, ont des effets cumulatifs et sont discriminatoires.
[168] Pour l'Office, la nécessité pour les personnes ayant une déficience de payer plus cher pour le transport entre les points A et B que les autres passagers, de façon à pouvoir bénéficier de mesures d'accommodement, représente un obstacle à leurs possibilités de déplacement. En particulier, l'Administration de l'aéroport international de Gander et WestJet ne fournissent aucune solution de rechange aux personnes ayant une déficience, et cela constitue, à n'en pas douter, un obstacle à leurs possibilités de déplacement.
[169] D'un autre côté, Air Canada offre une réduction de 50 pour cent du plein tarif pour les sièges additionnels dont ont besoin les personnes ayant une déficience, que ce soit pour elles-mêmes ou pour les accompagnateurs. Cela dit, dans la mesure où ces politiques n'empêchent pas les personnes ayant une déficience de payer plus cher pour leur voyage que les autres passagers, elles constituent un obstacle aux possibilités de déplacement de ces dernières.
Conclusion sur les obstacles
[170] Compte tenu de ce qui précède, l'Office considère que les tarifs imposés par les transporteurs en cause pour les services aériens intérieurs et les frais d'améliorations aéroportuaires de l'Administration de l'aéroport international de Gander que doivent payer les personnes ayant une déficience pour le siège additionnel dont elles ont besoin, en raison de leur déficience, pour voyager constituent des obstacles à leurs possibilités de déplacement, y compris le regretté M. Norman, Mme Neubauer et Mme McKay-Panos.
Partie IV - Caractère abusif
Démarche de l'Office pour déterminer si les obstacles sont abusifs
[171] Si l'Office conclut qu'un élément du réseau de transport fédéral constitue un obstacle pour certaines personnes ayant une déficience, il doit par la suite déterminer si celui-ci est abusif, car ce n'est qu'à la suite d'une décision affirmative en ce sens qu'il peut enjoindre au fournisseur du service de transport de prendre les mesures qui s'imposent pour corriger la situation.
[172] Ainsi, dès que le demandeur établit dans sa demande qu'il y a obstacle aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans le réseau de transport fédéral, le fardeau de la preuve est déplacé vers le fournisseur du service de transport visé qui doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l'obstacle n'est pas abusif. À cette fin, il doit établir que la source de l'obstacle :
- est rationnellement liée à un objectif légitime, par exemple aux objectifs établis dans la politique nationale des transports énoncée à l'article 5 de la LTC;
- a été adoptée de bonne foi en croyant sincèrement qu'elle est nécessaire pour réaliser cet objectif légitime;
- est raisonnablement nécessaire pour réaliser cet objectif, de sorte qu'il lui est impossible de répondre aux besoins de la personne ayant une déficience sans se voir imposer une contrainte excessive.
[173] Le fournisseur du service de transport doit démontrer que des efforts d'accommodement raisonnables ont été déployés, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'il se soit vu imposer une contrainte excessive. Dans chaque cas, l'accommodement raisonnable varie dans une certaine mesure selon les circonstances et dépend d'un équilibre entre les intérêts des personnes ayant une déficience et ceux des fournisseurs de services. Il faut également tenir compte de l'importance et du caractère répétitif ou permanent de l'obstacle et de l'incidence de celui-ci sur les personnes ayant une déficience et sur les considérations et les responsabilités d'ordre commercial et opérationnel du fournisseur de services.
[174] Dans la plupart des cas, plusieurs options s'offriront pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience ou d'un groupe ayant les mêmes caractéristiques. Dans chaque cas, la meilleure option est celle qui respecte la dignité de la personne, répond à ses besoins et promeut l'indépendance, l'intégration et la pleine participation des personnes ayant une déficience dans le réseau de transport fédéral. Tout compte fait, l'accommodement raisonnable se traduira par la solution la plus convenable qui n'imposera pas de contrainte excessive au fournisseur du service de transport.
[175] Afin d'établir qu'il est soumis à une contrainte excessive, le fournisseur du service de transport doit démontrer qu'il a considéré et déterminé qu'il n'y avait aucune autre solution pouvant mieux répondre aux besoins d'une personne ayant une déficience qui se trouve en présence d'un obstacle et qu'en raison de ces contraintes il serait déraisonnable, peu pratique, voire impossible, d'éliminer l'obstacle. À titre d'exemple de contraintes auxquelles sont soumis les fournisseurs de services visés et que l'Office pourrait examiner afin de déterminer si elles sont excessives, notons les suivantes : les questions structurales, de sécurité, d'ordre opérationnel, financière ou économique. Il peut également s'agir de mesures de sécurité que les transporteurs doivent adopter et mettre en œuvre, d'horaires ou d'indicateurs qu'ils tentent de respecter pour des raisons commerciales, de la configuration du matériel et d'incidences d'ordre économique qu'entraînerait l'adaptation des services. Ces contraintes peuvent avoir une incidence sur les personnes ayant une déficience car elles pourraient ne pas être en mesure de voyager avec leur propre fauteuil roulant, être obligées d'arriver à l'aérogare plus tôt pour l'embarquement, et devoir attendre plus longtemps que les personnes n'ayant pas de déficience pour obtenir de l'assistance au débarquement.
[176] Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des contraintes auxquelles les fournisseurs de services de transport sont soumis dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Un équilibre doit cependant être établi entre les diverses responsabilités de ces fournisseurs de services et le droit des personnes ayant une déficience de voyager sans rencontrer d'obstacle. C'est dans la recherche de cet équilibre que l'Office applique les concepts de caractère abusif et de contrainte excessive.
A. Frais d'améliorations imposés à l'Aéroport International de Gander
[177] Les demandeurs ont démontré l'existence d'un obstacle aux possibilités de déplacement de certaines personnes ayant une déficience dans le réseau de transport fédéral, en raison des frais d'améliorations aéroportuaires qu'elles doivent payer à l'Administration de l'aéroport international de Gander pour le siège additionnel dont elles ont besoin, en raison de leur déficience, pour leur Accompagnateur, afin qu'elles puissent utiliser les services aériens intérieurs. Il incombe alors à l'Administration de l'aéroport international de Gander de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l'obstacle n'est pas abusif.
[178] L'Office examinera ci-après chacun des trois aspects décrits dans le paragraphe 172 ci-dessus :
1. La source de l'obstacle est-elle rationnellement liée à un objectif légitime?
[179] D'après l'Administration de l'aéroport international de Gander, les fonds qui proviennent des frais d'améliorations aéroportuaires sont nécessaires pour absorber les coûts d'entretien, d'amélioration et de construction de l'infrastructure aéroportuaire, de telle sorte que l'Administration aéroportuaire puisse offrir des services de transport aérien sécuritaires, fiables et efficaces aux passagers qui utilisent l'aéroport. Son objectif est d'exploiter et d'aménager un aéroport international sécuritaire et sûr, qui contribue au développement économique de la région centrale de Terre-Neuve et d'aménager et d'agrandir l'aéroport international de Gander de façon qu'il puisse satisfaire à la demande de services de transport aérien de cette région.
[180] Pour l'Office, la source de l'obstacle, en l'occurrence la perception des frais d'améliorations aéroportuaires auprès de tous les passagers, a un lien logique avec un objectif légitime, c'est-à-dire le financement de la construction, de l'entretien et de l'amélioration de l'infrastructure immobilière nécessaire pour offrir des services de transport aérien sécuritaires, fiables et efficaces aux passagers. L'Office fait observer que cet objectif est conforme à ceux qui sont compris dans la politique nationale des transports énoncée à l'article 5 de la LTC, et en particulier celui qui est mentionné au début de l'énoncé qui prévoit : « [...] la mise en place d'un réseau sûr, rentable et bien adapté de services de transport viables et efficaces, accessibles aux personnes ayant une déficience, utilisant au mieux et aux moindres frais globaux tous les modes de transport existants ». Rien ne permet de douter que les aérogares et leur infrastructure ne font pas partie intégrante de ce réseau.
[181] Par conséquent, l'Office est d'avis que le premier critère a été respecté.
2. La source de l'obstacle a-t-elle été adoptée de bonne foi, en croyant sincèrement qu'elle est nécessaire pour réaliser cet objectif légitime, sans intention aucune de commettre un acte discriminatoire contre le demandeur?
[182] L'Administration de l'aéroport international de Gander fait observer que pour absorber les coûts d'entretien, d'amélioration et de construction de l'infrastructure aéroportuaire, elle impose, à un taux fixe, des frais d'améliorations aéroportuaires de 12 $ aux passagers embarquant au départ à l'aéroport international de Gander. D'après l'Administration aéroportuaire, l'agrandissement et l'amélioration de l'aéroport international de Gander profitent aux personnes ayant une déficience et aux Accompagnateurs, tout comme aux autres passagers. De ce fait, il convient d'imposer des frais minimes à chaque passager qui prend le départ à l'aéroport international de Gander.
[183] Rien n'indique, dans le cas présent ni dans la position des demandeurs, que l'imposition des frais d'améliorations aéroportuaires par l'Administration de l'aéroport international de Gander se fondait sur autre chose que l'honnêteté et la croyance de bonne foi que cette mesure était nécessaire pour atteindre l'objectif légitime qui consiste à s'assurer des ressources disponibles pour le financement des travaux de construction, d'amélioration et d'entretien de l'infrastructure pour la prestation de services de transport aérien sécuritaires, fiables et efficaces aux passagers. Par ailleurs, rien ne porte à croire que l'imposition des frais d'améliorations aéroportuaires par l'Administration se voulait discriminatoire à l'égard des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour leur Accompagnateur afin de voyager par avion.
[184] Ainsi, l'Office conclut au respect du deuxième critère.
3. Le maintien de l'obstacle est-il raisonnablement nécessaire pour réaliser cet objectif légitime, auquel cas la nécessité raisonnable doit être démontrée en prouvant qu'il est impossible pour le fournisseur de services de répondre aux besoins des personnes ayant une déficience sans se voir imposer une contrainte excessive?
[185] À ce stade-ci de l'analyse, il incombe à l'Administration de l'aéroport international de Gander de prouver que des mesures raisonnables d'accommodement ont été prises, c'est-à-dire dans la mesure où il n'en résulte pas une contrainte excessive.
[186] Pour déterminer qu'il y a eu contrainte excessive, l'Administration aéroportuaire doit prouver qu'en raison de contraintes, il est irréaliste, déraisonnable ou impossible de supprimer l'obstacle et qu'après avoir examiné la situation, elle a déterminé qu'il n'y a pas de solution de rechange raisonnable pour accommoder les personnes ayant une déficience qui se trouvent en présence de l'obstacle.
Position de l'Administration de l'aéroport international de Gander
[187] De l'avis de l'Administration de l'aéroport international de Gander, l'imposition de frais d'améliorations aéroportuaires de 12 $ par une organisation sans but lucratif n'est ni excessive ni démesurée, par rapport aux exigences opérationnelles en matière de sécurité de l'aéroport international de Gander. En outre, cette mesure ne peut pas être considérée comme un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour leur Accompagnateur, en vertu de la LTC.
[188] L'Administration de l'aéroport international de Gander n'avance pas qu'il existe des contraintes structurales, opérationnelles, financières ou de sécurité ou autres qui l'empêchent de supprimer l'exigence relative au paiement des frais d'améliorations aéroportuaires par les Accompagnateurs dont les personnes ayant une déficience ont besoin pour effectuer leur voyage par avion. Pour l'Administration aéroportuaire, il est carrément important d'appliquer le principe voulant que toutes les personnes qui utilisent le réseau paient pour utiliser les installations. Elle justifie ainsi son absence à l'audience : « l'impact possible sur notre aéroport est jugé comme étant minime et ce, quel que soit le résultat de cette audience. Tout simplement, il nous en coûterait très cher pour y prendre part. » (traduction)
[189] L'Administration de l'aéroport international de Gander n'a déposé aucun élément de preuve quant à des solutions de rechange raisonnables qu'elle avait établies ou examinées pour accommoder les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un Accompagnateur pour voyager par avion et qui sont tenues de payer deux fois les frais d'améliorations aéroportuaires lorsqu'elles prennent le départ à l'aéroport international de Gander.
Position des demandeurs
[190] D'après les demandeurs, l'imposition des frais d'améliorations aéroportuaires est contraire au principe 1P1T, dans la mesure où les personnes ayant une déficience sont tenues de payer un prix plus élevé que les autres personnes pour des services de transport en raison de leur déficience et où cela constitue de ce fait un obstacle abusif. Elles ajoutent que l'impact de ces suppléments sur les personnes ayant une déficience ne varie pas selon l'organisation qui les impose ou l'objectif des fonds ainsi recueillis.
[191] Les demandeurs font valoir que les frais d'améliorations aéroportuaires ne sont pas propres à l'aéroport international de Gander et qu'ils sont imposés sans tenir compte des modèles tarifaires applicables aux personnes ayant une déficience ni des répercussions éventuelles de ces frais sur les possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience. D'après les demandeurs, le montant du supplément n'est pas important, mais son effet cumulatif est discriminatoire.
Analyse de l'Office
[192] Comme il a déjà été mentionné, pour déterminer s'il y a eu une contrainte excessive, il incombe à l'intimé de démontrer qu'en raison de contraintes, il est irréaliste, déraisonnable, voire impossible, dans certains cas, d'éliminer l'obstacle, d'examiner la question et de déterminer qu'il n'existe aucune solution de rechange raisonnable pour accommoder les personnes ayant une déficience qui se trouvent en présence de l'obstacle.
[193] L'Office fait observer que les frais d'améliorations sont imposés à tous les passagers embarquant au départ. En conséquence, les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un Accompagnateur pour voyager par avion doivent payer plus cher que les autres passagers en raison de leur déficience.
[194] En principe, l'Office estime que toutes les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience devraient payer le même montant et que ce montant devrait être le même que celui payé par les passagers qui n'ont pas de déficience. Comme il a déjà été mentionné, le principe d'égalité comprend l'idée que les personnes ayant une déficience ne devraient pas être soumis à tout désavantage économique en raison de leur déficience. Encore une fois, en principe, les personnes ayant une déficience ne devraient pas payer plus cher pour leurs services de transport que les autres passagers qui n'ont pas de déficience.
[195] Dans le cas présent, l'Office constate que l'Administration de l'aéroport international de Gander n'a déployé aucun effort pour démontrer qu'elle avait examiné des solutions de rechange raisonnables afin d'accommoder les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un Accompagnateur et qui doivent payer un supplément sous la forme de frais d'améliorations aéroportuaires.
[196] La contrainte majeure, dans le cas présent, associée à la prise de mesures d'accommodement est peut-être de nature économique, dans la mesure où la nécessité d'optimiser les revenus est liée à la capacité de l'Administration de l'aéroport international de Gander de financer les améliorations aéroportuaires. Cela dit, l'Office fait observer que l'Administration aéroportuaire n'a pas soutenu que l'impossibilité d'optimiser les revenus en imposant des frais par personne, quel que soit l'impact discriminatoire, aurait une incidence négative importante sur son bien-être économique ou sur la sécurité, la fiabilité et l'efficacité des activités aéroportuaires. De fait, l'Office constate que l'Administration de l'aéroport international de Gander n'a déposé aucun élément de preuve pour démontrer qu'elle est incapable de donner suite aux mesures d'accommodement demandées par les demandeurs.
[197] L'Administration de l'aéroport international de Gander n'a formulé aucun autre argument au sujet des contraintes mais a demandé à l'Office d'appuyer le principe selon lequel tous les passagers doivent payer pour l'utilisation de ses installations. À cet égard, même s'il est raisonnable de s'attendre à ce que des fournisseurs de services établissent des principes destinés à les orienter dans leur processus d'élaboration de politiques et de prise de décisions, si l'un de ces principes donne lieu à de la discrimination envers les personnes ayant une déficience, il faut démontrer qu'il représente une nécessité raisonnable. Dans le cas présent, l'intimée n'a fait aucune tentative pour démontrer qu'un changement de politique pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience lui imposerait une contrainte excessive. En conséquence, l'Office n'a relevé aucun élément de preuve quant à l'existence d'une contrainte qui l'amènerait à conclure que l'élimination de l'obstacle serait impossible ou déraisonnable.
[198] L'Administration de l'aéroport international de Gander a eu plusieurs occasions pour déposer de tels éléments de preuve, notamment dans des plaidoiries écrites, lors de l'audience et après la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire CCD c. VIA, qui donnait des précisions au sujet du fardeau de la preuve et des éléments de preuve voulus pour cette procédure. L'Administration aéroportuaire a tout simplement mentionné que tout arrêté rendu par l'Office à ce sujet aura un impact significatif sur l'ensemble des aéroports au Canada, où des frais sont prévus pour développer et améliorer les voyages-passagers. Cela dit, l'Office indique que la raison invoquée pour ne pas participer à l'audience de l'Office et pour ne pas soumettre de nouveaux éléments de preuve est que l'impact éventuel d'une conclusion relative à un obstacle abusif sur l'aéroport serait minime, comparativement aux coûts que l'Administration aéroportuaire aurait à supporter si elle continuait de participer à l'enquête de l'Office sur cette demande.
[199] Même si l'Office a déterminé que l'ATAC n'est plus une partie intimée dans la présente affaire, il observe que l'ATAC a de fait soulevé la question du préjudice financier injustifié. Elle a fait valoir que les frais d'améliorations ne sont ni excessifs ni démesurés et que les fonds sont nécessaires pour un réseau national de transport aérien sécuritaire, efficace et bien géré. Même si l'ATAC a reconnu que l'application d'une politique 1P1T sous l'angle des frais d'améliorations se traduirait par un fardeau financier excessif pour les compagnies aériennes et les exploitants d'aéroport, l'Office fait observer qu'aucun élément de preuve probant n'a été déposé pour appuyer cette allégation de contrainte excessive fondée sur des impressions.
[200] De ce fait, l'Office conclut que l'Administration de l'aéroport international de Gander ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve pour démontrer qu'il était irréaliste, déraisonnable, voire impossible, de prendre des mesures d'accommodement à l'égard des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un accompagnateur sans subir de contrainte excessive.
[201] Ayant conclu que l'Administration aéroportuaire ne s'était pas acquittée de son fardeau de preuve concernant les contraintes excessives, l'Office conclut que, selon la prépondérance des probabilités, le maintien de l'obstacle n'est pas raisonnablement nécessaire pour atteindre l'objectif légitime consistant à assurer des services de transport aérien sécuritaires, fiables et efficaces aux passagers.
Conclusion relative à la nature abusive de l'obstacle que représentent les frais d'améliorations aéroportuaires à l'Aéroport International de Gander
[202] À la lumière des constatations qui précèdent, l'Office conclut que le fait, pour l'Administration de l'aéroport international de Gander, d'imposer des frais d'améliorations aéroportuaires pour le siège additionnel dont ont besoin les personnes ayant une déficience qui doivent voyager avec un Accompagnateur, en vertu des tarifs intérieurs des transporteurs aériens, afin qu'elles puissent utiliser les services aériens intérieurs constitue un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de ce groupe de personnes, dont le regretté Eric Norman.
B. Tarifs additionnels imposés par Air Canada et WestJet dans le cadre des services aériens intérieurs
[203] Les demandeurs ont également démontré l'existence d'un obstacle aux possibilités de déplacement de certaines personnes ayant une déficience à l'intérieur du réseau fédéral de transport, en raison des tarifs additionnels qu'elles doivent payer aux transporteurs en cause pour le siège additionnel dont elles ont besoin en raison de leur déficience, soit pour elles-mêmes ou pour l'Accompagnateur, afin qu'elles puissent utiliser leurs services aériens intérieurs. Il incombe alors aux transporteurs en cause, c'est-à-dire Air Canada et WestJet, de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l'obstacle n'est pas de nature abusive.
[204] L'Office se penchera sur chacun des trois éléments du critère énoncé au paragraphe 172 ci-dessus :
1. La source de l'obstacle est-elle rationnellement liée à un objectif légitime?
[205] Chacun des transporteurs en cause dispose d'une structure tarifaire qui prévoit l'imposition d'un tarif par siège. À ce stade-ci de l'enquête, il revient aux transporteurs en cause de démontrer qu'ils ont adopté, comme norme, d'imposer un tarif par siège en visant un but qui a un lien rationnel avec un objectif légitime.
[206] À cet égard, l'Office est d'avis que la source de l'obstacle, en l'occurrence la politique consistant à établir un tarif par siège, a un lien rationnel avec un objectif légitime, c'est-à-dire le recouvrement des coûts engagés pour assurer le service et la valeur économique que le transporteur peut en tirer, deux éléments nécessaires pour la viabilité financière de l'entreprise. Le lien qui existe entre les deux facteurs est évident et conforme aux objectifs énumérés dans la politique nationale des transports énoncée à l'article 5 de la LTC, en particulier « [...] la mise en place d'un réseau sûr, rentable et bien adapté de services de transport viables et efficaces, accessibles aux personnes ayant une déficience, utilisant au mieux et aux moindres frais globaux tous les modes de transport existants ».
[207] Par conséquent, l'Office estime que le premier élément du critère a été démontré.
2. La source de l'obstacle a-t-elle été adoptée de bonne foi, en croyant sincèrement qu'elle est nécessaire pour réaliser cet objectif légitime, sans intention aucune de commettre un acte discriminatoire contre les demandeurs?
[208] La légitimité de l'objectif général ayant été établie, le deuxième élément consiste à démontrer que les transporteurs en cause ont adopté la politique en agissant de bonne foi et en croyant sincèrement qu'elle était nécessaire pour réaliser cet objectif.
[209] Dans le cas présent, rien n'indique que les transporteurs en cause n'ont pas agi avec intégrité et de bonne foi lorsqu'ils ont adopté cette politique, c'est-à-dire l'établissement de tarifs par siège. Cette politique repose tout simplement sur un critère neutre adopté pour des raisons commerciales et devant s'appliquer de façon équitable à tous les passagers. Rien ne laisse entendre qu'en ayant adopté cette politique, les transporteurs en cause étaient motivés par des facteurs de discrimination.
[210] Dans cet esprit, l'Office estime que le deuxième élément du critère a été démontré.
3. Le maintien de l'obstacle est-il raisonnablement nécessaire pour réaliser cet objectif légitime, auquel cas la nécessité raisonnable doit être démontrée en prouvant qu'il est impossible pour le fournisseur de services de répondre aux besoins de la ou des personnes ayant une déficience sans se voir imposer une contrainte excessive?
[211] Dans le cas présent, l'Office est d'avis, compte tenu de la nature de la question à l'étude, qu'il n'a pas besoin de beaucoup d'éléments de preuve pour rendre une décision sur les deux premiers éléments du critère de contrainte excessive. Cela dit, les transporteurs en cause doivent alors démontrer que l'intégration de la mesure d'accommodement la plus appropriée dans la politique en fournissant un siège additionnel, sans frais, pour répondre aux besoins de la population cible des personnes ayant une déficience leur fera subir une contrainte excessive.
Partie V - Déterminations sur les contraintes soulevées par Air Canada et WestJet
[212] La position des transporteurs en cause est la suivante : la prise de mesures d'accommodement pour les personnes ayant une déficience dans le cas présent donne lieu à trois types de contraintes qui, à leur avis, sont de nature excessive : contraintes de sécurité, contraintes de coûts (répercussions financières et économiques) et contraintes opérationnelles.
[213] Il revient à l'Office de déterminer si chacun des transporteurs en cause a démontré que les contraintes suscitées, prises individuellement ou collectivement, seront de nature excessive dans une mesure telle qu'il n'est par raisonnable pour eux de prendre, pour les personnes ayant une déficience, la mesure d'accommodement jugée la plus appropriée par les demandeurs, c'est-à-dire, la fourniture d'un siège additionnel, sans frais, pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Si les transporteurs en cause s'acquittent de leur fardeau qui consiste à démontrer l'existence de contraintes excessives, l'Office examinera toute solution de rechange raisonnable.
[214] L'Office tient compte de la position exprimée par les demandeurs et l'intervenante selon laquelle la solution idéale pour la plupart des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour répondre à leurs besoins consisterait à réaménager les aéronefs des transporteurs afin d'inclure un certain nombre de sièges plus larges. Ce faisant, les personnes ayant une déficience pourraient se voir accommodées sans devoir payer plus cher que les autres passagers. Afin de traiter de cette affaire plus à fond, l'intervenante a demandé que les transporteurs en cause fassent appel à un témoin qui serait en mesure de fournir des renseignements sur la conception et les dimensions des sièges et sur l'aménagement intérieur des cabines passagers. Bien que les transporteurs en cause aient initialement refusé de faire appel à un tel témoin, ils ont changé d'avis au cours de l'audience de novembre 2006 et ont offert de produire un témoin ayant cette expertise aux fins de questionnement. La possibilité d'interroger ce témoin a cependant été rejetée tant par les demandeurs que par l'intervenante en raison de l'offre tardive de cette option, le vendredi 24 novembre 2006, et du fait que le témoin ne pourrait être interrogé qu'au moment où leurs témoins experts auraient été convoqués et entendus, et que leur affaire aurait été classée.
[215] Quoi qu'il en soit, il est important de noter que les demandeurs ont précisément indiqué qu'ils ne tentaient pas d'obtenir réparation au moyen d'une telle mesure d'accommodement, mais ont plutôt réitéré qu'ils souhaitaient obtenir gain de cause par le biais d'une modification des politiques, soit la mise en place d'une politique 1P1T. Par conséquent, l'Office n'a pas tenu compte de la dimension des sièges et de l'aménagement intérieur des aéronefs dans son analyse du caractère abusif des obstacles en cause.
Contraintes de sécurité
[216] Dans les commentaires qu'ils ont soumis le 17 mai 2007, les transporteurs en cause font valoir que la mesure d'accommodement préconisée par les demandeurs, au nom des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un Accompagnateur pour voyager par avion, n'est pas sans susciter de contrainte au chapitre de la sécurité. Selon eux, le cas des demandeurs se résume à ceci : les compagnies aériennes les obligent à voyager avec un Accompagnateur, et en raison de cette exigence, la meilleure solution pour surmonter cet obstacle consisterait à supprimer l'exigence des compagnies aériennes de telle sorte que les personnes ayant une déficience puissent faire leur propre choix. Les transporteurs en cause expliquent alors pourquoi cette solution est inapplicable, dans la mesure où une analyse du caractère abusif ne pourrait pas donner lieu à la prise de cette mesure corrective.
[217] Cela dit, pour l'Office, il est évident que la cause des demandeurs ne repose pas sur ce point. Les demandeurs n'ont pas mis en doute la qualité que les transporteurs en cause ont pour établir des tarifs qui déterminent quelles personnes ayant une déficience auront besoin d'un Accompagnateur pour voyager par avion. Au cours de l'instance, ils ont indiqué à maintes reprises qu'il ne s'agit pas d'examiner le caractère raisonnable des critères énoncés dans les tarifs des transporteurs en cause pour déterminer l'obligation de voyager avec un Accompagnateur.
[218] Il s'agit plutôt de déterminer si les politiques actuelles des transporteurs en cause qui prévoient l'imposition de tarifs par siège occupé et si le défaut d'appliquer une politique 1P1T aux personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience, afin qu'elles puissent utiliser leurs services aériens intérieurs, constituent un obstacle abusif. L'Office est d'accord avec les commentaires des demandeurs inclus dans leur mémoire daté du 29 mai 2007, c'est-à-dire que la sécurité ne doit entrer en ligne de compte que pour aider à définir le nombre de personnes qui auront peut-être besoin d'une telle politique.
[219] Par conséquent, les arguments invoqués par les transporteurs en cause relativement à l'impression qu'ils ont de ne pas pouvoir refuser à une personne le droit de voyager avec un accompagnateur ou un compagnon de voyage sont liés aux critères à considérer pour évaluer l'admissibilité aux avantages d'une politique 1P1T et sont considérés comme il se doit dans le contexte de leur fréquence, qui est abordée ci-dessous dans la section qui débute au paragraphe 224, et des contraintes d'ordre opérationnel, qui est abordée plus loin dans la section qui débute au paragraphe 830.
Contraintes de coûts
[220] L'approche adoptée par l'Office pour évaluer les contraintes de coûts soulevées par les transporteurs en cause consistera :
- à déterminer le coût estimatif de la mesure d'accommodement pour chacun des transporteurs en cause, soit l'adoption d'une politique 1P1T applicable aux services aériens intérieurs;
- à évaluer l'impact tant économique que financier des coûts sur chacun des transporteurs en cause;
- et, enfin, à déterminer si les coûts, pris séparément ou collectivement (avec d'autres présumées contraintes), constituent un obstacle abusif pour les transporteurs en cause.
A. Détermination du coût de la mesure d'accommodement
[221] À partir des éléments de preuve fournis et compte tenu du fardeau de la preuve des transporteurs en cause quant à l'existence d'une contrainte excessive, l'Office doit déterminer si les répercussions économiques et financières du coût de mise en œuvre d'une politique 1P1T sur les transporteurs en cause sont telles que le défaut d'appliquer cette politique ne serait pas considéré comme un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience. Pour ce faire, l'Office doit d'abord considérer quel serait le coût d'une politique 1P1T pour chaque transporteur en cause, avant d'en évaluer les répercussions économiques et financières pour eux.
[222] L'approche adoptée par l'Office pour déterminer le coût estimatif de la mesure d'accommodement, dans le cas présent, consistera :
- d'abord à déterminer la fréquence, c'est-à-dire le nombre de fois où les transporteurs en cause pourront s'attendre à devoir prendre une mesure d'accommodement pour les personnes ayant une déficience en vertu d'une politique 1P1T;
- puis à appliquer une méthode d'établissement des coûts, pour estimer le total des coûts annuels pour chacun des transporteurs en cause liés à l'adoption d'une telle politique.
[223] Il convient de mentionner que les chiffres présentés ci-après ont été arrondis, si bien que de nouveaux calculs basés sur ces chiffres pourraient aboutir à des résultats différents.
1. Fréquence
[224] Pour déterminer le coût d'une politique 1P1T, il faut estimer le nombre de fois où les transporteurs en cause peuvent s'attendre à devoir prendre une mesure d'accommodement pour les personnes ayant une déficience en vertu d'une politique 1P1T. L'Office utilise le terme « fréquence » pour décrire ce facteur, dont le calcul est basé sur trois principaux éléments :
- Le nombre de personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience pour voyager par avion au Canada;
- La propension à voyager de cette population, c'est-à-dire leur tendance à voyager représentée par la proportion utilisant les services aériens intérieurs;
- Le nombre de vols intérieurs utilisés par cette population au cours d'une année.
[225] Chacun de ces facteurs sera considéré ci-après pour chaque sous-ensemble de personnes ayant une déficience au sein de la population cible.
[226] L'Office note la très grande importance de la source des éléments de preuve sur lesquels reposent les hypothèses et les estimations quant à la fiabilité des calculs effectués. Au cours de l'instance, il y a eu beaucoup de discussions au sujet des diverses responsabilités des parties pour la présentation d'éléments de preuve et de données concrètes, y compris des demandes pour que l'Office tire des conclusions particulières et des inférences défavorables du défaut de le faire.
[227] Les demandeurs estiment qu'il incombe aux transporteurs en cause de produire ces éléments de preuve, en raison du fardeau de la preuve qu'ils doivent assumer pour prouver le moyen de défense fondé sur la contrainte excessive et du fait qu'en leur qualité de fournisseurs de services de transport, ils disposent de systèmes de réservation qui font état de leur situation réelle au titre du transport des personnes ayant une déficience.
[228] Les transporteurs en cause se sont opposés à la divulgation des données demandées par les demandeurs, en faisant valoir qu'il incombe à ces derniers de démontrer que tout obstacle est de nature abusive et qu'ils devraient être autorisés à déterminer les preuves qu'ils utiliseront pour démontrer le bien-fondé de leur point de vue. D'après eux, s'il se révèle que les demandeurs ont raison de mentionner que l'absence de caractère abusif peut seulement être démontrée à partir des données demandées, les transporteurs en cause qui décident de ne pas divulguer les données le font à leur risque et péril.
[229] À défaut de données sur un sous-groupe particulier de personnes ayant une déficience qui ont besoin de plus d'un siège en raison de leur déficience, les demandeurs ont également demandé à l'Office d'enjoindre aux transporteurs en cause de recueillir des données sur ce sous-groupe pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2005, en prévision de la seconde étape de l'audience.
[230] En réponse, les transporteurs en cause se sont opposés à la divulgation de ces données en faisant valoir que leurs systèmes de réservation ne sont pas conçus pour saisir ces renseignements précis. De l'avis des transporteurs en cause, l'introduction des procédures et des systèmes nécessaires pour le faire nécessiterait beaucoup de temps et d'argent, ne serait pas sans causer beaucoup de dérangement sur le plan commercial, sans parler d'un résultat statistique dépourvu de signification. Ils ont suggéré que le CCD commence immédiatement à recueillir ces données auprès de ses membres, qui y ont accès et qui représentent la meilleure source à cet égard.
[231] Il aurait été préférable de compter sur des données empiriques, mais l'Office a acquiescé à la demande des transporteurs en cause de ne pas intervenir indûment dans leurs décisions concernant la façon de procéder dans leur démarche. Par conséquent, l'Office n'a pas exigé la production des données demandées par les demandeurs, en l'absence d'une raison convaincante démontrant pourquoi ceux-ci ne devraient pas avoir le choix de décider de leur défense.
[232] En conséquence, l'Office mènera son analyse se fondant sur les meilleurs éléments de preuve fournis par les parties et déterminera, en fin de compte, si les transporteurs en cause se sont acquittés de leur fardeau de la preuve.
Facteur de fréquence no 1 - Le nombre de personnes au sein de la population cible
[233] Pour estimer le nombre de personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience, pour voyager par avion au Canada, il faut tenir compte des déficiences acceptées et de leur lien avec la nécessité d'un siège additionnel. À ce sujet, l'Office prendra en considération les éléments de preuve présentés par les parties concernant le nombre de personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel :
- pour un Accompagnateur, aux termes des tarifs des transporteurs en cause;
-
ou pour eux-mêmes, y compris :
- les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité;
- et les personnes ayant d'autres déficiences;
pour voyager par avion.
[234] En ce qui concerne la catégorie des personnes qui ont besoin d'un Accompagnateur, les transporteurs en cause ont également soumis des commentaires à propos du recours abusif à une politique 1P1T et de son impact au chapitre de la fréquence. Selon l'Office, les questions soulevées à ce dernier égard sont considérées comme il se doit dans le contexte des contraintes d'ordre opérationnel, dans la mesure où elles ont trait à des problèmes que prévoient les transporteurs en cause lorsqu'il s'agit de déterminer l'admissibilité aux avantages d'une politique 1P1T. Par conséquent, même si l'Office se penchera sur la question de savoir s'il y a lieu de tenir compte du recours abusif dans le calcul de la fréquence, cette section et celle portant sur les contraintes opérationnelles, qui est abordée plus loin dans la section qui débute au paragraphe 830, comportent des éléments communs, dans la mesure où l'Office tient compte de la capacité des transporteurs en cause de mettre en œuvre un mécanisme efficace de contrôle pour déterminer l'admissibilité aux avantages d'une politique 1P1T.
a) Personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour leur accompagnateur afin de voyager par avion
[235] Aux termes du Canadian General Rules Tariff No. CGR-1, Règle 33AC, d'Air Canada et du tarif intérieur local de WestJet, les catégories suivantes de personnes ayant une déficience sont tenues, pour des raisons de sécurité, d'avoir un Accompagnateur pour pouvoir être transportées : (i) les personnes malentendantes et malvoyantes, (ii) les personnes ayant une déficience intellectuelle et non autonomes, (iii) les personnes ambulatoires et non autonomes, et (iv) les personnes non ambulatoires et non autonomes.
[236] Les tarifs des transporteurs en cause ne donnent pas de définition de personne « non autonome »; il faut plutôt se référer à la définition de personne « autonome » laquelle prévoit :
[...] toute personne qui est indépendante et capable de voir à ses besoins naturels pendant le vol, en cas d'évacuation d'urgence ou de décompression, et qui ne requiert aucun soin spécial ou particulier au-delà des services qui sont offerts au grand public, mis à part l'aide pour l'embarquement ou le débarquement.
[237] Depuis 1995, Air Canada offre un rabais de 50 pour cent sur les tarifs Accompagnateur pour ses services aériens intérieurs et transfrontaliers, sous réserve qu'une personne ayant une déficience qui n'est pas autonome démontre au personnel médical du transporteur qu'elle a besoin d'un Accompagnateur en vertu du tarif, auquel cas elle devra payer 50 pour cent du tarif applicable pour le premier siège occupé par la personne ayant une déficience. Initialement, la réduction s'appliquait au tarif payé par la personne ayant une déficience, quelle que soit la catégorie de tarif. Toutefois, la réduction vise uniquement les pleins tarifs et non plus les tarifs Tango réduits offerts par Air Canada. Aucun témoin du transporteur n'a pu affirmer, avec certitude, quand le changement s'est produit. Toutefois, selon les preuves déposées par le regretté Eric Norman, il serait survenu entre 2002 et 2005.
[238] Par contre, WestJet n'offre pas de rabais aux personnes ayant une déficience qui ont besoin des services d'un Accompagnateur.
[239] En ce qui concerne le nombre de personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour un Accompagnateur afin de voyager par avion, les parties ont déposé des éléments de preuve provenant de deux sources, à savoir les systèmes de réservation des transporteurs en cause et des rapports d'expert qui reposent sur les renseignements provenant d'autres sources.
Données du système de réservation d'Air Canada
[240] D'après Air Canada, il existe des données fiables uniquement pour les personnes qui font une demande officielle de siège pour Accompagnateur et qui sont soumises à un processus d'évaluation médicale, conformément à la politique du transporteur sur le tarif aérien réduit pour Accompagnateur :
2001 |
3 945 |
2002 |
3 092 |
2003 |
(aucune donnée) |
2004 |
2 937 |
2005 |
1 2249 |
mai 2005 à avril 2006 |
1 12410 |
[241] Selon le professeur Lazar, expert des transporteurs en cause, Air Canada l'a informé que le nombre de personnes ayant une déficience qui voyagent effectivement avec un Accompagnateur est beaucoup plus élevé que les chiffres ci-dessus, sans toutefois donner de précision. Le professeur Lazar a indiqué, en guise d'explication possible pour cette différence, qu'il n'est peut-être plus avantageux de demander un rabais aux termes de la politique du fait que les tarifs aériens à rabais Tango offerts actuellement sont en général inférieurs au plein tarif réduit que prévoit la politique sur le tarif pour accompagnateur.
Données du système de réservation de WestJet
[242] WestJet a soumis des données du système de réservation concernant le tarif pour Accompagnateur offert sur les vols intérieurs et transfrontaliers, mais des écarts de données ont été relevés, les statistiques annuelles ayant été puisées dans diverses sources.
[243] WestJet a indiqué qu'il lui était impossible de fournir des statistiques sur les Accompagnateurs pour les services aériens intérieurs seulement, puisque les chiffres comprennent les services aériens transfrontaliers.
[244] Le transporteur a ajouté qu'après décembre 2004, il a modifié son système de codification et qu'il ne peut plus maintenant saisir les données.
2002 |
514 |
2003 (selon diverses sources) |
448 |
443 |
|
1 060 |
|
2004 (selon diverses sources) |
827 |
537 |
|
821 |
|
janv. 2001 à déc. 2004 |
1 268 |
[245] Lorne MacKenzie, directeur des Affaires réglementaires de WestJet, mentionne que beaucoup d'événements n'ont pas été enregistrés, ce qui signifie que le nombre de personnes ayant besoin d'un Accompagnateur inscrit avec les codes de demande de services spéciaux (ci-après codes SSR) dans leur système est inexact. Il ajoute que si un passager indique à l'avance qu'il a besoin des services d'un Accompagnateur, le transporteur est en mesure d'enregistrer l'information. Cela dit, dans la mesure où WestJet n'offre pas de rabais sur le tarif pour Accompagnateur, il estime qu'une personne n'est pas incitée à informer le transporteur de son besoin des services d'un Accompagnateur, sauf si elle a déjà éprouvé des difficultés et veut mettre le transporteur au courant. Si WestJet est informée à l'aéroport des services d'Accompagnateur qui sont requis, la collecte des données dépend alors de ce qu'un agent décide ou non de documenter le dossier. Enfin, le transporteur aérien ajoute que dans certains cas, le transporteur saura si un Accompagnateur est requis, sauf s'il s'agit d'un cas évident où une personne ayant une déficience grave est non ambulatoire et non autonome.
Estimations du nombre de personnes basées sur des données autres que les réservations
[246] Comme les transporteurs en cause ont affirmé que leurs systèmes de réservation ne sont pas des sources fiables de renseignements pour déterminer le nombre de personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un Accompagnateur pour voyager par avion, ils ont fait mention d'autres sources de données et de renseignements pour établir des estimations, tout comme les demandeurs. La position des transporteurs en cause est la suivante : 18,5 pour cent des personnes ayant une déficience ont besoin des services d'un Accompagnateur pour voyager par avion; les demandeurs ont établi ce nombre à 3,6 pour cent seulement. Les transporteurs en cause ont également affirmé que cette estimation devrait être haussée de façon à tenir compte du recours abusif à la politique, soit d'un taux de 5 à 25 pour cent du nombre total des personnes ayant une déficience qui n'affirment pas présentement avoir besoin d'un Accompagnateur. À leur avis, la mise en œuvre d'une politique 1P1T provoque inévitablement un recours abusif, ce qu'ont réfuté les demandeurs en raison de la disponibilité des mécanismes efficaces de contrôle de l'admissibilité qui ont pour effet d'éliminer pratiquement le risque d'abus.
Position des transporteurs en cause
[247] D'après les transporteurs en cause, entre 154 000 et 163 000 personnes ayant une déficience voyageraient avec un Accompagnateur suivant la mise en œuvre d'une politique 1P1T, soit 18,5 pour cent des 833 00011 à 881 000 personnes ayant une déficience qui, présume-t-on, ont voyagé par avion en 2005. Les transporteurs en cause ont utilisé la proportion de 18,5 pour cent d'après les preuves fournies par leur expert, le professeur Lazar, qui s'est basé en grande partie sur les renseignements publiés dans le rapport intitulé Les personnes handicapées et le transport au Canada : Un aperçu, rédigé pour Transports Canada en juillet 1995 par la firme Goss Gilroy Inc. (ci-après le rapport Goss Gilroy). Le rapport Goss Gilroy lui-même est basé sur les données de l'Enquête sur la santé et les limitations d'activités de 1991, enquête de Statistique Canada qui a été élaborée avec le concours de représentants gouvernementaux, d'associations concernant les personnes ayant une déficience et les personnes ayant une déficience elles-mêmes, selon le recensement de 1991.
[248] Le professeur Lazar a commencé par estimer la proportion des Canadiens ayant une déficience et qui voyage par avion. Il s'est référé au rapport Goss Gilroy selon lequel, des 3,8 millions d'adultes ayant une déficience au Canada en 199512, 2,9 millions ont mentionné qu'ils étaient en mesure de voyager sur de longues distances, et de ce nombre, 715 000 ont voyagé par avion, ce qui représente 2,43 pour cent des 29,4 millions que comptait la population totale du Canada cette année-là. Selon le professeur Lazar, une étude ultérieure menée par la firme Goss Gilroy Inc. (ci-après Goss Gilroy) a estimé que le nombre des voyageurs ayant des difficultés à voyager au Canada a augmenté de 11 pour cent entre 1995 et 2000. À partir de ce chiffre, il a révisé l'estimation, qui est maintenant de 794 000 personnes ayant des difficultés à voyager qui ont pris l'avion en 2000, soit 2,58 pour cent de la population totale de 30,8 millions de personnes du Canada cette année-là. Pour déterminer le nombre de personnes ayant une déficience qui ont voyagé par avion en 2005, le professeur Lazar a appliqué le taux de 2,58 pour cent au total de la population du Canada en 2005, soit 32,3 millions de personnes, et est arrivé à une estimation basse de 833 000 personnes. Le professeur Lazar a également calculé une estimation élevée. Il a fait observer que de 1995 à 2000, le pourcentage des personnes ayant des difficultés à voyager qui ont utilisé l'avion était passé de 2,43 à 2,58 pour cent. Pour cette estimation élevée, le professeur Lazar a présumé que la croissance s'était poursuivie au même rythme, en raison d'une population vieillissante, pour atteindre 2,73 pour cent en 2005. Le calcul de son estimation élevée résulte du taux de 2,73 pour cent du total de la population du Canada de 2005, soit 881 000 personnes.
[249] Pour contre-vérifier le caractère raisonnable du calcul précité, le professeur Lazar a utilisé les données du sondage d'Harris Interactive. Plus particulièrement, il a fait mention des constatations de cette source de données selon lesquelles 15 pour cent des voyageurs adultes américains avaient une déficience et que 31 pour cent des membres de cette population avaient utilisé l'avion au cours des deux dernières années. Contrairement au rapport Goss Gilroy, il a modifié ses résultats en fonction du fait que ce sondage couvre une période de deux ans et qu'il porte sur les adultes ayant une déficience. Il a ainsi estimé que 2,74 pour cent de la population des États-Unis d'Amérique (ci-après É.-U.) sont des personnes ayant une déficience qui ont voyagé par avion en 2005.
[250] Le professeur Lazar a par la suite estimé la proportion des personnes ayant une déficience qui voyagent par avion et qui bénéficient des services d'un accompagnateur. Il a formulé l'hypothèse selon laquelle 18,5 pour cent des personnes ayant une déficience qui utilisent l'avion voyagent également avec un accompagnateur. Cette estimation repose encore une fois sur le rapport Goss Gilroy selon lequel des 2,9 millions de personnes ayant une déficience qui ont pu voyager sur de longues distances, 18,5 pour cent (537 000 personnes) ont besoin des services d'un accompagnateur ou d'un compagnon pour de tels voyages en raison de leur état ou d'un problème de santé. Cela représente 14,1 pour cent de l'ensemble des personnes ayant une déficience.
[251] Le professeur Lazar a également fait mention de l'estimation établie par le Department of Transportation des É.-U. (ci-après le US DOT), selon laquelle 22 pour cent des personnes ayant une déficience qui ont voyagé par avion ont bénéficié des services d'un accompagnateur ou ont voyagé avec un compagnon de voyage aux É.-U. Dans un premier temps, il a utilisé cette estimation dans ses deux premiers rapports, pour déterminer les estimations basse et élevée du taux de fréquence concernant les accompagnateurs, supposément basé sur ce qu'il considérait comme étant l'assentiment de M. Lewis avec ce chiffre et le fait que contrairement au rapport Goss Gilroy, son estimation repose uniquement sur les voyages par avion. Cela dit, dans les plaidoyers finals de vive voix, l'avocat des transporteurs en cause a utilisé seulement le taux de 18,5 pour cent du rapport Goss Gilroy comme étant une estimation plus prudente du taux de fréquence concernant les Accompagnateurs. Les transporteurs en cause avancent également que dans la mesure où M. Lewis utilise l'estimation de 22 pour cent, cette estimation est valide et appuie le caractère raisonnable de l'estimation de 18,5 pour cent des personnes ayant une déficience qui voyagent par avion avec un Accompagnateur.
[252] D'après le professeur Lazar, même si le taux de 18,5 pour cent était basé sur les 2,9 millions de personnes ayant des difficultés à voyager13 qui ont voyagé sur des distances de plus de 80 kilomètres et utilisé tous les modes de transport, et non pas seulement l'avion, il a choisi d'utiliser cette estimation en l'absence d'un nombre plus précis des personnes qui ont voyagé exclusivement par avion. Par ailleurs, dans les plaidoyers finals de vive voix, l'avocat des transporteurs en cause affirme que le taux de 18,5 pour cent désigne des personnes admissibles, c'est-à-dire non seulement le nombre de personnes qui indiquent qu'elles ont besoin d'un Accompagnateur mais également celles qui sont admissibles aux avantages aux termes d'une politique 1P1T, après la mise en place d'un processus d'admissibilité.
[253] Les transporteurs en cause, s'appuyant en grande partie sur les éléments de preuve fournis par le professeur Lazar, ont adopté également la position selon laquelle l'introduction d'une politique 1P1T produira un effet d'incitatif qui, selon ce dernier, s'apparentera à de l'abus.
[254] Au cours de l'interrogatoire principal, le professeur Lazar a mentionné ce qui suit :
Donc, l'hypothèse qui est mentionnée et qui repose sur une vaste théorie économique, prévoit que si vous modifiez les règles et si vous obligez une compagnie aérienne ou l'ensemble des compagnies aériennes à assurer le transport sans frais d'un accompagnateur, sans tenir compte de la définition d'accompagnateur, de la façon dont nous surveillons et appliquons les règles, malgré tout cela, les gens vont toujours chercher des façons de profiter de la situation.
[255] Il ajoute que le nombre exact qui résulte du changement de comportement est inconnu parce que la règle n'a pas été modifiée. On peut présumer, a-t-il ajouté, de ce que sera peut-être le comportement si l'on examine d'autres cas où les règles ont été changées, mais il ne l'a pas fait.
[256] Par conséquent, dans son rapport, le professeur Lazar a présumé que de 5 à 25 pour cent du nombre total des personnes ayant une déficience qui n'affirment pas présentement avoir besoin d'un accompagnateur, d'un membre de la famille ou d'un ami pour voyager obtiendraient un document médical pour attester qu'elles ont droit aux avantages d'une politique 1P1T. Voilà pourquoi les transporteurs en cause ont donné pour instruction à leurs experts, Richard Crosson et Brenda Pask, de tenir compte, dans leur estimation des coûts éventuels d'une politique 1P1T pour les transporteurs en cause, du rapport du professeur Lazar. Ainsi, ils ont pris en considération la proportion de 5 à 25 pour cent du nombre total de ces personnes, afin de représenter le nombre de personnes ayant une déficience qui déclareraient faussement avoir besoin d'un Accompagnateur en vertu d'une politique 1P1T.
Position des demandeurs
[257] Les demandeurs soutiennent que 31 752 personnes ayant une déficience qui ont voyagé par avion en 2005 ont eu besoin d'un Accompagnateur et auraient satisfait aux conditions requises d'une politique 1P1T, soit 3,6 pour cent des 872 300 personnes ayant une déficience qui, de l'avis de M. Lewis, ont voyagé par avion en 2005. Ce taux estimatif de 3,6 pour cent a été établi par M. Lewis à partir des renseignements publiés dans le rapport Goss Gilroy. Le résultat qu'il a exprimé comprend des valeurs inférieure et supérieure, c'est-à-dire une intervalle à l'intérieur de laquelle il existe une probabilité de 80 pour cent de résultat effectif, une probabilité de 80 pour cent que la valeur se situera entre 2,2 et 5,1 pour cent.
[258] À l'instar du professeur Lazar, M. Lewis signale que d'après le rapport Goss Gilroy, 715 000 personnes ayant une déficience ont effectué un voyage par avion en 1995. Toutefois, il précise que ce rapport indique également que le nombre des personnes ayant une déficience a augmenté de 22 pour cent entre 1995 et 2005 et qu'il a appliqué ce facteur de croissance à la population des personnes ayant une déficience qui ont voyagé par avion, pour arriver au nombre estimatif de 872 300 personnes ayant une déficience qui ont voyagé par avion en 2005.
[259] Comme le rapport Goss Gilroy ne faisait pas état d'un taux de fréquence concernant les Accompagnateurs, M. Lewis y a cherché d'autres indicateurs concernant la nécessité d'un Accompagnateur. Le taux estimatif de 3,614 pour cent a été calculé en multipliant le pourcentage des personnes ayant une déficience qui voyagent sur de longues distances par avion et qui ont signalé avoir éprouvé des difficultés, c'est-à-dire 9,1 pour cent, et la proportion de ces personnes qui ont déclaré que ces difficultés ont limité leur déplacement par avion (40 pour cent des 9,1 pour cent de personnes ayant une déficience qui ont voyagé par avion et qui ont signalé avoir éprouvé des difficultés ont précisé que ces difficultés avaient limité leur déplacement).
[260] M. Lewis a précisé que, contrairement au professeur Lazar :
- pour définir sa population cible, il s'est basé sur les tarifs des transporteurs en cause, puisqu'ils sont essentiels à l'évaluation de l'admissibilité à une politique 1P1T;
- il a choisi uniquement les données concernant les voyages par avion;
- il a tenu compte de la gravité de la déficience, en raison du lien étroit qui existe entre ce facteur et la nécessité d'un Accompagnateur.
[261] En particulier, M. Lewis indique qu'il a essayé de tenir compte de la définition exposée dans le tarif des transporteurs en cause dans ses estimations, en prenant en considération l'information du rapport Goss Gilroy sur la gravité des déficiences, notamment en représentant les personnes ayant une déficience qui ont signalé qu'en raison de leur état, elles avaient eu de la difficulté à voyager par avion et pour qui ces difficultés ont limité leur déplacement. Dans son rapport, il ajoute que le taux de 3,6 pour cent correspond à la limite supérieure de la population cible admissible, parce que les difficultés qui ont pour effet de limiter l'utilisation de l'avion par les personnes ayant une déficience n'impliquent pas toujours la nécessité d'un Accompagnateur.
[262] M. Lewis se réfère au rapport de Mme Furrie, dans lequel elle mentionne qu'elle a examiné les données de l'EPLA afin de cerner les populations visées par le cas présent. Elle a constaté que 1,5 pour cent de l'ensemble des adultes canadiens ayant une déficience qui vivent dans un domicile ont indiqué qu'ils ont besoin d'aide pour voir à leurs besoins personnels (se laver, se vêtir ou prendre des médicaments) sept jours par semaine, pendant un minimum de 20 heures par jour. Elle a avancé qu'en raison de l'importance des soins que ces personnes nécessitent, on peut présumer que si elles avaient voyagé, elles auraient été considérées comme étant non autonomes et auraient eu besoin d'un Accompagnateur en vertu des tarifs des transporteurs en cause.
[263] M. Lewis utilise le taux de 1,5 pour cent auquel Mme Furrie est arrivée comme contrôle d'intégrité, en vue d'appuyer le bien-fondé de son taux estimatif de 3,6 pour cent et celui du taux estimatif de 18,5 pour cent établi par les transporteurs en cause. Selon lui, il serait invraisemblable que le pourcentage des personnes ayant une déficience qui seraient admissibles à une politique 1P1T augmente d'environ 1 000 pour cent, pour passer du taux estimatif de 1,5 pour cent des adultes canadiens ayant une déficience qui ont besoin d'un Accompagnateur à temps plein auquel Mme Furrie est arrivée au taux de 18,5 pour cent établi par le professeur Lazar.
[264] M. Lewis ajoute qu'à partir de la conclusion de Mme Furrie selon laquelle 1,5 pour cent seulement de l'ensemble des adultes ayant une déficience qui vivent dans un domicile ont besoin d'un accompagnateur à temps plein, la valeur réelle du taux de fréquence concernant les Accompagnateurs devrait se situer près du taux de 2,2 pour cent sur l'échelle de probabilité, plutôt que de 5,1 pour cent.
[265] Par ailleurs, M. Lewis obtient un autre taux estimatif à partir des données de WestJet sur les réservations de 2004, qu'il utilise également pour effectuer un contrôle d'intégrité pour appuyer le bien-fondé de son taux estimatif de 3,6 pour cent. Il ajoute qu'à partir des données des Codes SSR concernant WestJet qui figurent dans le rapport Siebert/Pask du 1er décembre 2005, 3,4 pour cent des passagers ayant une déficience de WestJet, soit environ 18 048 personnes, pourraient être considérées comme ayant besoin d'un Accompagnateur. L'estimation repose sur les chiffres qui suivent :
- 100 pour cent des personnes pour lesquelles les systèmes de réservation des transporteurs en cause indique qu'elles ont besoin d'un Accompagnateur (821 personnes);
- 100 pour cent des personnes qui ont besoin d'un approvisionnement d'oxygène personnel, selon l'exigence prévue dans le tarif selon laquelle les personnes qui voyagent en ayant recours à un service d'oxygène doivent compter sur les services d'un Accompagnateur (1 331 personnes);
- 20 pour cent des personnes malvoyantes et malentendantes (1 390 personnes);
- 15 pour cent des personnes ayant besoin d'assistance avec fauteuil roulant, à partir de l'hypothèse voulant que 10 pour cent des utilisateurs de fauteuil roulant ont un appareil motorisé et sont en général tétraplégiques et, de ce fait, seraient non autonomes (11 913 personnes);
- 10 pour cent des personnes qui ont besoin d'un service d'aide et d'accueil (2 593 personnes).
[266] D'après M. Lewis, le taux de 3,4 pour cent établi à partir des Codes SSR de WestJet se veut une estimation prudente, dans la mesure où il présume que la plupart des personnes qui ont besoin d'un Accompagnateur sont incluses dans le nombre total des personnes qui ont déclaré un tel besoin. Il ajoute que ce taux se situe très près de la proportion de 3,6 pour cent à laquelle il est arrivé avec sa première méthodologie et démontre à nouveau qu'elle est une estimation raisonnable, pour 2005, du nombre de personnes ayant une déficience qui voyagent par avion et qui ont besoin d'un Accompagnateur pour le faire.
[267] Selon M. Lewis, l'estimation de 18,5 pour cent mentionnée par les transporteurs en cause est une sur-représentation de la proportion des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un Accompagnateur pour voyager par avion, du fait que ce taux comprend les personnes ayant une déficience qui utilisent tous les modes de transport, et non pas seulement l'avion. M. Lewis a fait état du tableau 5.11 publié dans le rapport Goss Gilroy pour appuyer la proposition voulant que dans 89 pour cent des cas, les personnes ayant une déficience qui ont voyagé sur de longues distances ont utilisé une voiture, une fourgonnette ou un camion et 3,9 pour cent seulement l'avion.
[268] Les demandeurs ont également fait valoir que les transporteurs en cause n'avaient pas informé leur expert, en l'occurrence le professeur Lazar, qu'ils avaient établi les critères dans leurs tarifs pour déterminer les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un Accompagnateur pour voyager. De ce fait, au cours du contre-interrogatoire, le professeur Lazar n'a pas caché son étonnement que le cas présent porte sur les personnes ayant une déficience que la compagnie aérienne oblige à voyager avec un Accompagnateur, ayant convenu que les transporteurs pourront fixer ces critères et limiter considérablement le nombre des personnes qui seraient admissibles aux avantages d'une politique 1P1T.
[269] Au cours du contre-interrogatoire et en réponse à l'avocat des demandeurs, qui a décrit le cas comme se limitant aux personnes obligées par les compagnies aériennes à voyager avec un Accompagnateur, le professeur Lazar a répondu ce qui suit :
De mon point de vue d'économiste, je trouve cette supposition tout à fait absurde. Si tel est le cas, pourquoi sommes-nous ici? [...] Quel est le désaccord? Si ce sont les compagnies aériennes qui doivent déterminer l'admissibilité à la règle un passager un tarif, elles peuvent, vous savez, établir les critères qu'elles désirent. Tout ce dont elles auraient à se soucier, ce sont les relations publiques. Si une personne affirme qu'elle a besoin d'un Accompagnateur, les compagnies aériennes pourraient être obligées d'offrir un siège additionnel. Cela dit, les relations publiques mises à part, s'il revient aux compagnies aériennes de définir les critères [...] et si personne n'exerce de surveillance sur ce processus décisionnel, elles vont limiter considérablement les résultats, si bien qu'en bout de ligne, ils seront très peu élevés et les coûts que les compagnies aériennes auront à assumer à cet égard seront minimes, probablement inférieurs à ce qu'il en coûterait pour contester ce processus. Quoi qu'il en soit, même s'il en est ainsi du point de vue politique, il n'est peut-être même pas justifié d'offrir un voyage sans frais ou un siège à moitié prix, parce que nous devons considérer l'envers de la médaille. Quels sont les avantages pour les personnes au sein de la société? Si j'ignore ces avantages, je peux estimer les coûts et même s'ils sont négligeables, même s'ils s'élèvent à 1 $ en tout, si les avantages sont moins d'un dollar, la théorie économique est on ne peut plus claire, c'est une politique stupide du point de vue du secteur privé, du point de vue social. Si les avantages excèdent le dollar, il y a alors matière à discussion. Si vous me dites qu'il en est bel et bien ainsi, c'est-à-dire qu'il revient exclusivement aux compagnies aériennes d'établir les critères et de déterminer les personnes admissibles, les résultats seront négligeables, mais la politique peut néanmoins être absurde. (traduction)
[270] Les demandeurs s'interrogent quant à l'utilisation, par les transporteurs en cause, du taux estimatif de 22 pour cent de fréquence concernant les accompagnateurs auquel est arrivé le US DOT. Ils ont fait valoir que ce chiffre figure dans le rapport d'évaluation préliminaire de la réglementation intitulé Air Transportation for Individuals with Disabilities (14 CFR part 382), Notice of Proposed Rulemaking to Implement Air-21 Act Amendment to Air Access Act of 1986 (ci-après le rapport d'évaluation), mais que le rapport sur lequel repose le chiffre n'a pu être produit, si bien que rien ne permettait d'évaluer la méthode utilisée à cet effet. Cela dit, les demandeurs s'opposent à tout le moins à l'utilisation de ce chiffre car, selon eux, il a pour effet de surévaluer le taux de fréquence concernant les Accompagnateurs, en donnant l'impression qu'il inclut le taux de 17 pour cent des personnes qui voyagent avec des membres de la famille et des amis comme compagnons de voyage. Alors que les transporteurs en cause ont affirmé que M. Lewis a travaillé à la rédaction du rapport d'évaluation et qu'il est d'accord avec le taux de 22 pour cent, l'ayant utilisé comme élément de base du modèle énoncé dans ledit rapport d'évaluation, ce dernier a indiqué, dans son témoignage, qu'il n'avait pas travaillé à cette partie du rapport d'évaluation et qu'il n'appuie pas l'utilisation du taux de 22 pour cent dans ce contexte.
[271] En ce qui concerne la position des transporteurs en cause sur la question du recours abusif à la politique, les demandeurs ont répondu que la demande pour un service gratuit pourrait augmenter mais que les transporteurs en cause peuvent exercer un contrôle sur le taux d'admissibilité des personnes qui revendiquent l'admissibilité aux avantages d'une politique 1P1T, en appliquant comme il se doit des critères d'admissibilité.
[272] Dans son rapport, M. Lewis estime lui aussi que la théorie économique est très évidente : la réduction des prix se traduira par une augmentation des voyages. Au cours du contre-interrogatoire, il a retenu que la possibilité d'obtenir un siège gratuit pour un Accompagnateur signifie que le nombre des personnes faisant état de la nécessité d'un Accompagnateur augmentera vraisemblablement. Cependant, M. Lewis a précisé, dans son rapport, que le taux de recours abusif de 5 à 25 pour cent avancé par le professeur Lazar ne s'applique pas aux particularités d'une politique 1P1T. Il considère que le professeur Lazar a formulé une hypothèse sans fondement, lorsqu'il a mentionné que les personnes ayant une déficience qui réussiraient à obtenir un document les autorisant à voyager gratuitement avec un Accompagnateur connaîtraient une hausse substantielle et ce, même si elles n'avaient pas besoin d'un Accompagnateur. M. Lewis a fait observer que les transporteurs en cause disposent déjà de méthodes pour gérer le risque inhérent à l'utilisation frauduleuse des tarifs à rabais prévus pour les personnes ayant besoin d'un Accompagnateur.
[273] En outre, les demandeurs font valoir que les transporteurs en cause s'acquittent déjà d'une telle fonction, dans la mesure où leurs tarifs respectifs renferment des dispositions qui limitent le nombre de passagers non autonomes pouvant être transportés par type d'aéronef.
Réplique des transporteurs en cause
[274] En réponse à la position des demandeurs selon qui le taux de 18,5 pour cent auquel le professeur Lazar est arrivé a pour effet de surévaluer le nombre de personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un Accompagnateur pour voyager par avion, puisque ce taux englobe, dans une grande mesure, les personnes ayant une déficience qui voyagent au moyen d'un véhicule personnel, l'avocat des transporteurs en cause a produit une feuille de calcul, dans son plaidoyer final, concernant le rapport Goss Gilroy, faisant observer que d'après d'autres données contenues dans le rapport, il peut être démontré que le taux de 18,5 pour cent n'est pas majoritairement composé de personnes qui voyagent au moyen d'un véhicule personnel.
[275] L'avocat a aussi essayé d'utiliser la méthode de M. Lewis, qui tient compte de la gravité de la déficience, en cherchant à savoir si les personnes ayant une déficience qui ont déclaré voyager au moyen d'un véhicule personnel ont également fait part de difficultés en raison de leur état ou d'un problème de santé et si elles avaient précisé que ces difficultés avaient pour effet de restreindre leurs voyages par véhicule personnel. Toutefois, en l'absence de données sur la proportion des personnes pour qui les difficultés ont restreint leurs voyages par véhicule personnel, l'avocat des transporteurs a établi à 60 pour cent la proportion des personnes ayant une déficience qui ont fait une telle déclaration à l'égard des voyages par autocar. À partir de ce taux, il a estimé que des personnes ayant une déficience qui ont déclaré avoir besoin d'un accompagnateur dans l'ESLA, 16,7 pour cent seulement ont signalé qu'elles éprouvaient des difficultés à voyager sur de longues distances et que ces difficultés avaient pour effet de restreindre leurs déplacements, si bien que la proportion des personnes ayant une déficience qui auront probablement besoin d'un accompagnateur ou d'un compagnon de voyage et qui utilisent une voiture, une fourgonnette ou un camion pour voyager se chiffre à 16,7 pour cent.
[276] Le professeur Lazar fait mention également des indications de la gravité de la déficience en vue de vérifier le bien-fondé de son estimation de la proportion des personnes ayant une déficience qui auront besoin d'un Accompagnateur pour voyager par avion. En particulier, il mentionne, en se basant sur le sondage d'Harris Interactive et sur le rapport Goss Gilroy, que la proportion des personnes ayant une déficience grave indiquée par ces sources se situe entre 14 et 31 pour cent :
- 14 pour cent de l'ensemble des adultes américains ayant une déficience ont affirmé avoir une déficience très grave (sondage d'Harris Interactive);
- 18,2 pour cent de l'ensemble des Canadiens ayant une déficience ont affirmé avoir une déficience grave (rapport Goss Gilroy);
- 31 pour cent des personnes éprouvant des difficultés à voyager ont affirmé avoir une déficience grave (rapport Goss Gilroy);
et ce faisant, il se fonde sur l'hypothèse voulant que l'ensemble de ces personnes, si elles sont appelées à voyager, auraient besoin d'un Accompagnateur pour le faire. Le professeur Lazar fait observer que le taux de 18,2 pour cent des personnes ayant une déficience grave dont fait état le rapport Goss Gilroy se rapproche beaucoup du taux de 18,5 pour cent des personnes ayant besoin d'un accompagnateur mentionné dans le même document. Le professeur Lazar ajoute que le sondage d'Harris Interactive révèle qu'un taux de 41 pour cent de l'ensemble des adultes ayant une déficience aux É.-U. ont une déficience grave et qu'il serait raisonnable de supposer qu'une partie de ce groupe aurait également besoin d'un Accompagnateur pour voyager par avion. Si cette proportion était combinée à celle de 14 pour cent, le résultat ne tarderait pas à dépasser l'estimation de 18,5 pour cent du rapport Goss Gilroy quant à la fréquence concernant les accompagnateurs.
[277] En réponse aux questions soulevées par les demandeurs, les transporteurs en cause reconnaissent que le premier rapport du professeur Lazar n'indique pas comme il se doit la source du taux estimatif de fréquence d'utilisation du service d'accompagnateur de 22 pour cent du US DOT, et même si celui-ci a indiqué qu'il avait consulté le rapport sur lequel est basé ce taux, il n'a pu produire le document ultérieurement. Toutefois, les transporteurs en cause affirment que le US DOT continue de se fier au rapport d'évaluation et, en conséquence, ils considèrent que le taux de 22 pour cent demeure suffisant, représente la réalité et vient appuyer la crédibilité du taux estimatif de 18,5 pour cent.
[278] Les transporteurs en cause considèrent que l'estimation de 3,6 pour cent de M. Lewis est insuffisante, puisqu'elle est trompeuse et donne une idée trop faible de la situation. En effet, le taux de 3,6 pour cent ne comprend pas les autres personnes ayant une déficience, par exemple les personnes qui ont des troubles épileptiques. En général, cette catégorie de personnes n'éprouvent pas de difficultés lorsqu'elles utilisent l'avion, et si elles en éprouvent, ces difficultés ne limitent peut-être pas leur déplacement. Il n'en demeure pas moins qu'elles auront peut-être besoin d'un Accompagnateur en vertu des tarifs des transporteurs en cause. Pour appuyer cette affirmation, les transporteurs en cause ont déposé une lettre du 5 septembre 2006, rédigée par le Dr Ross Roussev, neurologue, dans laquelle il mentionne que 0,5 pour cent de la population en général a des troubles épileptiques, qu'une partie de ces personnes exercent une mauvaise maîtrise de leur trouble, même si elles prennent des médicaments, et qu'elles sont susceptibles d'éprouver des difficultés à divers niveaux lorsqu'elles voyagent par avion. D'autre part, lors de l'interrogatoire principal, le Dr Bekeris a mentionné qu'Air Canada ne dispose pas de moyens efficaces pour identifier les personnes qui ont des troubles épileptiques, sauf si elles en sont victimes à bord d'un de ses vols.
[279] En réponse aux éléments de preuve de M. Lewis concernant l'importance de mécanismes efficaces de vérification pour éliminer le recours abusif à la politique, les transporteurs en cause soutiennent qu'il est impossible de mettre sur pied un processus efficace de contrôle. À titre d'exemple, ils font mention des éléments de preuve du Dr Bekeris, selon qui les personnes ayant une déficience ont peut-être besoin de voyager avec un Accompagnateur pour une de ces raisons : état médical, sécurité ou raisons personnelles. Cela dit, son bureau n'est pas en mesure d'évaluer les passagers qui affirment avoir besoin d'un accompagnateur pour des raisons personnelles. Il a indiqué que la nécessité d'un accompagnateur pour aider à prendre les repas ou les médicaments et à utiliser la toilette n'est pas évaluée et ne peut pas être traitée de façon objective sur le plan médical. À titre d'exemple, le Dr Bekeris fait mention des passagers qui utilisent un fauteuil roulant ou qui sont aveugles. Même si ces personnes déclarent qu'elles ont besoin d'un accompagnateur pour les aider à voir à leurs besoins personnels, elles auraient besoin en général d'une note de médecin pour confirmer ce besoin, et le Dr Bekeris ajoute qu'il n'est pas en mesure de contredire le besoin qu'elles ont exprimé.
[280] D'après le Dr Bekeris, il arrive que son groupe détermine effectivement que, pour des raisons médicales et de sécurité, des passagers ayant une déficience ont besoin d'un Accompagnateur et ce, même si l'évaluation contredit l'avis du fournisseur de soins médicaux. Il ajoute que son groupe pourrait contester le prétendu besoin d'un Accompagnateur lorsque le passager et son fournisseur de soins médicaux estiment que pour des raisons médicales, il devrait voyager avec un Accompagnateur. Cela dit, le Dr Bekeris ne pouvait se rappeler aucun cas où ils ont dû agir de la sorte. Il ajoute qu'en général, il ne rencontre pas la personne qui subit l'évaluation et que les conclusions reposent sur des données médicales provenant de son fournisseur de soins médicaux.
[281] Juliane Lambert d'Air Canada et Lisa Puchala de WestJet, employées témoins, ont mentionné dans leur témoignage que les équipages de cabine et de conduite du transporteur peuvent participer à l'évaluation de l'autonomie, si un passager à qui l'on refuse le transport est de toute évidence non autonome mais essaie de voyager sans Accompagnateur. Elles reconnaissent que la majorité des personnes qui utilisent un fauteuil roulant ou qui sont aveugles sont autonomes aux fins des voyages par avion et ne se déplacent pas avec un Accompagnateur. Toutefois, elles ajoutent qu'elles ne pourraient pas s'opposer au besoin d'Accompagnateur que ces personnes exprimeraient.
[282] La source de données utilisées par les demandeurs et les transporteurs en cause pour en arriver à des estimations très différentes quant à la proportion des personnes ayant une déficience qui voyagent avec un accompagnateur est sensiblement la même, c'est-à-dire le rapport Goss Gilroy. La principale différence tient à ce que l'estimation de M. Lewis était basée sur l'admissibilité en vertu des tarifs des transporteurs en cause, contrairement à l'estimation du professeur Lazar.
[283] Il ne fait aucun doute que les preuves statistiques peuvent faire l'objet d'interprétations diverses, voire contradictoires. Aussi est-il important d'examiner attentivement les facteurs sous-jacents (variables) sur lesquels reposent les éléments de preuve afin d'évaluer, de pondérer et d'équilibrer comme il se doit les positions des parties. Dans le cas présent, le point de désaccord des divers experts est un élément important de cette analyse et la différence de cinq ordres de grandeur entre les deux estimations fait ressortir la nécessité pour l'Office de se pencher sur chacune des variables utilisées dans les éléments de preuve sur lesquels reposent les estimations des experts.
[284] L'Office fait observer que les transporteurs en cause et leur expert, le professeur Lazar, ainsi que les demandeurs et leur propre expert, M. Lewis, ont basé leurs taux respectifs de fréquence concernant les Accompagnateurs sur deux estimations mentionnées dans le rapport Goss Gilroy :
- Estimation du nombre de personnes ayant une déficience qui auraient besoin d'un Accompagnateur ou d'un compagnon pour voyager sur de longues distances;
- Estimation de la population de base des personnes ayant une déficience qui voyagent par avion.
[285] Ayant déterminé qu'elles utiliseraient le rapport Goss Gilroy pour établir cette population de base, les parties ont de fait établi à 18,8 pour cent la propension à voyager de la population générale des personnes ayant une déficience qui voyagent par avion15 et appliqué ce taux à la population cible des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un accompagnateur pour ces voyages. L'Office estime que cette méthode semble contredire les éléments de preuve dont il a été saisi et qui incitent à conclure que la propension à voyager de cette population cible, en particulier, serait inférieure à celle de la population générale des personnes ayant une déficience. Aussi, l'Office traitera plus à fond de cette question pour en arriver à une estimation plus juste de la propension à voyager de cette population cible dans la section portant sur le facteur de fréquence no 2, aux paragraphes 395 à 452 ci-après.
[286] Ayant pris note du problème concernant le fait que le nombre de base de 715 000 pour 1995 inclut la propension à voyager, le professeur Lazar et M. Lewis ont utilisé ce chiffre pour établir une prévision sur le nombre de base pour 2005. L'Office accepte l'estimation de la population de base de 2005 de M. Lewis et la considère plus raisonnable, c'est-à-dire 872 300 personnes ayant une déficience qui ont voyagé par avion en 2005. Ce chiffre reposait sur la croissance du nombre de personnes ayant une déficience au sein de la population totale sur une période de 10 ans, soit de 1995 à 2005. Quoi qu'il en soit, ce chiffre se situe entre la valeur inférieure de 833 000 du professeur Lazar et sa valeur supérieure de 881 000.
Nombre estimatif des personnes ayant une déficience qui sont en mesure de voyager sur de longues distances et qui utilisent l'avion (1995)1 |
715 000 |
Taux de croissance (1995 - 2005)2 |
22 % |
Nombre estimatif de personnes ayant une déficience qui sont en mesure de voyager sur de longues distances et qui utilisent l'avion (2005) |
872 300 |
Source :
1Rapport Goss Gilroy (page 32)
2Rapport Goss Gilroy (page 6, pièce 2.1)
[287] Pour le professeur Lazar, expert des transporteurs en cause, les 18,5 pour cent des personnes ayant une déficience qui voyagent par avion seraient admissibles aux avantages d'une politique 1P1T, en tant que personnes avec déficience voyageant avec un Accompagnateur. Toutefois, l'Office estime que l'appui de cette estimation n'est pas suffisamment convaincant du fait, en grande partie, que le chiffre est tiré du rapport Goss Gilroy et est obtenu à partir des réponses de l'ESLA à une question qui est de nature trop générale pour les besoins de l'Office dans la présente instance.
[288] En particulier, à la question F-22 de l'ESLA, il est demandé ce qui suit : En raison de votre état ou de votre problème de santé, avez-vous besoin d'un accompagnateur ou d'un compagnon pour voyager sur de longues distances? (traduction) Ainsi, les 18,5 pour cent des personnes ayant une déficience qui ont répondu dans l'affirmative à cette question représentent :
- toutes les personnes ayant une déficience;
- qui voyagent sur de longues distances, soit 80 kilomètres ou plus;
- qui utilisent tout mode de transport;
- et qui ont besoin d'un accompagnateur ou d'un compagnon.
[289] Les problèmes propres à chacun de ces éléments de la question sont examinés ci-après.
[290] Le premier problème avec ce chiffre tient au fait qu'il a été établi à partir des 2,9 millions de personnes ayant une déficience qui sont en mesure de voyager sur de longues distances et au fait qu'il ne tient pas compte de la notion de gravité de la déficience. Selon l'Office, il semble raisonnable de supposer que les personnes ayant une déficience qui sont tenues, en vertu des tarifs des transporteurs en cause, de voyager avec un Accompagnateur ont une déficience grave, comme certaines personnes non autonomes à un point tel qu'on peut s'attendre à ce qu'elles aient besoin d'aide pour voir à certains besoins personnels ou qu'elles aient besoin d'une aide spéciale en cas d'évacuation d'urgence ou de décompression en raison d'un important problème de mobilité ou de communication.
[291] Même si le professeur Lazar a mentionné que le taux de 18,5 pour cent a été établi à partir des 2,9 millions de personnes qui éprouvent des difficultés à voyager, l'Office fait observer que ce dernier chiffre vise de fait les personnes ayant une déficience qui voyagent sur des distances supérieures à 80 kilomètres en utilisant tous les modes de transport, et non pas les 2,2 millions de personnes identifiées comme ayant des difficultés à voyager.
[292] Quoi qu'il en soit, selon le professeur Lazar, il a utilisé les données telles quelles du rapport Goss Gilroy, sans se demander comment la firme Goss Gilroy avait défini la gravité de la déficience et quel sous-groupe de cette population ferait partie de la population cible des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un Accompagnateur pour voyager par avion.
[293] Le second problème inhérent à ce chiffre concerne l'utilisation du critère « 80 kilomètres ou plus » pour définir les voyages sur de longues distances. Vu la nature du transport aérien, il est raisonnable de supposer qu'aucun voyage effectué par avion serait de 80 kilomètres seulement, et rien ne vient appuyer la proposition voulant que l'ensemble de ces voyages ni même la majorité d'entre eux seraient effectués par avion. Il est évident qu'une partie importante des 18,5 pour cent des personnes ayant une déficience qui ont répondu dans l'affirmative à cette question utilisent un véhicule personnel, l'autocar ou le train, et non pas l'avion.
[294] Selon les demandeurs, le caractère raisonnable de cette conclusion est confirmé au tableau 5.11 du rapport Goss Gilroy, où il est mentionné que dans 88,7 pour cent des cas, soit la très grande majorité des voyages sur de longues distances (80 kilomètres ou plus), les personnes ayant une déficience utilisent l'automobile, la fourgonnette ou le camion. De fait, ce tableau signifie que du nombre estimatif total des voyages sur de longues distances, 3,9 pour cent seulement sont effectués par avion. Ainsi, il est évident que pour les 18,5 pour cent des personnes ayant une déficience qui ont affirmé avoir besoin d'accompagnateur ou d'un compagnon pour voyager sur de longues distances, 88,7 pour cent utiliseraient un véhicule personnel et non pas l'avion. Qui plus est, l'Office note que le tableau 5.11 indique que du nombre total des personnes ayant une déficience qui ont voyagé sur de longues distances et utilisé divers modes de transport au cours de la période de trois mois prévue, 12,3 pour cent ont voyagé par avion et 67 pour cent, par automobile, fourgonnette ou camion, ce qui traduit une différence de cinq ordres de grandeur entre les deux estimations.
[295] Par ailleurs, comme l'a fait valoir l'expert des demandeurs, M. Lewis, peu de personnes ayant une déficience grave possèdent un permis de conduire :
- en raison de leur faible revenu;
- parce qu'elles sont moins susceptibles de travailler;
- et parce qu'en raison de leur état, elles sont moins susceptibles d'être en mesure d'utiliser un véhicule automobile de façon autonome et, de ce fait, sont plus susceptibles d'avoir besoin d'un accompagnateur lorsqu'elles utilisent un véhicule personnel.
[296] De fait, lors de son contre-interrogatoire, le professeur Lazar a reconnu qu'une très grande proportion de ceux qui ont affirmé avoir besoin d'un accompagnateur ou d'un compagnon de voyage dans le rapport Goss Gilroy se déplacent par automobile, fourgonnette ou camion. D'après les demandeurs, s'il est évident qu'il existe une proportion élevée de personnes ayant une déficience qui voyagent avec un accompagnateur ou un compagnon dans la catégorie des véhicules personnels, il va de soi que la proportion des personnes ayant besoin d'un accompagnateur ou d'un compagnon pour les autres modes de transport sera inférieure, ce qui n'est pas sans soulever d'importants doutes quant à la validité de l'estimation du professeur Lazar, le transport aérien étant le seul mode à considérer dans le dossier dont l'Office a été saisi.
[297] Enfin, l'Office fait observer que l'ESLA ne comprenait pas de définition du terme « accompagnateur » et que l'utilisation du terme « compagnon » dans cette enquête vise sans contredit un rôle de nature beaucoup plus générale que celui du terme « accompagnateur ». Ainsi, les 18,5 pour cent des participants à l'ESLA qui ont répondu dans l'affirmative à cette question comprennent les personnes qui, comme l'ont mentionné les demandeurs, ont précisé qu'elles ont besoin d'un accompagnateur ou d'un compagnon, parce qu'elles considèrent cela comme étant une question de comportement social, ce qui est très différent du nombre de personnes qui auraient besoin d'un Accompagnateur en vertu du tarif d'un transporteur, pour s'acquitter de certaines fonctions concernant les soins personnels ou pour leur fournir une aide en cas d'évacuation d'urgence ou de décompression en cours de vol.
[298] L'Office prend note du rapport de Mme Furrie, témoin expert des demandeurs, que ceux-ci ont utilisé pour appuyer leur position voulant que le taux de 18,5 pour cent mentionné par les transporteurs est déraisonnable. M. Lewis a comparé ce taux avec la conclusion de Mme Furrie selon qui 1,5 pour cent seulement des adultes ayant une déficience utilisent les services d'un préposé aux soins personnels 20 heures par jour, sept jours par semaine, laissant entendre que les personnes qui, selon les transporteurs en cause, affirmeront avoir besoin d'un Accompagnateur pour voyager par avion, dépassent de 1 000 pour cent le nombre de celles qui utilisent actuellement les services d'un préposé aux soins personnels à temps plein. L'Office se rallie à la position des transporteurs en cause suivant laquelle la proportion de 1,5 pour cent est trop faible pour servir à estimer le taux de fréquence concernant les Accompagnateurs, dans la mesure où elle témoigne de l'application de critères plus stricts que celui utilisé dans les tarifs des transporteurs en cause pour déterminer les personnes ayant une déficience qui auraient besoin d'un Accompagnateur à bord de l'aéronef. D'autre part, comme le démontre le mémoire des transporteurs en cause, le demandeur Eric Norman ne ferait pas partie de cette catégorie puisque, bien qu'il avait besoin d'un Accompagnateur pour voyager en avion, il n'avait pas besoin des services d'un accompagnateur à temps plein. Néanmoins, l'Office continue de croire que la proportion de 18,5 pour cent ne saurait représenter une estimation raisonnable.
[299] L'utilisation du taux de 18,5 pour cent du rapport Goss Gilroy pose un autre problème, du fait qu'elle repose sur l'hypothèse voulant que l'admissibilité viserait quiconque soumettrait une demande en vertu d'une politique 1P1T. Cette hypothèse est fausse, dans la mesure où elle ne tient pas compte des tarifs intérieurs des transporteurs en cause dans lesquels sont énoncées les conditions d'utilisation de leurs services aériens, y compris les personnes ayant une déficience définies comme ayant besoin d'un Accompagnateur pour voyager par avion.
[300] De fait, au cours du contre-interrogatoire, le professeur Lazar a confirmé que les transporteurs en cause ne l'avaient pas informé de l'existence d'un tarif qui établit les critères servant à déterminer si une personne a besoin d'un Accompagnateur et pouvant servir à exercer un contrôle sur le nombre de personnes ayant une déficience à bord de leurs vols. Le professeur Lazar s'est dit surpris de constater que le cas présent concerne les personnes ayant une déficience qui, en vertu des tarifs des transporteurs en cause, sont tenues de voyager avec un Accompagnateur car, a-t-il mentionné, s'il revient aux compagnies aériennes de déterminer les personnes admissibles aux avantages d'une politique 1P1T, elles peuvent établir les critères qu'elles veulent et, ce faisant, limiter considérablement les résultats. À son avis, si personne n'exerce de surveillance sur le processus décisionnel des transporteurs en cause, les statistiques seront très peu élevées et les coûts qui vont en résulter, très minimes, et probablement très inférieurs à ce qu'il en coûterait pour contester une telle politique.
[301] L'Office est d'accord avec les demandeurs, lorsque ceux-ci mentionnent que le fait pour les transporteurs en cause de ne pas avoir demandé à l'un de leurs principaux témoins experts, le professeur Lazar, de tenir compte des critères d'admissibilité des personnes ayant une déficience dans le tarif est important pour deux raisons :
- Les critères d'admissibilité inclus dans un tarif ont pour effet de limiter le nombre de personnes ayant une déficience qui seraient admissibles aux avantages d'une politique 1P1T, si bien que l'estimation de 18,5 pour cent représente une surévaluation du nombre de personnes ayant une déficience au sein de la population cible;
- Tous les autres experts des transporteurs en cause basent leurs travaux subséquents, y compris leurs estimations quant à la proportion des personnes ayant une déficience au sein de la population cible et aux coûts éventuels d'une politique 1P1T, sur le nombre de personnes ayant une déficience qui sont admissibles auquel le professeur Lazar est arrivé après avoir appliqué le taux de 18,5 pour cent.
[302] Par la suite, le professeur Lazar a essayé de faire valoir que l'admissibilité pourrait placer les transporteurs en cause sur une pente très glissante qu'ils ne seraient pas capables de maîtriser, mais l'Office est d'avis qu'il est essentiel de prendre compte des restrictions d'admissibilité prévues dans les tarifs des transporteurs pour déterminer le nombre de personnes ayant une déficience qui seraient admissibles aux avantages d'une politique 1P1T. L'Office prend note des éléments de preuve de M. Lewis selon qui, fort de son expérience avec de nombreux systèmes américains de transport adapté, l'établissement de restrictions aboutit à une admissibilité strictement contrôlée pour garantir que les personnes inscrites pour la prestation de ce service sont celles qui en ont besoin. L'Office est d'accord avec M. Lewis lorsque ce dernier mentionne que l'absence de critères dans le tarif provoquerait une importante augmentation du nombre de personnes ayant une déficience qui seraient admissibles à un service d'Accompagnateur pour un voyage par avion. D'autre part, eu égard au contrôle qu'exercent les transporteurs en cause sur l'admissibilité aux avantages prévus dans n'importe quelle de leurs politiques, ce facteur, selon l'Office, ne peut être utilisé pour estimer la proportion de cette population cible.
[303] En réponse à l'affirmation de M. Lewis, selon qui 89 pour cent des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un accompagnateur utilisent un véhicule personnel, l'avocat des transporteurs en cause a déposé, dans son plaidoyer final, une feuille de calcul pour appuyer une nouvelle hypothèse voulant que le taux de 16,7 pour cent devrait être accepté pour représenter la proportion des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un accompagnateur et qui utilisent un véhicule personnel pour voyager. Dans la mesure où ces commentaires de l'avocat ont été formulés à la fin de l'audience, de telle sorte que l'expert des demandeurs, M. Lewis, n'a pas été en mesure de formuler des observations à leur sujet, elles posent un problème du point de vue du fond.
[304] Par exemple, l'avocat a laissé entendre que la proposition de M. Lewis, selon qui un plus grand nombre de personnes qui voyagent par véhicule vont avoir besoin des services d'un accompagnateur parce qu'elles ne peuvent pas conduire leur véhicule, devrait être rejetée du fait que dans le rapport Goss Gilroy, il est mentionné que des 3,3 millions de personnes ayant une déficience qui utilisent un véhicule personnel comme passagers, 254 000 (7,7 pour cent) précisent qu'elles ont des difficultés à voyager comme passager en raison de leur état ou d'un problème de santé. Cela dit, l'Office fait observer que les deux énoncés ne sont pas contradictoires, en ce que les personnes prenant place dans un véhicule personnel comme passagers, par définition, comptent sur les services d'un conducteur qui pourrait être considéré comme un accompagnateur ou un compagnon de voyage aux fins de la question F-22 de l'ESLA. Ainsi, les personnes ayant une déficience comptant sur les services d'un conducteur sont très susceptibles de n'éprouver aucune difficulté lorsqu'elles voyagent sur de longues distances à bord d'un véhicule personnel à titre de passagers.
[305] Les commentaires des transporteurs en cause qui ont été formulés dans le plaidoyer final de l'avocat présentent un autre problème de fond en raison de l'adoption du taux de 60 pour cent, soit les personnes ayant une déficience qui ont affirmé avoir éprouvé des difficultés lorsqu'elles voyagent par autocar et qui limitent leurs déplacements au moyen de ce mode de transport, proportion indiquée à la ligne 7 de la feuille de calcul pour être appliquée aux personnes voyageant par véhicule personnel. Les transporteurs en cause ont demandé à l'Office de conclure que cette proportion s'applique autant aux déplacements par véhicule personnel qu'à ceux effectués par autocar, mais l'Office ne peut s'appuyer sur aucun élément de preuve pour appuyer le caractère raisonnable d'une telle conclusion. Par conséquent, l'Office ne tiendra pas compte du taux de 16,7 pour cent.
[306] En réponse à l'idée formulée par les transporteurs en cause, voulant que l'estimation de 22 pour cent utilisée par le US DOT constitue un contrôle d'intégrité et appuie le caractère raisonnable de leur taux de 18,5 pour cent, les demandeurs ont affirmé que l'estimation du US DOT, selon qui 22 pour cent des personnes ayant une déficience ont besoin des services d'un accompagnateur ou d'un membre de la famille pour voyager par avion, n'est pas fondée du fait que le document justificatif n'a jamais été localisé. Malgré l'affirmation du professeur Lazar selon laquelle il a vérifié le rapport d'évaluation du US DOT pour confirmer l'origine du taux de 22 pour cent mentionné dans l'enquête sur les voyages des Américains et a confirmé l'exactitude de la citation, il n'a pu fournir de référence pour le taux de 22 pour cent lorsqu'il a eu l'occasion d'examiner l'enquête sur les voyages des Américains pour confirmer son témoignage. Par conséquent, l'Office ne peut pas évaluer la fiabilité et le caractère raisonnable de ce chiffre. De plus, compte tenu des préoccupations susmentionnées de l'Office concernant l'impact de l'ampleur de la question sous-jacente posée dans l'ESLA au sujet du taux de 18,5 pour cent inclus dans l'étude Goss Gilroy et de l'affirmation du professeur Lazar selon qui le taux de 22 pour cent représente la proportion des personnes ayant une déficience aux É.-U. qui ont besoin d'un accompagnateur ou d'un membre de la famille pour voyager par avion, l'Office n'est pas disposé à considérer le taux de 22 pour cent comme réponse définitive à la question de savoir combien de personnes ayant une déficience auront besoin d'un Accompagnateur en vertu des tarifs des transporteurs en cause pour voyager par avion et qui seront admissibles aux avantages d'une politique 1P1T, ni même comme élément d'appui au taux de 18,5 pour cent comme réponse définitive.
[307] Par conséquent, l'Office considère que le choix de données du professeur Lazar à partir du rapport Goss Gilroy, comme élément de base au taux de 18,5 pour cent, a entraîné une surévaluation importante et ne permet pas d'établir une estimation raisonnable du nombre de personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour un Accompagnateur afin de voyager par avion.
[308] Par contre, pour les demandeurs, 3,6 pour cent des personnes ayant une déficience auront besoin d'un Accompagnateur en vertu des tarifs des transporteurs en cause, pour voyager par avion en 2005. Leur expert, M. Lewis, a signalé que ces personnes voyagent déjà par avion, seraient admissibles aux services d'un Accompagnateur en vertu des tarifs des transporteurs et font partie d'un groupe qui, par définition, est composé de personnes qui généralement ont une déficience plus grave que la population générale des personnes ayant une déficience.
[309] À l'instar des transporteurs en cause, M. Lewis a utilisé des statistiques du rapport Goss Gilroy pour estimer le nombre de personnes qui auraient besoin d'un Accompagnateur pour voyager par avion. Cela dit, les variables et les données dont il s'est servi dans ses calculs sont différentes. En particulier, le fait pour lui de combiner le nombre de personnes qui ont voyagé par avion et qui ont affirmé avoir éprouvé des difficultés pendant leur déplacement et la proportion de ces personnes pour qui les difficultés ont limité leur déplacement représente, pour l'Office, une tentative raisonnable d'arriver à une estimation d'une population en tenant compte des critères énoncés dans le tarif et des renseignements au sujet de la gravité de la déficience. Même si les questions de l'enquête n'avaient pas été conçues de façon à identifier cette population cible, les données choisies par M. Lewis démontrent qu'une tentative a été faite en ce sens.
[310] En outre, M. Lewis a proposé d'utiliser le taux estimatif de 1,5 pour cent de Mme Furrie comme contrôle d'intégrité de sa propre estimation de 3,6 pour cent. Il ne fait aucun doute que la proportion de 1,5 pour cent des personnes ayant une déficience représente les personnes ayant une déficience grave, du fait qu'elles ne sont pas autonomes et qu'elles ont besoin de soins 20 heures par jour et qu'elles auraient assurément besoin d'un Accompagnateur en vertu des tarifs des transporteurs en cause. De ce fait, l'Office estime que le taux de 1,5 pour cent de Mme Furrie peut représenter un appui au caractère raisonnable du taux de 3,6 pour cent. Cela dit, l'Office estime qu'il ne représente pas en soi un nombre réaliste des personnes qui auraient besoin d'un Accompagnateur en vertu des tarifs des transporteurs en cause pour voyager par avion, du fait qu'il y a également des personnes ayant une déficience grave qui n'ont pas besoin d'un accompagnateur à temps plein dans leur domicile mais qui en auraient besoin d'un pour voyager par avion, comme cela était le cas du regretté M. Norman. De fait, M. Lewis a reconnu, au cours de son contre-interrogatoire, que le taux de 1,5 pour cent est trop bas pour les besoins de l'enquête de l'Office.
[311] La solution de rechange à laquelle M. Lewis est arrivé à partir des données des Codes SSR de WestJet, lui a permis de déterminer que 3,4 pour cent des passagers ayant une déficience de WestJet auront besoin, estime-t-il, d'un Accompagnateur. Du point de vue de l'Office, cette solution de rechange est une autre méthode raisonnable pour estimer le taux de fréquence au sein de cette population cible.
[312] L'Office fait observer la compatibilité de la méthode suivie par M. Lewis pour en arriver à cette autre estimation avec le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation (REIR) qu'a publié l'Office national des transports, un des organismes que l'Office a remplacé, le 27 septembre 1993 relativement à un projet de modification au règlement sur les transports aériens concernant le prix du billet d'avion des accompagnateurs de personnes ayant une déficience. L'Office prend note de la définition qui suit, à la page 2 du REIR, à l'égard des personnes admissibles à un tel avantage.
[...] les personnes quadriplégiques, les personnes sourdes et aveugles, les personnes aveugles et ayant une autre déficience physique, mentale ou intellectuelle, les personnes devenues récemment aveugles ou paraplégiques, les personnes qui ont la paralysie cérébrale avec une spasticité permanente, les personnes ayant toute autre déficience physique, mentale ou intellectuelle ou une maladie telle qu'elles auraient besoin de services à bord inhabituels (c'est-à-dire des services que le transporteur aérien ne fournit pas habituellement) ou d'une aide particulière pour sortir d'un aéronef en cas d'évacuation d'urgence.
[313] À partir de ces critères d'admissibilité, l'Office national des transports a évalué le taux de fréquence estimatif dans le REIR comme suit :
Il a été déterminé, lors d'une analyse économique du Règlement fondée sur les données disponibles concernant les personnes handicapées, qu'un faible nombre de personnes auraient droit à un accompagnateur : environ 13 000 au Canada. (Une estimation plus exacte ne sera pas possible avant la revue du Règlement, deux ans après son entrée en vigueur.)
[314] Même si l'Office n'a pas l'intention d'utiliser ce chiffre pour déterminer le taux de fréquence concernant les Accompagnateurs, il fait observer que la méthode utilisée pour définir cette population cible a tendance à appuyer le caractère raisonnable de la démarche de M. Lewis concernant les Codes SSR de WestJet et, en particulier, l'utilisation de pourcentages de populations de personnes ayant certaines déficiences qui, prévoit-on, auront besoin d'un Accompagnateur en vertu des tarifs des transporteurs en cause. En outre, l'Office est d'avis que l'évaluation des catégories de personnes ayant une déficience qui sont admissibles effectuée par M. Lewis est raisonnable, tout comme les hypothèses qu'il a formulées pour en arriver aux proportions des personnes dans chaque catégorie qui auront peut-être besoin d'un Accompagnateur pour voyager par avion.
[315] Selon les demandeurs, il se peut fort bien que les données provenant des systèmes de réservation se révèlent plus fiables que ne l'ont mentionné les transporteurs en cause, compte tenu de la population cible et de ce que les personnes ayant une déficience plus grave qui ne sont pas autonomes et qui ont besoin d'un Accompagnateur pour voir à leurs besoins personnels si elles veulent voyager par avion ont d'autres raisons à invoquer pour lesquelles elles ont besoin d'un Accompagnateur, notamment le besoin que leur Accompagnateur prenne place dans un siège à côté d'elles à bord de l'aéronef, comme l'a reconnu le témoin de WestJet, Lorne MacKenzie.
[316] Par ailleurs, les transporteurs en cause ont fait valoir qu'il arrive souvent qu'un Accompagnateur soit inscrit dans le système de réservation uniquement au moment de l'enregistrement et ce, si l'agent préposé à l'enregistrement décide de le faire. Toutefois, l'Office se réfère au témoignage de Susan Greene, selon qui Transports Canada avait publié des lignes directrices pour le nombre maximal autorisé de passagers non ambulatoires et non autonomes qui peuvent être transportés par type d'aéronef, les limites étant basées sur les types et le nombre de sorties par type d'aéronef en date de 1984. Elle a précisé que les transporteurs ne sont pas liés par ces lignes directrices mais en se fondant sur son expérience, elle ajoute que la plupart d'entre eux incluent les lignes directrices dans leurs tarifs ou leurs manuels de vol, et il est prévu que les manuels de l'agent de bord vont faire état de la limite précitée. En outre, elle a mentionné que même si aucune disposition réglementaire n'exige des transporteurs qu'ils enregistrent les nombres de passagers non ambulatoires et non autonomes par vol, on s'attend à ce qu'ils respectent les procédures énoncées dans leurs manuels de vol, précisant qu'il incombe aux transporteurs de faire le suivi des résultats obtenus.
[317] Un témoin d'Air Canada a affirmé que le manuel de l'agent de bord de ce transporteur ne prévoit pas de nombre exact de passagers qui ont besoin d'un Accompagnateur qui peuvent être transportés et que les agents de bord ne font pas le suivi des statistiques. Cela dit, l'Office fait observer que cette question fait partie des tarifs d'Air Canada et de WestJet de même que du manuel de l'agent de bord de cette dernière, si bien que les transporteurs en cause sont censés s'acquitter de cette fonction. En outre, selon les témoins des deux transporteurs, les préposés aux réservations des transporteurs en cause le font également. Que cette tâche soit remplie ou non, il est évident que Transports Canada a incité les transporteurs en cause à imposer une telle limite pour des raisons de sécurité, si bien qu'une telle mesure devrait être prise et aura pour effet évident de restreindre le nombre de personnes admissibles par vol, contrairement aux arguments présentés par les transporteurs en cause relativement à une avalanche de demandes.
[318] L'Office note que les transporteurs en cause prétendent que si le taux de 18,5 pour cent est un peu trop élevé, il est tout à fait impossible de croire que le taux de 3,6 pour cent est celui qui s'applique, affirmant que la vraie proportion se situe entre les deux, et que le chiffre mentionné par M. Lewis devrait être au moins deux fois plus élevé afin de tenir compte des catégories de personnes ayant une déficience, comme celles qui ont des troubles épileptiques, qui vont peut-être avoir besoin d'un Accompagnateur pour voyager, aux termes des tarifs des transporteurs en cause, mais qui ne font pas état actuellement de leur déficience ou de leur besoin d'Accompagnateur. Si l'on présume, sans pour autant l'attester, que le nombre de personnes ayant des troubles épileptiques qui ont peut-être besoin d'un Accompagnateur est élevé, cela soulève une multitude de questions sans réponse concernant le nombre de personnes visées et leur inclusion, comme l'a laissé entendre M. Lewis, dans le taux de 3,6 pour cent mentionné par les demandeurs. Les transporteurs en cause n'ont pas essayé d'établir un lien crédible avec leur point de vue selon lequel l'estimation de M. Lewis était trop basse, de façon à appuyer leur hypothèse d'une proportion de 18,5 pour cent et à s'acquitter de leur fardeau de preuve. Au contraire, on a accordé beaucoup d'importance à la déclaration non fondée selon laquelle il s'agit là d'un exemple où une politique 1P1T aurait pour effet de provoquer une avalanche de demandes. Toutefois, en l'absence d'éléments de preuve corroborants, l'Office n'est pas en mesure de déterminer un taux de fréquence précis concernant le groupe des personnes ayant des troubles épileptiques au Canada, pour évaluer le taux de fréquence concernant les personnes ayant une déficience qui pourraient être admissibles aux avantages d'une politique 1P1T.
[319] Quoi qu'il en soit et en l'absence de preuve contraire, l'Office accepte la position de M. Lewis, selon qui le taux de 3,6 pour cent auquel il est arrivé comprend les personnes de cette catégorie, tout en faisant observer que M. Lewis considère ce chiffre comme faisant partie d'une échelle de probabilité de 2,2 à 5,1 pour cent. Il s'attendait à ce que le résultat se rapproche davantage de 2,2 pour cent mais a utilisé 3,6 pour cent comme médiane afin de demeurer prudent et de tenir compte des catégories de personnes comme celle-ci.
[320] Pour ce qui est de la question du recours abusif à une politique 1P1T, l'Office constate que les parties s'entendent sur un point, c'est-à-dire un principe économique selon lequel une baisse des prix se traduira par une augmentation du nombre des voyages. Toutefois, il est important de faire la différence entre une incitation, dont traite l'Office dans la section débutant au paragraphe 637 ci-dessous, et une augmentation de la demande à partir d'une hypothèse fondée sur le recours abusif ou illégitime à une politique 1P1T.
[321] L'Office constate que ni le professeur Lazar ni aucun des autres témoins, experts ou autres, pour les transporteurs en cause n'ont fourni d'élément de preuve pour appuyer le caractère raisonnable de leur hypothèse voulant que l'estimation générale du nombre des personnes ayant une incidence devrait comprendre les 5 à 25 pour cent de celles qui, d'après le professeur Lazar, n'ont pas besoin d'un Accompagnateur pour voyager, de façon à ce que ce chiffre représente le nombre des personnes qui vont prétendre faussement qu'elles ont besoin d'un Accompagnateur.
[322] Il est important de souligner que le terme « Accompagnateur » est défini, aux fins de la présente instance, comme étant une personne qui, en vertu des tarifs des transporteurs en cause, doit voyager avec une personne ayant une déficience pour des raisons précises et clairement définies concernant :
- les besoins afférents aux soins personnels;
- ou la sécurité dans des situations d'évacuation d'urgence et de décompression;
et sont exclus les compagnons de voyage, les membres de famille et les amis voyageant avec des personnes pour d'autres raisons. La présente décision ne doit pas être interprétée comme élargissant les critères d'admissibilité pour déterminer la nécessité d'un accompagnateur définie dans les tarifs existants.
[323] Selon les preuves au dossier, les transporteurs en cause disposent de politiques, de procédures et de pratiques pour évaluer la capacité de voyager et les conditions de voyage des personnes ayant une déficience. En outre, les deux transporteurs en cause peuvent opposer un refus de transport à un passager si celui-ci a besoin d'un Accompagnateur mais n'en a pas, et ce au moment de l'enregistrement et même avant.
[324] L'Office est d'accord avec l'affirmation des demandeurs selon laquelle, contrairement à la position des transporteurs en cause voulant qu'ils ne peuvent pas s'opposer à la demande de services d'un Accompagnateur d'une personne ayant une déficience, ce que le professeur Lazar a précisé, lors de son contre-interrogatoire, c'est que si les compagnies aériennes peuvent déterminer les personnes admissibles, cela aura pour effet de limiter considérablement les résultats si bien qu'en bout de ligne, ils seront minimes, tout comme les coûts que cela occasionnera pour les compagnies aériennes, probablement beaucoup moins élevés en fait que le coût de contestation d'une telle politique.
[325] Les transporteurs en cause ont fait valoir cependant que le risque d'abus d'une politique 1P1T est élevé, du fait que les transporteurs doivent pécher par excès de prudence lorsqu'il s'agit de ne pas refuser à une personne ayant une déficience le droit de voyager avec un Accompagnateur, en raison des conséquences d'une mauvaise évaluation, suite à laquelle une personne ayant une déficience pourrait provoquer des problèmes au moment de l'évacuation d'un aéronef en situation d'urgence et causer des blessures ou même des pertes de vie. Cela dit, l'Office estime que dans la présente instance, la question est de savoir si certaines personnes ayant une déficience seront considérées par les transporteurs aériens comme étant admissibles aux avantages d'une politique 1P1T lorsqu'elles sont tenues de voyager avec un Accompagnateur en vertu de leurs propres tarifs. L'Office ne veut pas donner à entendre que les transporteurs doivent refuser à quiconque, y compris une personne ayant une déficience, le droit de voyager avec un accompagnateur. Son rôle consiste plutôt à déterminer si une politique tarifaire qui a pour effet de créer une discrimination d'ordre économique à l'endroit de certaines personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un Accompagnateur, en vertu des tarifs, est excessive et si elle devrait être modifiée de façon à éliminer cette discrimination. Si une personne est jugée non admissible en vertu d'une politique qui vise à éliminer une discrimination d'ordre économique à l'endroit de certaines personnes ayant une déficience qui sont tenues de voyager avec un Accompagnateur, cela ne signifie pas qu'une autre personne n'a pas la possibilité de voyager avec un compagnon.
[326] De par sa nature, le voyage par avion n'est pas sans comporter un certain degré de risque. Il va de soi que les transporteurs en cause veulent gérer le risque en établissant des règles, comme celles que contiennent les tarifs selon lesquelles certaines personnes non autonomes qui ont une déficience seront tenues de voyager avec un Accompagnateur qui les aidera en cas d'évacuation d'urgence ou de décompression. Toutefois, il ne fait aucun doute que le risque que des passagers causeront des problèmes au cours d'une situation d'urgence ne concerne pas uniquement ce groupe de personnes ni même les personnes ayant une déficience en général. D'un point de vue pratique, le risque ne peut pas être éliminé car, en tout temps, il peut arriver à une personne d'avoir une mauvaise réaction en situation d'urgence et d'être une source de risques pour les autres passagers et l'équipage de conduite.
[327] L'Office estime que l'existence de ce risque ne peut pas être invoquée par les transporteurs en cause pour présenter un argument sur l'avalanche de litiges à l'appui d'un moyen de défense fondé sur une contrainte excessive, de façon à faire échec à une solution économique précise pour une population cible de personnes ayant une déficience qui sont tenues de façon explicite, par les tarifs des transporteurs en cause, de voyager avec un accompagnateur. La présente instance vise les personnes dont la déficience crée la nécessité d'un Accompagnateur pour voir à certains besoins, dans la mesure où il peut être prévu de façon raisonnable que de par la nature de leur déficience et en raison de leurs capacités, ces personnes ne peuvent pas voir à leurs besoins de façon autonome. Comme la nature de la déficience de chaque personne peut être déterminée par un spécialiste de la santé et leurs capacités évaluées par une combinaison d'éléments de preuve fournis par le médecin de la personne et les systèmes Medadesk/Medlink des transporteurs en cause, l'exigence relative à la présence d'un Accompagnateur et l'admissibilité aux avantages d'une politique 1P1T peuvent être établies.
[328] L'Office est d'accord avec les éléments de preuve fournis par M. Lewis, qui estime qu'en élaborant et en appliquant de façon méthodique une politique 1P1T de façon à inclure le concept d'Accompagnateur défini, dans les tarifs, comme étant une personne dont les services sont jugés essentiels pour une personne ayant une déficience pour voir à des besoins reliés aux soins personnels ou à la sécurité, les transporteurs en cause peuvent s'assurer que le nombre des personnes ayant une déficience qui profiteront d'une politique 1P1T correspondra à celui des personnes que leurs tarifs respectifs obligent à voyager avec un Accompagnateur.
[329] D'autre part, les transporteurs en cause n'ont pas réussi à convaincre l'Office qu'une échelle de probabilité de 5 à 25 pour cent concernant le recours abusif à une telle politique devrait être prise en compte dans le calcul du nombre de personnes ayant une déficience qui auront besoin d'un Accompagnateur pour voyager par avion et qui pourront profiter d'une politique 1P1T. Les transporteurs en cause ne peuvent pas se contenter de mentionner de façon abstraite qu'il y a un risque éventuel d'un recours abusif à une telle politique. Ils se doivent de fournir des éléments de preuve pour appuyer une telle position, ce qu'ils n'ont pas réussi à faire.
[330] Dans la mesure où les transporteurs en cause n'ont pas appuyé leurs arguments concernant le recours abusif inévitable à une politique 1P1T et compte tenu, d'une part, des éléments de preuve concernant les systèmes d'évaluation médicale utilisés par ces derniers pour déterminer, notamment, la capacité de voyager et les conditions de voyage et, d'autre part, de ceux de M. Lewis quant à l'expertise professionnelle disponible sur les systèmes de contrôle de l'admissibilité qui se sont révélés efficaces dans d'autres secteurs, et en particulier dans celui des transports en commun aux É.-U., l'Office n'est pas disposé à accepter un facteur d'augmentation de la fréquence pour contrer les effets d'un recours abusif à la politique.
[331] L'Office n'est pas d'accord avec la proposition des transporteurs en cause voulant qu'un taux de 18,5 pour cent constitue une proportion raisonnable du nombre de personnes ayant une déficience qui voyagent avec un Accompagnateur dans le cadre des services aériens intérieurs au Canada. L'Office fait observer la différence, de cinq ordres de grandeur, qui existe entre les deux estimations présentées par les demandeurs et ceux des intimées dans les rapports d'expert, c'est-à-dire 3,6 pour cent et 18,5 pour cent respectivement. Voilà pourquoi, il ne fait aucun doute que les éléments de preuve dont l'Office a été saisi appuient sa conclusion selon laquelle la proportion de 3,6 pour cent proposée par l'expert des demandeurs est l'estimation la plus raisonnable du taux de fréquence concernant les Accompagnateurs.
[332] Cela dit, l'Office fait remarquer qu'à l'instar des estimations du professeur Lazar, celle de 3,6 pour cent de M. Lewis quant au taux de fréquence concernant les Accompagnateurs vise une population de base qui affiche un taux de propension aux voyages de 18,8 pour cent. Même si l'Office a conclu que parmi les estimations dont il a été saisi par les parties, c'est celle de M. Lewis qui est la plus raisonnable concernant la proportion des personnes qui ont recours aux services d'un Accompagnateur, les éléments de preuve devant l'Office n'appuient pas le caractère raisonnable d'un taux de propension aux voyages de 18,8 pour cent dans le cas des personnes ayant une déficience grave. L'estimation appropriée de la propension aux voyages dans le cas de ces personnes, y compris celles qui ont besoin d'un Accompagnateur pour voyager par avion, est discutée ci-après, dans la section débutant au paragraphe 401.
[333] L'Office fait observer que les calculs subséquents auxquels s'est livré M. Lewis pour arriver à son estimation de 3,6 pour cent, qui comprend des taux de 9,1 et de 40 pour cent, ont pour effet de restreindre le taux de 18,8 pour cent de la population des personnes ayant une déficience qui voyagent par avion, en rajustant à la baisse le chiffre pour tenir compte de la gravité de la déficience, puisque ce ne sont pas toutes les personnes ayant une déficience qui voyagent par avion qui ont besoin d'un Accompagnateur pour le faire. Toutefois, l'estimation de 3,6 pour cent ne comprend pas le rajustement à la baisse dans le cas d'une propension réduite aux voyages, du fait que les taux de 9,1 pour cent (c'est-à-dire la proportion des personnes qui voyagent par avion et qui éprouvent des difficultés) et de 40 pour cent (soit la proportion de ce sous-ensemble de la population des personnes ayant une déficience qui voyagent par avion et qui éprouvent des difficultés qui ont pour effet de limiter leurs déplacements) s'appliquent à une sous-population qui voyage déjà par avion.
[334] Compte tenu de ce qui précède, l'Office conclut que le taux de 3,6 pour cent16 représente le taux de fréquence le plus raisonnable concernant les Accompagnateurs et ce, malgré le fait qu'il repose sur une surestimation de la propension aux voyages au sein de ce groupe. En l'absence d'une meilleure estimation, l'Office préfère se baser sur ce chiffre pour calculer le coût des mesures d'accommodement (estimation généreuse).
b) Personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour elles-mêmes afin de pouvoir voyager par avion
[335] Pour évaluer le premier facteur fondamental pour la détermination des coûts liés à une politique 1P1T, c'est-à-dire le nombre de personnes ayant une déficience qui pourraient être admissibles aux avantages d'une telle politique, l'Office se doit de prendre en considération la population cible, soit le nombre de personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience afin de pouvoir voyager par avion, population cible visée au facteur de fréquence no 1 plus haut dans la présente décision. Ayant effectué, dans la section ci-dessus, une analyse des éléments de preuve concernant la première catégorie de cette population cible, c'est-à-dire le nombre de personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour leur Accompagnateur, lorsqu'elles voyagent par avion, l'Office doit maintenant se pencher sur les éléments de preuve fournis par les parties concernant la deuxième catégorie de la population cible, soit le nombre de personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour elles-mêmes en raison de leur déficience, afin de voyager par avion.
[336] Les parties ont déposé des mémoires distincts sur deux sous-groupes de personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour voir à leurs besoins en raison de leur déficience lorsqu'elles voyagent par avion :
- Personnes ayant une déficience en raison de leur obésité;
- Personnes ayant d'autres déficiences.
[337] Par conséquent, l'Office considérera ces deux sous-groupes séparément.
(i) Personnes qui, aux fins de la partie V de la LTC, ont une déficience en raison de leur obésité et ont besoin d'un siège additionnel pour elles-mêmes en raison de cette déficience, dans le cadre des services aériens intérieurs fournis par les transporteurs en cause
[338] Il est important de souligner que dans cette section et aux fins de la présente affaire, l'Office doit évaluer, non pas le nombre de personnes obèses au Canada, mais plutôt le groupe beaucoup plus restreint de personnes qui ont une déficience en raison de leur obésité, c'est-à-dire celles qui ont besoin d'un siège additionnel pour elles-mêmes en raison de leur déficience, afin de se prévaloir des services aériens intérieurs d'Air Canada et de WestJet. C'est seulement ce dernier sous-groupe, soit les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité, qui vont faire partie de la population cible des personnes ayant une déficience qui peuvent être admissibles aux avantages d'une politique 1P1T.
Contexte
[339] Pour définir l'obésité, on se réfère couramment à l'indice de masse corporelle (ci-après l'IMC), soit la classification de l'obésité adoptée par l'Organisation mondiale de la santé (ci-après l'OMS), soit le rapport poids-taille2 (kg/m2).
[340] Statistique Canada a établi six catégories d'IMC, selon ce qu'utilise l'OMS :
Classification | IMC |
---|---|
Poids insuffisant | < 18,5 |
Poids normal | 18,5 à 24,9 |
Excès de poids | 25 à 29,9 |
Obésité, classe I | 30 à 34,9 |
Obésité, classe II | 35 à 39,9 |
Obésité, classe III | 40 |
[341] Comme il a été discuté plus haut aux paragraphes 123 et 124, aux fins de la détermination par l'Office de l'existence d'une déficience, et aux fins de déterminer le nombre de personnes qui ont une déficience en raison de leur obésité et qui peuvent être admissibles aux avantages d'une politique 1P1T, il est important de noter que dans la décision de Calgary l'Office a déterminé que l'obésité, en tant que telle, n'était pas une déficience aux sens de la partie V de la LTC, dans la mesure où ce ne sont pas toutes les personnes obèses qui vont voir leur activité ou leur participation limitée lors des voyages par avion. L'Office a aussi pris note des éléments de preuve soumis par le Dr Lau, expert canadien en matière d'obésité, dans le contexte de la décision de Calgary :
[Le Dr Lau] affirme ne pas être en mesure de préciser un IMC au-delà duquel il peut affirmer avec la moindre certitude que les gens ne pourront pas prendre place dans un siège, mais que ces personnes seraient obèses de classe III. Selon le Dr Lau, cela n'empêche pas qu'une personne dont l'IMC se situe entre 41 et 45 puisse prendre place dans un siège dans lequel une autre personne qui a un IMC de 39,5, mais dont le tissu adipeux est réparti d'une certaine façon autour de la taille, ne peut prendre place. Il est d'avis que la majorité, sinon la totalité, des personnes dont l'IMC est de 30 peuvent très bien prendre place dans un siège d'avion.
[342] De ce fait, l'Office a précisé qu'il continuera d'examiner chaque cas séparément, en vue de déterminer si une personne obèse est de fait une personne ayant une déficience aux termes de la partie V de la LTC.
[343] Le premier cas de personne obèse sur lequel l'Office s'est penché après la publication de la décision de Calgary a été la demande de Mme McKay-Panos contre Air Canada. Dans ce dossier, l'Office a déterminé que Mme McKay-Panos n'était pas une personne ayant une déficience aux termes de la partie V de la LTC. Toutefois, la Cour fédérale d'appel a renversé cette décision de l'Office, en janvier 2006, et a déterminé que l'obésité peut représenter une déficience au sens de la partie V de la LTC si la personne en cause ne peut pas, en raison de son obésité, prendre place dans un siège à bord d'un avion. Par conséquent, la Cour fédérale d'appel a déterminé que Mme McKay-Panos est une personne ayant une déficience aux termes de la partie V de la LTC.
[344] Dans la présente affaire, des éléments de preuve ont été présentés comme quoi Southwest Airlines est le seul transporteur aérien d'importance en Amérique du Nord qui a mis en place une politique précise concernant l'attribution d'un siège aux passagers qui ont une déficience en raison de leur obésité. Aux termes de son document intitulé Agreed Statement of Facts Concerning South West Airlines' Customer of Size Policy, Southwest Airlines exige des passagers obèses, c'est-à-dire les passagers qui ne peuvent pas abaisser les appuis-bras des sièges à bord d'un Boeing 737, qu'ils achètent deux sièges, pour leur confort et celui des autres passagers. Toutefois, à la fin du vol, Southwest Airlines remboursera le coût du second siège aux passagers si au moment du départ, le vol n'est pas rempli à capacité, c'est-à-dire si, selon la définition opérationnelle de Southwest Airlines, aucun passager confirmé ne s'est vu refuser l'embarquement. Southwest Airlines informe les passagers qui désirent profiter de cette politique s'il y aura survente du vol et les autorisera à utiliser d'autres vols non remplis à capacité s'il y a lieu. Southwest Airlines estime que moins de la moitié de 1 pour cent de ses passagers sont admissibles à sa politique et que moins de 2 pour cent du groupe des passagers admissibles (0,5 pour cent) finissent par payer un second tarif.
[345] En l'espèce, il incombe à l'Office de déterminer la proportion des personnes obèses qui ont une déficience en raison de leur obésité, dans le contexte des services aériens intérieurs fournis par Air Canada et WestJet. À cet effet, il doit prendre en considération la proportion des personnes obèses qui ont besoin d'un siège additionnel pour elles-mêmes, en raison de leur obésité, pour voyager par avion. Par conséquent, pour commencer à identifier cette population cible, les transporteurs en cause, via leur expert le professeur Allison, ont fourni des renseignements de base sur la prévalence actuelle et future de l'obésité au Canada. Se basant sur les données de différents sondages, le professeur Allison a estimé également la proportion de la population dont la largeur peut dépasser celle d'un siège à bord d'un aéronef, afin d'établir une estimation du nombre de personnes ayant une déficience en raison de leur obésité aux fins de la présente affaire.
[346] L'Office a fait appel au professeur Katzmarzyk, expert en obésité et en biostatistique, pour qu'il analyse les éléments de preuve dont l'Office a été saisi sur cette question.
Prévalence de l'obésité au Canada
[347] Les professeurs Allison et Katzmarzyk reconnaissent que l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ci-après l'ESCC), qui reposait sur des données recueillies en 2004, renferme les données les plus récentes sur la prévalence de l'obésité au Canada17.
Classification | Pourcentage de la population adulte | Nombre de personnes |
Total |
23 |
5 538 000 |
---|---|---|
Obésité, classe I |
15,2 |
3 656 000 |
Obésité, classe II |
5,1 |
1 231 000 |
Obésité, classe III |
2,7 |
651 000 |
[348] Dans son premier rapport, le professeur Allison soutient que chacune des études canadiennes ou américaines sur les niveaux d'obésité, basées sur la taille et le poids mesurés, fait état d'une augmentation des taux d'obésité au cours des dernières décennies et que les taux d'obésité seront encore plus élevés au cours des 10 prochaines années. Il s'est référé à une étude18 qui a conclu que d'ici 2020, 35 à 45 pour cent de la population américaine âgée de 50 à 69 ans seront obèses, tout en précisant qu'il n'y avait pas d'études semblables au Canada.
[349] En réponse, le professeur Katzmarzyk fait mention, dans son rapport, que même si plusieurs études portent sur des tendances temporelles en matière d'obésité au Canada, aucune d'entre elles n'utilise des tendances antérieures pour prédire des taux d'obésité dans l'avenir. Toutefois, il fournit les taux estimatifs ci-dessous concernant la prévalence prévue de l'obésité chez les adultes au Canada, ayant tenu compte de l'augmentation de la prévalence de l'obésité et de l'augmentation prévue de la taille générale des Canadiens : 25 pour cent de la population adulte sera obèse en 2010, 30 pour cent en 2025 et 39,2 pour cent en 2050. Le professeur Katzmarzyk critique également l'utilisation de tendances antérieures pour établir des prévisions sur les taux futurs d'obésité, puisqu'on présume ainsi que ces tendances dans les taux d'obésité vont se maintenir dans l'avenir et que les efforts d'intervention seront inefficaces.
Nombre de personnes ayant une déficience en raison de leur obésité au Canada
[350] L'Office accepte le taux de prévalence de l'obésité dont ont convenu les professeurs Allison et Katzmarzyk. L'Office fait état également des commentaires du professeur Katzmarzyk quant à la prévalence estimative future de l'obésité, et en particulier la prévalence à la hausse de l'obésité chez les adultes au Canada. Toutefois, il estime qu'il est impossible de prédire l'incidence de ce phénomène sur la question à l'étude. L'Office note également les mesures déjà prises par les transporteurs en cause, comme l'installation de sièges additionnels munis d'appuis-bras amovibles, reconnaissant ainsi que ce ne sont pas tous les clients qui peuvent prendre place facilement dans un siège. Il se peut que les fabricants de sièges et les transporteurs soient appelés à trouver d'autres solutions dans l'avenir. Comme il a déjà été mentionné, il est prévu que la très grande majorité des personnes qui sont obèses ne verront pas leur activité ou leur participation limitée dans le contexte des voyages par avion et, par conséquent, ne seront pas considérées comme des personnes ayant une déficience aux termes de la partie V de la LTC. Il faut plutôt identifier, comme population cible dans cette section, la proportion des personnes qui ont une déficience en raison de leur obésité, c'est-à-dire celles qui auront besoin d'un siège additionnel à bord d'un aéronef, en raison de leur déficience, pour voyager.
[351] En conséquence, malgré l'utilité de la prévalence présente et future de l'obésité au Canada en tant que renseignements de base aux fins de cette question, on ne peut pas s'en servir pour établir le nombre de personnes qui ont une déficience en raison de leur obésité, puisque cela est lié à la question de savoir si une personne obèse peut prendre place dans un siège à bord d'un aéronef exploité, aux fins de la présente affaire, par Air Canada et WestJet dans le cadre de leurs services aériens intérieurs.
[352] En ce qui a trait à la proportion des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité, les transporteurs en cause ont présenté des éléments de preuve provenant de deux sources, à savoir leurs systèmes de réservation et deux rapports d'expert rédigés par le professeur Allison à partir de renseignements provenant d'autres sources. En réplique, l'intervenante a produit des éléments de preuve anthropométriques et ergonomiques via son témoin expert, Mme Ringaert, ce à quoi les transporteurs en cause ont répondu par la présentation d'un troisième rapport du professeur Allison faisant état des résultats d'une étude ou d'un projet concret. L'expert de l'Office a produit deux rapports d'analyse sur les premier et troisième rapports du professeur Allison. Enfin, le document intitulé Agreed Statement of Facts Concerning South West Airlines' Customer of Size Policy a été déposé auprès de l'Office.
Données provenant des systèmes de réservation des transporteurs en cause
[353] Air Canada offre un tarif Confort ou une réduction de tarif lorsqu'un second siège est requis par un passager, dans le cadre de ses services aériens intérieurs et transfrontaliers. Cela représente une réduction de 50 pour cent des pleins tarifs pour adultes. Cette réduction ne s'applique pas aux tarifs Tango, soit les tarifs les plus réduits du transporteur.
[354] Même si WestJet a établi une politique spéciale d'attribution de sièges en vertu de laquelle les passagers peuvent réserver des sièges additionnels pour des raisons de confort, elle n'offre pas de tarif réduit pour l'achat d'un siège additionnel.
[355] Les deux transporteurs en cause ont indiqué que des mesures spéciales d'accommodement sont offertes à cette catégorie de personnes ayant une déficience à l'aéroport, le jour même du voyage, selon lesquelles les coefficients d'occupation permettent d'attribuer un siège vide additionnel à une personne qui ne peut prendre place dans un seul siège et ce, sans frais.
[356] Air Canada mentionne que sa politique sur l'utilisation d'un tarif Confort peut servir à répondre aux besoins des personnes qui ont une déficience en raison de leur obésité, en leur permettant de réserver un siège additionnel et de profiter d'une réduction de 50 pour cent du plein tarif, mais que l'utilisation de sa politique ne se limite pas aux personnes obèses. À titre d'exemple, Air Canada fait mention d'une personne qui avait besoin d'un second siège pour le transport d'un instrument de musique. Par ailleurs, le transporteur affirme que son système de réservation ne fait pas le suivi du nombre des personnes qui demandent le tarif Confort, du nombre de passagers qui ont une déficience en raison de leur obésité et qui ont besoin d'un siège additionnel pour eux et, en particulier, du nombre de ces personnes à qui des mesures spéciales d'accommodement sont offertes à l'aéroport, la journée même du voyage.
[357] Pour sa part, WestJet a précisé que d'après son système de réservation, 473 passagers ont demandé de se prévaloir de sa politique spéciale d'attribution de sièges en 2004. Cela dit, le système ne représente pas une source fiable de données pour déterminer le nombre de personnes ayant une déficience en raison de leur obésité, dans la mesure où les résultats produits par ce système ne se limitent pas aux personnes obèses et n'incluent pas les personnes qui ont une déficience en raison de leur obésité et à qui le transporteur offre des mesures spéciales d'accommodement à l'aéroport, la journée du voyage.
Estimations des transporteurs en cause quant au nombre de personnes ayant une déficience en raison de leur obésité, à partir des données autres que les réservations
[358] D'après les transporteurs en cause, leurs systèmes de réservation ne sont pas des sources fiables de renseignements en vue de déterminer le nombre de personnes ayant une déficience en raison de leur obésité. De ce fait, ils ont utilisé d'autres sources de données et de renseignements pour établir ces estimations.
[359] L'expert des transporteurs en cause, le professeur Allison, a produit deux rapports conçus pour fournir une estimation du nombre de personnes ayant une déficience en raison de leur obésité :
Dans son premier rapport d'expert19, daté du 28 novembre 2005, le professeur Allison a établi un certain nombre de prévisions concernant le nombre de personnes qui pourraient profiter d'une politique 1P1T, en prenant en considération la largeur des sièges à bord des aéronefs et le pourcentage des passagers qui seraient admissibles en raison de leur corpulence, c'est-à-dire les personnes pour qui une ou plusieurs des cinq mesures de la largeur (épaules, hanches, tailles, fesses et cuisses) dépassent les dimensions limites des sièges d'aéronef, soit la distance entre les appuis-bras. Voici ces constatations :
Largeur du siège/Dimension limite (en po) | Largeur du siège/Dimension limite (en cm) | Pourcentage des passagers admissibles en raison de leur corpulence |
---|---|---|
16 po |
40,64 cm |
32,6 % |
16,5 po |
41,91 cm |
19,7 % |
17 po |
43,18 cm |
10,6 % |
17,5 po |
44,45 cm |
4,7 % |
18 po |
45,72 cm |
1,9 % |
Dans son second rapport, daté du 1er juin 2006, le professeur Allison a fourni des estimations quant à la proportion de la population qui pourrait être admissible à un siège additionnel en raison de la corpulence seulement, et non pas d'un indicateur de déficience. Le but visé était d'éviter la double comptabilisation de ceux qui pourraient avoir une déficience en raison de leur obésité et être admissibles à cause de leur corpulence et les passagers ayant un autre type de déficience. Encore une fois, le professeur Allison a procédé à une analyse des données de l'enquête NHANES III de 1991 aux É.-U., cette fois-ci afin de déterminer combien de personnes pourraient avoir une déficience fonctionnelle autre que celle reliée à leur corpulence.20 À partir de ce chiffre, il a estimé que de 20,69 à 33,06 pour cent de la population serait en mesure de demander un siège additionnel à bord des aéronefs munis de sièges de 17 pouces de largeur. Il ajoute que cette estimation représente une analyse non pondérée, c'est-à-dire que chaque sujet est compté une fois seulement ou dont la contribution correspondant à la quantité d'information qu'il offre. Ainsi, le professeur Allison a conclu que la majorité des personnes admissibles en raison de leur corpulence sont obèses.
[360] Le professeur Allison fait état de deux points faibles de son analyse :
- Son analyse reposait sur une hypothèse selon laquelle tous les contours du corps sont des circonférences et que la largeur des personnes ne s'étale pas lorsqu'elles prennent place dans un siège, ce qu'il a reconnu comme étant inexact.
- Dans la plupart des cas, les personnes ont tendance à minimiser les conditions qui leur imposent un trouble stigmatisant, si bien que les enquêtes où il est demandé aux participants s'ils ont besoin d'un siège additionnel lorsqu'ils voyagent par avion peuvent sous-estimer de façon prononcée la proportion des personnes qui répondraient dans l'affirmative, si le siège additionnel était fourni sans frais.
[361] Mme McKay-Panos affirme que l'information fournie au professeur Allison se veut une tentative de surestimer le nombre des passagers obèses qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience. Elle explique qu'aucun des aéronefs des transporteurs en cause n'est muni de sièges de 16 pouces ou de 16,5 pouces; or, il s'agit des largeurs de sièges utilisées par le professeur Allison selon l'échantillon de commodité discuté aux paragraphes 377 et 378. L'intervenante fait observer que les transporteurs en cause ont demandé au professeur Allison d'utiliser ces largeurs de siège, soit 16 pouces et de 16,5 pouces, et ce même si un témoin d'Air Canada a mentionné, dans son témoignage en juin 2005, que le siège le plus étroit offert par Air Canada mesurait environ 17 pouces.
[362] En réponse aux premiers rapports du professeur Allison, le professeur Katzmarzyk mentionne que même si les contours du corps ne sont pas des circonférences, ils fournissent des approximations raisonnables. Il reconnaît, à l'instar du professeur Allison, que l'utilisation des données sur les adultes provenant de l'enquête NHANES III des É.-U. représente la meilleure solution, en l'absence de données canadiennes. Toutefois, il juge que l'hypothèse du professeur Allison selon laquelle la largeur biacromiale (distance entre les épaules) doit correspondre à la largeur du siège (distance entre deux appuis-bras) est fausse, puisqu'elle donne lieu à une surestimation du nombre de passagers admissibles dont les dimensions corporelles excéderaient les dimensions des sièges, y compris de nombreuses personnes qui ne sont pas obèses et qui, de ce fait, ne font pas partie de la population cible, du fait qu'elles ne seraient pas admissibles aux avantages d'une politique 1P1T.
[363] Le professeur Katzmarzyk a mené une analyse et a constaté ce qui suit :
- La proportion de la population dont les dimensions corporelles dépasseraient les valeurs limites de siège, à partir de la largeur des épaules, représente le groupe le plus important de personnes dont les mensurations excéderaient les dimensions de siège;
- Le pourcentage d'hommes admissibles en raison de leur corpulence est plus élevé que celui des femmes;
- La largeur des épaules représente le principal obstacle, pour les hommes, lorsqu'il s'agit de prendre place dans un siège à bord d'un aéronef alors que pour les femmes, il s'agit du tour de cuisse et des fesses;
- Même si les critères d'admissibilité basés sur la corpulence font en sorte que toute dimension corporelle peut dépasser les valeurs limites de la largeur des sièges, la contribution des dimensions n'est pas la même du fait qu'il y a plus d'hommes que de femmes dont les dimensions excèdent celles des sièges d'aéronef en raison de la largeur des épaules, et dans certains cas les hommes n'étaient pas obèses.
[364] Par conséquent, le professeur Katzmarzyk s'est livré à une nouvelle analyse des données de l'enquête NHANES III menée aux É.-U., par catégorie de poids (poids insuffisant, poids normal, excès de poids, obésité). Il a constaté qu'un nombre important de personnes non obèses excèdent la largeur d'un siège d'aéronef de 17 pouces lorsque la largeur des épaules est incluse dans les critères d'admissibilité. Pour déterminer le nombre des personnes qui sont obèses et qui excèdent la largeur d'un siège d'aéronef, le professeur Katzmarzyk a cherché à obtenir d'autres renseignements sur les dimensions des sièges utilisés par les transporteurs en cause. À partir des renseignements fournis, les analyses ont été répétées au moyen des limites supérieures et inférieures des dimensions de siège fournies.
[365] À partir de cette nouvelle analyse, le professeur Katzmarzyk a conclu que si l'on prend en considération la largeur véritable des sièges des compagnies aériennes mesurés à la hauteur des épaules, entre 1 et 2,4 pour cent des adultes au Canada seulement sont obèses et excéderaient les dimensions des sièges. Voici ces constatations :
Hommes |
Femmes |
Les deux |
|
Air Canada et WestJet |
|||
Valeur inférieure |
1,2 |
3 |
2,1 |
Valeur supérieure |
0,5 |
1,5 |
1 |
Air Canada Jazz |
|||
Valeur inférieure |
1,8 |
3 |
2,4 |
Valeur supérieure |
1,7 |
2,6 |
2,1 |
[366] Le professeur Allison a reconnu son erreur lorsqu'il a mentionné que la largeur des sièges mesurés entre les deux appuis-bras serait une mesure valide de la largeur du siège à la hauteur des épaules. Il s'est par la suite rallié à l'analyse et aux constatations du professeur Katzmarzyk. L'avocat des transporteurs en cause a mentionné que la proportion de 1 à 2,4 pour cent de la population déterminée par le professeur Katzmarzyk comme étant admissible en raison de leur corpulence représente le nombre de personnes qui ne pourraient prendre place dans leur siège et le nombre minimal de ceux qui pourraient avoir des plaintes sérieuses.
[367] Le professeur Allison a reconnu que les constatations qu'il a formulées dans son deuxième rapport devaient être modifiées, vu son acceptation des conclusions du professeur Katzmarzyk. Cela dit, une version révisée du rapport n'a pas été déposée auprès de l'Office.
[368] Les transporteurs en cause ont en dernier ressort révisé leur position, et l'avocat a mentionné, dans son plaidoyer final, qu'il est raisonnable de présumer que le nombre de personnes obèses qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience correspond à 2 pour cent des adultes canadiens, pour les raisons suivantes :
- La largeur de tous les sièges à bord des aéronefs WestJet est de 17,2 pouces entre les appuis-bras, ce qui correspond à la valeur inférieure des dimensions de siège utilisées par le professeur Katzmarzyk. Cela signifie qu'un peu plus de 2 pour cent de la population ne peut pas utiliser ces sièges;
- Les sièges des aéronefs d'Air Canada ont une largeur de 17,33 pouces ou moins dans une proportion de 57 pour cent et de 17,77 pouces ou plus dans une proportion de 43 pour cent, ce qui signifie qu'un peu moins de 2 pour cent de la population ne peut les utiliser.
[369] D'après l'avocat des transporteurs en cause, les 2,7 pour cent des adultes canadiens qui font partie de la catégorie d'obésité la plus élevée (classe III), ou ceux ayant une obésité morbide ou sévère, représentent un contrôle d'intégrité utile de la proportion précitée de 2 pour cent.
[370] D'un autre côté, les demandeurs ont fait valoir que la proportion de 0,5 pour cent des adultes ayant une déficience au Canada constitue une estimation raisonnable de la population cible des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience.
[371] La position des demandeurs repose sur le témoignage de M. Lewis, selon qui les seuls éléments de preuve qui figurent au dossier à propos du nombre de personnes ayant une déficience en raison de leur obésité proviennent du rapport produit par l'experte des demandeurs, Mme Furrie, qui indique que 0,5 pour cent des adultes canadiens ayant une déficience ont déclaré que l'obésité est leur affection incapacitante principale ou secondaire dans l'EPLA de 2001. M. Lewis explique que ce taux repose sur l'hypothèse voulant qu'une politique 1P1T s'applique aux personnes obèses au sein de la population des personnes ayant une déficience, et non pas de la population en général.
[372] M. Lewis soutient que les éléments de preuve fournis par Southwest Airlines (voir paragraphe 344 ci-dessus) appuient l'utilisation du taux de 0,5 pour cent de Mme Furrie. Il fait référence au document intitulé Agreed Statement of Facts Concerning South West Airlines' Customer of Size Policy qui mentionne que, d'après Southwest Airlines, moins de la moitié de 1 pour cent (0,5 pour cent) de ses passagers sont admissibles à la politique concernant les clients corpulents.
[373] L'intervenante soutient que les seuls éléments de preuve ayant une certaine utilité pour déterminer le nombre des personnes obèses qui auraient besoin d'un siège additionnel lorsqu'elles voyagent par avion proviennent de Southwest Airlines. Selon l'expérience de ce transporteur, dans le cas des sièges ayant une largeur de 17,25 pouces mesurés entre les appuis-bras, moins d'un demi de 1 pour cent des passagers sont admissibles en raison de leur corpulence. En outre, moins de 2 pour cent de ce taux de 0,5 pour cent des passagers finissent par payer un second tarif. Southwest Airlines indique que l'utilisation de l'accoudoir représente une méthode opérationnelle simple pour déterminer le critère. D'après l'intervenante, la population au Canada qui serait admissible en raison de la corpulence serait moins élevée du fait que les taux d'obésité actuels aux É.-U. sont d'environ 30 pour cent supérieurs à ceux du Canada.
Données ergonomiques et anthropométriques
[374] Concernant la question du lien qui existe entre les dimensions des sièges d'un aéronef et la taille d'une personne, l'intervenante a retenu les services d'une experte en conception universelle, plus précisément en anthropométrie, Mme Ringaert. Cette dernière a soumis un rapport le 21 juillet 2006 sur la question de savoir si les personnes peuvent prendre place dans un siège.
[375] Selon le rapport de Mme Ringaert, le professeur Allison laisse entendre que le pourcentage de Canadiens dont la largeur est supérieure à celle d'un siège d'aéronef est très élevé et ce, même si à son avis, les méthodes mathématiques utilisées par le professeur Allison ne lui permettent pas de faire des prévisions quant au nombre de personnes qui ne seraient pas en mesure de prendre place dans un siège d'aéronef.
[376] Mme Ringaert fait observer qu'un des problèmes propres à l'utilisation d'un modèle mathématique pour établir de telles prévisions tient à ce qu'une personne réelle et sa façon de fonctionner dans des circonstances particulières n'ont pas été observées, ce qui signifie que des oublis peuvent se produire ou de fausses hypothèses être formulées. Mme Ringaert ajoute que dans ses conclusions, le professeur Allison présume que tous les contours du corps sont des circonférences, ce qui selon elle posent un problème du fait qu'une personne se compose de tissus mous, qui peuvent perdre de leur volume et se déformer, facteurs qui ne peuvent être intégrés dans un modèle mathématique. Par exemple, Mme Ringaert fait mention de la conception d'un appui-bras amovible grâce auquel les personnes dont les hanches sont plus larges que la distance qui séparent les appuis-bras peuvent prendre place dans les sièges.
[377] D'après Mme Ringaert, les études anthropométriques et ergonomiques sont trop peu nombreuses sur les personnes qui sont obèses par définition et sur celles qui ont ce problème et qui veulent prendre place dans un siège d'aéronef. De fait, la plupart des études anthropométriques et ergonomiques se penchent sur les personnes de taille moyenne qui sont âgées de 20 à 40 ans et traitent rarement des personnes obèses, des personnes ayant une déficience et des personnes âgées, d'où la difficulté d'établir des prévisions quant au pourcentage des personnes qui sont obèses et qui auraient besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience. Elle conclut que de nouvelles études doivent être menées au moyen de méthodes plus exactes et qu'un mécanisme pratique doit être mis au point pour identifier les personnes admissibles à une mesure d'accommodement, d'un point de vue économique et tout en respectant la vie privée et la dignité des personnes obèses.
[378] En réponse au rapport de Mme Ringaert, le professeur Allison a rédigé un troisième rapport, qui décrit en détail un projet de recherche qu'il a mené pour vérifier l'ajustement et le confort des sièges. Pour ce faire, il a étudié des personnes en situation réelle dont les dimensions corporelles variaient considérablement et alors qu'elles prenaient place dans des sièges d'aéronef.
[379] Le projet a porté sur un échantillon de 50 adultes qui montre une vaste distribution de formes humaines, d'origines ethniques et d'âges, dans les environs de l'Université d'Alabama, à Birmingham. Le but visé n'était pas de créer un échantillon qui serait représentatif de la population en général. Il a mentionné, dans son rapport, que des mesures anthropométriques ont été prises, notamment le poids, la taille, la largeur biacromiale, la largeur biiliaque, le tour de taille, les fesses et le tour de cuisse. Après quoi, les participants ont pris place dans des sièges d'aéronef21 qui avaient été amenés en laboratoire et ils ont été appelés à répondre à un questionnaire sur la possibilité pour eux de prendre place dans un siège et d'en sortir facilement, ainsi que sur le niveau de confort immédiat et celui qu'ils auraient après avoir été assis pendant deux heures et demie. Un observateur a noté sa perception de la capacité du participant de prendre place dans le siège et d'en sortir ainsi que son degré de confort immédiat et celui auquel il s'attendrait après deux heures et demie. Selon le professeur Allison, les participants ont manqué d'objectivité dans la perception de leur capacité de prendre place facilement dans le siège et de le quitter, si bien que les données à cet égard n'ont pas été analysées, mais seulement celles concernant la perception de l'observateur. Le professeur Allison a conclu que selon les perceptions des observateurs, la proportion estimative des personnes au sein de la population qui ne pourraient pas prendre place dans un siège d'aéronef pourrait atteindre 90 pour cent des personnes obèses.
[380] Le professeur Katzmarzyk a examiné le troisième rapport du professeur Allison et a conclu que son étude sur la question des dimensions de siège n'a pas fourni de renseignements utiles ou pertinents sur la question à l'étude. Il a soulevé des points sur :
- la façon dont l'étude a été menée;
- le fait que les observateurs n'étaient pas sans connaître l'objet de l'étude;
- les lacunes dans la normalisation des sièges;
- le manque d'information sur les résultats des analyses de régression logistiques, si bien que de nombreuses sources de variations n'ont pas été prises en considération;
- la taille trop petite de l'échantillon et le fait qu'il n'est pas représentatif de la population dans son ensemble;
- le fait qu'aucun renseignement n'est fourni sur l'origine ethnique, ce qui aurait pu aider à évaluer les différences entre l'échantillon américain et la population canadienne;
- le caractère subjectif de certaines des mesures utilisées dans l'étude;
- et le fait que les résultats n'ont pas été interprétés ou discutés de façon satisfaisante.
[381] Les transporteurs en cause disposent de politiques officielles et de pratiques spéciales pour prendre des mesures d'accommodement pour les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité, de façon à leur fournir le siège additionnel dont elles ont besoin pour voyager par avion. Cela dit, Air Canada n'est pas en mesure de préciser le nombre de personnes qui ont demandé des mesures d'accommodement ou qui ont été l'objet de telles mesures en vertu de sa politique ou de ses pratiques, tandis que WestJet n'a fourni des données que pour une période d'un an et n'a pu confirmer la proportion des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité qui ont demandé des mesures d'accommodement en vertu de sa politique « 1 personne - 2 sièges ».
[382] L'Office accepte les éléments de preuve des professeurs Allison et Katzmarzyk, selon qui aucune donnée canadienne ne permet de répondre directement à la question de savoir combien de personnes ont une déficience en raison de leur obésité et auraient besoin d'un siège additionnel pour voyager par avion pour cette raison.
[383] L'Office prend note également du fait que les experts en obésité se sont basés uniquement sur la population adulte pour calculer le nombre de personnes qui ont une déficience en raison de leur obésité et qui auraient besoin d'un siège additionnel pour cette raison. L'Office considère cette position comme étant raisonnable. Il fait observer que les experts en obésité font référence à des statistiques qui définissent la population adulte comme étant composée de personnes âgées de 20 ans et plus ou bien de 18 ans et plus. L'Office constate également que les données de Statistique Canada sont répertoriées par groupe d'âge quinquennal. De ce fait, l'Office utilisera les données portant sur les personnes âgées de 20 ans et plus pour représenter la population adulte. Par conséquent, l'estimation de l'Office sera basée sur un taux de 75,7 pour cent du total de la population canadienne de 32,3 millions de personnes en 2005, c'est-à-dire 24,4 millions.22
[384] Les transporteurs en cause ont commencé par affirmer qu'une proportion variant de 1,9 à 32,2 pour cent de la population adulte canadienne serait admissible aux avantages d'une politique 1P1T. Toutefois, cette position a été retirée ultérieurement lorsque l'expert de l'Office, le professeur Katzmarzyk, a déposé un rapport portant sur les fausses hypothèses du professeur Allison pour établir cette échelle. Il est évident que la première position des transporteurs en cause, mise de l'avant par le professeur Allison, était une grave surévaluation de la proportion de personnes qui ont une déficience en raison de leur obésité.
[385] Par la suite, le professeur Katzmarzyk a corrigé les fausses hypothèses et le raisonnement erroné du professeur Allison et s'est penché sur son analyse, pour en arriver à une proportion de 1 à 2,4 pour cent de la population adulte canadienne qui est obèse et dont la taille excède les dimensions des sièges, à partir des sièges utilisés par les transporteurs en cause dont la largeur varie de 17 à 17,8 pouces. Les transporteurs en cause et leur expert ont fini par reconnaître que cette proportion était appropriée.
[386] Plus tard, l'avocat des transporteurs en cause a laissé entendre, dans son plaidoyer final, qu'une proportion estimative moyenne de 2 pour cent de la population adulte canadienne serait raisonnable, dans la mesure où les sièges de WestJet ont tous une largeur de 17,2 pouces, ce qui signifie qu'un peu plus de 2 pour cent de la population ne pourrait y prendre place. Dans le cas d'Air Canada, 57 pour cent des sièges ont une largeur de 17,3 pouces ou moins et 43 pour cent, de 17,7 pouces ou plus, ce qui signifie qu'un peu moins de 2 pour cent de la population ne pourrait y prendre place.
[387] L'Office prend note des diverses dimensions de sièges utilisés dans les aéronefs des transporteurs en cause et précise que les témoins experts ont reconnu qu'une augmentation de la largeur des sièges amène une diminution du nombre de personnes qui ne pourraient y prendre place est à prévoir.
[388] Toutefois, l'Office prend note de l'important problème concernant l'utilisation des données provenant de l'enquête NHANES III des É.-U., problème qu'ont reconnu les professeurs Allison et Katzmarzyk, c'est-à-dire que les mesures utilisées dans cette enquête représentent les circonférences réelles de diverses parties du corps qui ont été mesurées lorsque la personne était en position debout. L'Office a entendu des preuves selon lesquelles ces mesures ne correspondent pas aux dimensions du corps humain en position assise et, de ce fait, ne tiennent pas compte de ce que le tissu mou s'étale ou se contracte. L'Office accepte l'observation des demandeurs selon qui, en se basant sur la méthodologie utilisée par les professeurs Allison et Katzmarzyk, dès que le corps d'une personne touche les appuis-bras, on considérerait que sa taille excède la largeur du siège et ce, malgré que la plupart des appuis-bras sont amovibles. L'Office note aussi que Mme Ringaert, experte notamment en ergonomie, a déclaré, sous serment, que la plupart des personnes d'une certaine taille relèveraient les appuis-bras pour prendre place dans le siège. De ce fait, l'Office reconnaît que le nombre des personnes dont la circonférence est supérieure à la largeur des sièges d'un aéronef pourrait donner lieu à une surévaluation du nombre de celles qui ne pourraient prendre place dans les sièges.
[389] Même si Mme Ringaert a indiqué qu'il faudrait mener des études anthropométriques dynamiques pour être en mesure d'estimer de façon précise la proportion des personnes obèses qui ne pourraient prendre place dans un siège d'aéronef, l'étude du professeur Allison sur ce point, décrite en détail dans son troisième rapport, présentait d'importants problèmes sur le double plan de la méthodologie utilisée et des données observées dans l'échantillon de personnes obèses et de personnes non obèses dans le cadre de son étude. De fait, le professeur Katzmarzyk a précisé que selon cette étude :
- les différences entre l'échantillon global et celui des personnes obèses pour un siège d'un transporteur donné sont minimes (inconfort léger et grave);
- les personnes obèses semblent avoir un degré d'inconfort légèrement plus élevé dans les sièges du transporteur WestJet que dans ceux d'Air Canada;
- la proportion de l'échantillon global et celui des personnes obèses qui vivent un grave inconfort (ce qui voudrait dire qu'elles ne peuvent prendre place dans le siège) est faible;
- ces résultats font directement contraste avec la conclusion du professeur Allison, selon qui 90 pour cent de la population obèse ne peut peut-être pas prendre place dans les sièges des compagnies aériennes.
[390] À partir de cette critique, il est évident que le confort, objet de cette étude, ne représente pas un facteur déterminant quant à la question de savoir si les personnes ont une déficience en raison de leur obésité du fait qu'elles ne peuvent pas prendre place dans un siège d'aéronef.
[391] Selon les demandeurs, la proportion de 0,5 pour cent de la population canadienne ayant une déficience représente un chiffre plus raisonnable, en ce qui concerne la population cible des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité et qui serait admissible aux avantages d'une politique 1P1T. L'Office reconnaît l'expertise de Mme Furrie, experte des demandeurs, pour ce qui est de son travail dans les statistiques sur les déficiences. C'est une experte de Statistique Canada qui a mené l'enquête ESLA, et son expertise dans le développement et la collecte de données sur les déficiences est reconnue à l'échelle internationale. Toutefois, l'Office se doit d'équilibrer cette expertise et le fait selon lequel la proportion de 0,5 pour cent à laquelle elle est arrivée ne représente pas la déficience par rapport à la possibilité de prendre place dans un siège d'aéronef.
[392] L'Office note et accepte le témoignage du professeur Allison concernant la tendance des personnes obèses, en tant que membres d'une population stigmatisée, à ne pas décrire leur état en entier, si bien qu'il est probable que le taux de 0,5 pour cent de Mme Furrie est trop élevé pour représenter la valeur inférieure d'une échelle de probabilité raisonnable pour l'estimation de ce groupe de personnes.
[393] Cependant, l'Office fait observer que l'expérience des transporteurs en cause a tendance à appuyer le caractère raisonnable de la position des demandeurs selon qui le nombre de personnes faisant partie de cette population cible serait peu élevé. S'il y avait beaucoup de demandes de mesures d'accommodement ou si les conséquences de ces mesures d'accommodement étaient importantes pour les transporteurs en cause, on pourrait présumer que ceux-ci exerceraient un suivi de ces données.
[394] Par ailleurs, la position des demandeurs semble aussi être conforme à l'expérience de Southwest Airlines, décrite au paragraphe 344 ci-dessus, selon qui moins de la moitié de 1 pour cent de ses passagers sont admissibles à des mesures d'accommodement en vertu de sa politique sur les clients corpulents. Cette politique repose sur une largeur de siège de 17,2 pouces, soit la distance entre les appuis-bras abaissés. C'est aussi la même largeur que celle de tous les sièges de WestJet et une largeur inférieure à celle d'au moins 43 pour cent des sièges d'Air Canada. En outre, l'Office fait observer que les taux d'obésité sont de 30 pour cent plus élevés, règle générale, aux É.-U. qu'au Canada, si bien que les chiffres mentionnés par Southwest Airlines sont peut-être surévalués dans le contexte canadien. Selon l'Office, les éléments de preuve de Southwest Airlines doivent être examinés attentivement, et l'Office doit les privilégier dans cette instance lorsqu'il s'agit d'équilibrer les opinions et les hypothèses des autres experts, qui n'ont pas l'expérience de Southwest Airlines, seul transporteur nord-américain d'importance qui administre une variante d'une politique 1P1T pour des mesures d'accommodement destinées aux personnes ayant une déficience en raison de leur obésité.
[395] Cela dit, même s'il est évident que le nombre exact de personnes considérées comme ayant une déficience en raison de leur obésité et ayant droit aux avantages d'une politique 1P1T est lié aux dimensions des sièges utilisés de temps à autre par les transporteurs en cause, l'Office considère comme raisonnable la proposition de ces derniers voulant que la proportion de 2 pour cent est une estimation raisonnable et probablement très suffisante du nombre de ces personnes, pour le calcul des coûts généraux des mesures d'accommodement dont il est question dans cette instance à partir des sièges qui sont actuellement utilisés. Le professeur Katzmarzyk, pour sa part, s'est basé sur le nombre de sièges utilisés par les transporteurs en cause et leurs dimensions pour arriver à une proportion de 1 à 2,4 pour cent. Les transporteurs en cause ont proposé d'utiliser un taux moyen de 2 pour cent à partir de la répartition des sièges au sein des parcs d'aéronefs, et l'Office est d'avis qu'en l'absence d'éléments de preuve corroborant une valeur se situant à l'une des extrémités de cette échelle, cela représente une estimation raisonnable dans ce contexte.
[396] En résumé, l'Office prend note de la proposition des transporteurs en cause d'utiliser la proportion de 2 pour cent de la population adulte canadienne, en tant qu'estimation raisonnable du nombre de personnes qui peuvent avoir une déficience en raison de leur obésité aux fins des services aériens intérieurs des transporteurs en cause. L'Office est d'avis que ce chiffre est probablement une surestimation du nombre réel puisqu'il repose sur des circonférences mentionnées dans l'enquête NHANES III menée aux É.-U. et représente le pourcentage de la population adulte canadienne dont une partie du corps excède la distance qui existe entre les appuis-bras abaissés de sièges. Toutefois, l'Office est disposé à l'accepter en reconnaissant qu'il s'agit là d'une estimation généreuse de cette population cible aux fins du calcul du coût des mesures d'accommodement.
(ii) Personnes ayant d'autres déficiences
[397] De l'avis de l'expert des demandeurs, en l'occurrence M. Lewis, le nombre de personnes au sein de cette catégorie est infime et est donc non pertinent. Les transporteurs en cause n'ont pas contesté cette position et n'ont fourni aucun élément de preuve au sujet de cette catégorie de personnes ayant une déficience et ce, même s'ils représentent les parties qui auraient une expérience des besoins en matière de mesures d'accommodement pour ce groupe. Il est raisonnable de croire que si les transporteurs en cause avaient eu beaucoup d'expérience à ce dernier égard, ils auraient à tout le moins fourni des exemples à ce sujet ou à tout le moins soulevé des questions au sujet de la position de M. Lewis. Par conséquent, selon les éléments de preuve au dossier, l'Office accepte la position des demandeurs suivant laquelle il n'est pas nécessaire d'établir une estimation distincte du nombre de personnes au sein de cette catégorie qui ont besoin d'un siège additionnel pour elles-mêmes. Ainsi, l'Office ne traitera pas des personnes ayant d'autres déficiences dans sa décision.
Facteur de fréquence no 2 - La propension à voyager de la population cible
[398] Le second élément d'importance dans le calcul du coût des mesures d'accommodement est la proportion estimative de cette population cible qui utilise les services aériens intérieurs. L'examen qu'effectuera l'Office à cet égard a pour objet de déterminer la tendance de la population cible à utiliser les services aériens intérieurs.
[399] Pour estimer la propension à voyager dans cette instance, l'Office a réparti la population cible des personnes ayant une déficience qui pourraient être admissibles aux avantages d'une politique 1P1T entre ces catégories :
- Personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour un Accompagnateur lorsqu'elles voyagent par avion;
- Personnes ayant une déficience en raison de leur obésité qui ont besoin d'un siège additionnel pour elles-mêmes lorsqu'elles voyagent par avion.
[400] L'Office examinera séparément chacune de ces catégories de personnes ayant une déficience.
a) Propension à voyager des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour un Accompagnateur lorsqu'elles voyagent par avion
[401] Tel qu'il a été observé au paragraphe 332, dans la section portant sur le facteur de fréquence no 1, au moment de calculer le nombre de personnes ayant besoin d'un Accompagnateur, les transporteurs en cause et les demandeurs ont estimé à 18,8 pour cent la propension aux voyages par avion des personnes ayant une déficience. Les éléments de preuve soumis appuient le caractère raisonnable d'une telle estimation de la propension à voyager à l'égard de la population générale des personnes ayant une déficience; il n'est cependant pas raisonnable de fixer à ce taux la propension aux voyages des personnes ayant une déficience grave, comme celles qui font partie de la population des personnes qui sont tenues de voyager avec un Accompagnateur en vertu des tarifs des transporteurs en cause.
[402] Au paragraphe 334 ci-dessus, l'Office a déterminé qu'il acceptait le taux de fréquence de 3,6 pour cent avancé par M. Lewis à l'égard des personnes ayant besoin d'un Accompagnateur malgré le problème dont il vient d'être question. Toutefois, la section qui suit porte sur l'examen effectué par l'Office de la question de ce qui est considéré comme étant une estimation pertinente de la propension à voyager de cette population cible, afin de mieux comprendre la nature de la surévaluation qu'implique le nombre des personnes qui ont besoin d'un Accompagnateur.
Position des transporteurs en cause
[403] Tel qu'il est mentionné au paragraphe 248 ci-dessus, le rapport Goss Gilroy indique que des 3,8 millions de personnes ayant une déficience au Canada en 1995, 715 000 ont voyagé par avion. Par conséquent, les transporteurs en cause estiment que la propension à voyager par avion de la population générale des personnes ayant une déficience est largement admise comme étant de 18,8 pour cent.
[404] L'expert des transporteurs en cause, le professeur Lazar, a comparé cette constatation à la propension à voyager par avion de la population canadienne générale et considère que le taux de 18,8 pour cent est approprié, puisqu'il considère que le tiers environ de la population canadienne, soit 10 millions de personnes environ, utilisent l'avion.
Position des demandeurs
[405] La position des demandeurs est la suivante : il est généralement reconnu que les personnes ayant une déficience voyagent 50 pour cent moins que la population générale et que pour les personnes ayant une déficience grave, la propension à voyager est beaucoup moins importante que celle de la population générale des personnes ayant une déficience.
[406] M. Lewis, expert des demandeurs, croit que le nombre de voyages pour l'ensemble des personnes ayant une déficience serait beaucoup plus élevé que pour celles ayant une grave déficience. D'après lui, celles-ci affichent des niveaux d'emploi et de revenu inférieurs à ceux des personnes ayant une déficience et de la population en général.
[407] Les parties et leurs experts ont considéré généralement que les personnes ayant une déficience ont une moins grande propension à voyager que la population en général. Pour l'Office, le taux de 18,8 pour cent qui représente la propension à voyager par avion, selon le rapport Goss Gilroy, soit un peu plus de 50 pour cent de la propension à voyager par avion en général au sein de la population canadienne, est une estimation raisonnable en ce qui concerne la population générale des personnes ayant une déficience. Toutefois, la sous-population dont il s'agit dans cette instance est composée de personnes qui, en raison de leur déficience, sont considérées comme non autonomes dans le contexte des services aériens intérieurs et, de ce fait, sont tenues en vertu des tarifs des transporteurs en cause de voyager avec un Accompagnateur. Ainsi, la question à déterminer est de savoir si cette population cible a la même propension à voyager par avion que la population générale des personnes ayant une déficience, ou si des facteurs viennent appuyer l'application d'un taux de propension à voyager par avion plus faible pour ce groupe.
[408] L'Office considère que la déficience des personnes de cette sous-population est plus grave par rapport à la population générale des personnes ayant une déficience, surtout dans le contexte des transports. Il s'agit de personnes dont la déficience les empêche de voir à certains besoins personnels de base (s'alimenter, prendre des médicaments et utiliser la toilette), comme les personnes quadriplégiques ou atteintes de spasticité. Pour d'autres personnes, la déficience les empêche de recevoir des instructions lors d'une évacuation d'urgence ou d'une décompression et d'y donner suite, comme les personnes malentendantes et malvoyantes ou encore celles ayant une mobilité très réduite.
[409] Il convient de noter qu'une personne non ambulatoire n'est pas nécessairement non autonome. Dans leur témoignage, les employées des transporteurs en cause, Mme Lambert et Mme Puchala, ont mentionné que d'après leur expérience, la plupart des personnes qui utilisent un fauteuil roulant ou qui sont aveugles, par exemple, sont considérées comme autonomes et voyagent sans Accompagnateur. Cela correspond à la position de l'Office sur cette question. Même si la paraplégie et la cécité sont considérées comme des déficiences moyennement graves ou graves, il convient de noter que les personnes qui en sont victimes ne font pas nécessairement partie de la population cible et n'ont pas toujours besoin d'un Accompagnateur pour utiliser l'avion. De ce fait, il est logique de présumer que les personnes faisant partie de la population cible font partie de celles qui ont une déficience grave.
[410] Ayant conclu que la population cible des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un Accompagnateur pour voyager par avion ont une déficience plus grave que la population générale des personnes ayant une déficience, l'Office se penchera sur certains éléments de preuve concernant les facteurs démographiques qui influent sur la propension à voyager de cette sous-population.
Gravité de la déficience
[411] Les éléments de preuve qui figurent au dossier appuient l'hypothèse selon laquelle les personnes ayant une déficience grave ont tendance à être moins mobiles et à voyager moins souvent que celles dont l'affection est bénigne ou modérée.
[412] Selon le rapport Goss Gilroy, des 3,8 millions de Canadiens ayant une déficience en 1995, 2,2 millions avaient une mobilité réduite, c'est-à-dire des personnes qui en raison d'un problème de santé ne peuvent pas utiliser les services de transport ou qui éprouvent plus de difficultés que la population en général à utiliser de tels services. Le rapport précise que les personnes ayant des difficultés à voyager interviennent pour 57,5 pour cent des adultes ayant une déficience. Il est évident que la population cible des personnes qui ont besoin d'un Accompagnateur pour voyager par avion fait partie de cette sous-catégorie de personnes ayant une déficience.
[413] Il a été démontré que la gravité de la déficience a un impact sur la propension à voyager dans le rapport Goss Gilroy, dans la mesure où des 17,7 pour cent de personnes ayant une déficience qui ont signalé être incapables de voyager sur de longues distances, 45,3 pour cent ont une déficience grave et 84,3 pour cent des personnes qui ne peuvent faire de tels voyages ont une déficience modérée ou grave.
[414] Au cours du contre-interrogatoire, le professeur Lazar était d'accord avec l'avocat des demandeurs pour affirmer que si les obstacles étaient plus élevés que la moyenne pour les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un Accompagnateur au sein du groupe des personnes ayant une déficience qui voyagent par avion, celles-ci voyageraient probablement moins que la moyenne, et que ce sous-groupe de personnes ayant une déficience qui est défini dans le tarif est très restreint et affiche probablement une propension à voyager moins élevée que la population générale des personnes ayant une déficience.
[415] Selon ces éléments de preuve, les personnes qui font partie de cette population cible ont une déficience grave ce qui, d'après l'Office, risque de se traduire par une propension à voyager beaucoup plus faible que la population générale des personnes ayant une déficience en raison de la nature de leur déficience.
[416] Lors de son contre-interrogatoire, le professeur Lazar a reconnu que si l'on base uniquement sur la gravité de la déficience, il est probable que ces personnes ne voyageraient pas aussi souvent que les personnes ayant une déficience. Toutefois, il a fait état d'autres facteurs, comme le revenu et l'âge.
Niveaux de faible revenu
[417] L'Office fait observer qu'au cours du contre-interrogatoire, le professeur Lazar s'est dit d'accord avec l'avocat des demandeurs, lorsque celui-ci a mentionné que si un groupe de personnes ayant une grave déficience touche un revenu relativement plus faible, cela se traduit par une réduction de la demande pour tout service, y compris les services aériens. Il a ajouté qu'à elle seule, la variable revenu aurait pour effet de réduire la propension à voyager et ce, sans égard à la gravité de la déficience. Il s'est dit d'avis également que comme le coût de la vie des personnes ayant une déficience est plus élevé, et qu'elles doivent payer des coûts additionnels que le citoyen canadien moyen qui n'a pas de déficience n'a pas à assumer, leur propension à voyager sera inférieure. Toutefois, ce facteur a été décrit comme une comparaison entre les personnes ayant une déficience et celles qui n'en n'ont pas.
[418] L'Office indique également qu'à partir des éléments de preuve qui figurent au dossier, les personnes ayant une déficience grave touchent bel et bien un revenu moindre :
-
Selon des éléments de preuve irréfutés provenant du rapport d'expert de Mme Furrie :
- 94 pour cent des personnes ayant une déficience qui ont besoin des services d'un préposé aux soins personnels pendant au moins 20 heures par jour, sept jours par semaine, ne font pas partie de la population active (employée ou à la recherche d'un emploi);
- 47 pour cent seulement des personnes ayant une déficience vivent dans un domicile dont le revenu, en 2000, était de 40 000 $ ou plus, alors que 67 pour cent de la population en général vivent dans un domicile avec un tel revenu.
- Le rapport Goss Gilroy fait état d'autres facteurs démographiques généraux concernant les personnes ayant une déficience, selon lesquels 56,7 pour cent des personnes ayant des difficultés à voyager ne font pas partie de la population active, contre 18,7 pour cent des personnes n'ayant pas de déficience et 43,4 pour cent des personnes ayant une déficience. D'autre part, les personnes qui ont des difficultés à voyager ont un revenu moins élevé, 65,8 pour cent d'entre elles touchant un revenu d'emploi inférieur à 10 000 $ par an, contre 39,7 pour cent des personnes n'ayant pas de déficience et 57,4 pour cent des personnes ayant une déficience.
[419] Compte tenu de ce qui précède, l'Office est d'avis que la gravité des difficultés qu'éprouve la population cible des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un Accompagnateur pour voyager par avion, en vertu des tarifs des transporteurs en cause, se traduit par une importante réduction de la propension à voyager par avion au sein de cette population cible. En particulier, l'Office estime qu'il est raisonnable de présumer que la propension à voyager de cette population cible est de 10 pour cent, soit un peu plus de la moitié de ce qui a été signalé pour la population générale des personnes ayant une déficience.
[420] Comme il l'a indiqué plus haut, au paragraphe 334, l'Office n'a toutefois pas l'intention de réduire le nombre des personnes qui ont besoin d'un Accompagnateur qui a été signalé par M. Lewis en fonction de la propension à voyager réduite de cette population cible, surtout qu'il n'y a pas de meilleure méthodologie pour calculer ce chiffre sans tenir compte de la propension à voyager.
b) Propension à voyager des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité et qui ont besoin d'un siège additionnel pour elles-mêmes afin de voyager par avion
Position des transporteurs en cause
[421] Les transporteurs en cause avancent que 20 pour cent de la population adulte obèse vont voyager par avion, si bien que 20 pour cent des 2 pour cent de la population adulte ayant une déficience en raison de leur obésité voyageront par avion et seront admissibles aux avantages d'une politique 1P1T. Ils se réfèrent à deux différentes sources pour appuyer ce chiffre, à savoir l'information contenue dans le rapport Goss Gilroy et les éléments de preuve de Mme Ringaert, experte de l'intervenante.
[422] Les transporteurs en cause signalent que d'après le rapport Gilroy, en 1995, 18,8 pour cent des 3,8 millions de Canadiens ayant une déficience ont voyagé par avion. Se basant par la suite sur les éléments de preuve de Mme Ringaert selon qui les personnes obèses voyageront probablement un peu plus que les autres personnes ayant une déficience (mais un peu moins que la population en général), ils en arrivent à leur hypothèse selon laquelle 20 pour cent des adultes obèses au Canada vont voyager par avion et être admissibles aux avantages d'une politique 1P1T.
[423] Les transporteurs en cause sont d'accord avec la position de Mme Ringaert, selon laquelle les personnes ayant une déficience utilisent moins l'avion que la population générale, tandis que leur expert, le professeur Lazar, a précisé que même si un tiers environ de la population canadienne, soit 10 millions de personnes en 2005, utilisent l'avion, 18 ou 19 pour cent de la population des personnes ayant une déficience seulement voyagent par avion, ce qui représentait 715 000 personnes en 1995, selon le rapport Goss Gilroy.
Position des demandeurs
[424] À partir des éléments de preuve fournis par Mme Furrie concernant les personnes ayant une déficience pour qui l'obésité est leur affection principale ou secondaire, M. Lewis a appliqué un taux de propension à voyager de 36 pour cent pour estimer la propension à voyager par avion des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité. M. Lewis a adopté cette position même s'il savait que le taux de 36 pour cent ne se limite pas au transport aérien et peut représenter une surévaluation, puisqu'il vise en grande partie les utilisateurs de l'automobile, de la fourgonnette et du camion.
[425] En particulier, l'experte des demandeurs, Mme Furrie, a précisé dans son rapport que de la moitié de 1 pour cent (0,5 pour cent) des adultes ayant une déficience qui considèrent l'obésité comme leur affection principale ou secondaire dans l'EPLA de 2001, 36 pour cent ont mentionné qu'ils avaient voyagé sur de longues distances au cours des 12 derniers mois et 64 pour cent, qu'ils n'avaient pas voyagé du tout.
[426] Mme Furrie a également déposé des éléments de preuve indiquant que dans l'EPLA, il est mentionné que 59,3 pour cent des membres de ce groupe de personnes ne font pas partie de la population active, tandis que 45,5 pour cent vivent dans un domicile dont le revenu est de 40 000 $ ou plus, alors que dans la population en général, 67 pour cent vivent dans un domicile et touchant un tel revenu. Selon elles, ces facteurs démographiques viendraient appuyer un taux de propension à voyager plus faible pour cette population comparativement à la population en général.
[427] Selon les demandeurs, le professeur Allison a reconnu, lors du contre-interrogatoire, que le taux d'un demi d'un pour cent des adultes ayant une déficience qui, selon ce qu'a rapporté Mme Furrie, ont déclaré que l'obésité représente leur affection principale ou secondaire correspondrait probablement à ceux ayant une obésité sévère, si bien qu'il serait très peu probable que le nombre de ces personnes qui affirment ne pas pouvoir voyager soit représentatif de la population en général.
[428] L'avocat des demandeurs fait valoir que leur expert, M. Lewis, a utilisé les éléments de preuve fournis par Mme Furrie concernant la propension à voyager des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité, ce qui représente une démarche appropriée compte tenu de l'expertise de celle-ci dans la collecte des données sur les déficiences, contrairement aux transporteurs en cause qui ont utilisé les éléments de preuve de Mme Ringaert, qui n'est pas une experte reconnue en matière d'obésité. L'avocat des demandeurs met donc en doute la démarche des transporteurs en cause qui ont utilisé les éléments de preuve de Mme Ringaert dans ce secteur plutôt que de se fier à l'expertise de Mme Furrie et des professeurs Allison et Katzmarzyk.
Position de l'intervenante
[429] L'experte de l'intervenante, Mme Ringaert, se réfère au rapport d'expert de Mme Furrie, et plus précisément à sa déclaration selon laquelle du nombre de personnes ayant une déficience qui ont déclaré que l'obésité est leur affection principale ou secondaire, 64 pour cent ont précisé qu'elles ne voyageaient pas. D'après elle, ce rapport représente le point de départ d'un processus de collecte des renseignements nécessaires pour rendre une décision au sujet de la propension à voyager par avion des personnes qui sont obèses. Selon elle, si 64 pour cent des personnes consultées ne voyagent pas, « il se peut que le pourcentage des personnes obèses qui seraient admissibles en raison de leur taille et qui voyagent soit très faible en réalité. » (traduction)
[430] Dans son rapport d'expert, Mme Ringaert a également fourni des éléments d'appui aux facteurs démographiques mentionnés par Mme Furrie qui auraient une incidence sur la propension à voyager par avion de cette population cible. En particulier, elle mentionne dans son rapport que le pourcentage des personnes obèses au sein de la population à faible revenu est plus élevé, que cette catégorie de personnes a plus de problèmes de santé et, par conséquent, voyagerait probablement moins que la population en général. Mme Ringaert a produit un rapport pour appuyer son observation selon laquelle le taux d'obésité est plus élevé parmi les adultes qui touchent un faible revenu et des adultes appartenant à des minorités aux É.-U. Elle a également fait référence à ses fonctions de directrice du Bureau de recherche de la School of Public Health de l'Université North Carolina, où l'obésité est une des priorités de la recherche, pour établir sa source de connaissances au sujet de la recherche et des conclusions concernant l'obésité.
[431] L'Office a constaté que les estimations quant à la propension à voyager des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité ont varié considérablement, soit de 20 pour cent de la proportion de 2 pour cent des personnes admissibles en raison de leur taille dont il est question dans le facteur de fréquence no 1 (voir paragraphe 421 ci-dessus), c'est-à-dire 97 715 personnes qui voyagent par avion, comme l'ont mentionné les transporteurs en cause, à 36 pour cent de la proportion de 0,5 pour cent des adultes ayant une déficience, c'est-à-dire 5 570 personnes qui vont voyager par avion, comme l'ont déclaré les demandeurs. Cela dit, l'Office considère qu'aucune de ces estimations n'est raisonnable pour déterminer la propension à voyager par avion des personnes qui ont une déficience en raison de leur obésité.
[432] Les transporteurs en cause ont indiqué que d'après le rapport Goss Gilroy, 18,8 pour cent des personnes ayant une déficience voyagent par avion. Si l'on tient compte du témoignage de Mme Ringaert selon qui les personnes obèses voyageraient un peu plus que les personnes ayant une déficience, les transporteurs en cause ont adopté comme position que le taux de 20 pour cent est raisonnable en ce qui concerne la propension à voyager par avion des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité au Canada et qui seraient admissibles aux avantages d'une politique 1P1T. Toutefois, sans formuler de commentaires sur l'affirmation des transporteurs en cause selon lesquels Mme Ringaert est une personne compétente dans ce secteur, l'Office est d'avis que le témoignage de cette personne ne lui est guère utile, puisqu'on lui a demandé de formuler des observations sur la propension à voyager des personnes obèses et non pas sur celles de la population cible, beaucoup plus petite, des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité. L'Office précise que le taux de 18,8 pour cent concernant la propension à voyager dans le rapport Goss Gilroy vise la population générale des personnes ayant une déficience, tandis que la sous-population visée dans la présente instance est celle des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité. Par conséquent, la question consiste à déterminer si cette population cible aura la même propension à voyager que la population générale des personnes ayant une déficience, ou s'il y a des facteurs qui appuieraient l'application d'un taux plus faible de propension à voyager par avion à ce groupe.
[433] D'après l'Office, les éléments de preuve appuient la proposition voulant que les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité se situent à l'extrémité supérieure de l'échelle d'obésité, fort probablement des personnes de la catégorie d'obésité de la classe III (des personnes dont l'IMC est de 40 et plus), c'est-à-dire ayant une obésité morbide ou sévère. Même si l'Office prend note des éléments de preuve du professeur Allison, selon qui les mesures de la circonférence aideraient probablement mieux à prédire si une personne serait en mesure de prendre place dans un siège à bord d'un aéronef, plutôt que le poids ou son IMC, il a déjà accepté l'analyse du professeur Katzmarzyk, qu'il considère comme raisonnable, sur les données de l'enquête NHANES III menée aux É.-U. qui ont permis d'estimer que de 1 à 2,4 pour cent des adultes seront des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité dans le contexte des services aériens intérieurs fournis par les transporteurs en cause. Comme la proportion des adultes appartenant à la catégorie d'obésité de la classe III se situe à 2,7 pour cent, il est raisonnable de présumer que les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité dans ce contexte feront probablement partie de la catégorie des personnes ayant une obésité sévère.
[434] En raison de cette hypothèse, il est évident que la population cible va présenter beaucoup plus de comorbidités et avoir une mobilité très réduite, si bien qu'il est raisonnable de présumer que les membres de cette population ont également des difficultés plus graves que la population générale des personnes ayant une déficience, surtout dans le contexte des transports. Par exemple, dans la décision de Calgary, l'Office a fait observer qu'à partir des éléments de preuve fournis dans cette instance par les Dr Cheskin et Lau, experts en obésité d'Air Canada, et par l'amicus curiae, respectivement, dans la partie supérieure de la fourchette (IMC 40 ou obésité morbide de la classe III), les comorbidités augmentent de façon considérable, à un point tel que cela a une incidence négative sur la qualité de vie. Ainsi, plus l'IMC d'une personne est élevé, plus grande est la probabilité que cette personne ait une déficience grave.
[435] En particulier, le Dr Lau a mentionné ce qui suit dans son témoignage concernant la décision de Calgary :
Le Dr Lau affirme que, comme chacun le sait, l'obésité entraîne des limitations fonctionnelles importantes d'une « manière qui dépend de la gravité ». Il fait observer que les limitations de mobilité peuvent résulter des demandes excessives imposées à la masse musculaire ou de changements squelettiques ou posturaux qui peuvent empêcher les personnes obèses de se livrer à des activités difficiles ou de faire des exercices. Il affirme en outre que l'obésité est associée à de nombreux problèmes de santé qui peuvent se solder par une déficience.
[436] L'Office prend note également de la déclaration suivante du membre dissident dans la décision no 567-AT-A-2002 :
Lors de l'audience à Calgary, l'Office a entendu des témoignages concernant l'impact important de l'obésité morbide sur les fonctions d'une personne. Il a alors été clairement démontré qu'en raison du nombre de problèmes médicaux et autres auxquels elles font face, les personnes qui présentent une obésité morbide ont un haut niveau de difficulté fonctionnelle. L'obésité morbide se situe à une extrémité de l'échelle [...]
[437] Ayant conclu que les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité ont une déficience plus grave que la population générale des personnes ayant une déficience, l'Office se réfère à nouveau à son analyse des facteurs démographiques concernant la propension à voyager des autres personnes ayant une déficience grave, c'est-à-dire les personnes qui ont besoin d'un Accompagnateur pour voyager par avion au Canada. L'Office est d'avis que ces facteurs sont plus pertinents à l'estimation de la propension à voyager des personnes ayant une déficience en raison d'une obésité sévère que de celle de la population générale des personnes ayant une déficience.
Gravité de la déficience
[438] Les éléments de preuve qui figurent au dossier appuient l'hypothèse voulant que les personnes qui ont plus d'incapacités ont tendance à être moins mobiles et à voyager moins que celles qui ont des problèmes légers ou modérés. D'après le rapport Goss Gilroy, 84,3 pour cent des personnes ayant une déficience qui ne peuvent pas voyager sur de longues distances ont une déficience modérée ou grave. Ces éléments de preuve démontrent que si la population cible des personnes ayant une déficience est un groupe de personnes ayant une déficience grave, ce qui d'après l'Office est probablement le cas selon la nature de la déficience, leur propension à voyager sera probablement beaucoup moins élevée que celle de la population générale des personnes ayant une déficience.
[439] Cette constatation correspond aux données incluses dans le rapport de Mme Furrie, selon lesquelles 64 pour cent de la moitié du 1 pour cent de la population des personnes ayant une déficience pour qui l'obésité est l'affection principale ou secondaire ne voyagent pas, ce qui correspond à un taux beaucoup plus élevé que celui de la population générale des personnes ayant une déficience23.
Niveaux de faible revenu
[440] L'Office fait observer que durant le contre-interrogatoire, le professeur Lazar a indiqué qu'il est d'accord avec l'avocat des demandeurs lorsque ce dernier affirme que si le groupe des personnes ayant une déficience grave touche un revenu relativement plus faible, cela indiquerait que la demande est réduite pour tout service, y compris les services de transport aérien. Il ajoute qu'à elle seule, la variable revenu aurait pour effet de réduire la propension à voyager et ce, quelle que soit la gravité de la déficience.
[441] Mme Furrie indique que selon les données de l'EPLA, de la moitié du 1 pour cent des personnes ayant une déficience pour qui l'obésité est l'affection principale ou secondaire, 59,3 pour cent ne font pas partie de la population active et 45,5 pour cent vivent dans un domicile avec un revenu de 40 000 $ ou plus, alors qu'au sein de la population en général, ce niveau de revenu correspond à 67 pour cent.
[442] Selon les éléments de preuve présentés au paragraphe 418 ci-dessus, l'Office observe que les taux d'emploi et les niveaux de revenu sont moins élevés au sein du groupe des personnes ayant une déficience grave qu'au sein de la population générale des Canadiens et celle des personnes ayant une déficience.
Existence d'obstacles aux déplacements
[443] En contre-interrogatoire, le professeur Lazar s'est dit d'accord avec l'avocat des demandeurs, lorsque ce dernier a mentionné que si les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un Accompagnateur rencontrent un nombre d'obstacles plus élevé que la moyenne au sein du groupe des personnes ayant une déficience qui voyagent par avion, il est probable qu'elles voyageraient moins en moyenne et que ce sous-groupe particulier de personnes ayant une déficience, défini dans le tarif, est très restreint et affiche probablement une propension à voyager plus faible que la population générale des personnes ayant une déficience.
[444] D'autres éléments de preuve au dossier démontrent que les personnes ayant une déficience éprouvent d'importantes difficultés lorsqu'elles voyagent par avion. L'Office fait observer que d'après le rapport Goss Gilroy, 17,7 pour cent des personnes ayant une déficience mentionnent que leur état ou des problèmes de santé les empêchent de voyager sur de longues distances.
[445] En ce qui concerne les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité, l'Office prend note de l'affirmation du professeur Allison selon qui, à l'extrémité supérieure de l'échelle d'obésité, il est plausible, même pour les hommes, que ces personnes voyagent probablement moins par avion.
[446] À la lumière des constatations de l'Office concernant la gravité de l'état des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité (voir paragraphe 434 ci-dessus), ce dernier estime que la capacité de ce sous-groupe en cause de voyager correspond davantage à celle des personnes ayant une déficience grave qui, par exemple, ont besoin d'un Accompagnateur pour utiliser l'avion.
[447] À première vue, la proportion de 36 pour cent constitue une surévaluation, compte tenu de ce qu'elle représente des voyages d'une distance de 80 kilomètres ou plus pour tous les modes de transport, et non pas seulement le transport aérien. Cette restriction est examinée en détail, dans la présente décision, au paragraphe 294 ci-dessus. D'autre part, l'Office estime que son opinion concernant la surestimation de la propension à voyager par avion peut être appuyée également par les éléments de preuve concernant les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité et probablement d'autres importantes comorbidités qui pourraient limiter leurs déplacements, leurs possibilités d'emploi et leur revenu, tous ces facteurs limitant leurs possibilités de déplacement, en particulier par avion.
[448] L'Office estime que les éléments de preuve fournis par les parties ne sont pas suffisants ou convaincants pour appuyer leurs positions respectives sur la propension à voyager par avion des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité. L'Office précise que la proportion de 20 pour cent peut représenter un taux approprié de la propension à voyager des personnes obèses de façon générale. Toutefois, en raison de ce qui précède, l'Office est d'avis qu'il s'agit là d'une importante surestimation de la propension à voyager par avion des personnes ayant une déficience grave, comme celles qui ont une déficience en raison de leur obésité, si bien que l'Office considère qu'une proportion de 10 pour cent représente un taux plus raisonnable de la propension à voyager de ce groupe de personnes.
[449] L'Office fait observer que sa conclusion est appuyée par les éléments de preuve concernant l'expérience de Southwest Airlines. L'Office a déjà déterminé, au paragraphe 391 ci-dessus, que cette expérience devrait compter pour beaucoup dans cette instance. Le document intitulé Agreed Statement of Facts Concerning South West Airlines' Customer of Size Policy indique que moins de la moitié d'un pour cent des passagers de Southwest Airlines demandent et obtiennent des mesures d'accommodement, si bien qu'ils pourraient être considérés comme ayant une déficience en raison de leur obésité. Il ne fait aucun doute que ces éléments de preuve sont les meilleurs dont dispose l'Office et qu'ils représentent ce qui se rapproche le plus d'une étude anthropométrique dynamique qui reproduit certains des autres facteurs, comme un incitatif accru à faire connaître son admissibilité en raison de l'important avantage financier qui découle de la politique de Southwest Airlines. Ils appuient la proposition voulant que la propension à voyager par avion de cette population cible en particulier sera inférieure à celle de la population générale des personnes ayant une déficience.
[450] Pour l'Office, la proportion de 20 pour cent est une surestimation de la propension à voyager par avion de la population cible des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité. La population cible dans la présente instance est celle des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité. D'après l'Office, cela représente probablement moins de 2 pour cent de la population adulte, et non pas 23 pour cent de personnes obèses au sein de la population adulte. L'Office a également déterminé que les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité ont probablement une déficience plus grave que celle de la population générale des personnes ayant une déficience, du fait qu'elles se situent à l'extrémité supérieure de l'échelle d'obésité en raison de leur mobilité réduite et d'autres comorbidités qui auront un impact important sur leur santé et qualité de vie.
[451] Par conséquent, selon l'Office, il est raisonnable de présumer que la propension à voyager de cette population cible de personnes ayant une déficience correspondra probablement à celle des personnes ayant une déficience grave, comme il l'a fait constater plus haut dans la section portant sur la gravité de la déficience débutant au paragraphe 438. L'Office estime que la propension à voyager des personnes ayant une déficience grave, y compris cette population cible, serait de 10 pour cent.
Conclusion de l'Office concernant le facteur de fréquence no 2 - propension à voyager de la population cible
[452] Même si l'Office a déterminé qu'il n'établirait pas de facteur distinct de la propension à voyager pour les personnes qui sont tenues de voyager avec un Accompagnateur et ce, malgré la constatation selon laquelle il s'agit de personnes ayant une déficience grave, dont la propension à voyager serait beaucoup moins élevée que celle de la population générale des personnes ayant une déficience, il a conclu que la propension à voyager de la population cible des personnes ayant une déficience qui seraient admissibles aux avantages d'une politique 1P1T est de 10 pour cent. Cette estimation a été calculée et appliquée à la population cible des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité.
[453] Le tableau qui suit reflète le nombre de Canadiens admissibles à une politique 1P1T qui voyagent par avion, soit les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'une siège additionnel pour leur accompagnateur et les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité qui ont besoin d'un siège additionnel, pour elles-mêmes, en raison de cette déficience.
Nombre estimatif de personnes ayant une déficience qui sont en mesure de voyager sur de longues distances et qui utilisent l'avion1 |
872 300 |
Proportion des personnes voyageant avec un accompagnateur2 |
3,6 % |
Total de la population canadienne3 |
32 270 507 |
Proportion de la population adulte au Canada4 |
75,7 % |
Proportion des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité |
2,0 % |
Propension à voyager des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité |
10,0 % |
Nombre de Canadiens admissibles à une politique 1P1T qui voyagent par avion |
80 598 |
Source :
1Voir tableau 1 (page 64)
2Voir note de bas de page 12 (page 57)
3Statistique Canada : Statistiques démographiques annuelles, 2005, catalogue no 91-213-XIB
4Voir note de bas de page 20 (page 86)
Facteur de fréquence no 3 - Nombre de voyages aériens intérieurs par année effectués par la population cible
[454] Le troisième élément d'importance pour calculer le coût des mesures d'accommodement est le nombre estimatif de voyages aériens intérieurs qui sont effectués chaque année par la population cible des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience pour utiliser l'avion.
[455] Il faut souligner que la discussion sur le taux de voyages ci-dessous se limite aux personnes qui voyagent, étant donné que l'Office a déjà inclus les personnes qui ne voyagent pas dans son calcul de la propension à voyager, dans le cadre de son évaluation de la tendance à voyager des personnes ayant une déficience.
[456] De plus, il faut souligner que la discussion sur le taux de voyages ci-dessous touche les voyages intérieurs, transfrontaliers et internationaux. Comme les demandeurs et les transporteurs en cause se sont entendus sur le fait que le taux de voyages devrait être réduit aux fins de la présente instance afin de tenir compte des voyages intérieurs seulement, l'Office a appliqué une réduction (voir la section débutant au paragraphe 483 ci-dessous) afin de limiter le calcul des coûts aux voyages intérieurs seulement.
Position des transporteurs en cause
[457] La position des transporteurs en cause était que la population touchée effectue en moyenne un peu moins de 4,94 voyages par année.
[458] Ce chiffre était basé sur les données utilisées par le professeur Lazar qui se trouvent dans le compte rendu du sondage sur l'accessibilité du transport aérien de l'Office des transports du Canada (sondage de l'OTC) de 2001. Le sondage de l'OTC comprend des données qui ont été recueillies au hasard auprès de personnes ayant une déficience dans six grands aéroports canadiens sur une période de quatre mois en 2000, afin de constituer un outil analytique pour évaluer l'impact des initiatives réglementaires sur les voyageurs ayant une déficience. Le professeur Lazar a expliqué qu'en calculant une moyenne pondérée du nombre de voyages simples effectués, il estimait que 4,94 voyages intérieurs, transfrontaliers et internationaux étaient effectués chaque année par des personnes ayant une déficience et voyageant par avion avec un Accompagnateur. Même si ce chiffre avait d'abord été proposé pour les personnes ayant une déficience qui voyagent avec un accompagnateur, le professeur Lazar et les transporteurs en cause l'ont par la suite adopté pour l'ensemble de la population cible.
[459] Les transporteurs en cause ont reconnu que les personnes ayant une déficience voyagent moins que la population générale et ils se sont basés sur un certain nombre d'hypothèses, de calculs et de comparaisons du professeur Lazar pour accepter la vraisemblance de 4,94 comme taux de voyages simples effectués par la population cible.
[460] Le professeur Lazar a d'abord calculé le taux de voyages de l'ensemble de la population (y compris les personnes qui voyagent et celles qui ne voyagent pas) et fait valoir que le nombre moyen de voyages intérieurs, transfrontaliers et internationaux effectués chaque année par les Canadiens est légèrement inférieur à 2. Il a comparé ce chiffre avec le taux de voyages d'environ 0,9 dans le cas des Canadiens ayant une déficience (là encore, y compris les personnes qui voyagent et celles qui ne voyagent pas) pour ensuite souligner que les personnes ayant une déficience ont un taux de voyages qui représente environ la moitié de celui de la population générale canadienne.
[461] Le professeur Lazar a aussi affirmé qu'en comparant le nombre de Canadiens qui voyagent par avion, qui est d'environ 10 millions de personnes, avec les données de Transports Canada qui parlent de 63 millions de passagers en 2005, on arrive à un taux de voyages annuel d'un peu plus de 6 voyages intérieurs, transfrontaliers et internationaux effectués par des Canadiens qui voyagent. Le professeur Lazar a ajouté que ce calcul correspondait (ou n'était pas contraire) au témoignage de M. Tretheway, basé sur des sondages réalisés par sa compagnie auprès de passagers dans des aéroports et des terminaux portuaires à travers le Canada qui révèlent que les personnes de la population générale qui voyagent par avion font cinq ou six voyages par année.
[462] À partir de l'information tirée du sondage d'Harris Interactive, le professeur Lazar a calculé une moyenne pondérée pour tous les modes de transport de 4,8 voyages simples effectués par les personnes ayant une déficience aux États-Unis en 2005 et de 3,8 voyages simples effectués en avion par cette même population aux États-Unis en 2005. Il était d'avis que ce résultat correspondait à son estimation de 4,94.
[463] Dans son plaidoyer final, l'avocat des transporteurs en cause a fait valoir que la différence entre le rapport marché intérieur et les marchés transfrontalier et international du Canada (40 pour cent pour le marché intérieur) et celui des États-Unis (90 pour cent pour le marché intérieur) expliquait le fait que le sondage de l'OTC et le sondage d'Harris Interactive appuyaient une conclusion d'environ 2 voyages intérieurs effectués chaque année par des personnes ayant une déficience qui voyagent par avion.
[464] Le professeur Lazar a effectué ses calculs en supposant que les « voyages » dont il est question dans le sondage de l'OTC, le sondage d'Harris Interactive et le rapport Goss Gilroy font référence à des voyages aller-retour et non pas des voyages simples, et il a expliqué son raisonnement lors d'un contre-interrogatoire.
Position des demandeurs
[465] La position des demandeurs était qu'un taux de voyages simples de 2,5 par année était une estimation plus raisonnable et exacte du taux de voyages annuel de la population cible des personnes ayant une déficience. Les demandeurs s'appuient sur les deux hypothèses suivantes pour justifier leur position :
- Les personnes ayant une déficience ont un taux de voyages la moitié moins élevé que la population générale ;
- La population cible représente des personnes ayant une déficience plus grave que la population normale des personnes ayant une déficience.
[466] Selon l'expert des demandeurs, M. Lewis, les sondages indiquaient que la population globale des personnes ayant une déficience voyage la moitié moins que la population générale, ce qui incluait les personnes ayant une déficience beaucoup moins grave.
[467] M. Lewis a aussi souligné que le groupe des personnes ayant une déficience qui seraient admissibles selon les dispositions tarifaires ont, par définition, des déficiences plus graves que celles de la population globale des personnes ayant une déficience et que les personnes ayant une déficience plus grave ont tendance à être moins mobiles et à voyager moins que les personnes ayant une déficience modérée. D'après M. Lewis, le nombre de voyages pour l'ensemble des personnes ayant une déficience serait considérablement plus élevé que celui des personnes ayant une déficience très grave.
[468] M. Lewis a reconnu que même s'il avait utilisé 4,94 dans ses calculs initiaux, il avait utilisé ce taux parce qu'il n'y avait aucun meilleur taux disponible. Comme dans le cas du taux de fréquence concernant les Accompagnateurs, il a préparé ses résultats en utilisant des valeurs inférieures et supérieures qui représentent l'écart dans lequel il y a une probabilité de 80 pour cent d'obtenir le résultat réel, ce qui signifie une probabilité de 80 pour cent que la valeur se situe entre 3,95 et 5,93. Cependant, M. Lewis a indiqué que, en y réfléchissant et en tenant compte d'autres témoignages liés aux taux de voyages, dont le taux de voyages moyen de 5 à 6 dans le cas de la population générale canadienne identifié par M. Tretheway, un taux de 4,94 semblait trop élevé parce qu'il était trop proche du taux de voyages de la population générale et trop élevé pour correspondre au nombre de voyages que pourraient effectuer des personnes ayant une déficience et ayant besoin d'un Accompagnateur.
[469] M. Lewis a mentionné que les études démographiques montraient que le revenu et la déficience étaient étroitement liés, ce qui signifie qu'un sous-groupe de personnes ayant une déficience grave voyage à un taux beaucoup moins élevé que la population générale et moins élevé que les autres personnes ayant une déficience. M. Lewis a ajouté que, parce que le transport aérien était un mode de transport plus dispendieux que les autres, un taux de 4,94 était très élevé pour un sous-groupe de personnes ayant une déficience particulièrement grave.
[470] M. Lewis a aussi souligné que ni le sondage de l'OTC ni celui d'Harris Interactive ne précisait clairement si un « voyage » était un voyage simple ou un voyage aller-retour. L'avocat des demandeurs a affirmé que l'hypothèse du professeur Lazar, à savoir qu'il s'agit de voyages aller-retour, n'était pas conservatrice. M. Lewis a aussi remis en question la fiabilité des statistiques du rapport Goss Gilroy en soulignant que même si elles suggéraient, en valeur nominale, que le taux moyen de voyages par année des personnes ayant une déficience pourrait être de huit voyages par année, il ne s'agissait que d'un sondage de trois mois et non pas d'un sondage d'un an.
[471] L'Office était d'avis que l'expert de WestJet, M. Tretheway, lui avait fourni le meilleur témoignage sur le taux de voyages moyen de la population générale canadienne qui voyage, soit de 5 à 6 voyages par année. En comparant ces chiffres avec l'hypothèse du professeur Lazar, soit que le taux devrait être supérieur à 6 voyages par année, l'Office considérait que le témoignage de M. Tretheway était plus convaincant, étant donné qu'il était basé sur une recherche empirique qui avait été effectuée par sa compagnie et qu'il se limitait au transport aérien.
[472] L'Office était aussi d'avis que le témoignage de M. Lewis, qui était basé sur son expertise spécifique aux besoins de transport des personnes ayant une déficience et selon lequel les personnes ayant une déficience voyagent la moitié moins que la population générale, était raisonnable. Ainsi, l'Office a noté que les transporteurs en cause étaient d'accord avec la proposition générale que les personnes ayant une déficience voyagent moins que la population générale et les commentaires du professeur Lazar qui prétendait que même si environ le tiers de la population générale canadienne voyageait par avion, il n'y avait que de 18 à 19 pour cent des personnes ayant une déficience qui utilisaient ce mode de transport. De plus, en parlant de la population cible lors d'un contre-interrogatoire, le professeur Lazar a convenu que le très petit groupe de personnes ayant une déficience défini dans les tarifs comme ayant besoin d'un Accompagnateur avait probablement une moins grande propension à voyager et devrait voyager à un tarif moins élevé que l'ensemble des personnes ayant une déficience, et le professeur Allison a convenu qu'à la limite extrême de l'obésité, même pour les hommes, il était plausible que la personne ait moins tendance à voyager par avion.
[473] Alors que l'hypothèse que les personnes ayant une déficience voyagent la moitié moins que la population générale avait déjà été prise en compte par l'Office dans le calcul de la propension à voyager de la population cible, étant donné qu'elle reflète la tendance à voyager des personnes qui voyagent par avion, l'Office a jugé qu'elle était également pertinente dans le calcul du taux de voyages. Il était raisonnable de penser que même si les personnes ayant une déficience voyageaient par avion, elles feraient probablement beaucoup moins de voyages que la population générale en raison de l'impact des facteurs démographiques (des niveaux de revenu et d'emploi moins élevés). De plus, l'Office estime que l'impact de ces facteurs démographiques était amplifié dans cette affaire parce que la population cible était constituée de personnes ayant une déficience plus grave que l'ensemble des personnes ayant une déficience et que le mode de transport à l'étude était généralement considéré comme le mode de transport le plus dispendieux. Par conséquent, il était raisonnable de penser que la population cible avait un taux de voyages moyen moins élevé que l'ensemble des personnes ayant une déficience.
[474] Pour appuyer cette hypothèse, l'Office a tiré le passage suivant du rapport Goss Gilroy : « Le transport aérien est le mode qui représente des difficultés au plus grand nombre de personnes ayant une incapacité, en termes absolus. » (traduction) Le rapport Goss Gilroy révélait que les cinq difficultés les plus courantes des personnes ayant une déficience qui voyagent par avion étaient : le transport d'aides spéciales, les déplacements à l'aérogare, l'embarquement et le débarquement, les sièges à bord des aéronefs et le fait que ce mode de transport soit « trop dispendieux ». Le rapport Goss Gilroy révélait aussi que 40 pour cent des personnes ayant une déficience et ayant du mal à voyager par avion prétendaient que ces difficultés limitaient le nombre de leurs voyages.
[475] L'Office a aussi tenu compte du témoignage de Mme Furrie qui, selon les données de l'EPLA de 2001, soulignait que, parmi les personnes qui avaient besoin d'une aide personnelle au moins 20 heures par jour, sept jours par semaine, 18,3 pour cent affirmaient qu'elles pouvaient difficilement faire des voyages sur de longues distances, 37,7 pour cent affirmaient que les sièges constituaient un problème, 50,9 pour cent affirmaient que les voyages aggravaient leur condition, 42,6 pour cent affirmaient que les déplacements à l'aérogare n'étaient pas faciles, et 42,6 pour cent affirmaient que l'embarquement et le débarquement n'étaient pas évidents. Même si ces statistiques ne se limitaient pas aux voyages par avion, elles correspondaient tout de même à la conclusion de l'Office selon laquelle les personnes ayant une déficience grave ont un taux de voyages moins élevé que l'ensemble des personnes ayant une déficience.
[476] L'Office a convenu que le même taux de voyages devrait s'appliquer à toutes les personnes ayant une déficience qui ont besoin de sièges additionnels en raison de leur déficience, y compris les personnes qui voyagent avec un accompagnateur et les personnes obèses. Comme susmentionné, l'Office considérait qu'en tant que catégorie, la population cible comptait des personnes ayant une déficience plus grave que l'ensemble des personnes ayant une déficience et, par le fait même, ayant des facteurs démographiques similaires qui ont un impact négatif sur la fréquence de leurs voyages, surtout pour le transport aérien.
[477] Même si, pour effectuer ses calculs, M. Lewis a utilisé le taux de voyages moyen de 4,94 proposé par le professeur Lazar parce qu'il s'agissait de la meilleure estimation disponible et qu'il a continué de la considérer comme « la meilleure estimation de la valeur moyenne », il a tout de même avoué qu'il était moins à l'aise avec cette estimation après avoir entendu d'autres témoignages lors de l'audience de novembre 2006 et, de ce fait, il a affirmé que la valeur réelle se situait probablement dans les valeurs inférieures de son écart de probabilité.
[478] L'Office était d'avis que le taux de voyages moyen de la population cible devrait se situer aux environs de 2,5, soit la moitié de 5, qui est la valeur inférieure du taux de voyages moyen de la population générale canadienne qui voyage par avion, selon M. Tretheway. Même si M. Tretheway a affirmé que le taux de voyages de la population générale canadienne qui voyage par avion se situait entre 5 et 6, l'Office a jugé qu'il était approprié d'utiliser 5, la valeur inférieure de M. Tretheway, pour le calcul du taux de voyages estimé de la population cible, en sachant que la population cible compte des personnes ayant une déficience plus grave que l'ensemble des personnes ayant une déficience.
[479] Même si les transporteurs en cause étaient d'avis que le sondage de l'OTC était une source de données appropriée pour calculer ce facteur, l'Office considère que ce sondage n'avait pas été conçu pour l'utilisation que l'on faisait de ses données à ce moment, notamment le calcul du nombre moyen de voyages simples effectués chaque année, au Canada, par la population cible des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour voyager par avion.
[480] Un autre problème lié à la façon dont les données sont exprimées dans les sondages était l'absence d'une définition de « voyages », de sorte que le professeur Lazar avait pris pour acquis qu'il s'agissait en fait de « voyages aller-retour », ce qui, selon l'avocat des demandeurs, n'était pas une déduction conservatrice. De plus, dans cette affaire, le rapport Goss Gilroy fournissait des données pour une période de trois mois seulement, ce qui limitait la pertinence statistique et pouvait créer des variations dans les voyages en fonction de certains facteurs comme la saison durant laquelle la période de trois mois est calculée. Finalement, elles n'identifiaient pas les tendances de voyage de la population cible.
Conclusion de l'Office sur le facteur de fréquence no 3 - Taux de voyages
[481] À partir des témoignages, l'Office considère l'estimation que les personnes ayant une déficience grave et ayant besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience effectuaient en moyenne 2,5 voyages simples par année, soit environ la moitié de la population générale, plus raisonnable que la position que l'Office devrait appliquer un taux moyen de 4,94 voyages simples par année effectués par l'ensemble des personnes ayant une déficience.
[482] Le tableau qui suit reflète le nombre estimatif de voyages intérieurs effectués chaque année par les Canadiens admissibles à la politique 1P1T.
Nombre de Canadiens voyageant par avion et admissibles à une politique 1P1T |
80 598 |
Taux de voyages |
2,5 |
Nombre de voyages de Canadiens voyageant par avion et admissibles à une politique 1P1T |
201 496 |
Calcul du trafic passagers intérieur des transporteurs en cause en pourcentage du trafic passagers total.
[483] Comme il est mentionné dans l'introduction du facteur de fréquence no 3, les taux de voyages reflétaient les voyages intérieurs, transfrontaliers et internationaux et un ajustement devait être apporté pour supprimer les éléments transfrontaliers et internationaux du calcul des coûts des mesures d'accommodement.
Air Canada
[484] Dans le rapport d'Ernst & Young du 28 novembre 2005, Air Canada indiquait que son trafic passagers intérieur de 2004 par rapport au trafic passagers total était d'environ 24 pour cent.24 Ernst & Young affirmait qu'au mois de mars 2005, Air Canada s'accaparait 55 pour cent du marché intérieur, en fonction de la capacité sièges-milles disponible. En utilisant les données de Transports Canada pour 2004, qui indiquaient un trafic passagers intérieur d'environ 26,5 millions de passagers, Ernst & Young estimait qu'Air Canada avait transporté 14,6 millions de passagers sur le marché intérieur (soit 55 pour cent des 26,5 millions), ce qui représentait environ 24 pour cent (14,6 millions / 60,0 millions) des 60,0 millions de passagers annoncés par Transports Canada pour le trafic passagers total en 2004.
[485] Dans son rapport du 6 octobre 2006, Ernst & Young signalait qu'Air Canada avait transporté 17,4 millions de passagers sur le marché intérieur en 2005, soit une part de marché de 61 pour cent. L'Office constate que ce chiffre représentait 27,3 pour cent (17,4 millions / 63,7 millions) du trafic passagers total annoncé par Transports Canada pour 2005.
[486] Cependant, l'Office souligne que la source de la part du marché intérieur de 61 pour cent indiquée dans le rapport d'Ernst & Young, soit un document préparé pour une présentation lors de la conférence mondiale sur les transports de Merrill Lynch le 14 juin 2006, parlait plutôt d'une part du marché intérieur de 60 pour cent pour 2005.
2004 |
2005 |
|
Trafic passagers intérieur |
26 462 000A |
28 542 000C |
Part du marché intérieurC,D |
55,0 %B |
60,0 %D |
Trafic passagers intérieur d'Air Canada |
14 554 100 |
17 125 200 |
Trafic passagers totalA,B |
59 988 000A |
63 689 000C |
% du trafic passagers total |
24,3 % |
26,9 % |
Sources :
ARapport d'Ernst & Young du 28 novembre 2005
BPrésentation d'ACE Aviation Holdings Inc. à la conférence mondiale sur les transports de Merrill Lynch le 8 juin 2005, dont il est question dans le rapport d'Ernst & Young du 28 novembre 2005
CRapport d'Ernst & Young du 6 octobre 2006
DPrésentation d'ACE Aviation Holdings Inc. à la conférence mondiale sur les transports de Merrill Lynch le 14 juin 2006, dont il est question dans le rapport d'Ernst & Young du 6 octobre 2006
[487] Selon l'Office, les données de Transports Canada relatives au trafic passagers total et au trafic passagers intérieur sont basées sur le nombre de passagers embarqués et débarqués aux aéroports canadiens et comprennent les tronçons de vols intérieurs prévus dans les itinéraires de voyages internationaux. Puisque la décision ne s'applique pas aux liaisons intérieures comprises dans les voyages internationaux achetés comme un tout, il est possible que l'estimation du trafic passagers intérieur d'Air Canada comme pourcentage du trafic passagers soit surévaluée. Toutefois, en l'absence d'autres données, l'Office convient que, selon un rapport d'Ernst & Young du 6 octobre 2006, le trafic passagers intérieur d'Air Canada en 2005 représentait environ 26,9 pour cent du trafic passagers total.
WestJet
[488] Dans le rapport de Siebert/Pask du 9 janvier 2006, WestJet indiquait que son trafic passagers intérieur par rapport au trafic passagers total était de 12,97 pour cent en 2004, pourcentage calculé en utilisant la même méthodologie qu'Air Canada et basé sur des données présentées dans le rapport annuel 2004 de Transports Canada et son addenda.
[489] Dans son rapport du 6 octobre 2006, Ernst & Young mentionnait que WestJet avait déclaré une part du marché intérieur de 32 pour cent dans son rapport annuel 2005. Le rapport estimait que 32 pour cent de la part du marché intérieur en 2005 représentait 9,1 millions de passagers, soit 14,3 pour cent du trafic passagers total.
[490] Lors de la deuxième audience, Siebert/Pask a présenté une version révisée de son rapport du 9 janvier 2006, laquelle comprenait une estimation mise à jour du trafic passagers intérieur de WestJet par rapport au trafic passagers total en 2005. Cette version révisée estimait que WestJet avait transporté 14,8 pour cent du trafic passagers intérieur total. Cependant, cette valeur n'était pas appuyée par des calculs.
[491] Lors des plaidoyers finals, WestJet a présenté son document sur l'obésité qui révélait que 13 pour cent de tous les vols étaient des vols intérieurs de WestJet. Le transporteur a utilisé cette valeur de la même façon qu'il a utilisé le pourcentage du trafic passagers intérieur.
[492] Comme WestJet n'a pas fourni de calcul pour appuyer la valeur de 14,8 pour cent, présentée dans la révision du rapport de Siebert/Pask, ou la valeur de 13 pour cent, présentée lors des plaidoyers finals, l'Office estime indiqué d'adopter les valeurs présentées par Ernst & Young dans son rapport du 6 octobre 2006 et appuyées par les données du rapport annuel 2005 de Transports Canada et le rapport annuel 2005 de WestJet. À partir de ces valeurs et de la méthodologie utilisée par Air Canada et WestJet pour déterminer le pourcentage du trafic passagers intérieur par rapport au trafic passagers total, l'Office estime que WestJet avait transporté environ 14,3 pour cent du trafic passagers total sur ses vols intérieurs en 2005. Toutefois, et tel qu'il est mentionné plus haut à l'égard du trafic passagers intérieur d'Air Canada comme pourcentage du trafic passagers total, étant donné que les données de Transports Canada comprennent les tronçons de vols intérieurs prévus dans les itinéraires de voyages internationaux, il est possible que cette estimation du trafic passagers intérieur de WestJet soit surévaluée. Cela étant dit, comme le trafic passagers de WestJet est principalement intérieur, il convient d'admettre que cette surévaluation est, en soi, minime.
2004 |
2005 |
|
Trafic passagers intérieur |
26 462 000A |
28 542 000B |
Part du marché intérieur |
29,4 %A |
32,0 %C |
Trafic passagers intérieur de WestJet |
7 779 828A |
9 133 440 |
Trafic passagers totalA,B |
59 988 000A |
63 689 000B |
% du trafic passagers total |
12,97 %A |
14,34 % |
Sources :
ARapport de Siebert/Pask du 9 janvier 2006
BRapport d'Ernst & Young du 6 octobre 2006
CRapport annuel 2005 de WestJet, dont il est question dans le rapport d'Ernst & Young du 6 octobre 2006
Conclusion de l'Office sur la fréquence
[493] Ainsi, en se basant sur les données susmentionnées, l'Office conclut que le nombre total de personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience multiplié par un taux de 2,5 voyages par année donne un total approximatif de 201 000 voyages intérieurs, transfrontaliers et internationaux par année. En sachant que le trafic passagers total pour les marchés intérieurs, transfrontaliers et internationaux est de 63,7 millions de voyages et que les trafics intérieurs d'Air Canada et de WestJet représentent 26,9 pour cent et 14,3 pour cent respectivement, l'Office a estimé le nombre de voyages effectués par des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour voyager par avion en 2005 à 54 200 pour Air Canada et 28 900 pour WestJet, ce qui représente le nombre de fois où les transporteurs en cause pourraient devoir accommoder des personnes ayant une déficience en vertu d'une politique 1P1T.
Air Canada |
WestJet |
|
Nombre de voyages de Canadiens voyageant par avion et admissibles à une politique 1P1T |
201 496 |
201 496 |
Pourcentage du trafic passagers intérieur du transporteur par rapport au trafic passagers total |
26,9 % |
14,3 % |
Voyages intérieurs effectués par des Canadiens admissibles à une politique 1P1T |
54 180 |
28 896 |
2. Calcul des coûts
[494] Comme il l'a souligné plus haut au paragraphe 222, pour établir le coût estimatif de la mesure d'accommodement, l'Office a décidé qu'il allait d'abord déterminer la fréquence ou le nombre de fois où les transporteurs en cause pourraient devoir accommoder des personnes ayant une déficience en vertu d'une politique 1P1T, puis appliquer une méthode d'établissement des coûts pour estimer les coûts annuels totaux pour chaque transporteur en cause découlant de l'adoption d'une politique 1P1T. La section qui suit examine des rapports qui ont été préparés par des experts pour les demandeurs et les transporteurs en cause et qui décrivent leurs méthodologies respectives pour calculer le coût d'une politique 1P1T.
a) Rapports d'expert sur l'estimation du coût d'une politique 1P1T
[495] Les experts des demandeurs et des transporteurs en cause ont soumis plusieurs rapports visant à calculer le coût d'une politique 1P1T pour les transporteurs en cause dans le contexte du marché intérieur. Les estimations du coût d'une politique 1P1T comprises dans les rapports variaient selon les facteurs liés à la fréquence estimée des personnes ayant une déficience qui voyagent avec un Accompagnateur, tel qu'il a été constaté plus haut dans la section débutant au paragraphe 246, et les éléments utilisés dans le calcul de ces estimations; le fait que le recours abusif à la politique était considéré comme une variable, tel qu'il a aussi été constaté dans la section susmentionnée; et le fait qu'on supposait que les transporteurs pouvaient augmenter les prix des billets pour couvrir le coût d'une politique 1P1T. Ce dernier facteur est la clé pour déterminer quelle méthodologie était appropriée dans le calcul du coût d'une politique 1P1T.
[496] Un examen détaillé des rapports se trouve dans la présente partie de la décision afin d'aider à comprendre les méthodologies utilisées par les différents experts et permettre à l'Office de choisir la méthodologie qui est la plus appropriée pour calculer le coût d'une politique 1P1T.
Rapports de l'expert des transporteurs en cause sur le coût d'une politique 1P1T
[497] Les transporteurs en cause ont produit six rapports primaires sur le coût d'une politique 1P1T :
- Deux rapports préparés par M. Tretheway, qui traitent des implications générales d'une politique 1P1T pour les transporteurs en cause;
- Deux rapports préparés par le professeur Lazar, qui fournissent des estimations du coût d'une politique 1P1T basé sur des calculs de taux de fréquence;
- Des rapports préparés par Ernst & Young et Siebert/Pask, qui fournissent des estimations du coût d'une politique 1P1T basé sur les calculs de taux de fréquence des rapports du professeur Lazar.
[498] Les principales différences entre les rapports du professeur Lazar et ceux d'Ernst & Young et de Siebert/Pask étaient liées au fait que le calcul du coût d'une politique 1P1T tenait compte d'une augmentation des prix des billets découlant de l'adoption d'une politique 1P1T.
Rapport de M. Tretheway du 18 mai 2005
[499] Le premier rapport de M. Tretheway, daté du 18 mai 2005, aborde plusieurs questions d'ordre général dont les réponses ont servi à préparer des rapports préparés par les autres experts des transporteurs en cause. Ce rapport de M. Tretheway ne quantifie pas le coût d'une politique 1P1T.
[500] M. Tretheway est d'avis que des coefficients d'occupation moyens pour les routes, les vols ou l'ensemble du réseau ne sont pas utiles afin d'évaluer si un siège autrement vide serait disponible sans frais pour une personne qui a besoin d'un siège additionnel en raison de sa déficience car, même lorsque les coefficients d'occupation d'un transporteur sont relativement bas, il peut y avoir un fort pourcentage de vols qui sont complets.
[501] De plus, M. Tretheway affirme que, selon lui, des coefficients d'occupation supérieurs et inférieurs pour une route ou un vol ne sont pas utiles afin d'évaluer si un siège autrement vide était disponible sans frais pour une personne qui a besoin d'un siège additionnel en raison de sa déficience, étant donné que la valeur supérieure est probablement de 100 pour cent pour toute route ou tout vol. M. Tretheway indique qu'il est plus utile d'analyser le nombre ou le pourcentage de vols qui sont pleins ou « presque pleins », ce qui, dans ce dernier cas, est considéré comme des vols pleins, peu importe si les coefficients d'occupation sont de moins de 100 pour cent.
[502] M. Tretheway conclut qu'un tarif plus élevé que la moyenne devrait être utilisé au moment de calculer le coût de renonciation d'une politique 1P1T, en supposant qu'un siège additionnel fourni sans frais à une personne ayant une déficience en vertu d'une politique 1P1T pourrait être vendu à un prix plus élevé que la moyenne à l'approche de la date de départ.
[503] En ce qui concerne l'impact d'une politique 1P1T sur le volume total de voyages aériens, M. Tretheway conclut que la fourniture de sièges en vertu d'une telle politique entraînerait une réduction des voyages totaux, étant donné que l'enlèvement de sièges dans l'inventaire à vendre réduirait vraisemblablement le nombre de sièges offerts aux rabais les plus intéressants, ce qui, par le fait même, réduirait le nombre de voyages. À cet effet, M. Tretheway souligne que l'offre de rabais a été instaurée pour générer de nouveaux voyages effectués par des personnes qui peuvent voyager à des tarifs réduits seulement.
[504] Finalement, dans son rapport, M. Tretheway conclut que la fourniture de sièges additionnels sans frais à certaines personnes ayant une déficience causerait un changement du tarif moyen payé par les autres passagers, étant donné que la réduction de l'inventaire des sièges à vendre diminuerait sûrement le nombre de sièges vendus à rabais, entraînant ainsi une augmentation du tarif moyen payé par tous les autres passagers. M. Tretheway ajoute que, même si le tarif moyen augmente, l'ensemble des revenus devrait diminuer en raison du nombre moins élevé de sièges vendus.
Rapport de M. Tretheway du 6 janvier 2006
[505] Dans son deuxième rapport du 6 janvier 2006, M. Tretheway aborde les questions suivantes :
- Déterminer l'impact d'une politique 1P1T sur les transporteurs en cause en termes de désavantages concurrentiels;
- Déterminer les implications pour les transporteurs étrangers de l'imposition d'une politique 1P1T aux transporteurs canadiens pour les vols intérieurs;
- Déterminer si différents règlements, particulièrement si ces derniers ne correspondent pas aux règlements d'autres compétences, pourraient nuire au modèle d'affaires actuellement utilisé par les transporteurs;
- Déterminer s'il y a de meilleures options pour résoudre les problèmes d'accessibilité soulevés par les demandeurs.
[506] Pour ce qui est de la première question, M. Tretheway conclut que les transporteurs assujettis à une politique 1P1T subiraient l'impact direct de deux désavantages concurrentiels majeurs — appelés sélection du transporteur et coûts d'exploitation plus élevés — et l'impact indirect d'un troisième désavantage concurrentiel — appelé choix de la destination. M. Tretheway identifie aussi un quatrième désavantage dans sa conclusion qu'une politique 1P1T mènerait à un interfinancement. Ces arguments sont examinés plus en détails plus loin dans la présente décision, dans la section portant sur les répercussions économiques du coût d'une politique 1P1T débutant au paragraphe 714.
[507] En ce qui a trait à la deuxième question, M. Tretheway conclut que, s'il se réfère à son évaluation que la compétitivité des transporteurs canadiens serait réduite par suite de l'adoption d'une politique 1P1T, une pression serait exercée sur le gouvernement du Canada pour qu'il exige que les transporteurs étrangers actifs au Canada adoptent une politique 1P1T, ce qui, selon M. Tretheway, serait difficile à mettre en œuvre sur le plan pratique en raison, notamment, de l'impact sur les systèmes de réservation informatisés qui devraient être capables d'établir le prix d'itinéraires complexes pour des passagers admissibles à une politique 1P1T et des changements qui devraient être apportés aux inventaires de sièges. M. Tretheway ajoute aussi que des problèmes liés aux champs d'application pourraient surgir, notamment à savoir si une exigence de la politique 1P1T s'applique à un segment intérieur d'une route internationale non canadienne dans un itinéraire qui débute au Canada, ou si une politique 1P1T s'applique seulement aux billets achetés au Canada, par opposition aux billets achetés dans un autre pays pour se rendre au Canada.
[508] Pour la troisième question, M. Tretheway parle de la complexité de l'exploitation et de l'établissement des prix qui, d'après lui, pourrait s'accroître si une politique 1P1T est imposée aux transporteurs étrangers. De plus, M. Tretheway affirme que toute augmentation des coûts des transporteurs à faibles coûts à cause du besoin d'interfinancer le trafic passagers lié à une politique 1P1T ralentirait les marchés où des tarifs plus élevés devraient être imposés pour couvrir ces coûts et nuirait au principe le plus important du modèle d'affaires des transporteurs à faibles coûts. Ces arguments sont examinés plus en détails plus loin dans la présente décision, dans la section portant sur les méthodes de calcul du coût d'une politique 1P1T débutant au paragraphe 550.
[509] Finalement, en réponse à la dernière question, M. Tretheway suggère qu'une meilleure façon de traiter les inquiétudes des demandeurs concernant les tarifs imposés aux personnes ayant une déficience pour un siège additionnel est de verser des subventions directes aux transporteurs qui offrent des services en vertu d'une politique 1P1T.
Rapports du professeur Lazar
[510] Le professeur Lazar a produit deux rapports visant à estimer les pertes de revenus nets attribuables à une politique 1P1T. Ces rapports se limitaient aux pertes liées aux voyages par des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour leur Accompagnateur et ne fournissaient pas d'estimation sur les personnes dont la déficience est l'obésité et qui ont besoin d'un siège additionnel pour les accommoder.
Rapport du professeur Lazar du 25 novembre 2005
[511] Dans son premier rapport, le professeur Lazar estimait les pertes de revenus nets liées à la mise en œuvre d'une politique 1P1T pour les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour leur Accompagnateur et tous les transporteurs aériens qui ont des vols intérieurs, transfrontaliers et internationaux à partir, à destination et à l'intérieur du Canada.
[512] Le modèle du professeur Lazar pour estimer les pertes de revenus nets tient compte des éléments suivants :
- Les pertes de revenus liées aux personnes ayant des difficultés à voyager qui voyagent actuellement avec un accompagnateur, un membre de la famille ou un ami et qui déclarent que cette personne est un accompagnateur/compagnon;
- Les pertes de revenus liées aux personnes ayant des difficultés à voyager qui voyagent actuellement avec un membre de la famille ou un ami, mais qui ne déclarent pas que cette personne est un accompagnateur/compagnon (à titre de référence, appelé ci-dessous facteur d'abus 1);
- Les pertes de revenus liées aux personnes ayant des difficultés à voyager qui, actuellement, ne voyagent pas avec un membre de la famille ou un ami, mais pourraient déclarer qu'elles ont besoin d'être accompagnées (à titre de référence, appelé ci-dessous facteur d'abus 2);
- Les gains de revenus nets liés aux personnes ayant des difficultés à voyager générés par des prix moins élevés en vertu d'une nouvelle règle.
[513] Le professeur a retenu les facteurs suivants pour calculer l'étendue des pertes de revenus estimées :
- il a estimé que le nombre de voyages simples effectués par les personnes ayant une déficience qui voyagent avec un accompagnateur, un membre de la famille ou un ami en 2006 se chiffrait dans une marge de quelque 904 000 à 959 000 voyages;
- il a appliqué un taux de 5 pour cent à l'égard des voyages effectués avec une personne autre qu'un membre de la famille comme accompagnateur et un taux de 17 pour cent à l'égard des voyages effectués avec un membre de la famille comme accompagnateur, ce qui, tel qu'il est établi au paragraphe 251 ci-dessus, reflète la proportion des personnes qui ont des difficultés à voyager par avion et qui ont besoin d'un accompagnateur ou d'un compagnon, selon une étude du US DOT;
- il a établi à 4,94 le nombre de voyages effectués par année;
- il a pris en compte les effets d'un recours abusif à la politique (tel qu'il a été souligné au paragraphe 246 ci-dessus), admettant l'hypothèse que de 5 à 25 pour cent des personnes ayant une déficience qui, actuellement, ne déclarent pas avoir besoin d'un accompagnateur déclareraient en avoir besoin après la mise en place d'une politique 1P1T. Le professeur Lazar présume que 25 pour cent de ces personnes voyagent actuellement avec un membre de la famille ou un ami et déclareraient que ce compagnon est un accompagnateur (facteur d'abus 1). Par le fait même, le professeur Lazar présume que 75 pour cent de ces personnes ne voyagent actuellement pas avec un membre de la famille ou un ami, mais décideraient de le faire et de réclamer les avantages d'une politique 1P1T, ce qui déplacerait les passagers payants, que le vol soit plein ou non (facteur d'abus 2);
- il a repris les tarifs moyens de 150 $ et 350 $ utilisés par le professeur Lazar, étant donné qu'il n'y avait aucune information disponible sur la distribution des voyages entre les vols intérieurs, transfrontaliers et internationaux et la proportion des voyages réservés à rabais par rapport aux voyages à plein tarif;
- il a présumé une élasticité-prix de 1.2525.
[514] Le professeur Lazar a signalé que les pertes de revenus potentielles et les coûts additionnels associés au déplacement de passagers payants à cause du facteur d'abus susmentionné seront traités dans un autre rapport. Même si le professeur Lazar a reconnu qu'il pourrait y avoir des gains de revenus compensatoires grâce aux voyages additionnels effectués par des personnes incitées à voyager, son rapport ne les a pas calculés.
[515] À partir des hypothèses et des facteurs précités, le professeur Lazar a estimé l'étendue des pertes totales de revenus en 2006 à entre 143 et 418 millions de dollars pour tous les transporteurs qui ont des vols à partir, à destination et à l'intérieur du Canada et tous les vols transfrontaliers et internationaux, en plus des vols intérieurs. Le premier rapport du professeur Lazar extrapolait les pertes de revenus estimées sur une période allant de 2006 à 2015.
Rapport du professeur Lazar du 1er juin 2006
[516] Dans son deuxième rapport, le professeur Lazar précise son estimation des pertes de revenus liées à la mise en œuvre d'une politique 1P1T en incluant seulement Air Canada et WestJet, et les vols intérieurs et transfrontaliers, même si la portée de l'enquête de l'Office se limite aux vols intérieurs. Comme dans son premier rapport, le professeur Lazar n'a pas estimé les pertes de revenus liées aux personnes dont la déficience est l'obésité et qui ont besoin d'un siège additionnel pour voyager par avion.
[517] Le professeur Lazar explique que la méthodologie utilisée dans son deuxième rapport repose sur celle qu'il a utilisée dans son premier rapport et que deux cas sont présentés : un « cas de base », qui reflète le taux d'accompagnement de 22 pour cent susmentionné, et un « cas d'estimation basse », qui représente le taux d'accompagnement de 18,5 pour cent du rapport Goss Gilroy, comme il a été abordé dans la section débutant au paragraphe 247.
[518] Le professeur Lazar tient compte des éléments suivants dans son estimation des pertes de revenus attribuables à une politique 1P1T, dont certains ont été partiellement traités dans son premier rapport et d'autres sont nouveaux :
[519] Le modèle du professeur Lazar pour estimer les pertes de revenus nets tient compte des éléments suivants :
- Les pertes de revenus liées aux personnes ayant des difficultés à voyager qui ont apparemment un accompagnateur;
- Les gains de revenus liés aux voyages additionnels effectués par des personnes ayant des difficultés à voyager qui sont admissible à une politique 1P1T;
- Les pertes de revenus liées à une augmentation des prix causée par les voyages additionnels effectués par des personnes ayant des difficultés à voyager qui sont admissibles à une politique 1P1T;
- Les pertes de revenus liées à une augmentation des prix causée par les voyages additionnels effectués par les accompagnateurs des personnes ayant des difficultés à voyager qui voyagent actuellement sans accompagnateur, membre de la famille ou ami et qui obtiendraient une lettre du médecin pour recommander qu'elles aient un accompagnateur sur les vols (facteur d'abus 2).
[520] Le professeur Lazar ne suppose pas qu'il y aurait des pertes de revenus attribuables au déplacement de passagers payants sur des vols pleins en raison des sièges occupés par les Accompagnateurs en vertu d'une politique 1P1T. Il suppose plutôt que le système de gestion du rendement des transporteurs augmenterait les tarifs moyens de sorte que la diminution nette du nombre de voyages, causée par l'augmentation des tarifs, neutraliserait largement l'augmentation initiale du nombre de voyages générés par une politique 1P1T.
[521] Le professeur Lazar suppose aussi que les passagers pouvant être déplacés sur des vols pleins en raison d'une politique 1P1T ont réservé sur d'autres vols des transporteurs en cause. En d'autres mots, le professeur Lazar suppose que les passagers déplacés n'ont pas réservé auprès d'un concurrent ou annulé leur réservation.
[522] Le professeur Lazar prévoit donc que les transporteurs en cause réagiraient aux voyages additionnels effectués par des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour leur Accompagnateur en augmentant les prix des billets. Comme il a été observé dans la section portant sur les méthodes de calcul du coût d'une politique 1P1T débutant au paragraphe 550, Air Canada et WestJet utilisent des systèmes complexes, connus sous le nom de « systèmes de gestion du rendement », pour gérer la vente des sièges en fonction de la demande et ainsi maximiser les revenus.
[523] Le professeur Lazar estime que le total des pertes de revenus nets pour les vols intérieurs et transfrontaliers en 2005 attribuables à une politique 1P1T se situent entre 27 et 39,1 millions de dollars pour Air Canada, et entre 9,7 et 13,7 millions de dollars pour WestJet. Cette étendue d'estimations reflète le « cas de base » susmentionné, qui utilise un taux d'accompagnement de 22 pour cent, et le « cas d'estimation basse », qui utilise un taux d'accompagnement de 18,5 pour cent; un tarif moyen de 150 $; et une élasticité-prix de 1,112, selon une étude du ministère des Finances sur l'élasticité-prix, comme il est noté plus loin dans la section portant sur l'élasticité de la demande par rapport au prix débutant au paragraphe 640 ci-dessous.
Rapports d'Ernst & Young
[524] Air Canada a soumis un rapport d'Ernst & Young daté du 28 novembre 2005, lequel estime les pertes de revenus d'Air Canada pour les vols intérieurs par suite de l'adoption d'une politique 1P1T, même si, comme le rapport du professeur Lazar, ce rapport ne parle pas des pertes de revenus attribuables aux personnes dont la déficience est l'obésité. Alors que le professeur Lazar suppose que les voyages additionnels effectués par des personnes ayant une déficience entraîneraient un déplacement des passagers payants sur des vols pleins et des vols avec des sièges vides, le rapport d'Ernst & Young suppose que des passagers payants seraient déplacés sur des vols pleins seulement.
[525] Le rapport précise qu'en l'absence de données financières et opérationnelles, lesquelles n'ont pas été fournies parce qu'Air Canada les considérait de nature délicate sur le plan commercial et hautement confidentielles, Ernst & Young a dû se baser sur un tarif passagers moyen et des facteurs moyens de vols pleins qui lui ont été fournis par le transporteur, en plus de renseignements publics, pour estimer les coûts marginaux liés au transport d'un passager additionnel. Un tarif moyen de 250 $ par voyage simple a été utilisé. Pour ce qui est des facteurs de vols pleins, les calculs ont été effectués en utilisant des facteurs de 15, 20, 25 et 30 pour cent.
[526] Les pertes de revenus estimées ont été calculées se fondant sur une moyenne des estimations du premier rapport du professeur Lazar sur le nombre de personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour leur Accompagnateur et en tenant pour acquis que 24 pour cent des voyages des personnes ayant une déficience qui sont accompagnées, dont il est question dans le premier rapport du professeur Lazar, sont en fait des vols intérieurs d'Air Canada.
[527] Le rapport d'Ernst & Young révèle qu'à partir des rapports financiers publics de 2004, les coûts marginaux liés au carburant, à la nourriture, aux breuvages et autres fournitures représentaient environ 22 pour cent des dépenses d'exploitation, ou 55 $ par voyage-passagers. Ernst & Young croit que les coûts marginaux moyens liés au transport d'une personne ayant une déficience seraient plus élevés que ceux des autres passagers et souligne que les salaires, qui n'ont pas été inclus, pourraient varier en fonction des changements au volume des passagers. Cependant, le rapport reconnaît qu'une certaine partie des coûts d'exploitation inclus dans les coûts marginaux, comme le carburant, pourrait ne pas varier de façon directement proportionnelle aux changements au volume de passagers. À partir de ces données, un coût marginal de 50 $ a été utilisé pour les estimations.
[528] Le modèle d'Ernst & Young pour estimer les pertes de revenus nets tient compte des éléments suivants :
- Les pertes de revenus liées à des personnes ayant une déficience qui, peu importe l'adoption d'une politique 1P1T, voyagent avec un accompagnateur payant et continueront à voyager avec un accompagnateur en vertu d'une politique 1P1T;
- Les pertes de revenus liées à des personnes ayant une déficience qui, peu importe l'adoption d'une politique 1P1T, voyagent avec un membre de la famille ou un ami payant et continueront à voyager avec un membre de la famille ou un ami, mais déclareront le membre de la famille ou l'ami comme Accompagnateur en vertu d'une politique 1P1T (facteur d'abus 1);
- Les pertes de revenus liées à des personnes ayant une déficience qui auraient autrement voyagé sans Accompagnateur, mais qui choisiront de voyager avec un Accompagnateur en vertu d'une politique 1P1T (facteur d'abus 2);
- Les pertes de revenus liées au déplacement de passagers payants sur des vols pleins en raison de personnes ayant une déficience qui n'auraient pas voyagé auparavant mais qui choisiront de voyager avec un Accompagnateur voyageant gratuitement;
- Sur les vols avec des sièges vides, les gains de revenus nets en raison de personnes ayant une déficience qui n'auraient pas voyagé auparavant mais qui choisiront de voyager avec un Accompagnateur voyageant gratuitement.
[529] À partir des facteurs de vols pleins, le rapport estime que les coûts totaux de la mise en œuvre d'une politique 1P1T en 2006 chez Air Canada pour les vols intérieurs se situent entre 54 et 83 millions de dollars. Le rapport extrapole aussi les pertes de revenus estimées jusqu'en 2015.
[530] Les transporteurs en cause ont soumis des annexes préparées par Ernst & Young datées du 24 novembre 2006 lors de l'audience de novembre 2006, lesquelles fournissaient des estimations révisées du coût d'une politique 1P1T en tenant pour acquis qu'une moyenne de 15 pour cent des vols sont pleins et en utilisant un coût marginal de 39,11 $ par voyage simple (comparativement au montant de 50 $ utilisé par Ernst & Young dans son rapport initial). Selon les données du rapport du professeur Lazar de 2006, ces annexes montrent qu'en 2005, les coûts de la mise en œuvre d'une politique 1P1T chez Air Canada pour les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour leur accompagnateur se situent entre 41 et 51 millions de dollars.
Rapports de Siebert/Pask
[531] WestJet a soumis un rapport de Siebert/Pask daté du 9 janvier 2006, lequel estime les pertes de revenus de WestJet pour les vols intérieurs par suite de l'adoption d'une politique 1P1T et se base sur la fréquence des personnes ayant une déficience qui voyagent avec un Accompagnateur, comme dans le premier rapport du professeur Lazar. Comme dans les rapports préparés par le professeur Lazar et Ernst & Young, le rapport de Siebert/Pask ne parle pas de l'obésité. De plus, comme dans le rapport d'Ernst & Young, et contrairement aux rapports du professeur Lazar, au moment d'évaluer les pertes de revenus causées par le déplacement de passagers payants, le rapport de Siebert/Pask tient compte de la proportion des vols qui seraient pleins.
[532] Le rapport souligne que les pertes de revenus estimées sont basées sur la supposition que le trafic passagers intérieur de WestJet en 2004 représente 12,97 pour cent du trafic passagers total, y compris les vols intérieurs, transfrontaliers et internationaux; un tarif moyen de 140 $ par voyage simple; un taux de coûts marginaux de 10 pour cent du tarif moyen par segment de vol; et l'hypothèse que 20 pour cent des vols de WestJet sont pleins.
[533] Pour calculer les voyages additionnels générés par une nouvelle politique, comme dans le rapport du professeur Lazar du 25 novembre 2005, le rapport de Siebert/Pask présume un taux d'élasticité-prix de 1,25.
[534] L'estimation des pertes de revenus a été calculée en utilisant le nombre estimé de personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour leur accompagnateur, comme il a été établi dans le premier rapport du professeur Lazar.
[535] Le modèle de Siebert/Pask pour estimer les pertes de revenus nets tient compte des éléments suivants :
- Les pertes de revenus liées aux personnes ayant une déficience qui voyagent par avion, qui paient pour un Accompagnateur et qui continueraient à voyager si une politique 1P1T était adoptée;
- Les pertes de revenus liées aux personnes ayant une déficience qui voyagent par avion avec un Accompagnateur « non déclaré », qui continueraient à voyager si une politique 1P1T était adoptée et qui « déclareraient » leur Accompagnateur pour que ce dernier voyage gratuitement (facteur d'abus 1);
- Les pertes de revenus liées aux personnes ayant une déficience qui voyagent par avion « sans » accompagnateur et qui continueraient à voyager, mais qui voyageraient « avec » un Accompagnateur si une politique 1P1T était adoptée (facteur d'abus 2);
- Les pertes de revenus liées au déplacement de passagers payants sur des vols pleins en raison de personnes ayant une déficience qui ne voyageaient pas auparavant, mais qui voyageraient et déclareraient un Accompagnateur si une politique 1P1T était adoptée;
- Les gains de revenus nets sur des vols avec des sièges vides grâce à des personnes ayant une déficience qui ne voyageaient pas auparavant, mais qui voyageraient et déclareraient un Accompagnateur si une politique 1P1T était adoptée.
[536] À partir des facteurs de vols pleins, le rapport estime que les coûts totaux de la mise en œuvre d'une politique 1P1T en 2005 se situent entre 13,2 et 19,7 millions de dollars.
[537] Comme dans le rapport d'Ernst & Young, des annexes ont été soumises durant l'audience de novembre 2006, lesquelles fournissaient des estimations révisées du coût d'une politique 1P1T. Ces annexes appliquaient un taux révisé de trafic passagers intérieur (par rapport au trafic passagers total) de 14,8 pour cent, comparativement à 12,97 pour cent dans le rapport initial de Siebert/Pask. Ces annexes utilisaient aussi les données sur la fréquence du deuxième rapport du professeur Lazar.
[538] Les annexes montraient qu'en 2005, le coût d'une politique 1P1T pour WestJet dans le cas des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour leur Accompagnateur se situait entre 10,8 et 19,6 millions de dollars, à partir des données du rapport du professeur Lazar de 2006.
Rapports de l'expert des demandeurs
[539] En utilisant des éléments similaires à ceux utilisés par Ernst & Young et Siebert/Pask, M. Lewis estime les pertes de revenus nets liées à la mise en œuvre par Air Canada et WestJet d'une politique 1P1T à l'échelle nationale, mais il adopte une méthodologie différente en utilisant une analyse des risques pour tenir compte des distributions de probabilité dans l'estimation de chaque facteur de coûts.
[540] Comme susmentionné, M. Lewis base ses estimations du nombre de voyages intérieurs par personne ayant une déficience et voyageant avec un Accompagnateur sur un taux de fréquence de 3,6 pour cent comparativement aux 18,5 à 22 pour cent utilisés par les experts des transporteurs en cause. De plus, M. Lewis avance que ce n'est pas toutes les personnes ayant une déficience et ayant la possibilité de voyager avec un Accompagnateur avant l'adoption d'une politique 1P1T qui voyagent avec un accompagnateur, en raison des coûts qui s'y rattachent.
[541] M. Lewis utilise un facteur de voyages simples de 4,94, une élasticité-prix de 1,112 et un prix de voyage intérieur moyen de 150 $.
[542] Le modèle de M. Lewis pour estimer les pertes de revenus nets comporte les éléments suivants :
- Les pertes de revenus nets liées aux personnes ayant une déficience qui voyagent avec un Accompagnateur avant et après l'adoption d'une 1P1T;
- Les pertes de revenus nets liées aux personnes ayant une déficience qui ne voyagent pas avec un Accompagnateur avant l'adoption d'une politique 1P1T, mais pourraient voyager avec un Accompagnateur après l'adoption d'une 1P1T (sans abus);
- Les pertes de revenus liées au déplacement de passagers payants sur des vols pleins en raison des voyages additionnels effectués par des personnes ayant une déficience qui sont admissibles après l'adoption d'une politique 1P1T;
- Les gains de revenus nets sur des vols avec des sièges vides en raison des voyages additionnels effectués par des personnes ayant une déficience qui sont admissibles et leurs Accompagnateurs après l'adoption d'une politique 1P1T;
- Les pertes de revenus liées à une augmentation des prix en raison des voyages additionnels effectués par des personnes ayant une déficience qui sont incitées à voyager après l'adoption d'une politique 1P1T.
[543] M. Lewis juge que ses estimations des pertes de revenus liées à l'adoption d'une politique 1P1T sont conservatrices pour les raisons suivantes :
- Dans ses estimations, il présume que le pourcentage des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour leur Accompagnateur et qui sont admissibles à une politique 1P1T se situe entre 2,2 et 5,1 pour cent, tandis que Statistique Canada révèle que 1,5 pour cent des Canadiens ayant une déficience ont besoin d'un accompagnateur à plein temps pour mener leurs activités quotidiennes. Alors que les estimations tiennent compte du fait que certaines personnes ayant une déficience qui n'ont pas besoin d'un accompagnateur à temps plein peuvent en avoir besoin lors d'un voyage par avion, le rapport signale que le niveau de revenu du 1,5 pour cent des personnes ayant besoin d'un accompagnateur à temps plein est, en moyenne, très faible, diminuant grandement la propension de ce groupe à voyager;
- Même si l'élasticité de la demande pour les voyages par avion de 1,1 qui a été retenue par le professeur Lazar se situe à l'intérieur de l'écart de probabilité présumé pour cette variable, le rapport révèle que de faibles niveaux de revenu parmi les personnes ayant une déficience amènent une valeur beaucoup moins élevée pour l'élasticité de la demande;
- Le rapport adopte l'hypothèse du professeur Lazar, selon laquelle l'aéronef est « plein » avec des coefficients d'occupation qui se situent vraiment sous les 100 pour cent en tenant compte des facteurs de gestion du poids et des revenus; cependant, la réalité est que des sièges sont délibérément retirés du marché pour préserver la possibilité statistique que des passagers de dernière minute les achètent à un prix plus élevé et sans rabais. M. Lewis mentionne que même si une telle pratique maximise les revenus de la compagnie aérienne, sur le plan économique, les sièges vides pourraient être occupés à un coût marginal de zéro;
- Les effets de la concurrence des services de train et d'autobus sur la demande de services aériens chez les personnes ayant une déficience n'ont pas été pris en compte. Le rapport suggère que les modes de transport moins dispendieux continueront d'attirer la vaste majorité des voyageurs à faible revenu lorsque ces modes offriront d'autres options raisonnables de déplacement;
- Les estimations présument qu'aucun rabais n'a été offert pour le voyage de l'Accompagnateur. Si on tient compte de la politique de rabais actuelle d'Air Canada, les revenus prévus liés à la politique 1P1T sont moins élevés.
[544] Contrairement aux rapports de l'expert des transporteurs en cause, le rapport de M. Lewis reconnaissait aussi la possibilité que des marchandises soient déplacées en raison de la demande additionnelle liée aux personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège de plus pour leur accompagnateur. M. Lewis a estimé le coût de renonciation des marchandises lié à un passager de plus à 100 $ et la probabilité de déplacer des marchandises à cause d'un passager additionnel à 5 pour cent.
[545] À partir des données de 2005, le rapport de M. Lewis estimait les pertes annuelles de revenus nets à 5,1 millions de dollars pour Air Canada, avec une possibilité de 80 pour cent que ces pertes se situent entre 2,6 et 7,9 millions de dollars. Ce rapport estimait les pertes annuelles de revenus nets à 2,2 millions de dollars pour WestJet, avec une possibilité de 80 pour cent que ces pertes se situent entre 1,1 million et 3,4 millions de dollars.
Rapport d'expert de Richard S. Fisher
[546] Comme le confirme l'examen des divers rapports d'expert et l'illustre le tableau ci-dessous, les experts sont arrivés à des estimations très différentes des coûts liés à une politique 1P1T.
Expert | Air Canada | WestJet |
---|---|---|
Professeur Lazar (ajustée pour exclure le trafic transfrontalier)1 |
27 - 19 M$2 |
13 - 9 M$3 |
Ernst & Young (basée sur le rapport du professeur Lazar de 2006)4 |
51 - 41 M$ |
|
Siebert/Pask (basée sur le rapport du professeur Lazar de 2006)5 |
20 - 11 M$ |
|
M. Lewis6 |
5,1 M$ |
2,2 M$ |
Sources :
1 Rapport du professeur Lazar du 1er juin 2006
2 Calculée selon : (39,1 M$ x 70 %) et (27,0 M$ x 70 %); rapport d'Ernst & Young du 6 octobre 2006
3 Calculée selon : (13,7 M$ x 94 %) et (9,7 M$ x 94 %); rapport d'Ernst & Young du 6 octobre 2006
4 Rapport d'Ernst & Young (annexes du 24 novembre 2006)
5 Rapport de Siebert/Pask (annexes du 14 novembre 2006)
6 Rapport de M. Lewis du 21 juillet 2006
[547] Dans son rapport du 11 août 2006, l'expert de l'Office, M. Fisher, a indiqué, dans le tableau 4.7 reproduit ci-dessous dans le tableau 8, les variables auxquelles la plupart des différences dans les estimations pouvaient être attribuées, notamment : la fréquence estimée des personnes ayant une déficience qui voyagent avec un Accompagnateur, les tarifs intérieurs moyens; l'élasticité de la demande et les taux des coûts marginaux.
[548] M. Fisher a fait remarquer que la différence sur le plan des hypothèses retenues à propos du pourcentage du trafic admissible créait un écart plus que sextuple au chapitre de la fréquence prévue du nombre de personnes ayant une déficience qui voyagent avec un Accompagnateur et une différence environ égale des coûts imputés. Comme l'a indiqué l'Office dans le paragraphe 282, cette différence est grandement attribuable à l'utilisation des tarifs des transporteurs en cause par l'expert des demandeurs lors de l'estimation de la fréquence des personnes ayant une déficience qui sont admissibles à une politique 1P1T et au fait que les tarifs n'ont pas été pris en compte par les experts des transporteurs en cause. M. Fisher a aussi affirmé que quatre différentes hypothèses de tarif ont été retenues, allant de 140/150 $ à 350 $.
[549] M. Fisher a mentionné qu'en comparant les rapports préparés par Siebert/Pask et Ernst & Young, les coûts estimés d'une politique 1P1T pour WestJet sont proportionnellement moins élevés que ceux d'Air Canada, compte tenu du tarif moins élevé (140 $ pour WestJet contre 250 $ pour Air Canada) et du taux des coûts marginaux moins élevé (10 pour cent pour WestJet contre 20 pour cent pour Air Canada) ayant été retenus.
Variable | Estimate | ||||
---|---|---|---|---|---|
Lewis | Lazar 2005 | Lazar 2006 | E&Y | S/P | |
Taux d'accompagnateur |
3,6 % |
22 % |
18,5 %/22 % |
22 % |
22 % |
Tarif moyen |
150 $ |
150 $/350 $ |
150 $ |
250 $ |
140 $ |
Élasticité de la demande |
1,112 |
1,25 |
1,112 |
1,25 |
1,25 |
Taux des coûts marginaux |
15 % |
S.O. |
S.O. |
20 % |
10 % |
b) Méthodologie pour calculer le coût d'une politique 1P1T
[550] Les rapports d'expert qui ont été discutés dans la section précédente présentent des estimations très différentes du coût d'une politique 1P1T pour Air Canada et WestJet, ce qui reflète non seulement l'utilisation de facteurs différents dans les calculs, mais aussi l'utilisation de méthodologies différentes. L'Office a déjà déterminé, au paragraphe 493 ci-dessus, le nombre estimé des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité qui ont besoin d'un siège additionnel. D'autres facteurs dans les calculs, particulièrement en ce qui concerne le niveau de tarif et l'élasticité-prix de la demande, sont abordés plus loin dans la section portant sur les pertes estimatives de revenu net avant impôts attribuables à une politique 1P1T débutant au paragraphe 614. Dans cette section, l'Office a examiné les différentes méthodologies utilisées par les experts et identifié la plus appropriée pour estimer le coût d'une politique 1P1T pour les transporteurs en cause.
[551] En examinant les rapports, il était évident que les experts, même ceux des transporteurs en cause, avaient des opinions différentes à savoir si la mise en œuvre d'une politique 1P1T entraînerait une augmentation des prix des billets. Le professeur Lazar était d'avis que les transporteurs réagiraient à une nouvelle demande de voyages par des personnes ayant une déficience créée par une politique 1P1T en augmentant les prix des billets et il en a tenu compte dans sa méthodologie utilisée pour calculer les coûts d'une telle politique. D'un autre côté, Ernst & Young et Siebert/Pask ont présumé que les prix des billets n'augmenteraient pas; ils ont plutôt imaginé que les coefficients d'occupation augmenteraient en raison des voyages additionnels effectués par des personnes ayant une déficience en raison d'une politique 1P1T. Finalement, M. Lewis, expert des demandeurs, a présumé que les prix des billets et les coefficients d'occupation augmenteraient par suite de l'adoption d'une politique 1P1T.
[552] À des fins de simplification, la méthodologie utilisée par le professeur Lazar dans son deuxième rapport, qui a été abordée dans la section précédente, a été appelée « méthodologie de gestion du rendement », étant donné qu'elle reflète une augmentation des prix des billets appliquée par les systèmes de gestion du rendement des transporteurs en cause, se fondant sur l'hypothèse que les transporteurs seraient capables d'augmenter les prix des billets en raison des coûts liés à une politique 1P1T. La méthodologie utilisée par Ernst & Young et Siebert/Pask a été appelée « méthode de calcul des coûts marginaux », étant donné qu'elle reflète une augmentation des coefficients d'occupation en raison de la demande additionnelle liée à une politique 1P1T et qu'elle traite des coûts marginaux du transport des personnes ayant une déficience et de leurs accompagnateurs. Comme susmentionné, le modèle utilisé par M. Lewis reflète des aspects des deux méthodologies.
[553] La question à savoir quelle était la méthodologie appropriée aux fins du calcul des coûts liés à une politique 1P1T dépendait grandement de la prise en compte que les transporteurs allaient ou pouvaient augmenter les prix des billets en réponse à l'adoption d'une politique 1P1T. La capacité des transporteurs en cause à augmenter les prix des billets est expliquée ci-dessous à l'aide des trois facteurs suivants :
- Le niveau de concurrence dans l'industrie du transport aérien intérieur;
- La capacité des transporteurs en cause à influencer les prix des voyages par avion;
- Les systèmes de gestion du rendement des transporteurs en cause visant à maximiser les revenus tout en maintenant des coefficients d'occupation optimaux.
Le niveau de concurrence dans l'industrie du transport aérien intérieur
[554] L'expert de l'Office, M. Fisher, a mentionné que les transporteurs en cause représentaient 89,5 pour cent du marché intérieur, alors que M. Crosson, l'expert d'Air Canada, estimait qu'ils représentaient 93 pour cent du marché intérieur. M. Tretheway a fait valoir qu'au niveau de la capacité en sièges dans le marché, si l'on tenait compte de tous les transporteurs indépendants comme NorTerra et First Air, Air Canada et WestJet représentaient plus de 80 pour cent du marché. Malgré leur domination apparente du marché intérieur, les transporteurs ont précisé qu'ils menaient leurs activités dans des conditions de marché concurrentiel et qu'ils avaient peu d'influence sur le prix des billets.
[555] Comme les demandeurs prétendaient que le marché canadien était un duopole qui faisait en sorte que le niveau de concurrence ne pouvait empêcher Air Canada et WestJet d'augmenter les prix, les transporteurs en cause ont répliqué que la concurrence existait et qu'elle dépendait des routes. De ce fait, M. Tretheway a souligné qu'Air Canada et WestJet étaient les deux seuls transporteurs dans une vaste étendue de marchés et a précisé qu'à partir du moment où le marché assurait une grande couverture du réseau national, le duopole était une description appropriée; il a également souligné l'existence d'autres transporteurs dans le marché intérieur et a affirmé que ces transporteurs faisaient une concurrence significative qui empêchait Air Canada et WestJet de mener leurs activités de façon isolée. À cet effet, M. Tretheway a affirmé que les demandes de services entre des marchés de paire de villes ne pouvaient être dissociées les unes des autres parce que de nombreux consommateurs, comme les personnes qui voyagent pour le plaisir, avaient la possibilité de changer leur destination. M. Tretheway a donc fait valoir que le terme « duopole » n'était pas nécessairement approprié pour décrire le marché dans lequel évoluent Air Canada et WestJet.
[556] Hugh Dunleavy, vice-président exécutif de la Distribution commerciale de WestJet, a abondé dans le même sens. M. Dunleavy a mentionné que, dans le cas des marchés primaires du Canada, seules Air Canada et WestJet avaient actuellement un réseau structuré qui couvrait toutes les grandes villes. Cependant, il a ajouté qu'il y avait d'autres transporteurs présents au Canada selon les marchés et que ces transporteurs créaient une concurrence.
[557] Le professeur Lazar était d'avis que l'industrie du transport aérien ne détenait pas de pouvoir monopolistique d'établissement des prix et que, même si Air Canada et WestJet étaient les deux seuls transporteurs dans une vaste étendue de marchés intérieurs, il y avait suffisamment de concurrence les empêchant de collaborer pour créer des conditions monopolistiques.
[558] Les transporteurs en cause ont aussi soutenu qu'ils subissaient la concurrence d'autres modes de transport. En outre, dans le cas des marchés Calgary-Edmonton et Ottawa-Toronto-Montréal, M. Dunleavy a affirmé que la concurrence intermodale était intense. De plus, durant le contre-interrogatoire, M. Dunleavy a mentionné que même si d'autres modes de transport, comme les autobus et les trains interurbains, appliquaient une politique 1P1T, les transporteurs aériens n'étaient pas injustement favorisés, étant donné que les autres modes avaient la possibilité d'ajouter de l'équipement, ce qui n'était pas le cas pour les transporteurs aériens.
[559] Les demandeurs ont parlé d'un article de journal dans lequel Clive Beddoe, alors président-directeur général de WestJet, affirmait qu'Air Canada et WestJet « profitaient d'un duopole sain » au Canada en ce qui concerne le marché des voyages intérieurs. Pour appuyer le fait qu'Air Canada et WestJet profitent d'un duopole, l'avocat des demandeurs a rappelé que M. Tretheway et le professeur Lazar étaient d'avis que le marché du Canada permettait d'avoir deux transporteurs nationaux seulement pour les vols intérieurs, opinion partagée par MM. Dunleavy et MacKay durant le contre-interrogatoire.
[560] Alors que M. Lewis, dans son rapport du 21 juillet 2006, a affirmé qu'Air Canada et WestJet dominaient le marché rentable des voyages intérieurs au Canada, même en tenant compte du certain niveau de concurrence dans ce marché, il a conclu qu'il était probable que des concurrents mineurs adoptent une politique 1P1T si les deux principaux transporteurs en adoptaient une ou que la réglementation en exigeait une.
[561] L'Office a constaté que les experts s'entendaient pour dire que les transporteurs en cause dominaient le marché canadien et que, selon la preuve au dossier, Air Canada et WestJet représentaient, ensemble, environ 90 pour cent du marché intérieur. De plus, l'Office est d'accord avec MM. Dunleavy et Tretheway qui affirmaient que seules Air Canada et WestJet avaient actuellement un réseau structuré qui couvrait toutes les grandes villes canadiennes; l'Office reconnaît aussi que les transporteurs en cause avaient une certaine concurrence sur des routes en particulier, ce qui voulait dire qu'ils ne représentaient pas complètement un duopole. Par le fait même, l'Office est d'accord avec les transporteurs en cause, qui prétendent que d'autres modes de transport sur certaines routes leur faisaient concurrence.
Capacité des transporteurs en cause à influencer les prix des voyages par avion
[562] Les transporteurs en cause et les demandeurs ont exprimé des opinions divergentes concernant la capacité des transporteurs en cause à influencer les prix du marché intérieur.
[563] Les transporteurs en cause ont prétendu qu'ils étaient des preneurs de prix qui n'avaient pas la capacité d'influencer les prix. Quand on lui a demandé de parler de WestJet en tant que preneur de prix, M. Dunleavy a affirmé que WestJet n'influençait pas le marché en établissant des prix, présumant que le marché suivrait. M. Dunleavy a mentionné que le marché établissait les prix et que WestJet devait adapter ses prix jusqu'au point où le volume de trafic répondait aux attentes du transporteur en ce qui concerne les prévisions de la demande.
[564] Mme Guillemette, directrice principale de la Gestion du réseau d'Air Canada, qui était responsable de la maximisation des revenus du réseau d'Air Canada, a souligné que même si Air Canada avait imposé des augmentations de prix à la plupart de ses marchés au fil des années pour essayer de récupérer certains coûts, elle n'était « pas à l'aise » avec l'affirmation des demandeurs que les transporteurs pouvaient augmenter les prix pour éviter de subir des pertes. Mme Guillemette a expliqué que pour chaque fluctuation de prix, il y avait une fluctuation de la demande, et que de plus, le marché était très concurrentiel, ce qui signifiait que les autres transporteurs devaient imposer les mêmes augmentations de prix. Mme Guillemette a expliqué que les changements du marché et « tout changement économique ou toute situation mondiale ayant un impact sur le transport aérien » signifiaient que les coûts marginaux n'étaient pas vraiment viables au fil du temps.
[565] En réponse à une question de l'avocat des demandeurs à savoir s'il y avait quelque chose d'unique dans le système sophistiqué d'établissement des prix d'Air Canada qui justifiait que l'impact d'un prix « 1P1T » serait qualitativement différent de celui d'un réseau d'autobus ayant une politique 1P1T viable depuis de nombreuses années, Mme Guillemette a expliqué que les transporteurs aériens avaient une multitude de « prix arrondis », ce qui n'était pas le cas pour les autobus ou les autres modes de transport en commun.
[566] M. Crosson était d'accord avec l'avocat des demandeurs que si une politique 1P1T était appliquée simultanément à Air Canada et WestJet, les transporteurs auraient davantage tendance à refiler les coûts connexes aux consommateurs. M. Lewis a expliqué qu'avec un tel scénario, la concurrence demeurerait constante et les deux transporteurs profiteraient de coefficients d'occupation supérieurs.
[567] Durant le contre-interrogatoire fait par l'avocat des demandeurs, M. Tretheway a précisé que, dans le cas des marchés des compagnies aériennes, on avait la preuve qu'il était difficile pour les transporteurs d'augmenter leurs prix face à de nouveaux coûts. Grâce à un exemple, M. Tretheway a expliqué que lorsque des transporteurs avaient des difficultés financières, l'un des transporteurs pouvait essayer d'être le leader et d'augmenter ses prix pour que les autres transporteurs emboîtent le pas; cependant, il a précisé qu'on avait la preuve que ce n'était pas toujours le cas. M. Tretheway a ajouté qu'en fait, il était sûrement plus courant que les tentatives d'augmentation des prix ne soient pas fructueuses auprès des autres transporteurs, obligeant le transporteur à revenir à ses prix initiaux.
[568] À titre d'exemple, M. Tretheway a fait référence à l'expérience des transporteurs en ce qui touche le prix du carburant. Il a soutenu que les transporteurs ont, à maintes reprises au cours de l'histoire de l'industrie du transport aérien, tenté d'accroître les tarifs de base en réponse aux hausses du prix du carburant. Il a indiqué, toutefois, qu'étant donné que les hausses du prix du carburant se sont souvent produites en période de ralentissement économique, certains transporteurs tenteront d'augmenter leurs tarifs alors que d'autres transporteurs, qui sont à court de liquidités, conserveront leurs tarifs à un bas niveau dans l'espoir d'obtenir une part du marché et d'accroître leurs revenus. M. Tretheway a souligné qu'il doutait que le coût d'une politique 1P1T puisse être refilé en totalité et a indiqué que, à tout le moins, les transporteurs seraient tenus d'absorber une partie du coût. Il a affirmé que la capacité de refiler le coût accru serait « encore plus problématique » si certains transporteurs n'étaient pas tenus d'appliquer une politique 1P1T.
[569] M. Tretheway a laissé entendre que l'imposition d'une surtaxe sur les billets constituait une façon plus efficace de refiler les coûts, par opposition à l'augmentation des tarifs de base, à l'instar de ce qui est fait en cas d'augmentation du coût du carburant. M. Tretheway a expliqué que, de cette façon, l'augmentation pourrait être considérée par certains comme « inaperçue » dans les cas où les tarifs de base sont annoncés et où les surtaxes applicables ne le sont pas. M. Tretheway a déclaré qu'il conseillerait à un transporteur ayant adopté une politique 1P1T que la meilleure façon de refiler tout coût additionnel y afférent consisterait à imposer une surtaxe. En ce qui touche le bien-fondé de ce conseil, l'avocat des demandeurs, lors du contre-interrogatoire, s'est opposé à la notion de surtaxe pour les services d'accessibilité et a fait référence à l'expérience de Ryanair, qui avait tenté d'instaurer une surtaxe qui avait ensuite été abolie.
[570] Lorsqu'on lui a demandé de commenter sur la capacité de WestJet à refiler les coûts accrus du carburant à ses passagers en augmentant les tarifs, comme le montre le rapport annuel de 2003 du transporteur, M. Tretheway a allégué que cette mesure découlait peut-être du retrait de la société Corporation Jetsgo exerçant son activité sous le nom de Jetsgo du marché intérieur et du fait qu'une grande partie des services de WestJet sont offerts dans l'Ouest, où l'économie est relativement très forte. M. Tretheway a souligné que, malgré l'expérience de WestJet vis-à-vis des hausses du prix du carburant, son opinion sur la résistance des passagers aux tarifs plus élevés demeure la même. Pour appuyer son point, M. Tretheway a indiqué qu'une étude qu'il a préparée pour le conseil des ministres provinciaux responsables du tourisme a révélé qu'un droit de 12 $ pour la sécurité des passagers aériens imposé sur les billets d'avion a effectivement réduit le nombre de voyages en avion, ce qui a suscité une réponse des systèmes de gestion du rendement des transporteurs. M. Tretheway a expliqué que, pour stimuler la demande, les systèmes de gestion du rendement ont réagi en offrant un plus grand pourcentage de billets à tarif réduit, ce qui a donné lieu à une réduction du tarif moyen payé par les passagers. M. Tretheway a en outre expliqué que même si les passagers payaient effectivement un tarif plus élevé, le coût de la taxe « a fini par être divisé »; une partie du coût a été absorbée par un « prix final du billet plus élevé pour le passager, y compris la taxe » et une autre partie, estimée à 3 $, a été absorbée par les transporteurs aériens.
[571] Contrairement aux observations de M. Tretheway concernant l'incapacité des transporteurs à ajuster les prix des billets pour compenser la hausse du prix du carburant, M. Lewis a présenté un élément de preuve selon lequel, malgré l'imposition de hausses de tarifs liées au carburant et à la capacité accrue, les coefficients d'occupation passagers des transporteurs en cause ont augmenté. En particulier, dans son rapport du 21 juillet 2006, M. Lewis a souligné qu'en avril 2006, en réponse à la hausse du coût du carburant, Air Canada a augmenté de 6 $ le prix des billets pour les vols intérieurs à courte distance, de 8 $ pour les vols à moyenne distance et de 10 $ pour les vols à grande distance, et que WestJet a fait correspondre ses tarifs avec les tarifs accrus d'Air Canada. Selon M. Lewis, en dépit de ces hausses de tarifs, les coefficients d'occupation passagers d'Air Canada en juin 2006 ont été de 81,3 pour cent comparé à 79,4 pour cent l'année précédente. Il a indiqué qu'il s'agissait, selon ce qui a été rapporté par la presse spécialisée de l'industrie, du taux le plus élevé du transporteur pour cette période de l'année. M. Lewis a indiqué que le trafic passagers d'Air Canada en juin a augmenté de 7,3 pour cent pour une augmentation de la capacité de 4,7 pour cent. En ce qui concerne WestJet, M. Lewis a affirmé que le coefficient d'occupation de ce transporteur « est passé de 71,9 pour cent en juin 2004 à [7]3,5 pour cent en juin [2005] et que son trafic a augmenté de 22,4 pour cent pour une augmentation de la capacité de 19,8 pour cent » (traduction). Par ailleurs, en ce qui touche les augmentations du coût du carburant et, relativement à la publication du rapport annuel de 2006 de WestJet, qui a révélé une tendance positive concernant les réservations des voyageurs disposés à payer des tarifs plus élevés en reconnaissance du coût élevé du carburant, M. Dunleavy convient avec l'avocat des demandeurs que WestJet a pris une décision très sage en introduisant toute cette capacité additionnelle. Il a souligné que cette capacité a été plutôt bien absorbée par le marché compte tenu des coefficients d'occupation qui continuent d'atteindre des niveaux records d'une année à l'autre.
[572] À la lumière de ce qui précède, M. Lewis a conclu qu'Air Canada et WestJet ont une emprise suffisante sur le marché pour récupérer les revenus cédés en haussant le prix des billets sans se heurter à une résistance importante sur le marché. M. Lewis rapporte la mesure prise en avril 2006 par Air Canada qui consistait à imposer une hausse du prix des billets allant de 6 $ à 10 $ par vol pour compenser l'augmentation du coût du carburant, et il compare cette hausse aux hausses de prix des billets nécessaires pour compenser une politique 1P1T qui, selon ses estimations, iraient de 45 ¢ à 57 ¢ par voyage de durée moyenne et de 3 $ à 4 $ par voyage de plus longue durée.
[573] Au cours de l'interrogatoire principal, M. Dunleavy a déclaré qu'il n'était pas à l'aise avec la notion selon laquelle le coût d'une politique 1P1T peut être refilé sous forme d'une hausse du prix des billets et a indiqué qu'il est clair que la notion selon laquelle les transporteurs en cause ont la capacité de refiler des coûts est inappropriée. M. Dunleavy a expliqué qu'« étant donné le défi que représente l'optimisation des revenus pour les transporteurs aériens, si nous avions déjà pu augmenter ainsi le coût des billets, nous l'aurions déjà fait. De fait, nous pouvons établir des prix arrondis sur le marché, après quoi nous examinons les réactions du marché. Si le trafic n'augmente pas ou que nous ne recevons pas de réservations, nous devons ajuster nos prix en conséquence. » (traduction)
[574] À la question de l'avocat des transporteurs en cause visant à savoir si, comme les témoins des demandeurs l'ont laissé entendre, le coût d'une politique 1P1T équivalant à un dollar ou moins par billet peut être récupéré grâce à une hausse des tarifs, M. Dunleavy a répondu que : « le fait est que si les transporteurs aériens pouvaient ainsi récupérer leurs coûts, j'aurais augmenté mes tarifs d'un dollar dès aujourd'hui. » (traduction) M. Dunleavy a expliqué que c'est le marché qui dicte le prix des billets de sorte que les coûts additionnels doivent être absorbés par les transporteurs aériens.
[575] Les témoins des transporteurs en cause ont également abordé les incidences des hausses du prix des billets sur la part du marché. En particulier, M. Tretheway s'est dit d'avis que si les transporteurs augmentent leurs tarifs et que d'autres transporteurs peuvent fournir des services à des tarifs moins élevés, le résultat à moyen et à court terme sera que d'autres transporteurs feront leur entrée sur le marché. De plus, il a laissé entendre que « la capacité de refiler ces coûts et de maintenir cette pratique est problématique, car il semble probable que notre économie s'affaiblira à un moment donné dans l'avenir et nous devons, à mon avis, envisager l'entrée de nouveaux transporteurs dans cette industrie. » (traduction)
[576] Au cours de l'interrogatoire principal, M. Tretheway a parlé davantage des incidences d'une politique 1P1T sur les modèles d'entreprise des transporteurs aériens. En ce qui touche la perspective historique de l'aviation commerciale, M. Tretheway a indiqué que les obligations imposées aux transporteurs par les gouvernements, les fournisseurs et la main-d'œuvre ont occasionné des hausses de coûts relativement faibles mais qu'au fil du temps, ces hausses se sont accumulées de façon assez considérable. M. Tretheway a fait observer qu'il s'agit de la raison pour laquelle les transporteurs traditionnels ont des coûts considérablement plus élevés à assumer que d'autres transporteurs en mesure de fournir ces services dans l'industrie, particulièrement les nombreux transporteurs à tarifs réduits qui sont entrés sur le marché dans les années 1990. M. Tretheway a en outre souligné que, de ce fait, les transporteurs traditionnels ont dû ramener leurs coûts à des « niveaux plus rationnels ».
[577] À la lumière de qui précède, M. Dunleavy a indiqué, au cours de l'interrogatoire principal, qu'il est extrêmement important que les transporteurs fassent preuve de prudence en ce qui a trait aux coûts, compte tenu des coûts fixes élevés liés aux aéronefs. M. Dunleavy a expliqué que l'industrie du transport aérien est une industrie de produits et services et que, comme toute industrie fondée sur les produits et services, c'est l'unité offrant le prix le plus bas qui a tendance à survivre. En ce qui concerne l'expérience des transporteurs qui ont des modèles de gestion à faibles coûts par rapport à celle des transporteurs traditionnels qui ont des structures de coûts élevés fondées sur la capacité d'exiger des tarifs relativement élevés, M. Dunleavy a expliqué qu'en raison de leurs structures de coûts moins élevés, les transporteurs aériens à tarifs réduits sont en mesure de stimuler des hausses considérables de la demande grâce à leurs tarifs réduits et n'ont besoin d'appliquer qu'une légère baisse de leurs tarifs pour maintenir le même niveau de trafic.
[578] Une déclaration du président-directeur général d'Air Canada, Robert Milton, parue dans le rapport annuel de 2005 du transporteur, exprimait que le nouveau modèle d'entreprise d'Air Canada est « robuste et souple » puisque la société a atteint un bénéfice net de 258 millions de dollars malgré la montée vertigineuse des prix mondiaux du brut qui a fait grimper les coûts en carburéacteur de 592 millions de dollars sur une base consolidée au cours de 2004. À cet égard, Mme Guillemette a fait connaître son désaccord avec la suggestion selon laquelle cette déclaration indique qu'Air Canada peut gérer des augmentations importantes des coûts. Elle a plutôt indiqué qu'il ne s'agissait que d'un reflet des contrôles des coûts très rigoureux et d'autres initiatives en termes de réduction des coûts, de main-d'œuvre et de la mise en place d'un nouveau modèle d'entreprise proposant différentes façons de générer des revenus.
[579] Au cours de l'interrogatoire principal, M. MacKay a affirmé que, pour la première fois depuis presque quinze ans, les transporteurs ont été capables de maintenir une certaine mesure d'augmentation des tarifs pour tenter d'assumer leurs coûts toujours croissants.
[580] Le professeur Lazar a affirmé de façon générale que, compte tenu de la conjoncture à laquelle les transporteurs en cause doivent faire face et du manque de pouvoirs monopolistiques dans l'établissement des prix au sein de l'industrie du transport aérien, les transporteurs en cause ne sont pas en mesure de refiler tous les coûts aux passagers. Le professeur Lazar a fait observer, toutefois, qu'il est possible de refiler les coûts aux consommateurs lorsque les prix fixés par les transporteurs se situent sous le prix moyen maximum que les consommateurs sont prêts à payer. Il a de plus souligné que tout coût additionnel sera assumé en partie par les passagers et en partie par les actionnaires, les employés et les fournisseurs des transporteurs aériens.
[581] Concernant la probabilité qu'aucun coût d'une politique 1P1T ne puisse être refilé aux clients d'Air Canada et de WestJet, M. Lewis a indiqué, en se fondant sur son expérience dans la réalisation d'études économétriques sur l'élasticité, qu'il est très inhabituel qu'une augmentation de tarifs découlant d'une politique 1P1T, telle qu'il l'évalue (soit 30 ¢ à 40 ¢ sur un billet de 300 $ ou environ un dixième d'un pour cent du tarif) ait une incidence statistique. M. Lewis a souligné que les tarifs fluctuent périodiquement beaucoup plus, et ce, pour toutes sortes d'autres raisons commerciales. À la lumière de ce qui précède, M. Lewis a affirmé que, bien qu'il soit d'accord avec le professeur Lazar et M. Tretheway concernant l'existence d'une élasticité de la demande au sein de l'industrie du transport aérien, la modicité même de l'augmentation du prix des billets est telle que le coût d'une politique 1P1T serait impossible à discerner sur le plan statistique, et qu'il n'y aurait aucune diminution du trafic passagers pouvant être mesurée ou documentée.
[582] En réponse à une question posée lors de l'interrogatoire par l'avocat des transporteurs en cause relativement à la raison pour laquelle les transporteurs n'augmentent pas leurs prix lorsqu'ils sont confrontés à de si petits coûts, M. Lewis a indiqué que les compagnies à fort trafic tirent bel et bien partie de ces occasions et tentent de déterminer ce que le marché est prêt à payer.
Analyse de l'Office
[583] L'Office souligne que, bien que les témoins des transporteurs en cause aient fait valoir qu'il est difficile de refiler des coûts en augmentant les tarifs, ils n'ont pas avancé qu'aucune partie d'un nouveau coût ne peut être refilée au moyen d'une augmentation des tarifs.
[584] Bien que les transporteurs en cause aient soutenu de façon générale qu'ils ne peuvent pas augmenter le prix des billets et que, s'ils le pouvaient, ils l'auraient déjà fait, l'Office est d'avis que les exemples fournis par M. Tretheway relativement aux augmentations du prix des billets en raison du coût du carburant et au droit de 12 $ pour la sécurité des passagers aériens n'appuient pas la position selon laquelle les transporteurs en cause ne peuvent refiler aucun nouveau coût en augmentant le prix des billets. Tout en reconnaissant que les transporteurs en cause ont dû absorber 3 $ du droit, M. Tretheway a convenu qu'environ 75 pour cent du droit de 12 $ a été assumé par le passager par suite d'une augmentation du prix. Qui plus est, l'Office fait observer que la preuve incontestée présentée par M. Lewis concernant la réaction du marché et les résultats positifs des transporteurs en cause relativement aux surtaxes importantes liées au carburant démontre que les transporteurs sont en mesure de refiler des coûts, du moins en partie.
[585] Par ailleurs, l'Office signale que les transporteurs en cause n'ont pas contesté la position de M. Lewis, selon laquelle il y aurait peu de résistance du marché, voire aucune, en termes de diminution de la demande des passagers par suite des augmentations de tarifs nécessaires pour atténuer le coût d'une politique 1P1T, compte tenu de la portée négligeable des augmentations du prix des billets (qui, selon ses estimations, iraient de 45 ¢ à 57 ¢ par voyage de durée moyenne et de 3 $ à 4 $ par voyage de plus longue durée). L'Office souligne que les transporteurs en cause n'ont pas contesté l'assertion de M. Lewis bien qu'il reconnaisse que ces montants ne reflètent pas les pertes de revenus attribuables aux voyages des personnes dont l'obésité constitue une déficience conformément à la politique 1P1T puisque les données nécessaires pour alimenter le modèle de M. Lewis n'étaient pas disponibles au moment où son rapport a été rédigé.
[586] L'Office estime que l'observation de M. Tretheway, selon laquelle la capacité de refiler des coûts et de maintenir cette pratique est « problématique » puisqu'il est probable que l'économie s'« affaiblira » dans l'avenir et que de nouveaux transporteurs feront leur entrée dans l'industrie du transport aérien, ne lui est pas d'une grande utilité. La déclaration selon laquelle l'économie s'affaiblira dans l'avenir est incontestable, tout comme la déclaration selon laquelle de nouveaux transporteurs feront leur entrée sur le marché canadien. Bien que l'on puisse difficilement en prédire le moment, comme on peut s'y attendre dans beaucoup d'industries, ces deux événements sont inévitables. Cependant, ce sont les incidences de ces événements qui sont importantes.
[587] L'Office observe l'élément de preuve faisant état de la capacité de WestJet à survivre aux récents ralentissements économiques et au coût croissant du carburant et de la restructuration d'Air Canada, qui lui a permis de s'éloigner du statut de transporteur traditionnel et de passer à des contrôles des coûts plus rigoureux.
[588] L'Office fait observer que, lorsqu'il a été interrogé par l'avocat des demandeurs, M. Crosson était d'accord que, si une politique 1P1T était appliquée à Air Canada et à WestJet simultanément, il serait plus probable que les transporteurs soient en mesure de refiler les coûts connexes aux consommateurs. L'Office partage ce point de vue, particulièrement compte tenu de la dominance des transporteurs en cause sur le marché national.
[589] À la lumière de ce qui précède, l'Office est d'avis qu'il est déraisonnable de conclure que toutes les augmentations de tarifs, quelle qu'en soit la portée, suscitera une résistance importante sur le marché. Les témoignages entendus démontrent qu'Air Canada et WestJet peuvent refiler une partie des nouveaux coûts, de sorte que l'Office est d'avis que les transporteurs sont en mesure de refiler des coûts, du moins en partie, en augmentant le prix des billets.
Utilisation des systèmes de gestion du rendement des transporteurs en cause pour optimiser les revenus passagers à des coefficients d'occupation optimaux
[590] Air Canada et WestJet ont des systèmes sophistiqués qui sont utilisés pour fixer le niveau des tarifs en fonction de la demande prévue. Ces « systèmes de gestion du rendement », que l'on appelle aussi systèmes de « gestion des revenus » ou d'« optimisation des revenus », permettent aux transporteurs d'établir des prix qui optimisent les revenus à des coefficients d'occupation optimaux et de vérifier continuellement quels tarifs les consommateurs sont disposés à accepter.
[591] En décrivant le processus utilisé par WestJet pour vendre des places sur ses vols à l'aide de son système de gestion du rendement, M. Dunleavy a expliqué que WestJet charge habituellement ses vols dans le système de réservation 356 jours avant la date de départ, après quoi son système de gestion du rendement étudie les réservations reçues. M. Dunleavy a souligné que le système de gestion du rendement génère au fil du temps un profil des traits caractéristiques des réservations pour un vol en particulier et que chacun des vols démontre des variations statistiques. En ce sens, le département de gestion des revenus et de l'établissement des prix de WestJet étudie comment les réservations sont reçues au fil du temps pour déterminer si le rendement d'un vol est supérieur ou inférieur au rendement prévu. M. Dunleavy a indiqué que si le rendement d'un vol n'est pas aussi important que prévu, un solde de places pourrait être lancé ou certains ajustements pourraient être apportés au prix pour stimuler la demande. M. Dunleavy a également indiqué que si le rendement d'un vol est supérieur au rendement prévu, il est possible que l'on décide de fermer la catégorie de réservation à tarif réduit plus tôt que prévu pour favoriser la vente de billets dans la catégorie à tarif plus élevé. M. Dunleavy a indiqué que le principal objectif de cette approche consistait à optimiser les revenus générés par les vols et a déclaré que, de ce fait, l'établissement de prix de WestJet est « très dynamique » et qu'il peut y avoir des variations de prix « cinq ou même 10 000 fois par jour certains jours ».
[592] En décrivant l'utilisation du système de gestion du rendement d'Air Canada, Mme Guillemette a expliqué que la vente de places sur tout vol commence par l'élaboration d'un horaire de vol et des objectifs en matière de revenus. Ensuite, les vols sont « chargés » dans le système de réservation d'Air Canada un an à l'avance, après quoi Air Canada commence à gérer l'inventaire des sièges disponibles sur chaque vol afin d'atteindre ses objectifs en matière de revenus. Mme Guillemette a souligné qu'Air Canada a recours à des prévisions de la demande fondées sur les données historiques et les prix du marché pour estimer le nombre de réservations qui seront effectuées au cours de la période de réservation d'un vol.
[593] Mme Guillemette a indiqué que les marchés sur lesquels Air Canada mène ses activités sont extrêmement dynamiques et que la demande est influencée par des événements hors du contrôle de la société. Mme Guillemette a expliqué que, pour optimiser les revenus, il est impératif qu'Air Canada examine le rendement d'un vol par rapport aux prévisions. Mme Guillemette a indiqué qu'Air Canada cherche continuellement à comprendre la demande de places sur tout vol et reconnaît que les ventes réalisées plus près de la date de départ peuvent générer un niveau de revenus plus élevé que celles réalisées plus tôt au cours de la période de réservation du vol. En utilisant le prix à titre de levier clé, Air Canada gère les ventes de places par rapport aux prévisions de la demande pour optimiser les revenus.
[594] Le professeur Lazar a affirmé que chaque client est prêt à payer un prix maximal différent et que la combinaison de clients à bord d'un vol influera sur le prix moyen maximal atteint. Le professeur Lazar a déclaré que les transporteurs aériens tentent de fixer des prix qui correspondent à ce prix moyen maximal et a expliqué que si les prix du transporteur se situent sous la moyenne maximale, celui-ci peut refiler des coûts aux consommateurs. Le professeur Lazar a également expliqué que si les prix du transporteur ont déjà atteint la moyenne maximale, ce dernier sera tenu d'absorber de nouveaux coûts.
[595] Dans son rapport du 1er juin 2006, le professeur Lazar souligne que les voyages additionnels découlant d'une politique 1P1T donneraient lieu à une augmentation des coefficients d'occupation et à des vols plus complets. Toutefois, il y aurait une diminution de la demande dès que ces effets seraient inclus dans les systèmes de gestion du rendement des transporteurs et les tarifs moyens seraient plus élevés en raison des vols plus complets. Le professeur Lazar explique en outre que les systèmes de gestion du rendement ajusteraient les tarifs ou la disponibilité des places à différents niveaux tarifaires de sorte que la diminution nette du nombre de voyages « neutraliserait largement » l'augmentation initiale du nombre total de voyages additionnels générés par une politique 1P1T. Enfin, le professeur Lazar conclut que les coefficients d'occupation moyens et le pourcentage de vols complets seraient « légèrement plus élevés » qu'ils le seraient sans politique 1P1T.
Analyse de l'Office
[596] Les systèmes de gestion du rendement des transporteurs en cause gèrent les ventes de places par rapport à la demande prévue pour optimiser les revenus à des coefficients d'occupation optimaux et, dans les cas où la demande pour un vol donné est plus importante que prévue, on peut s'attendre à ce que les systèmes de gestion du rendement ferment la catégorie de réservation à tarif réduit plus tôt que prévu pour favoriser la vente de billets dans la catégorie à tarif plus élevé, ce qui a pour effet d'accroître le prix moyen des billets du vol en question.
[597] En ce qui a trait aux effets d'une politique 1P1T sur la demande, toutes les méthodes présentées par les spécialistes des parties concernant les estimations des pertes de revenus attribuables à la mise en œuvre d'une politique 1P1T tiennent compte du fait que les personnes ayant une déficience qui ont besoin de sièges additionnels pour répondre à leurs besoins auront davantage recours aux transporteurs par suite d'une politique 1P1T. Eu égard à cette demande additionnelle, on souligne que les transporteurs en cause ont présenté des éléments de preuve lors de l'audience de novembre 2006 concernant plusieurs études axées principalement sur les domaines de la médecine et du transport en commun. À ce sujet, M. Tretheway a fait valoir à titre de message clé qu'en général, les services offerts gratuitement stimulent la demande de façon assez importante.
[598] L'Office est d'avis qu'en l'absence d'une augmentation du prix des billets, la demande additionnelle occasionnée par une politique 1P1T tendrait à causer une augmentation des coefficients d'occupation au-delà des niveaux de maximisation du profit. Toutefois, les éléments de preuve présentés par les deux transporteurs en cause démontrent clairement que les systèmes de gestion du rendement des transporteurs assureront que des ajustements sont apportés pour maintenir un équilibre entre le rendement et les coefficients d'occupation au chapitre de la maximisation du profit. Comme en a témoigné Mme Guillemette, l'ajustement des prix constitue l'un des principaux mécanismes pour atteindre cet équilibre.
[599] La méthodologie de gestion du rendement prévoit que les systèmes de gestion du rendement des transporteurs aériens réagiront aux voyages additionnels occasionnés par une politique 1P1T en augmentant les tarifs, ce qui contribuera au maintien de l'équilibre de maximisation du profit entre les revenus générés par la vente de places additionnelles et les revenus cédés en raison du nombre moins élevé de places disponibles pour la vente plus près de la date de départ lorsque le rendement est plus élevé. Conformément au témoignage du professeur Lazar, cette méthode suppose qu'une augmentation du prix réduira environ autant le nombre de voyages qu'une nouvelle politique 1P1T en occasionnera. Par conséquent, on s'attend à ce que, tous les autres éléments demeurant constants, les coefficients d'occupation et les coûts restent stables.
[600] Selon les éléments de preuve présentés relativement à l'utilisation des systèmes de gestion du rendement par les transporteurs en cause pour optimiser les revenus tout en maintenant des coefficients d'occupation optimaux, l'Office est d'avis qu'à défaut de changements opérationnels, comme un accroissement de la capacité, on peut s'attendre à ce que la mise en place d'une politique 1P1T amène les systèmes de gestion du rendement à augmenter les tarifs moyens. Ceci étant dit, l'Office reconnaît également l'opinion exprimée par M. Lewis que, même s'il est possible qu'Air Canada et WestJet puissent, en augmentant le prix des billets, récupérer les revenus cédés, comme l'a indiqué Mme Guillemette, il ne serait pas réaliste pour les transporteurs d'imposer une augmentation fixe du prix et de s'attendre à ce que celle-ci résiste aux changements continus sur le marché.
[601] L'Office fait observer que l'opinion ci-dessus renferme la notion selon laquelle la capacité d'influencer les prix est sensible au temps. De fait, bien que les transporteurs en cause puissent accroître les tarifs à court terme, il reste qu'il faudra déterminer si cette hausse de prix peut être maintenue à long terme étant donné que leurs concurrents prennent des décisions qui ont des incidences sur leurs activités, par exemple la décision d'accroître la capacité pour se disputer une part de marché additionnelle, et que de nouveaux transporteurs font leur entrée sur le marché.
[602] En principe, l'Office reconnaît que, dans un marché concurrentiel, les hausses de prix au-delà d'un certain niveau pourraient amener les transporteurs concurrents à ajuster leurs activités dans le but de s'emparer d'une part de marché additionnelle. De telles mesures pourraient inclure l'accroissement de la capacité ou l'entrée dans de nouveaux marchés, ce qui pourrait amener les systèmes de gestion du rendement à réduire les prix ou à réduire les hausses prévues des prix pour conserver la part du marché.
[603] Reconnaissant la possibilité que la hausse de prix estimative liée à la mise en place d'une politique 1P1T ne soit pas maintenue à long terme, l'Office doit examiner la question visant à déterminer si la méthode de calcul des coûts marginaux, qui présume que les prix demeureront relativement inchangés, fournit une estimation plus appropriée des pertes de revenus attribuables à la mise en place d'une politique 1P1T.
[604] À cet égard, l'Office signale que la méthode de calcul des coûts marginaux prévoit qu'il y aura des pertes de revenus par suite du refus ou du déplacement de passagers générateurs de revenus sur des vols complets et si l'on admet l'hypothèse voulant que les transporteurs en cause ne prendront aucune mesure pour récupérer ces clients, qui pourraient décider de faire leur réservation auprès de transporteurs concurrents. Cependant, l'Office est d'avis qu'il s'agirait d'une réaction improbable et que l'on pourrait s'attendre à ce que les transporteurs en cause accroissent la capacité ou procèdent à d'autres ajustements opérationnels au fil du temps pour éviter de perdre ces passagers au profit de leurs compétiteurs. Comme aucun élément de preuve n'a été présenté par les transporteurs en cours quant à la façon dont ils réagiraient au déplacement continu de passagers qui, selon la méthode de calcul des coûts marginaux, découlerait d'une politique 1P1T, l'Office est d'avis que cette méthode ne convient pas au calcul du coût de la politique.
[605] Il convient de noter que le professeur Lazar et M. Lewis étaient tous deux d'avis qu'une politique 1P1T donnerait à la fois lieu à une augmentation du prix des billets, conformément à la méthodologie de gestion du rendement, et à des coefficients d'occupation plus élevés, conformément à la méthode de calcul des coûts marginaux. Bien que l'Office soit conscient de l'incidence d'une hausse de prix sur les revenus dans le cadre de la méthodologie de gestion du rendement, il estime qu'il est inapproprié, comme on le verra ci-après, de combiner cette incidence aux éléments de la méthode de calcul des coûts marginaux, ce faisant, on exagérerait à la fois les pertes de revenus et les coûts.
[606] En ce qui concerne la surestimation des pertes de revenus, M. Lewis tient entièrement compte des pertes de revenus attribuables au déplacement de passagers sur des vols complets, conformément à la méthode de calcul des coûts marginaux. Sa méthode tient également entièrement compte des pertes de revenus liées à une hausse de prix suffisant à réduire une augmentation connexe de la demande, conformément à la méthodologie de gestion du rendement. En ce sens, la méthode de M. Lewis laisse entendre que des passagers seront refusés bien que des places soient disponibles par suite d'une diminution du nombre de places demandées à la suite de la hausse du prix. Ce résultat reflète un double comptage de certaines pertes de revenus.
[607] En ce qui touche la surestimation des coûts, la méthode de M. Lewis tient compte des coûts accrus sous forme de coûts marginaux additionnels associés aux vols additionnels sur lesquels des places sont disponibles, conformément à la méthode de calcul des coûts marginaux. Comme il a été mentionné plus tôt, sa méthode tient également compte d'une augmentation de prix suffisant à réduire une augmentation connexe de la demande, conformément à la méthodologie de gestion du rendement. En ce sens, la méthode de M. Lewis tient compte des coûts liés au transport de passagers additionnels, même si selon les prévisions, le nombre de passagers demeurera relativement inchangé en raison de l'augmentation du prix. Le résultat, dans le cadre de la méthode de M. Lewis, est une surestimation des coûts.
[608] Tel qu'il est illustré ci-dessus, de nombreux éléments de preuve présentés par les transporteurs en cause démontrent que ceux-ci ont recours à leurs systèmes de gestion du rendement pour optimiser leurs revenus à des coefficients d'occupation optimaux et que l'un des principaux mécanismes utilisés par ces systèmes pour y arriver sont les ajustements au prix des billets. Par conséquent, l'Office est d'avis que la méthodologie de gestion du rendement est appropriée pour estimer les pertes de revenus découlant de la mise en œuvre d'une politique 1P1T.
[609] L'Office indique que, selon les éléments de preuve présentés, la part de marché intérieur combinée d'Air Canada et de WestJet s'élève à environ 90 pour cent. L'Office reconnaît cependant que, sur certaines routes, les transporteurs sont soumis à la concurrence des autres transporteurs aériens et des autres modes de transport. L'Office accepte l'élément de preuve des transporteurs en cause selon lequel la capacité de ces derniers à influencer les prix sur le marché national et de refiler les coûts ne serait pas absolue dans un marché concurrentiel où les autres transporteurs ne sont pas tenus de mettre en place une politique 1P1T. Toutefois, l'Office est d'avis que les éléments de preuve démontrent que les transporteurs en cause peuvent, dans une certaine mesure, accroître le prix des billets en réponse à de nouveaux coûts.
[610] En outre, l'Office estime que, contrairement à l'affirmation générale de M. Tretheway selon laquelle la capacité des transporteurs à refiler des coûts et à maintenir cette pratique est discutable puisque l'économie ralentira tôt ou tard, l'adoption par WestJet d'un modèle d'entreprise à tarifs réduits et l'importance accrue accordée par Air Canada aux contrôles rigoureux des coûts amélioreront considérablement la capacité de ces transporteurs à résister aux ralentissements de l'économie, comme en témoigne l'expérience de WestJet en termes de rentabilité soutenue.
[611] Enfin, l'Office conclut que, à la lumière des éléments de preuve liés à l'objet et à l'utilisation des systèmes de gestion du rendement, il est évident que la réaction de ces systèmes au coût d'une politique 1P1T serait d'ajuster le prix des billets à la hausse en réponse à la demande additionnelle occasionnée par les personnes ayant une déficience qui ont besoin de sièges additionnels, et ce, dans le but d'optimiser les revenus tout en maintenant des coefficients d'occupation optimaux.
[612] Par conséquent, l'Office conclut que la méthodologie de gestion du rendement est la méthode la plus appropriée et procédera maintenant à l'estimation du coût d'une politique 1P1T.
c) Coût estimatif d'une politique 1P1T
[613] Le calcul du coût estimatif d'une politique 1P1T, au moyen de la méthodologie de gestion du rendement, est exprimé en termes de pertes annuelles de revenu net avant impôts. Ce calcul est établi ci-dessous de façon préliminaire, puis ajusté au besoin de façon à refléter le coût de la politique moins toute économie quantifiable pouvant y être attribuée et toute réduction de l'impôt à payer relativement à une politique 1P1T.
Pertes estimatives de revenu net avant impôts attribuables à une politique 1P1T
[614] Les éléments d'incidence du calcul du coût d'une politique 1P1T conformément à la méthodologie de gestion du rendement ont été déterminés au paragraphe 493. Dans cette section, les éléments monétaires du calcul, à savoir le niveau tarifaire et l'élasticité de la demande par rapport au prix, ont été déterminés.
[615] Aucun des rapports de l'expertise n'a quantifié les pertes de revenu net attribuables au coût d'une politique 1P1T visant à répondre aux besoins des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité. Bien que M. Lewis et Ernst & Young aient élaboré des méthodes pour quantifier ces pertes, les calculs pertinents n'ont pas pu être effectués en raison du manque de données connexes sur l'incidence au moment où ils ont rédigé leurs rapports. Toutefois, comme il est indiqué ci-dessous, M. Lewis a établi une estimation approximative du coût d'une politique 1P1T visant à répondre aux besoins des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité. Cette estimation est fondée sur les témoignages entendus lors de l'audience de novembre 2006 concernant la fréquence et la propension à voyager de ce sous-groupe de personnes ayant une déficience. De plus, pendant les plaidoyers finals, l'avocat des transporteurs en cause a estimé le coût, pour chaque transporteur, d'une politique 1P1T visant à répondre aux besoins des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité.
Approche pour calculer les pertes annuelles de revenu net avant impôts
[616] Le calcul des pertes de revenu net est fondé sur quatre grandes hypothèses et facteurs qui sont présentés ci-après.
(i) Nombre de places additionnelles dont une personne ayant une déficience aura besoin en raison de sa déficience, soit pour elle-même ou pour son Accompagnateur
[617] M. Lewis a indiqué dans son témoignage que très peu de personnes ayant une déficience nécessitent plus d'un siège additionnel et que les pertes de revenus correspondantes sont négligeables. En particulier, dans son rapport du 21 juillet 2006, M. Lewis signale que son évaluation des effets financiers vise aussi les personnes qui, en raison de leur déficience, doivent s'asseoir horizontalement sur plusieurs sièges et cite le rapport de Mme Furrie, Incidence of Persons with Disabilities in Canada Who May Require More Than One Aircraft Seat, pour démontrer que ce groupe est extrêmement restreint. Les transporteurs en cause n'ont pas contesté ce point et n'ont fourni aucune preuve du contraire.
[618] Par rapport à ce qui précède, l'Office accepte que la plupart des personnes ayant une déficience qui seraient admissibles aux avantages d'une politique 1P1T ne nécessiteront qu'un seul siège additionnel pour répondre à leurs besoins.
[619] Conformément à ce qui précède, l'Office a supposé, aux fins du calcul des pertes annuelles de revenu net attribuables à une politique 1P1T, qu'un siège additionnel sera requis sur chaque vol pour répondre aux besoins d'une personne admissible.
(ii) Incidence de la politique d'Air Canada sur les tarifs aériens des Accompagnateurs sur les pertes estimatives de revenu net
[620] Dans son calcul des pertes possibles de revenus, le professeur Lazar a tenu compte de la politique actuelle d'Air Canada sur les tarifs aériens des Accompagnateurs. Cette politique assure que l'Accompagnateur aura un rabais de 50 pour cent sur le plein tarif payé par la personne ayant une déficience. Dans son témoignage, le professeur Lazar a signalé que le « tarif Tango » d'Air Canada (à savoir le tarif le moins élevé d'Air Canada) est généralement beaucoup moins élevé que l'équivalent de 50 pour cent d'un plein tarif, comme il en a été question précédemment, et l'on estime qu'il s'agit de la principale raison pour laquelle seulement 1 124 voyages ont été vendus dans le cadre de cette politique au cours de la période de 12 mois allant de mai 2005 à avril 2006. À la lumière de ce qui précède, l'Office estime négligeable l'incidence de la politique actuelle d'Air Canada sur le calcul des pertes de revenu net attribuables à une politique 1P1T (en termes de réduction du total calculé). En conséquence, l'estimation des pertes annuelles de revenu net avant impôts attribuables à la mise en place d'une politique 1P1T n'a pas été ajustée, tel qu'il est énoncé plus loin dans cette section, de façon à tenir compte des rabais offerts sur ces 1 124 voyages, car il est admis que l'incidence sur l'estimation serait négligeable26.
(iii) Données de 2005 et présentation de valeurs
[621] Le professeur Lazar, Ernst & Young et Siebert/Pask ont fourni des estimations du coût annuel d'une politique 1P1T jusqu'à l'année 2015. Toutefois, un grand nombre de variables nécessaires à l'estimation du coût d'une telle politique, comme les tarifs moyens des transporteurs, risquent de changer de façon considérable au fil du temps. De ce fait, les éléments suivants portent sur les pertes annuelles estimatives de revenu net avant impôts attribuables à une politique 1P1T en fonction de la période de douze mois, à savoir 2005, abordée dans tous les rapports d'experts.
[622] Les valeurs présentées dans le texte qui suit ont été arrondies, de sorte qu'un nouveau calcul effectué au moyen de ces valeurs pourrait donner lieu à des écarts attribuables aux décimales.
(iv) Nombre de voyages effectués par des personnes ayant une déficience
[623] Tel qu'il a été établi au paragraphe 493, le nombre estimatif de voyages intérieurs effectués chaque année par des personnes ayant une déficience qui ont besoin de sièges additionnels en raison de leur déficience s'élève à environ 54 200 voyages auprès d'Air Canada et à environ 28 900 voyages auprès de WestJet.
Calcul des pertes annuelles de revenu net avant impôts
[624] Les pertes annuelles estimatives de revenu net avant impôts attribuables à une politique 1P1T, selon la méthodologie de gestion du rendement, sont déterminées en fonction de la somme des trois incidences suivantes sur les revenus :
- Pertes de revenus attribuables aux personnes ayant une déficience qui ont besoin de sièges additionnels pour répondre à leurs besoins et qui voyagent déjà.
- Augmentations des revenus liée aux nouveaux voyages entrepris par des personnes ayant une déficience qui ont besoin de sièges additionnels pour répondre à leurs besoins.
- Pertes de revenus par suite de l'augmentation des tarifs.
(i) Pertes de revenus attribuables aux personnes ayant une déficience qui ont besoin de sièges additionnels pour répondre à leurs besoins et qui voyagent déjà
[625] En ce qui concerne l'hypothèse précitée selon laquelle un siège additionnel est requis pour chaque personne ayant une déficience qui a besoin de plus de place en raison de sa déficience lorsqu'elle voyage, les transporteurs perdront un tarif par voyage effectué par une personne ayant une déficience qui voyageait déjà avant la mise en place d'une politique 1P1T et qui payait deux billets. Par conséquent, les pertes de revenus par suite de cette incidence sont calculées en multipliant le nombre de voyages intérieurs de ce groupe par le tarif moyen.
[626] En ce qui concerne la question de savoir si un tarif moyen est approprié pour estimer les pertes de revenu net attribuables à une politique 1P1T, l'Office fait observer que l'expert des demandeurs a utilisé des tarifs moyens. L'Office note également que les experts des transporteurs en cause ont utilisé des tarifs moyens pour estimer les pertes de revenu net, bien que M. Tretheway ait affirmé qu'un tarif moyen n'est pas nécessairement une mesure utile du coût lié aux revenus perdus étant donné qu'un siège additionnel fourni gratuitement à une personne ayant une déficience aurait pu être vendu à un « passager à rendement supérieur ». De cette façon, M. Tretheway fait valoir que l'utilisation des tarifs moyens sous-estime le coût lié aux revenus perdus attribuable au fait de fournir des sièges additionnels gratuitement aux termes d'une politique 1P1T.
[627] Dans le même ordre d'idées, M. Lewis a indiqué, dans son rapport du 21 juin 2006, que l'incidence sur les revenus du déplacement d'un passager devrait être évaluée à un tarif plus élevé que le tarif moyen.
[628] Bien que l'Office reconnaisse l'argument selon lequel un siège additionnel fourni gratuitement à une personne ayant une déficience conformément à une politique 1P1T aurait pu être vendu à un tarif plus élevé que le tarif moyen plus près de la date de départ, on pourrait avancer que l'utilisation des tarifs moyens pourrait effectivement donner lieu à une surestimation du coût lié aux revenus perdus. À cet égard, l'Office fait observer que, dans les rapports des experts des transporteurs en cause, le nombre de voyages intérieurs effectués par des personnes ayant une déficience qui ont besoin de sièges additionnels pour voyager en avion est estimé à des centaines de milliers de voyages. Cependant, seulement 1 124 personnes ont demandé une réduction de 50 pour cent aux termes de la politique d'Air Canada sur les tarifs aériens des Accompagnateurs27, qui s'applique aux billets à plein tarif.
[629] Dans son rapport du 1er juin 2006, le professeur Lazar indique qu'uniquement 0,41 pour cent des passagers susceptibles d'être admissibles auprès d'Air Canada ont reçu un rabais de 50 pour cent sur les tarifs payés pour les Accompagnateurs. Comme il en a été question au paragraphe 241, le professeur Lazar a affirmé que les personnes ayant une déficience ne se prévalent pas de l'avantage offert dans le cadre de la politique d'Air Canada sur les tarifs aériens des accompagnateurs étant donné que les tarifs Tango maintenant disponibles sont généralement moins élevés que les tarifs réduits disponibles dans le cadre de la politique.
[630] L'Office fait observer les éléments de preuve présentés par son expert, M. Fisher, qui a soutenu dans son rapport que, selon les données les plus récentes de Statistique Canada qui étaient disponibles au moment où il a préparé son rapport28, seulement 6,2 pour cent des passagers aériens ont acheté des billets de classe affaires et de classe économique sans restriction en 2002. On peut raisonnablement conclure, en comparant le pourcentage présenté par M. Fisher pour la population générale (6,2 pour cent) à celui présenté par le professeur Lazar pour la population cible (0,41 pour cent), que les personnes ayant une déficience qui ont besoin de sièges additionnels pour voyager en avion sont plus susceptibles de se prévaloir des tarifs réduits que la population générale. Cette conclusion est en outre appuyée par le fait que, tel qu'il en a été question précédemment au paragraphe 418, les statistiques démontrent que le niveau d'emploi et le revenu de la population cible, à savoir les personnes ayant une déficience grave, sont moins élevés.
[631] Comme il semble que les personnes ayant une déficience qui ont besoin de sièges additionnels pour répondre à leurs besoins ont tendance à acheter des billets à tarifs réduits, les places retirées de l'inventaire seront généralement aussi à tarifs réduits. Dans la mesure où les personnes ayant une déficience sont plus susceptibles d'acheter des billets à tarifs réduits, on peut faire valoir qu'il est inapproprié d'évaluer les sièges additionnels fournis aux personnes ayant une déficience en fonction d'un tarif plus élevé que le tarif moyen.
[632] À la lumière de ce qui précède, il est évident qu'il existe des arguments en faveur de l'utilisation de tarifs plus élevés que les tarifs moyens et en faveur de l'utilisation de tarifs moins élevés que les tarifs moyens pour calculer le coût estimatif d'une politique 1P1T. Toutefois, malgré les affirmations de M. Tretheway selon lesquelles il est approprié d'avoir recours à des tarifs plus élevés que les tarifs moyens pour estimer le coût d'une politique 1P1T, les spécialistes des transporteurs en cause ont utilisé des tarifs moyens à cette fin. Compte tenu de ce fait et en l'absence d'éléments de preuve définitifs pour appuyer le choix d'un tarif plutôt que d'un autre, l'Office accepte que les tarifs moyens fournissent une mesure appropriée du coût lié aux revenus perdus.
[633] Mme Guillemette a déclaré que le tarif moyen des vols intérieurs d'Air Canada était de 222 $ « par coupon » et a expliqué qu'il s'agissait du tarif associé à un segment de vol simple. Mme Guillemette a indiqué que la somme de 222 $ est un tarif exact pour ce qui est du cumul annuel de 2006 et que ce tarif est « très très près » du tarif moyen d'Air Canada pour les vols intérieurs en 2005. Mme Guillemette a expliqué qu'une moyenne de 2,2 coupons sont consommés lors d'un voyage aller-retour, ou 1,1 coupon par voyage. À ce titre, l'Office conclut qu'un tarif moyen équivalent pour les vols intérieurs de 244 $ (222 $ x 1,1) par voyage est approprié pour calculer les pertes estimatives de revenu net par suite d'une politique 1P1T pour Air Canada.
[634] En ce qui concerne le tarif moyen de WestJet pour les vols intérieurs, l'analyste principal en développement de routes pour WestJet, Bart Casson, a déclaré par voie d'affidavit que le tarif moyen de WestJet pour les vols intérieurs en 2005 était de 140 $ par segment de vol. L'auteur de l'affidavit a déclaré que ce chiffre est représentatif de l'information sur le rendement et les distances franchissables moyennes contenues dans les rapports annuels de WestJet. M. Dunleavy a déclaré que le montant de 140 $ par segment de vol représentait de façon très exacte le tarif moyen de WestJet pour les vols intérieurs en 2005. Bien que WestJet n'ait fourni aucune indication du nombre moyen de segments de vol par voyage, l'Office signale que les spécialistes de WestJet, Siebert/Pask, ont réalisé des calculs à l'aide d'un tarif moyen de 140 $ par voyage, de sorte que l'Office estime approprié d'utiliser une moyenne d'un coupon par voyage. À cet égard, l'Office estime qu'un tarif moyen de 140 $ (140 $ x 1,0) par voyage pour les vols intérieurs avec WestJet semble raisonnable.
Air Canada |
WestJet |
|
Tarif moyen par coupon pour les vols intérieurs |
222,00 $ |
140,00 $ |
Nombre de coupons par voyage |
1,1 |
1,0 |
Tarif moyen par voyage pour les vols intérieurs |
244,20 $ |
140,00 $ |
[635] Comme il est mentionné ci-dessus, le nombre estimatif de voyages annuels intérieurs par personne ayant une déficience qui a besoin d'un siège additionnel pour répondre à ses besoins est de 54 200 voyages avec Air Canada. En se fondant sur ce nombre et sur le tarif moyen d'Air Canada pour les vols intérieurs, à savoir 244 $ par voyage, l'Office estime qu'avant de tenir compte de l'augmentation de revenus (abordée à la section suivante), les pertes annuelles de revenus d'Air Canada attribuables à une politique 1P1T s'élèveraient à 13,2 millions de dollars (54 200 x 244 $).
[636] Les chiffres correspondants pour WestJet sont de 28 900 voyages intérieurs à un tarif moyen de 140 $ par voyage. L'Office estime qu'avant de tenir compte de l'augmentation des revenus (abordée à la section suivante), les pertes annuelles de revenus de WestJet attribuables à une politique 1P1T s'élèveraient à 4,0 millions de dollars (28 900 x 140 $).
Air Canada |
WestJet |
|
Voyages intérieurs effectués par des Canadiens admissibles dans le cadre d'une politique 1P1T |
54 180 |
28 896 |
Tarif moyen par voyage pour les vols intérieurs |
244,20 $ |
140,00 $ |
Revenus cédés annuellement en raison des passagers qui voyagent déjà |
13 230 729 $ |
4 045 432 $ |
(ii) Augmentations des revenus liée aux nouveaux voyages entrepris par des personnes ayant une déficience qui ont besoin de sièges additionnels pour répondre à leurs besoins
[637] La méthodologie de gestion du rendement tient compte du fait que, pour chaque voyage additionnel entrepris par des personnes ayant une déficience qui ont besoin de sièges additionnels pour répondre à leurs besoins, les transporteurs accroîtront leurs revenus d'un tarif applicable et fourniront le ou les sièges additionnels requis gratuitement. En supposant, encore une fois, que les personnes ayant une déficience qui ont besoin de sièges additionnels pour répondre à leurs besoins n'ont besoin que d'un siège additionnel chacun pour voyager, les transporteurs obtiendront un tarif moyen pour chaque voyage additionnel entrepris par ces personnes. Par conséquent, les revenus additionnels peuvent être calculés en multipliant le nombre de voyages additionnels par le tarif moyen.
[638] En ce qui concerne l'estimation du nombre de voyages additionnels, il est nécessaire de tenir compte des éléments suivants :
- le pourcentage de réduction pour un voyage;
- l'élasticité de la demande par rapport au prix.
Pourcentage de réduction
[639] Comme il est mentionné ci-dessus, étant donné qu'une diminution du coût estimatif d'une politique 1P1T attribuable à la politique actuelle d'Air Canada sur les tarifs aériens des Accompagnateurs est négligeable, on suppose, aux fins du calcul du coût de la politique, qu'une personnes ayant une déficience qui a besoin de sièges additionnels pour voyager en avion paie deux tarifs. Dans le cadre d'une politique 1P1T, cette personne ne paiera qu'un seul tarif, ce qui représente une réduction de 50 pour cent pour un voyage.
Élasticité de la demande par rapport au prix
[640] L'ensemble des rapports de l'expertise présentés par les parties indiquent que les personnes ayant une déficience qui ont besoin de sièges additionnels en raison de leur déficience, soit pour elles-mêmes ou pour leur Accompagnateur, effectueront plus de voyages avec les transporteurs en cause si une politique 1P1T est mise en place.
[641] Le professeur Lazar a expliqué que l'élasticité de la demande par rapport au prix est le ratio du pourcentage de variation de la quantité demandée par rapport au pourcentage de variation du prix. Il a également affirmé que, plus grande est la valeur de l'élasticité par rapport au prix, plus grande est l'augmentation proportionnelle de la demande liée à toute variation de prix. À titre d'exemple, le professeur Lazar a souligné que, lorsque l'élasticité par rapport au prix est de 1,2, une diminution d'un pour cent du prix devrait donner lieu à une augmentation de 1,2 pour cent de la quantité demandée et que, lorsque l'élasticité par rapport au prix est de 0,8, une diminution du prix d'un pour cent devrait donner lieu à une augmentation de 0,8 pour cent de la demande.
[642] Les spécialistes ont présenté un certain nombre de valeurs pour ce qui est de l'élasticité de la demande par rapport au prix relative aux voyages intérieurs.
[643] Dans son rapport initial, daté du 25 novembre 2005, le professeur Lazar a posé, à titre d'hypothèse, une élasticité par rapport au prix de 1,25 pour estimer le nombre de voyages additionnels effectués par des personnes ayant une déficience qui ont besoin de sièges additionnels pour répondre à leurs besoins par suite de la mise en œuvre d'une politique 1P1T. Cette hypothèse n'était pas étayée par une source et était à la base de l'analyse réalisée par Ernst & Young et par Siebert/Pask.
[644] Dans son deuxième rapport, daté du 1er juin 2006, le professeur Lazar a révisé son hypothèse et a utilisé les valeurs présentées dans le rapport intitulé Élasticités de la demande de transport aérien de passagers : concepts, problèmes et mesure29 préparé par le ministère des Finances du Canada. Dans son rapport, le professeur Lazar pose, à titre d'hypothèse, une élasticité de la demande par rapport au prix de 1,112, soit l'estimation médiane dans le cadre des études tenant compte des effets intermodaux. Il a souligné qu'il s'agissait « d'une des études et des estimations privilégiées par le ministère des Finances ». (traduction)
[645] Dans son témoignage, M. Tretheway a indiqué que la demande en transport aérien est reconnue comme étant assez élastique et que ces élasticités se situent entre 1,25 et 1,5.
[646] Dans son rapport du 21 juillet 2006, M. Lewis a présenté un plus grand nombre de valeurs pour l'élasticité de la demande par rapport au prix. Il a avancé dans son rapport que les personnes ayant une déficience touchaient un revenu généralement moins élevé et avaient moins tendance à voyager et que, de ce fait, une moins grande élasticité de la demande par rapport au prix est appropriée. M. Lewis a proposé des élasticités par rapport au prix allant de 1,0 à 1,5 pour le transport aérien général et des élasticités par rapport au prix allant de 0,3 à 1,5 pour le transport aérien des personnes ayant une déficience. Le modèle de M. Lewis pour le calcul du coût estimatif d'une politique 1P1T reflétait, à titre de valeur de base, le taux de 1,112 reflété dans le deuxième rapport du professeur Lazar et des valeurs minimale et maximale de 0,3 et 1,5.
[647] M. Fisher a indiqué dans son rapport du 11 août 2006 que le modèle prévisionnel de Transports Canada relativement aux passagers aériens emploie des élasticités de 0,88 en ce qui touche les tarifs réguliers pour les vols intérieurs de classe économique et de 0,96 en ce qui touche les tarifs réduits de classe économique.
[648] Bien qu'elle reconnaisse le principe économique présenté par M. Lewis selon lequel les personnes ayant une déficience ont des besoins différents en matière de transport aérien que les personnes qui n'ont pas de déficience, l'Office estime qu'en l'absence d'une valeur précise, une élasticité de la demande de transport aérien par rapport au prix de 1,112 est appropriée pour évaluer l'incidence de la mise en place d'une politique 1P1T, en termes de pertes potentielles de revenus.
[649] Suivant une élasticité de la demande par rapport au prix de 1,112, une réduction tarifaire de 50 pour cent devrait générer une augmentation de 55,6 pour cent (1,112 x 50 pour cent) de la quantité demandée. Ce pourcentage équivaut, pour Air Canada, à 30 100 (55,6 pour cent x 54 200) voyages intérieurs additionnels effectués par des personnes ayant une déficience qui ont besoin de sièges additionnels en raison de leur déficience, soit pour elles-mêmes ou pour leur Accompagnateur et, pour WestJet, à 16 100 (55,6 pour cent x 28 900) voyages additionnels.
Air Canada |
WestJet |
|
Voyages intérieurs effectués par des Canadiens admissibles dans le cadre d'une politique 1P1T |
54 180 |
28 896 |
Élasticité de la demande par rapport au prix |
1,112 |
1,112 |
Rabais offert aux termes de la politique |
50 % |
50 % |
Nombre de voyages additionnels |
30 124 |
16 066 |
[650] Chacun de ces voyages additionnels générera un tarif moyen. Comme le tarif moyen d'Air Canada est de 244 $ par voyage, cette incidence sur les revenus sera calculée en multipliant 30 100 voyages par 244 $ de revenus. L'Office estime qu'Air Canada augmentera ses revenus de 7,4 millions de dollars (30 100 x 244 $) par année grâce aux voyages additionnels effectués par des personnes ayant une déficience qui ont besoin de sièges additionnels pour voyager en avion.
[651] La valeur correspondante pour WestJet est de 16 100 voyages additionnels à un tarif moyen de 140 $. L'Office estime que WestJet augmentera ses revenus de 2,2 millions de dollars (16 100 x 140 $) par année par suite des voyages additionnels effectués par des personnes ayant une déficience qui ont besoin de sièges additionnels pour voyager en avion.
Air Canada |
WestJet |
|
Nombre de voyages additionnels |
30 124 |
16 066 |
Multiplié par : le tarif moyen par voyage pour les vols intérieurs |
244,20 $ |
140,00 $ |
Revenus annuels générés par les voyages additionnels |
7 356 286 $ |
2 249 260 $ |
(iii) Pertes de revenus par suite de l'augmentation des tarifs
[652] La méthodologie de gestion du rendement prévoit que les transporteurs aériens réagiront aux voyages additionnels en augmentant les tarifs pour maintenir l'équilibre de maximisation du profit entre les revenus obtenus par suite de la vente de places additionnelles et les revenus cédés en raison du nombre moins élevé de places disponibles pour la vente au cours des périodes où le rendement est plus élevé. Cette méthode prévoit une augmentation du tarif moyen de façon à décourager environ autant de voyages que la politique 1P1T devrait en occasionner.
[653] Conformément aux observations du professeur Lazar, la méthodologie de gestion du rendement prévoit que les tarifs augmenteront en réponse à la demande stimulée par la mise en place d'une politique 1P1T. M. Tretheway a laissé entendre que le retrait d'une place de l'inventaire de places disponibles pour la vente pourrait amener le système de gestion des places à réduire le nombre de places disponibles dans la catégorie de réservation à tarif réduit ou à fermer cette catégorie, ce qui donnerait lieu à une augmentation du tarif moyen. M. Tretheway a également avancé qu'une augmentation du tarif moyen donnera lieu à une diminution du nombre de personnes qui voyagent et, de ce fait, réduira les revenus.
[654] Le professeur Lazar et M. Lewis ont proposé la même méthode pour estimer la valeur de cette perte, à savoir une équation économique pour estimer un pourcentage de la variation des revenus fondée sur le pourcentage connexe de la variation du prix et l'élasticité de la demande par rapport au prix. Ils ont tous deux utilisé l'équation suivante :
[655] Le professeur Lazar et M. Lewis ont prévu que le pourcentage d'augmentation du prix serait suffisant pour décourager environ autant de voyages que la politique 1P1T devrait en occasionner. En particulier, dans son rapport daté du 1er juin 2006, le professeur Lazar a déclaré que la diminution nette du nombre de voyages découlant d'une politique 1P1T neutraliserait largement l'augmentation initiale du nombre de voyages additionnels générés par la nouvelle politique. Conformément à la méthodologie de gestion du rendement, l'Office est d'avis que la mise en place d'une politique 1P1T n'aura pas d'effets considérables sur les coefficients d'occupation étant donné que le nombre de voyages-passagers additionnels et le nombre de voyages-passagers découragés devraient être égaux et opposés.
[656] Le professeur Lazar et M. Lewis ont estimé les revenus cédés par suite d'une augmentation du prix de la même façon. Ils ont tout d'abord calculé l'augmentation de la demande de places. Pour chaque voyage additionnel effectué par une personne ayant une déficience qui a besoin d'un siège additionnel pour répondre à ses besoins, ils ont supposé que deux places étaient requises. L'augmentation de la demande de places est représentée par deux fois le nombre de voyages aériens additionnels effectués par des personnes ayant une déficience qui ont besoin de sièges additionnels pour répondre à leurs besoins, soit 60 200 (30 100 x 2) voyages avec Air Canada et 32 100 (16 100 x 2) voyages avec WestJet.
Air Canada |
WestJet |
|
Nombre de voyages additionnels |
30 124 |
16 066 |
Nombre moyen de places par voyage additionnel |
2 |
2 |
Augmentation de la demande de places |
60 248 |
32 132 |
[657] Comme il en a été question aux paragraphes 486 et 489, respectivement, Air Canada et WestJet ont affirmé qu'elles s'étaient approprié respectivement 60 pour cent et 32 pour cent du marché intérieur. Le nombre de voyages intérieurs réalisés par transporteur a été déterminé par l'application de ces valeurs à la valeur du trafic aérien intérieur de passagers pour 2005 présentée par Transports Canada dans son rapport annuel30. Comme le trafic passagers intérieur s'élevait à 28,5 millions de voyages, il a été déterminé qu'Air Canada a réalisé 17,1 millions (28,5 millions x 60 pour cent) de voyages intérieurs en 2005 et que WestJet a réalisé 9,1 millions (28,5 millions x 32 pour cent) de voyages intérieurs en 2005.
Air Canada |
WestJet |
|
Trafic passagers intérieur pour 2005A |
28 542 000 |
28 542 000 |
Part du marché intérieur des transporteurs |
60,0 % |
32,0 % |
Nombre de voyages-passagers intérieurs |
17 125 200 |
9 133 440 |
Source :
ATransports Canada : Les transports au Canada, 2005, rapport annuel [p. 91]
[658] Le pourcentage d'augmentation de la demande de places a été calculé en divisant l'augmentation de la demande de places par le nombre de voyages intérieurs réalisés par les transporteurs en cause avant la mise en place d'une politique 1P1T. On estime que la demande de voyages intérieurs avec Air Canada et WestJet augmentera de 0,35 pour cent (Air Canada : 60 200/17,1 millions, et WestJet : 32 100/9,1 millions) par suite de la mise en place d'une politique 1P1T.
[659] Le professeur Lazar a indiqué que les systèmes de gestion du rendement des transporteurs en cause ajusteraient les tarifs et/ou la disponibilité des places à différents niveaux tarifaires de sorte que la baisse nette du nombre de voyages en découlant neutraliserait largement l'augmentation initiale du nombre de voyages additionnels générée par une politique 1P1T. Dans ses calculs, le professeur Lazar a supposé que le pourcentage de diminution du nombre de places demandées découlant d'une augmentation des tarifs moyens serait égal et opposé au pourcentage d'augmentation de la demande générée par une politique 1P1T. Conformément à cette hypothèse, si l'on s'attend à ce qu'une politique 1P1T donne lieu à une augmentation de 0,35 pour cent de la demande de places, l'augmentation du prix devrait donner lieu à une baisse de 0,35 pour cent du nombre de places demandées.
[660] Le professeur Lazar et M. Lewis ont déterminé le pourcentage d'augmentation du tarif moyen en divisant le pourcentage de diminution du nombre de places demandées, à savoir 0,35 pour cent, par l'élasticité de la demande par rapport au prix, ce qui a donné un pourcentage d'augmentation du tarif moyen de 0,32 pour cent (-0,35 pour cent/-1,112).
Air Canada |
WestJet |
|
Diminution requise du nombre de places demandées |
60 248 |
32 132 |
Nombre de voyages intérieurs |
17 125 200 |
9 133 440 |
Pourcentage de diminution du nombre de places demandées |
0,35 % |
0,35 % |
Élasticité de la demande par rapport au prix |
1,112 |
1,112 |
Pourcentage d'augmentation du tarif moyen |
0,32 % |
0,32 % |
[661] En fonction d'un pourcentage d'augmentation du tarif moyen de 0,32 pour cent et des tarifs moyens de 244 $ (Air Canada) et de 140 $ (WestJet), on peut s'attendre à ce que le prix moyen des billets pour les vols intérieurs augmente de 77 ¢ (0,32 pour cent x 244 $) pour Air Canada et de 44 ¢ (0,32 pour cent x 140 $) pour WestJet.
Air Canada |
WestJet |
|
Pourcentage d'augmentation du tarif moyen |
0,32 % |
0,32 % |
Tarif moyen par voyage pour les vols intérieurs |
244,20 $ |
140,00 $ |
Augmentation du tarif moyen pour les vols intérieurs |
77 ¢ |
44 ¢ |
[662] Pour appliquer le pourcentage d'augmentation du prix et l'élasticité de la demande par rapport au prix, le professeur Lazar et M. Lewis ont utilisé l'équation énoncée au paragraphe 654 ci-dessus pour estimer le pourcentage de diminution des revenus à 0,04 pour cent pour Air Canada et WestJet ([1 - 1,11] x 0,32).
Air Canada |
WestJet |
|
Pourcentage d'augmentation du tarif moyen (%ÄP) |
0,32 % |
0,32 % |
Élasticité de la demande par rapport au prix (å) |
1,112 |
1,112 |
Pourcentage de la variation des revenus conformément à la formule du professeur Lazar : %ÄR = (1- å) %ÄP |
-0,04 % |
-0,04 % |
Légende :
%ÄR = Pourcentage de la variation des revenus
å = Élasticité absolue de la demande par rapport au prix
%ÄP = Pourcentage de la variation du prix
[663] Dans ses états financiers consolidés combinés de 2006, Air Canada a présenté ses revenus passagers pour les régions géographiques dans lesquelles elle mène ses activités et a déclaré des revenus passagers pour les vols intérieurs de 3,42 milliards de dollars en 2005.
[664] Le rapport annuel de WestJet ne présente pas les revenus passagers pour les vols intérieurs de la même façon et rapporte des « revenus invités » de 1,207 milliard de dollars ainsi que des revenus de 182 millions de dollars découlant de ses services d'affrètement et autres, ce qui totalise des revenus passagers de 1,389 milliard de dollars en 2005. Dans son rapport daté du 6 octobre 2006, Ernst & Young a rapporté qu'en 2005, 93,9 pour cent des passagers de WestJet effectuaient des vols intérieurs. Ainsi, des revenus de 1,304 milliard de dollars (1,389 G$ x 93,9 pour cent) sont attribuables au trafic passagers intérieur.
« Revenus invités » de WestJet A |
1 207 075 000 $ |
Services d'affrètement et autres revenus de WestJet A |
181 641 000 |
Total des revenus passagers de WestJet |
1 388 716 000 $ |
Pourcentage de vols intérieurs B |
93,9 % |
Revenus passagers estimatifs de WestJet attribuables aux vols intérieurs |
1 303 842 551 $ |
Source :
A Rapport annuel 2005 de WestJet
B Rapport d'Ernst & Young du 6 octobre 2006
[665] Les pertes annelles de revenus attribuables à une hausse de prix sont calculées en multipliant les revenus découlant des vols intérieurs par le pourcentage de la variation du prix. Compte tenu des revenus de 3,42 milliards de dollars d'Air Canada et de 1,30 milliard de dollars de WestJet découlant des vols intérieurs et d'un pourcentage de diminution des revenus de 0,04 pour cent, les pertes annuelles estimatives de revenus par suite d'une hausse de prix se chiffrent à 1,2 million de dollars pour Air Canada et à 460 000 $ pour WestJet.
Air Canada |
WestJet |
|
Pourcentage de la variation des revenus |
-0,04 % |
-0,04 % |
Revenus découlant des vols intérieurs |
3 420 000 000 $ A |
1 303 842 551 $ |
Pertes annuelles de revenus par suite d'une hausse de prix |
1 211 844 $ |
462 004 $ |
Source :A Air Canada – États financiers consolidés combinés de 2006
Pertes annuelles estimatives de revenu net avant impôts attribuables à une politique 1P1T
[666] Tel qu'il est illustré ci-dessus, les pertes annuelles estimatives de revenu net avant impôts dans le cadre d'une politique 1P1T selon la méthodologie de gestion du rendement sont déterminées en fonction de la somme des trois incidences suivantes sur les revenus :
- Pertes de revenus attribuables aux personnes ayant une déficience qui ont besoin de sièges additionnels pour répondre à leurs besoins et qui voyagent déjà.
- Augmentations de revenus générés par les voyages additionnels effectués par des personnes ayant une déficience qui ont besoin de sièges additionnels pour répondre à leurs besoins.
- Pertes de revenus par suite d'une augmentation de prix.
[667] Comme le reflète le tableau ci-après, la mise en place d'une politique 1P1T donnera lieu à des pertes annuelles estimatives de revenu net avant impôts de 7,1 millions de dollars pour Air Canada et de 2,3 millions de dollars pour WestJet.
Air Canada |
WestJet |
|
Incidence sur les revenus no 1 – Pertes annuelles de revenus attribuables aux personnes ayant une déficience qui ont besoin de sièges additionnels pour répondre à leurs besoins, qui voyagent déjà et payent le tarif additionnel |
13 230 729 $ |
4 045 432 $ |
Incidence sur les revenus no 2 – Revenus annuels générés par les voyages additionnels entrepris par les personnes ayant une déficience qui ont besoin de sièges additionnels pour répondre à leurs besoins |
(7 356 286 $) |
(2 249 260 $) |
Incidence sur les revenus no 3 – Pertes annuelles de revenus par suite d'une hausse de prix |
1 211 844 $ |
462 004 $ |
Pertes annuelles de revenu net avant impôts |
7 086 288 $ |
2 258 176 $ |
[668] L'Office indique que les estimations précédentes relatives aux pertes annuelles de revenu net attribuables à une politique 1P1T ne reflètent pas les autres facteurs pertinents dans le cadre de l'analyse des coûts d'accommodement qui doivent être pris en considération avant que l'Office n'évalue le caractère abusif d'une politique 1P1T. À cet égard, les demandeurs ont présenté des arguments selon lesquels le coût d'une politique 1P1T doit refléter des économies de coûts de fonctionnement pouvant être attribuées à une politique 1P1T et des réductions connexes des impôts que les transporteurs en cause doivent payer. À l'inverse, les transporteurs en cause ont présenté des arguments selon lesquels ils s'exposeront à des coûts de fonctionnement additionnels par suite des voyages additionnels entrepris par des personnes ayant une déficience au titre d'une politique 1P1T.
[669] Dans le mémoire du 26 avril 2007 qu'il a déposé en réponse à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire CCD c. VIA, le CCD fait valoir que dans le calcul des coûts, il y a lieu de tenir compte des réductions de coûts attribuables à des facteurs autres que les mesures d'accommodement et à d'autres sources de financement, comme les crédits et retenues d'impôt de même que les revenus tirés des mesures d'accommodement qui auront été prises.
[670] Conformément à cette décision de la Cour suprême, l'Office va se pencher sur les éléments de preuve fournis par les parties, sous l'angle des économies et des avantages fiscaux que peut procurer une politique 1P1T. Si l'Office confirme l'existence de ces économies et de ces avantages, il modifiera en conséquence son estimation du coût d'une telle politique pour les transporteurs en cause.
Économies au chapitre des coûts d'exploitation attribuables à une politique 1P1T
[671] Dans son rapport du 21 juillet 2006, M. Lewis soutient qu'une politique 1P1T rapporte des économies liées aux Accompagnateurs qui, par leur présence, déchargent les transporteurs aériens de leur obligation de voir aux besoins personnels des personnes ayant une déficience durant le vol.
[672] Tout en se référant au document intitulé Agreed Statement of Facts Concerning South West Airlines' Customer of Size Policy, M. Lewis s'est dit d'avis, lors de l'interrogatoire principal, que la politique précitée de Southwest Airlines, aux termes de laquelle les clients sont tenus de faire connaître leurs besoins au moment de faire leurs réservations, se traduit par des économies. Selon lui, il en est ainsi parce que des coûts sont évités en ce qui concerne les surréservations, les relations négatives avec les clients, l'embarras causé par les départs retardés, lorsque l'équipage de conduite doit trouver un siège pour un passager corpulent, et la réduction du nombre de remboursements prévus pour les passagers mécontents parce qu'ils doivent s'asseoir à côté d'un passager corpulent. M. Lewis indique que si Air Canada et WestJet obtiennent ces avantages, il réduirait son estimation du coût des mesures d'accommodement prises pour les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité.
[673] Au cours du contre-interrogatoire par l'avocat des demandeurs, Mme Guillemette était d'accord avec ce dernier pour ce qui concerne les économies que réaliserait Air Canada en raison des services qu'assurent les Accompagnateurs aux personnes ayant une déficience, services qui, s'il n'en était pas ainsi, seraient fournis par le personnel du transporteur.
[674] En ce qui a trait aux coûts reliés à la prise de mesures d'accommodement pour les passagers obèses, Mme Guillemette estime que dans la mesure où Air Canada accepte d'indemniser les passagers qui se plaignent au sujet d'un passager obèse qui, d'après eux, occupent une partie de leur espace, elle est appelée à assumer des coûts. D'autre part, en ce qui concerne la politique de WestJet, aux termes de laquelle la compagnie aérienne peut attribuer un second siège à un passager obèse, si un siège est non occupé lorsque l'embarquement est terminé, ou exiger du passager obèse qu'il quitte l'aéronef si aucun siège n'est libre, M. Dunleavy a mentionné que la mise en œuvre d'une politique 1P1T pourrait avoir un impact significatif au chapitre de l'amélioration du respect de l'horaire de certains vols, mais que cet impact serait probablement moins évident dans d'autres secteurs.
[675] L'Office fait observer que les témoins experts des demandeurs comme des transporteurs en cause ont reconnu dans une certaine mesure qu'une politique 1P1T donnerait lieu à des économies. L'Office n'est pas en désaccord avec cette hypothèse, mais les demandeurs n'ont fourni aucune quantification des économies qu'ils attribuent à une politique 1P1T, si bien que l'Office n'en tiendra pas compte dans son estimation du coût net d'une telle politique.
Répercussions fiscales d'une politique 1P1T
[676] Dans le mémoire qu'il a déposé auprès de l'Office, en réponse à la décision de la Cour suprême dans l'affaire CCD c. VIA, le CCD fait valoir qu'avant de procéder à l'évaluation d'une contrainte excessive, tout coût attribuable à une politique 1P1T doit être réduit dans une proportion égale à l'impôt payé par chaque transporteur en cause à l'égard de chaque coût.
[677] Les transporteurs en cause répondent qu'ils sont d'accord avec les demandeurs à ce sujet et ont joint les rapports Ernst & Young et Siebert/Pask, lesquels traitent des répercussions fiscales du coût d'une politique 1P1T sur les transporteurs en cause. Ces rapports sont examinés ci-après.
Rapports Ernst & Young et Siebert/Pask déposés par les transporteurs en cause sur les répercussions fiscales du coût d'une politique 1P1T
[678] Dans son rapport du 17 mai 2007, la firme Ernst & Young précise que son travail s'est limité à examiner le rapport annuel et les états financiers vérifiés d'Air Canada pour 2006. Elle n'a pas mené d'étude indépendante sur la position actuelle et future d'Air Canada quant à l'impôt sur le revenu ni n'a discuté de la question avec les conseillers fiscaux de la compagnie aérienne.
[679] Le rapport Ernst & Young mentionne que dans la section intitulée Estimations comptables critiques du rapport annuel d'Air Canada, il est mentionné qu'au 31 décembre 2006, le transporteur maintenait des attributs fiscaux de plus de 3 milliards de dollars, dont des coûts en capital non amortis, pour soustraire à l'impôt tout bénéfice imposable futur. On y précise qu'à partir des prévisions d'Air Canada, le transporteur ne prévoyait pas beaucoup d'impôts courants à payer dans un avenir prévisible. Le rapport indique que la politique d'Air Canada, conforme aux Principes comptables généralement reconnus (ci-après les PCGR), consiste à reconnaître uniquement l'existence d'un actif connexe d'impôts futurs, dans la mesure où il sera plus que probable que les avantages liés à ces comptes fiscaux vont se faire sentir dans l'avenir. Le rapport ajoute que selon Air Canada, du total des actifs connexes d'impôt futurs de 1,4 milliard de dollars, il est fort probable que les avantages liés au montant de 1,2 milliard de dollars ne seront pas réalisés. De ce fait, la firme Ernst & Young conclut qu'il est plus probable que le contraire qu'Air Canada ne pourra profiter dans un avenir prévisible d'aucun avantage fiscal découlant de la déduction du coût annuel d'une politique 1P1T.
[680] Selon le rapport Siebert/Pask du 16 mai 2007, même si WestJet a déclaré des bénéfices aux fins comptables, le transporteur a fait état d'une perte aux fins de l'impôt sur le revenu. Il attribue cette situation déficitaire à des écarts temporels, la déduction pour dépréciation et amortissement étant prévue pour fins comptables et la déduction pour amortissement, aux fins de l'impôt sur le revenu. Le rapport fait mention de cette note incluse dans le rapport annuel de WestJet pour 2006 :
La société a reconnu un avantage lié à des pertes autres que des pertes en capital de 291,7 millions de dollars, disponibles à des fins de report pour réduire le montant des bénéfices imposables au cours des années subséquentes. Les pertes vont commencer à venir à expiration en 2014. Les pertes autres que des pertes en capital qui ont été reconnues sont attribuables à des déductions d'impôt excédant les gains imposables. La société est en mesure de modifier les déductions d'impôt de façon à éviter la non-utilisation des reports de perte. (traduction)
[681] Le rapport Siebert/Pask mentionne que la situation déficitaire de WestJet aux fins de l'impôt sur le revenu a été confirmée par l'administrateur fiscal du transporteur. Il conclut que compte tenu de ce qui précède, il n'y aurait pas d'impôt sur le revenu pour compenser l'incidence financière de l'adoption d'une politique 1P1T sur le transporteur.
Rapport des demandeurs rédigé par M. Brown sur les répercussions fiscales du coût d'une politique 1P1T
[682] Le 27 juin 2007, en réponse aux rapports Ernst & Young et Siebert/Pask, les demandeurs ont déposé un rapport, rédigé par Robert D. Brown, sur l'impact d'une politique 1P1T sur la position fiscale de WestJet.
[683] Dans son rapport, M. Brown indique qu'il s'est basé sur un bref examen des états financiers de 2006 de WestJet qui figurent dans le rapport annuel du transporteur. Le rapport fait référence à la même note des états financiers de WestJet qui se trouvait dans le rapport Siebert/Pask susmentionné. La note explique que WestJet constate les reports de pertes et autres instruments fiscaux qui vont permettre de réduire les impôts exigibles à l'avenir, même si, actuellement, il n'y a pas d'impôt à payer, étant donné que le recouvrement d'impôts futurs est raisonnablement garanti et peut être constaté dès maintenant. De cette façon, M. Brown explique que si les revenus actuels de WestJet étaient réduits par suite de l'adoption d'une politique 1P1T, le transporteur indiquerait aussi une diminution du fardeau fiscal et que ce serait le cas même si WestJet ne paie pas d'impôt actuellement, mais suppose que la réduction donnera lieu à l'avenir à une baisse du fardeau fiscal.
[684] En utilisant un taux d'imposition d'environ 35 pour cent, qui est comparable à celui indiqué en 2005, M. Brown note qu'une réduction des revenus de 100 $ attribuable à une politique 1P1T donnerait lieu à une baisse de revenu après impôts de 65 $ et à une hausse des futures réductions d'impôts de 35 $.
Mémoire des transporteurs en cause après contre-interrogatoire de M. Brown
[685] À la suite du contre-interrogatoire de M. Brown le 16 août 2007, l'avocat des transporteurs en cause a déposé un mémoire le 28 août suivant, lequel indique que M. Brown a envisagé un certain nombre de scénarios qui montrent que la capacité d'utiliser un report de pertes aux fins de l'impôt est assujettie à un certain nombre de limitations, notamment :
- Le nombre d'années pour lesquelles une perte peut être reportée est limité.
- La Loi de l'impôt sur le revenu peut changer en termes de possibilité d'utiliser des reports de pertes.
- Il est absolument nécessaire d'avoir un revenu imposable positif pour pouvoir utiliser une perte dans une année donnée.
- En comptabilité, une société qui ne fait pas de bénéfices et qui n'a pas d'amortissement à réclamer, n'aura pas de revenu imposable.
- On ne peut pas prévoir avec certitude les futurs besoins en immobilisations de sorte que la déduction pour amortissement est très variable. Il faut user de son jugement professionnel pour prendre les décisions concernant l'acquisition des biens, la hausse de la déduction pour amortissement et l'utilisation de pertes et de la déduction pour amortissement de façon à avoir la position fiscale la plus favorable.
- Si on peut utiliser une perte fiscale, le moment d'utilisation peut varier. Cependant, il est dans l'intérêt de la société d'utiliser la perte dans les plus brefs délais.
- Les prévisions de rentabilité sont aussi un facteur clé pour déterminer à quel moment le report de pertes fiscales sera utilisé.
- M. Brown n'a aucune expérience spécialisée concernant l'industrie aéronautique, mais il a fait valoir que, selon son expérience personnelle, les bénéfices peuvent être très volatils.
- Si la situation financière d'une société se détériore, elle sera probablement moins en mesure d'avoir recours à la méthode de l'impôt reporté.
[686] Dans son mémoire du 28 août, l'avocat des transporteurs en cause font valoir que WestJet a fait ses prévisions sur la base des faits disponibles, notamment le coût actuel de la conformité à la réglementation et ils ajoutent que si ce coût augmente, ainsi que tous les autres facteurs économiques, on pourrait assister à une baisse du type de rentabilité que l'on a souvent vu par le passé. L'avocat est d'avis que, si les conditions restent favorables, WestJet devrait être capable d'utiliser ses reports de pertes pour les impôts de futurs exercices, mais il ajoute que cette possibilité serait amoindrie si l'Office l'obligeait à adopter une politique 1P1T; les règles en vertu desquelles la décision a été prise concernant l'utilisation de pertes avant expiration changeraient et retarderaient au moins le moment où les pertes fiscales pourraient être utilisées.
[687] Dans le mémoire du 28 août, il est conclu que, dans la mesure où WestJet a des pertes autres que les pertes en capital à imputer aux futurs impôts exigibles et qu'une politique 1P1T donnerait lieu à une baisse des bénéfices, reportant ainsi la capacité du transporteur d'utiliser ses reports de pertes, il n'est pas indiqué de supposer que WestJet sera en mesure d'atténuer l'impact de cette politique en reportant davantage de futurs impôts.
Réponse des demandeurs au mémoire du 28 août 2007 des transporteurs en cause
[688] Par une lettre du 31 août 2007, l'avocat des demandeurs a présenté une réponse au mémoire du 28 août 2007 des transporteurs en cause qui avait été soumis après le contre-interrogatoire de M. Brown.
[689] L'avocat commente la remarque de M. Brown, à savoir que les états financiers de WestJet indiquent que le transporteur s'attend à être rentable à l'avenir, faisant remarquer que les états de 2006 indiquent que WestJet a constaté un bénéfice sur 291,7 millions de dollars que des pertes en capital, lesquels peuvent être reportés pour réduire les futurs impôts sur le revenu. L'avocat ajoute que WestJet a présenté ces pertes en prévoyant qu'elles pourraient être utilisées à l'avenir, et il a relevé l'explication de M. Brown, à savoir qu'en général, on adopte la méthode de l'impôt reporté à condition qu'il soit plus que probable que l'on utilisera le report de pertes ou les déductions fiscales à une date ultérieure, y compris à une date non définie.
[690] Le mémoire du 31 août souligne l'affirmation de M. Brown, selon laquelle les règles comptables concernant l'impôt sur le revenu sont clairement codifiées et appliquées assez uniformément par toutes les sociétés canadiennes publiques.
[691] L'avocat des demandeurs fait valoir que même si, de façon inattendue, les profits de WestJet diminuaient légèrement, divers autres facteurs entreraient en jeu pour ce qui est de savoir si les pertes pourraient être utilisées à l'avenir, notamment la période pendant laquelle les pertes et les déductions peuvent être réclamées et la capacité de recalculer les déductions et les pertes en vertu des règles actuelles. À cet égard, l'avocat des demandeurs fait remarquer que WestJet a indiqué qu'elle pouvait ajuster les déductions fiscales — plus particulièrement en choisissant de ne pas réclamer la déduction pour amortissement — afin d'utiliser les pertes avant la date limite. L'avocat ajoute que, d'après l'explication de M. Brown, dans le cas où une société réclame trop de déductions pour amortissement, ce qui crée une grande perte fiscale, et qu'elle s'aperçoit que la date limite de réclamations de pertes est proche, elle peut présenter de nouvelles déclarations d'impôts pour les années précédentes en réclamant moins de déductions pour amortissement, ce qui réduit le montant des pertes dont le délai de réclamation va expirer. Le mémoire du 31 août conclut que WestJet a déclaré publiquement que sa situation financière était bonne et que l'on peut s'attendre à ce qu'elle tire pleinement parti de toute perte fiscale liée aux pertes de revenus attribuables à une politique 1P1T.
[692] Le rapport de M. Brown déposé le 27 juin 2007 portait seulement sur un examen des répercussions fiscales de l'adoption d'une politique 1P1T par WestJet, mais l'avocat des demandeurs fait remarquer, dans son mémoire du 31 août, que les déclarations de M. Brown pendant le contre-interrogatoire font douter de la fiabilité de l'opinion d'Ernst & Young dans son rapport du 17 mai selon laquelle Air Canada ne bénéficierait pas d'avantages fiscaux, à la suite de l'adoption d'une politique 1P1T, étant donné la décision récente de la compagnie de liquider des biens. Plus particulièrement, le mémoire du 31 août 1007 souligne le fait que, selon M. Brown, les réorganisations de sociétés, d'une part, peuvent donner lieu à des pertes fiscales substantielles, vu que des divisions sont fermées et que des employés sont licenciés, mais, d'autre part peuvent donner lieu à des gains substantiels grâce à la vente des divisions et de l'équipement, avec le résultat que les sociétés peuvent s'apercevoir qu'elles peuvent utiliser les reports de pertes.
[693] En examinant les preuves présentées au sujet de la question de savoir si Air Canada et WestJet vont bénéficier d'une réduction des impôts exigibles à la suite de l'adoption d'une politique 1P1T, l'Office admet que les états financiers 2006 vérifiés pour les deux transporteurs ont été préparés conformément aux PCGR, notamment le principe relatif au report d'avantages fiscaux, c'est-à-dire que l'existence d'un futur crédit d'impôt est constatée dans la mesure où il est plus que probable qu'il se concrétisera à l'avenir.
[694] Au sujet des répercussions fiscales du coût d'une politique 1P1T pour Air Canada, l'Office note que les états financiers vérifiés de 2006 pour le transporteur indiquent qu'il est plus que probable qu'environ 85 pour cent des futurs crédits d'impôt éventuels du transporteur ne se réaliseront pas à l'avenir. L'Office ajoute que le rapport annuel de 2006 du transporteur indique qu'il a conservé plus de 3 milliards de dollars d'attributs fiscaux sous forme de fraction non amortie du coût en capital et autres afin de compenser les futurs revenus imposables et que, sur la base de ces résultats prévus, Air Canada ne prévoyait pas de gros impôts à payer dans un avenir prévisible.
[695] L'Office note la préoccupation des demandeurs concernant la fiabilité de l'opinion exprimée par Ernst & Young dans son rapport du 17 mai 2007, selon laquelle Air Canada ne bénéficierait pas d'avantages fiscaux à la suite de l'adoption d'une politique 1P1T, étant donné la décision récente de la compagnie de liquider des biens, mais il est d'avis que le témoignage de M. Brown concernant l'incidence positive éventuelle d'une réorganisation de la société (qui permettrait à une société d'utiliser les report de pertes fiscales) est de nature générale et qu'il ne donne pas de preuve précise concernant la situation actuelle d'Air Canada. En revanche, l'office est d'avis que les états financiers vérifiés de 2006 d'Air Canada fournissent des preuves solides qu'il est plus que probable que le transporteur ne pourra pas, à l'avenir, tirer parti de crédits d'impôts nets éventuels. Les états financiers ont été préparés conformément aux PCGR, et, comme l'a attesté M. Brown, les règles régissant la comptabilité de l'impôt sur le revenu sont clairement codifiées et appliquées de façon assez uniforme par les sociétés publiques canadiennes. En outre, toujours d'après M. Brown, la vraisemblance de l'avis d'Air Canada concernant la réalisation de futurs avantages fiscaux aurait été évaluée dans le cadre de la vérification des états financiers.
[696] Compte tenu de ce qui précède, l'Office est d'avis que la conclusion d'Air Canada, à savoir qu'il est plus que probable qu'elle ne tirerait aucun avantage fiscal de la déduction du coût annuel d'une politique 1P1T dans un proche avenir, est raisonnable et conforme aux faits divulgués dans ses états financiers vérifiés de 2006. En conséquence, aux fins de l'évaluation par l'Office du caractère indu du coût d'une politique 1P1T sur le marché intérieur pour Air Canada, l'estimation, par l'Office, du coût d'une telle politique ne sera pas rajustée en fonction du coût après impôts.
[697] En ce qui concerne les répercussions fiscales du coût d'une politique 1P1T pour WestJet, le rapport du 16 mai de Siebert/Pask note que le bénéfice que WestJet constate actuellement à la suite des pertes autres que pertes en capital commencera à venir à expiration en 2014, mais l'Office est d'avis que rien dans le rapport n'indique que WestJet ne sera pas en mesure de bénéficier des reports de pertes fiscales. Par conséquent, l'Office estime que Siebert/Pask n'appuie pas sa conclusion selon laquelle il n'y aurait pas, pour WestJet, de compensation, en termes d'impôts sur le revenu, de l'impact financier de l'adoption d'une politique 1P1T. Or, au contraire, comme l'indiquent les états financiers vérifiés de 2006 de WestJet, la société a constaté un bénéfice sur 291,7 millions de dollars de pertes autres que pertes en capital qui peuvent être reportées pour réduire les futurs impôts exigibles.
[698] En outre, même si l'Office accepte la position des transporteurs en cause, à savoir qu'il y a une certaine incertitude, concernant la méthode du report d'impôt, rattachée à l'existence et au moment de futurs impôts exigibles, l'Office note que cette incertitude est considérée comme tout à fait normale par la haute direction des sociétés lorsqu'elle détermine si les avantages fiscaux reportés devraient être constatés à l'heure actuelle dans les états financiers. À cet égard, l'Office est conscient des éléments de preuve présentés par M. Brown (et les accepte), qui montrent que les règles régissant la comptabilité des impôts sur le revenu sont clairement codifiées, y compris les règles régissant la constatation de futurs avantages fiscaux. De cette façon, étant donné que WestJet a constaté des bénéfices attribuables au report de pertes et que ces bénéfices figurent dans des états financiers qui ont été vérifiés, l'Office est d'avis qu'il s'agit d'une preuve concrète qu'il est plus que probable que le transporteur réalisera des bénéfices à la suite de la réduction de futurs impôts exigibles.
[699] Par ailleurs, les transporteurs en cause n'ont pas indiqué, autrement qu'en termes généraux, l'impact de l'adoption d'une politique 1P1T sur la capacité de WestJet d'utiliser le report de pertes fiscales. L'avocat des transporteurs en cause affirme que si les coûts actuels de la conformité à la réglementation augmentent, ainsi que tous les autres facteurs économiques, on pourrait assister à une baisse du type de rentabilité que l'on a souvent vu par le passé et les chances, pour WestJet, de pouvoir utiliser ces reports de pertes fiscales seront moindres, ou tout au moins reportées si l'Office devait ordonner l'adoption d'une politique 1P1T, mais l'Office estime que ces affirmations sont injustifiées. En outre, l'Office accepte l'opinion formulée par l'avocat des demandeurs, à savoir que les sociétés ont la possibilité de recalculer les déductions et les pertes, en vertu des règles fiscales, pour atténuer les risques de dépassement de la date limite de report.
[700] Compte tenu de ce qui précède, l'Office est d'avis qu'il est plus que probable, selon la preuve au dossier, que WestJet réalisera un avantage fiscal à l'avenir en raison du coût annuel d'une politique 1P1T. En conséquence, aux fins de l'évaluation, par l'Office, du caractère indu du coût d'une politique 1P1T sur le marché intérieur pour WestJet, l'estimation, par l'Office, du coût d'une telle politique sera ajusté en fonction du coût après impôts.
Coût estimatif net d'une politique 1P1T
[701] Compte tenu de ce qui précède, à savoir que l'Office a déterminé qu'il est plus que probable, selon la preuve au dossier, que WestJet réalisera un avantage fiscal à l'avenir en raison du coût d'une politique 1P1T, l'Office a recalculé les pertes de revenu annuelles nettes estimatives, pour WestJet, attribuables à une telle politique et les a ramenées du montant avant impôts de 2,3 millions de dollars (voir paragraphe 667) à 1,5 million de dollars comme on le voit ci-dessous. Vu que l'Office a déterminé, selon les éléments de preuve, qu'Air Canada ne réaliserait pas d'avantage fiscal à l'avenir à cet égard, les pertes de revenu annuelles nettes estimatives attribuables à une telle politique n'ont pas été réduites pour Air Canada. Le tableau qui suit donne aussi le coût annuel estimatif après impôts d'une politique 1P1T par voyage-passagers intérieur pour Air Canada et WestJet (Air Canada : 7,1 M$ ÷ 17,1 M$; WestJet : 1,5 M$ ÷ 9,1 M$).
Air Canada |
WestJet |
|
Pertes de revenu nettes annuelles (avant impôts) |
7 086 288 $ |
2 258 176 $ |
Taux d'imposition |
S/O |
35 % |
Réduction fiscale |
S/O |
790 361 $ |
Coût annuel estimatif après impôts d'une politique 1P1T |
7 086 288 $ |
1 467 814 $ |
Nombre de voyages intérieurs |
17 125 200 |
9 133 440 |
Coût annuel estimatif après impôts d'une politique 1P1T par voyage-passagers |
41 ¢ |
16 ¢ |
Comparaisons de l'estimation de l'Office du coût d'une politique 1P1T avec celle des experts des parties
[702] Dans son rapport du 24 novembre 2006, Ernst & Young estime les pertes de revenu annuelles nettes pour Air Canada entre 41,3 millions de dollars et 50,8 millions de dollars en 2005 pour une politique 1P1T relativement aux personnes ayant une déficience qui ont besoin d'une place supplémentaire pour leur Accompagnateur. En outre, dans ses conclusions finales, l'avocat des transporteurs en cause a estimé les pertes annuelles de revenu pour Air Canada à 8,3 millions de dollars pour une politique 1P1T concernant les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité qui ont besoin d'une place supplémentaire. Au total, Air Canada estime que les pertes annuelles nettes de revenu sont de l'ordre de 49,6 millions de dollars à 59,1 millions de dollars si l'on met en œuvre une politique 1P1T pour le transport aérien intérieur.
[703] Dans son rapport du 14 novembre 2006, Siebert/Pask a présenté une estimation révisée des pertes de revenu annuelles nettes pour WestJet entre 10,8 millions de dollars et 19,6 millions de dollars en 2005 pour une politique 1P1T relativement aux personnes ayant une déficience qui ont besoin d'une place supplémentaire pour leur Accompagnateur. En outre, dans ses conclusions finales, l'avocat des transporteurs en cause a estimé les pertes annuelles de revenu pour WestJet à 2,1 millions de dollars pour une politique 1P1T concernant les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité qui ont besoin d'une place supplémentaire. Au total, WestJet estime que les pertes annuelles nettes de revenu sont de l'ordre de 12,9 millions de dollars à 21,7 millions de dollars si l'on met en œuvre une politique 1P1T pour le transport aérien intérieur.
[704] Dans son rapport du 21 juillet 2006, M. Lewis estime que les revenus d'Air Canada sur le marché intérieur baisseraient, si on n'augmentait pas les tarifs en compensation, d'environ 5,1 millions de dollars par an. M. Lewis note que ce montant représente une réduction de 0,15 pour cent des revenus annuels bruts de la société. Il ajoute que, pour pouvoir récupérer la totalité des pertes, il faudrait augmenter de 45 ¢ un billet d'avion de 300 $ et de 3 $ un billet d'avion de 2 000 $.
[705] M. Lewis est d'avis que les valeurs comparables pour WestJet seraient des pertes de revenus de 2,2 millions de dollars par an, soit 0,19 pour cent des revenus bruts annuels de la société. Pour récupérer la totalité des pertes, il faudrait augmenter de 57 ¢ un billet de 300 $ et de 3,80 $ un billet de 2 000 $.
[706] En particulier, M. Lewis a indiqué dans son rapport que les valeurs susmentionnées ne comprennent pas les pertes de revenus attribuables aux personnes ayant une déficience en raison de leur obésité, car il n'avait pas les données nécessaires pour son modèle pour estimer les répercussions financières de l'application d'une politique 1P1T à ces personnes. Cependant, après avoir entendu les preuves présentées pendant l'audience de novembre 2006 concernant les problèmes relatifs aux personnes ayant une déficience en raison de leur obésité (nombre et propension à voyager), il a révisé les valeurs estimatives en conséquence.
[707] Pour calculer ces estimations, on a pris un chiffre de 0,5 pour cent pour les personnes adultes qui ont indiqué que l'obésité était leur affection incapacitante principale ou secondaire (rapport de Mme Furrie) et on l'a multiplié par 36 pour cent, soit le pourcentage de ces personnes qui ont déclaré avoir fait un long voyage dans les 12 mois précédents et on a ajouté ce produit au pourcentage de personnes ayant besoin d'un Aaccompagnateur, soit 3,6 pour cent (comme l'a déterminé M. Lewis dans son rapport) pour obtenir un pourcentage révisé de personnes ayant besoin d'un Accompagnateur de 3,78 pour cent. Ceci constitue une hausse du taux d'admissibilité de 5 pour cent, qui, selon M. Lewis, augmenterait de 5 pour cent le coût d'une politique 1P1T pour chacun des transporteurs en cause, soit un coût global de 5,36 millions de dollars pour Air Canada et de 2,31 millions de dollars pour WestJet.
[708] Tant Ernst & Young que Siebert/Pask ont basé leurs chiffres initiaux sur les pourcentages de personnes ayant besoin d'un Accompagnateur qui étaient indiqués dans le rapport du 25 novembre 2005 du professeur Lazar et qu'ils ont interprétés dans le contexte de la méthode de calcul des coûts marginaux. Dans ces conditions, la méthode utilisée par Ernst & Young et Siebert/Pask et la méthode utilisée par l'Office présentent des écarts sur le plan du calcul du coût d'une politique 1P1T.
[709] L'Office note les autres sources de différence ci-après entre les estimations des pertes de revenu annuelles nettes avant impôts proposées par les transporteurs en cause et celles qui ont été déterminées par l'Office :
- Les transporteurs en cause ont estimé les pertes se fondant sur l'hypothèse qu'il y aurait des abus au niveau de l'application d'une politique 1P1T, alors que l'Office a conclu qu'il y aurait suffisamment de précautions sous la forme de mécanismes de contrôle comme ceux qui sont déjà en place (voir les paragraphes 320 à 330 ci-dessus) pour éviter les abus;
- les transporteurs en cause ont utilisé les taux d'accompagnateur du professeur Lazar, soit 18,5 et 22 pour cent, ce qui ne tient pas compte des tarifs des transporteurs qui limitent l'admissibilité à une politique 1P1T, alors que l'Office a considéré qu'un taux de 3,6 pour cent, qui est plus près des tarifs des transporteurs, est un taux plus raisonnable;
- les transporteurs en cause ont fixé à 4,94 le taux de voyages effectués annuellement pour les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'une place supplémentaire, pour elles-mêmes, alors que l'Office a trouvé que 2,5 voyages par an étaient un chiffre plus raisonnable car il est plus représentatif des personnes ayant une déficience grave;
- les transporteurs en cause ont utilisé un taux de propension au voyage de 20 pour cent pour les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité, alors que l'Office a déterminé que 10 pour cent étaient un chiffre plus raisonnable pour ce sous-groupe de personnes ayant une déficience.
[710] En ce qui concerne la différence entre les estimations de pertes de revenus annuelles nettes attribuables aux facteurs d'abus, les transporteurs en cause ont estimé que ces pertes variaient entre 3,1 et 15,8 millions de dollars pour Air Canada et entre 1,2 million et 6,8 millions de dollars pour WestJet. Étant donné que l'Office a déterminé que les transporteurs en cause pourront mettre en place des mécanismes efficaces de contrôle de l'admissibilité, il estime que ces estimations sont surévaluées de quelque 22,6 millions de dollars. En outre, comme il est indiqué ci-dessus, l'Office a déterminé que le taux d'accompagnateur utilisé par les transporteurs en cause pour établir leur estimation était aussi surévalué. Dans la mesure où les experts des transporteurs en cause n'ont pas tenu compte des tarifs, ils multiplient par six le taux des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'une place supplémentaire pour leur Accompagnateur.
[711] Les différences susmentionnées, combinées à la différence relative aux taux de voyage, donnent lieu, pour les pertes de revenus annuelles nettes avant impôts, à une surévaluation globale de quelque 50,1 millions de dollars pour Air Canada et de 13,3 millions de dollars pour WestJet.
[712] Ici encore, en termes du coût annuel après impôts d'une politique 1P1T par voyage-passagers intérieur, l'Office estime qu'Air Canada et WestJet ne perdront pas plus de 41 ¢ et 16 ¢ de revenus, respectivement, pour chaque voyage-passagers intérieur si on met en œuvre une politique permettant aux personnes ayant une déficience ayant besoin d'une place supplémentaire pour elles-mêmes de voyager au même prix que les personnes qui n'ont pas de déficience. Comme le démontre le tableau 16, la hausse estimative du tarif moyen à la suite de la mise en œuvre d'une politique 1P1T est de 77 ¢ pour Air Canada, pour un tarif moyen de 244 $ et de 44 ¢ pour WestJet pour un tarif moyen de 140 $. Étant donné que c'est l'effet fiscal d'une politique 1P1T sur WestJet qui touche ses résultats financiers et non la hausse du prix du billet qui résulterait d'une telle politique, la hausse du prix du billet pour les vols de WestJet ne dépend pas de la réduction du coût estimatif d'une politique 1P1T, compte tenu de l'avantage fiscal connexe.
Expert |
Air Canada |
WestJet |
Professeur Lazar1,2 |
27 - 36 M$ |
11 - 15 M$ |
Ernst & Young (basée sur le rapport de 2006 du professeur Lazar)2 |
50 - 59 M$ |
|
Siebert/Pask (basée sur le rapport de 2006 du professeur Lazar)2 |
13 - 22 M$ |
|
M. Lewis |
5,4 M$ |
2,3 M$ |
Office |
||
Estimations de l'Office (avant impôts) |
7,1 M$ |
2,3 M$ |
Estimations de l'Office (après impôts) |
7,1 M$ |
1,5 M$ |
Perte de revenus par voyage-passagers intérieur (après impôts) |
41¢ |
16¢ |
Perte de revenus liée à la hausse estimative du tarif des vols intérieurs |
77¢ sur 244 $ |
44¢ sur 140 $ |
Notes :
1Ne comprend pas le trafic transfrontalier
2Comprend les pertes de revenus liées aux personnes ayant une déficience en raison de leur obésité, comme l'a indiqué l'avocat des transporteurs en cause pendant les conclusions finales
[713] Comme il est déterminé ci-dessus, le coût estimatif annuel d'une politique 1P1T appliquée au marché intérieur est de 7,1 millions de dollars pour Air Canada et le coût connexe, net de réductions d'impôts, est de 1,5 million de dollars pour WestJet. Cependant, le coût d'une telle mesure d'accommodement, en soi, n'indique pas si la politique cause une contrainte excessive aux transporteurs en cause. On doit plutôt examiner le coût d'une politique 1P1T dans le contexte des incidences connexes sur les transporteurs en cause afin que l'Office puisse examiner la contrainte de coût lors de sa pondération des avantages d'une politique 1P1T pour les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'une place supplémentaire pour voyager en avion en fonction des diverses contraintes d'ordre opérationnel, économique et financier auxquelles les transporteurs feraient face en adoptant une telle politique. Dans les sections qui suivent, l'Office examine d'abord les répercussions économiques, puis les répercussions financières du coût d'une politique 1P1T pour les transporteurs en cause.
B. Répercussions économiques du coût d'une politique 1P1T
[714] Les parties ont fourni des éléments de preuve et des témoignages relativement aux répercussions économiques, pour Air Canada et WestJet, d'une politique 1P1T sur le marché intérieur. On examine ci-dessous ces répercussions, à savoir :
- désavantages sur le plan de la concurrence attribuables à une politique 1P1T;
- interfinancement découlant d'une politique 1P1T
- effets économiques positifs liés à une politique 1P1T.
1. Désavantages sur le plan de la concurrence attribuables à une politique 1P1T
[715] Tel qu'il est mentionné au paragraphe 506, M. Tretheway a fait valoir dans son rapport du 6 janvier 2006 que les transporteurs tenus d'adopter une politique 1P1T subiraient, sur le plan de la concurrence, deux désavantages directs et un désavantage indirect.
[716] Selon M. Tretheway, le premier désavantage direct est que les transporteurs tenus d'adopter une politique 1P1T recevraient la plus grande partie de la demande des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'une place supplémentaire pour voyager en avion, mais il reconnaît qu'une partie pourrait aller à d'autres transporteurs qui n'adoptent pas la politique, mais qui offrent des horaires de vols beaucoup plus pratiques ou des tarifs si bas que l'achat de deux places serait moins cher que l'achat d'une place avec la seconde gratuite. Par conséquent, M. Tretheway affirme que les transporteurs qui adoptent une politique 1P1T subissent un coût de renonciation à des revenus que n'ont pas les autres transporteurs, ce qui constitue un désavantage sur le plan de la concurrence.
[717] Le second désavantage direct, selon M. Tretheway, est que les transporteurs tenus d'adopter une politique 1P1T subiraient, du fait qu'ils attirent la plus grande partie de la demande de personnes ayant une déficience qui ont besoin d'une place supplémentaire, des coûts d'exploitation beaucoup plus élevés que les autres transporteurs, par exemple le temps additionnel requis pour les agents des services aux passagers et le personnel des réservations.
[718] M. Tretheway affirme que le troisième désavantage, indirect, provient du fait que le choix de la destination varie souvent et dépend beaucoup du prix, surtout en ce qui concerne les voyages d'agrément. M. Tretheway fait donc valoir que les destinations desservies par les transporteurs qui ont adopté une politique 1P1T seront plus attrayantes, ce qui donnera lieu aussi à des coûts d'option et d'exploitation plus élevés que ceux des transporteurs sans politique 1P1T, lesquels vont desservir les destinations relativement moins coûteuses et pourront ainsi offrir des tarifs plus bas.
[719] En ce qui concerne l'affirmation de M. Tretheway selon laquelle Air Canada et WestJet subiraient des coûts d'exploitation démesurément élevés par rapport aux transporteurs sans politique 1P1T, comme il a été discuté plus haut, M. Lewis, dans son rapport du 21 juillet 2006, est d'avis qu'on peut s'attendre à ce que les petits transporteurs aériens concurrents adoptent une politique 1P1T si les deux grands transporteurs — Air Canada et WestJet — le font ou si les autorités de réglementation les y obligent. À cet égard, au cours de son contre-interrogatoire par l'avocat des demandeurs, M. Tretheway a reconnu qu'il est possible de mettre en place une réglementation, applicable à tous les transporteurs intérieurs, à la suite d'une décision de l'Office qui oblige les transporteurs en cause à mettre en œuvre une politique 1P1T, de telle sorte que si une telle politique s'appliquait à tous les concurrents pour chaque vol, tout désavantage serait neutralisé, en supposant que l'accès physique soit aussi le même.
[720] M. Lewis note que pour son rapport du 21 juillet 2006, il n'a pas tenu entièrement compte des effets de la concurrence du train et de l'autobus sur la demande de services aériens chez les personnes ayant une déficience, mais il conclut que, même si les transporteurs aériens adoptent une politique 1P1T, les modes de déplacement moins coûteux continueront d'attirer la majeure partie des voyageurs à faibles revenus s'ils constituent des solutions de remplacement accessibles.
[721] Par ailleurs, en ce qui concerne le second désavantage sur le plan de la concurrence, M. Tretheway a affirmé que même si une politique 1P1T s'appliquait seulement au marché intérieur, les transporteurs canadiens seraient désavantagés par rapport aux transporteurs étrangers. Il explique que si les transporteurs en cause doivent interfinancer le trafic intérieur assujetti à une politique 1P1T, ils pourraient être tentés d'augmenter les tarifs sur les marchés transfrontaliers et/ou internationaux. Cependant, il note que, dans la mesure où ils livrent concurrence sur les marchés avec les transporteurs américains ou étrangers qui n'ont pas de politique 1P1T, une telle décision les désavantagerait et, à cause du niveau de concurrence actuel, il est d'avis que les transporteurs ne seraient pas en mesure d'augmenter le prix du billet en réponse à l'adoption d'une politique 1P1T.
[722] Pour terminer, lors de son contre-interrogatoire par l'avocat des demandeurs, et en réponse à la question de savoir si l'exigence des États-Unis, à savoir qu'une place doit être donnée gratuitement à l'accompagnateur exigé par les transporteurs à des fins de sécurité, nuirait au « mécanisme de vente de billets » de WestJet et causerait la perte de revenus, M. Dunleavy a déclaré que, vu le très petit pourcentage d'affaires que représente, pour ce transporteur, la vente de billets aux États-Unis, rien n'a été porté à son intention à cet égard.
2. Interfinancement
[723] En ce qui concerne les désavantages, sur le plan de la concurrence, susmentionnés par M. Tretheway, ce dernier indique dans son rapport du 6 janvier 1006 qu'une politique 1P1T mènerait, faute de subvention directe du gouvernement, à une forme d'interfinancement.
[724] M. Tretheway explique qu'il a interfinancement quand un produit ou service est fourni à un groupe de consommateurs à un prix inférieur au prix coûtant tandis que d'autres consommateurs doivent payer un prix supérieur au prix coûtant pour ce produit ou service de façon qu'il n'y ait aucune perte de revenus. M. Tretheway ajoute que, de l'avis presque unanime des économistes, l'interfinancement n'est pas souhaitable car il instaure deux formes d'inefficience économique : l'une résultant de la surconsommation d'un produit ou service offert à un prix inférieur au prix coûtant et l'autre résultant de la sous-consommation du produit ou service par ceux qui doivent le payer à un prix supérieur au prix coûtant.
[725] Lors de l'interrogatoire principal, M. Tretheway a fait valoir que, si on ne faisait pas payer ou, en d'autres termes, si on offrait gratuitement une place supplémentaire aux personnes ayant une déficience en vertu d'une politique 1P1T, certaines de ces places seraient vendues au-dessous du coût marginal. M. Tretheway ajoute que l'interfinancement nuit à l'efficience économique des marchés, cette efficience étant atteinte quand on obtient la plus grande valeur possible pour une valeur marchande. M. Tretheway explique que, selon les économistes, les prix devraient correspondre au coût marginal ou différentiel, étant donné que lorsqu'il y a interfinancement, un marché reçoit un service à un prix inférieur au prix coûtant, ce qui n'est pas souhaitable étant donné qu'il s'agit d'une destruction de la valeur économique.
[726] M. Tretheway affirme que toute hausse des coûts des transporteurs à faibles coûts en raison de la nécessité d'interfinancer le trafic 1P1T entraînerait une « déstimulation » sur les marchés où des tarifs plus élevés seraient imposés pour absorber ces coûts, ce qui minerait l'un des principes les plus importants du modèle d'entreprise du transporteur à faibles coûts. Il ajoute que la hausse des coûts liée à l'interfinancement nuirait aussi aux modèles d'entreprise émergents de certains transporteurs offrant un service complet. M. Tretheway note que face à la réussite des transporteurs à faibles coûts et pour atténuer des pertes insoutenables, certains transporteurs traditionnels ont recherché sans relâche des réductions de coûts.
[727] Lors de son contre-interrogatoire par l'avocat des demandeurs, M. Tretheway a admis que lorsque la législation sur les droits de la personne impose l'obligation d'accommodement, elle impose en fait aux entreprises une situation d'interfinancement. En outre, à cet égard, l'avocat des demandeurs a noté, dans son mémoire du 26 avril 2007 au sujet des répercussions de la décision de la Cour suprême dans l'affaire CCD c. VIA, que la Cour a envisagé expressément que les coûts de l'accommodement pouvaient faire augmenter le prix du billet, notant que toutes les autres dépenses légitimes comme les salaires et le carburant sont incluses dans le prix et que toute mesure d'accommodement pour les personnes ayant une déficience devrait l'être aussi.
3. Effets économiques positifs liés à une politique 1P1T
[728] Dans son rapport du 21 juillet 2006, M. Lewis fait valoir que les experts pour les transporteurs en cause ont limité leur analyse aux effets financiers d'une politique 1P1T, sans tenir compte du fait qu'il y aurait aussi des avantages économiques. M. Lewis indique que les effets économiques d'une politique 1P1T se présentent sous la forme d'une plus grande mobilité pour les personnes ayant une déficience, d'une garantie de mobilité pour les personnes qui pourraient à l'avenir avoir une déficience et des avantages de « l'altruisme » pour les membres du public qui sont disposés à payer plus cher pour l'existence d'une politique 1P1T qui constitue un droit de la personne. M. Lewis affirme que d'un point de vue économique, on reconnaît généralement trois sources de valeur économique de ce type dans le contexte d'une politique 1P1T : valeur de mobilité; valeur d'option et valeur d'existence, lesquelles sont examinées ci-dessous.
a) Valeur de mobilité
[729] M. Lewis explique que la valeur de mobilité d'une politique 1P1T se présente sous la forme des possibilités supplémentaires qui s'offrent aux personnes ayant une déficience de participer aux activités de la vie quotidienne, qu'il s'agisse de travail ou d'autres activités.
[730] En termes des possibilités liées au travail, M. Lewis explique l'importance d'une politique 1P1T vu que le marché du travail canadien a maintenant une portée essentiellement nationale à tel point que l'on utilise l'avion pour les affaires. Il souligne aussi que la mobilité du marché du travail exige que l'on aille passer des entrevues dans des villes où l'on ne peut se rendre par le transport de surface en temps voulu. M. Lewis ajoute qu'un meilleur accès au marché du travail fait baisser le taux de chômage chez les personnes ayant une déficience, ce qui augmente les revenus et le niveau de vie, soulageant ainsi les systèmes de bien-être social et le fardeau du contribuable.
[731] En termes de possibilités non liées au travail, M. Lewis parle de la nécessité, pour les personnes, de prendre l'avion pour des raisons médicales, pour visiter leur famille et leurs amis et pour partir en vacances. Pour terminer, il note qu'il y a un avantage social pour les personnes ayant une déficience, lesquelles peuvent utiliser les économies découlant d'une politique 1P1T pour le logement, la nourriture, les frais médicaux, etc.
b) Valeur d'option
[732] M. Lewis explique que la valeur d'option découle de la réalité actuarielle voulant que du point de vue statistique, tous les membres de la société courront le risque d'avoir un jour ou l'autre une déficience permanente ou temporaire. Il affirme que les gens sont disposés à payer un certain montant (sous forme d'impôts ou de tarif) pour avoir la garantie d'un accès durable au transport aérien au cas où ils deviendraient eux-mêmes des personnes ayant une déficience. M. Lewis reconnaît que les gens ne sont pas disposés à payer au-delà d'un certain niveau pour cette garantie, mais il est d'avis que la plupart accepteraient le coût de la valeur d'option relative à une politique 1P1T vu que, selon son estimation, les tarifs augmenteraient de 80 ¢ pour un billet de 500 $ dans le cadre d'une politique 1P1T.
c) Valeur d'existence
[733] D'après l'explication donnée dans le rapport de M. Lewis, la valeur d'existence découle de la réalité que les individus sont disposés, qu'il y ait ou non un gain personnel, à payer jusqu'à un certain montant (sous forme d'impôts ou de prix) pour assurer ou préserver l'existence de certains droits, privilèges ou ressources. Comme exemple, M. Lewis dit que des individus sont disposés à payer plus pour les produits du bois pour préserver des forêts mêmes s'ils n'iront jamais dans ces forêts. En ce qui concerne l'accessibilité des personnes ayant une déficience, M. Lewis affirme que des personnes sont manifestement disposées à payer jusqu'à un certain montant pour faire partie d'une société qui offre des droits d'accès aux personnes ayant une déficience. Il ajoute que, dans le cas de la valeur d'option, il est d'avis que la plupart des gens seraient disposés à accepter le coût de valeur d'existence lié à une politique 1P1T dans la mesure où il estime que les tarifs augmenteraient seulement de 80 ¢ pour un billet de 500 $ avec une politique 1P1T.
[734] M. Lewis conclut qu'il y aurait aussi des avantages économiques pour les personnes ayant une déficience sous la forme d'un transport aérien plus abordable et, pour certaines, d'une plus grande mobilité et pour le grand public sous la forme de la valeur d'existence d'une politique 1P1T à titre de droit de la personne. Il admet qu'il n'a pas « testé la volonté de payer » pour être capable de dire assurément si les gens seraient disposés à payer le coût d'une politique 1P1T sous la forme d'un prix de billet plus élevé; cependant, il ajoute que sur la base de ses 30 ans d'expérience dans le domaine, le bon sens le porte à croire que si le coût pour le grand public (ou l'actionnaire, s'il n'est pas ajouté au billet) est de 30 ¢ sur un billet de 300 $, les avantages sociaux de la politique 1P1T dépasseraient les coûts financiers et sociaux connexes.
[735] Les transporteurs en cause n'ont pas fourni de preuves concernant les éléments susmentionnés et n'ont pas contesté celles de M. Lewis à cet égard. Cependant, lors de son contre-interrogatoire par l'avocat des demandeurs, M. Tretheway a admis qu'une analyse coûts-avantages de la politique 1P1T ferait ressortir des avantages, tant pour les utilisateurs du service (c'est-à-dire ceux qui pourraient voyager grâce à la politique) que pour tous les autres membres de la société, en ce sens que l'accès universel est une catégorie d'avantages à laquelle la société attache une valeur.
Analyse de l'Office
[736] Les parties ont présenté des preuves concernant les répercussions économiques d'une politique 1P1T comme suit : désavantages sur le plan de la concurrence; interfinancement et effets économiques positifs.
[737] En ce qui concerne les désavantages, sur le plan de la concurrence, qui pourraient résulter d'une politique 1P1T, l'Office note, comme il est indiqué au paragraphe 554, qu'ensemble, Air Canada et WestJet représentent entre 80 pour cent et 93 pour cent du marché intérieur et qu'elles sont les deux seuls transporteurs sur une vaste gamme de marchés. L'Office ajoute que, tout en reconnaissant que les transporteurs en cause font face à un certain niveau de concurrence sur chaque route, ces derniers n'ont fourni aucune donnée concernant l'étendue et l'impact de cette concurrence. Compte tenu de ce qui précède, l'Office n'est pas convaincu que les désavantages qu'ils pourraient subir sur le plan de la concurrence auront un effet important.
[738] En ce qui concerne l'argument des transporteurs en cause selon lequel l'adoption d'une politique 1P1T leur ferait avoir, contrairement aux autres transporteurs, la plus grande partie de la demande des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'une place supplémentaire, avec la perte de revenus connexes, l'Office admet cette possibilité. Plus particulièrement, vu que les transporteurs en cause représentent, ensemble, approximativement 90 pour cent du marché intérieur et que, pour le moment, toute décision de l'Office concernant une politique 1P1T s'appliquerait seulement aux transporteurs en cause, Air Canada et WestJet pourraient effectivement attirer la plus grande partie de la demande des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'une place supplémentaire pour voyager par avion et, par conséquent, subir les pertes de revenus connexes.
[739] L'Office note l'argument des transporteurs en cause, à savoir qu'ils vont attirer une partie démesurée de la demande de ces personnes ayant une déficience de sorte qu'ils vont devoir engager des coûts d'exploitation démesurément élevés pour des éléments comme le temps additionnel requis par les agents du service à la clientèle et des réservations. L'Office note que les transporteurs en cause ont produit des rapports préparés par Ernst & Young pour Air Canada et par Siebert/Pask pour WestJet, lesquels fournissent des détails sur les montants dépensés par les transporteurs pour divers types de services d'accessibilité et d'accueil pour les personnes ayant une déficience en général. Cependant, comme il est indiqué au paragraphe 758 ci-dessous, l'Office constate que ces rapports n'identifient pas ni ne justifient la composante des coûts totaux d'exploitation qui se rapporte à la prestation d'une aide et de services aux personnes ayant une déficience qui ont besoin d'une place supplémentaire pour voyager par avion. En outre, l'Office constate que ces rapports ne donnent aucune preuve de l'impact y compris l'impact sur la position financière actuelle et prévue des transporteurs, des coûts d'exploitation supplémentaires qu'ils pourraient subir par suite de la mise en œuvre d'une politique 1P1T. En conséquence, les coûts d'exploitation supplémentaires qui pourraient être engagés pour ces personnes n'ont pas été indiqués de sorte que les transporteurs en cause n'ont fourni aucun élément de preuve sur l'impact connexe possible de tels coûts.
[740] En outre, ayant adopté la position stratégique qu'il est impossible de contrôler efficacement les personnes ayant une déficience pour savoir si elles sont admissibles aux avantages d'une politique 1P1T, les transporteurs en cause n'ont pas indiqué de coûts relatifs à ce contrôle. Cependant, comme il a été établi dans les paragraphes 320 à 330, l'Office rejette cette position étant donné que les transporteurs en cause ont déjà des mécanismes de contrôle visant à évaluer si une personne est apte à voyager par avion, y compris si elle a besoin d'un Accompagnateur, et si elle est au courant des conditions qu'elle doit respecter pour voyager à bord des avions des transporteurs en cause. L'Office rejette aussi la position des transporteurs en cause sur la base des preuves présentées par M. Lewis, à savoir que des mécanismes de contrôle sont utilisés couramment par d'autres fournisseurs de services, notamment ceux de l'industrie du transport, et qu'on peut consulter des experts pour obtenir des conseils sur la conception et la mise en œuvre de tels mécanismes de contrôle.
[741] En ce qui concerne l'argument des transporteurs en cause selon lequel une politique 1P1T, en l'absence d'une subvention gouvernementale directe, donne lieu à une forme d'interfinancement, l'Office note le témoignage de M. Tretheway qui indique qu'il y a interfinancement quand un produit ou un service est fourni à un groupe de consommateurs à un prix inférieur au prix coûtant. Cependant, dans le cas d'une place supplémentaire fournie par Air Canada et WestJet conformément à une politique 1P1T, l'Office note que, dans les deux cas, le prix payé par la personne ayant une déficience couvre le coût marginal de la place occupée par cette personne et de la place occupée par son Accompagnateur. L'Office s'appuie, à cet égard, sur des tarifs moyens de 244 $ et 140 $ et des coûts marginaux de 39,11 $ et 14 $ pour Air Canada et WestJet, respectivement. Dans ces conditions, l'Office est d'avis que, de ce point de vue, les transporteurs en cause n'ont pas démontré qu'une politique 1P1T donnera lieu à un interfinancement en l'absence d'une subvention directe du gouvernement.
[742] En outre, au sujet du témoignage de M. Tretheway, selon lequel la législation sur les droits de la personne impose un droit d'accommodement qui donne lieu nécessairement à un interfinancement, l'Office note l'argument des demandeurs, à savoir que la Cour suprême, dans sa décision concernant l'affaire CCD c. VIA, envisage expressément que le coût de l'accommodement peut faire augmenter le prix du billet, soulignant que toutes les autres dépenses légitimes comme les salaires et le carburant sont incluses dans le prix et que l'accommodement des personnes ayant une déficience devrait l'être aussi. L'Office est d'avis que la position de la Cour suprême à cet égard montre clairement qu'elle trouve que l'interfinancement est une pratique raisonnable pour l'atteinte d'importants objectifs de la société comme l'accommodement des personnes ayant une déficience.
[743] Pour terminer, au sujet des effets économiques positifs d'une politique 1P1T présentés par M. Lewis pour le compte des demandeurs, il va sans dire que ce sont des avantages importants. À cet égard, l'Office note que la Cour suprême, dans sa décision concernant l'affaire CCD c. VIA, indique :
Pour justifier le maintien d'un obstacle discriminatoire, on invoque dans presque tous les cas ce qu'il en coûterait pour l'atténuer ou l'éliminer afin de répondre aux besoins de la personne qui demande l'accès. Il s'agit là d'un facteur qui peut légitimement être pris en compte : Central Alberta Dairy Pool c. Alberta (Commission des droits de la personne), 1990 2. R.C.S. 489, p. 520-521. Cependant, dans l'arrêt Grismer, par. 41, noter Cour a averti que les tribunaux doivent « se garder de ne pas accorder suffisamment d'importance à l'accommodement de la personne ».
[744] L'Office note que M. Lewis n'a pas réalisé d'études pour évaluer si les gens étaient disposés à payer pour les avantages économiques positifs d'une politique 1P1T, mais il convient avec M. Lewis qu'une politique 1P1T créerait de la valeur économique, non seulement pour les personnes ayant une déficience, mais aussi pour la société dans son ensemble. En termes des avantages sociaux plus larges d'une politique 1P1T, l'Office admet ceux qui ont été cités par M. Lewis, notamment les valeurs économiques suivantes :
- Une diminution de la pression sur les systèmes d'aide sociale et sur le fardeau fiscal relativement à l'augmentation des niveaux de revenu et du niveau de vie attribuable à une plus grande mobilité liée au travail pour les personnes ayant une déficience;
- une valeur d'assurance découlant du maintien de l'accès au transport aérien dans l'éventualité d'une déficience, reconnaissant la réalité actuarielle voulant que tous les membres de la société courront le risque un jour ou l'autre d'avoir une déficience permanente ou temporaire.
- l'assurance ou la préservation du droit d'accès des personnes ayant une déficience.
[745] L'Office est d'avis que les avantages sociaux d'une politique 1P1T pourraient l'emporter sur les coûts financiers et sociaux connexes, selon l'importance de ces coûts. À cet égard, l'Office note qu'il a déterminé que le coût estimatif d'une politique 1P1T en termes de hausse du prix moyen des billets est de 77 ¢ pour Air Canada et de 44 ¢ pour WestJet. L'Office estime que de telles hausses de prix sont relativement faibles, tant en dollars absolus qu'en pourcentage du tarif intérieur moyen, de sorte que les hausses du prix des billets sont raisonnables, surtout si l'on tient compte des valeurs économiques susmentionnées et du meilleur accès au réseau de transport fédéral qu'auraient les personnes ayant une déficience grave après l'adoption d'une politique 1P1T. L'Office note que les effets économiques positifs décrits par M. Lewis, qui ont été reconnus par M. Tretheway, en termes des avantages de l'accès universel, et renforcés par la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire CCD c. VIA, reflètent les principes fondamentaux d'accessibilité mentionnés plus haut dans cette décision, lesquels doivent être pondérés dans l'analyse, par l'Office, du caractère excessif d'une politique 1P1T.
Conclusion de l'Office sur le caractère excessif de la contrainte exercée au niveau des répercussions économiques d'une politique 1P1T
[746] Comme il a été mentionné précédemment, l'Office n'est pas convaincu que les désavantages, sur le plan de la concurrence, que pourraient connaître les transporteurs en cause auront un effet important. L'Office a aussi noté que même si les transporteurs en cause ont fait valoir qu'ils devraient engager des coûts d'exploitation beaucoup plus élevés à la suite de l'adoption d'une politique 1P1T, ils n'ont pas indiqué précisément les coûts d'exploitation liés au groupe cible, ni montré l'impact de ces coûts. En outre, l'Office a déterminé que les transporteurs en cause n'ont pas su montrer que l'adoption d'une politique 1P1T donnerait lieu à un interfinancement mais, même si c'est le cas, l'Office est d'avis que la Cour suprême reconnaît l'interfinancement comme un élément raisonnable pour l'atteinte de l'objectif d'accommodement des personnes ayant une déficience.
[747] Compte tenu de ce qui précède, l'Office conclut qu'Air Canada et WestJet n'ont pas fait la preuve que les répercussions économiques d'une politique 1P1T sur le marché intérieur, lorsqu'elles sont prises en considération séparément, constituent une contrainte excessive pour les transporteurs en cause.
C. Répercussions financières du coût d'une politique 1P1T
[748] Comme on l'a noté précédemment, le coût d'une politique 1P1T, en soi, n'indique pas si une telle politique causerait une contrainte excessive aux transporteurs en cause. On doit plutôt examiner le coût d'une politique 1P1T dans le contexte des incidences connexes sur les transporteurs en cause afin que l'Office puisse examiner la contrainte de coût lors de sa pondération des avantages d'une politique 1P1T pour les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'une place supplémentaire pour voyager par avion en fonction des diverses contraintes d'ordre opérationnel, économique et financier auxquelles les transporteurs feraient face en adoptant une telle politique.
[749] La présente section examine l'impact du coût d'une politique 1P1T sur le plan des incidences financières connexes pour les transporteurs en cause conformément aux arguments présentés par les demandeurs et les transporteurs en cause pour les éléments suivants :
- les coûts historiques de mesures d'accommodement;
- la capacité des transporteurs en cause d'absorber le coût d'une politique 1P1T.
1. Coûts historiques de mesures d'accommodement
[750] Dans leurs réponses aux demandes, les transporteurs en cause affirment qu'ils supportent déjà un lourd fardeau financier pour la formation des employés et les services et équipements « spéciaux » dans le cadre des mesures qu'ils sont tenus de prendre pour les personnes ayant une déficience. Ils estiment qu'une autre hausse de ce fardeau déjà élevé serait une contrainte excessive et déraisonnable.
[751] Une partie importante des éléments de preuve présentés par les transporteurs en cause lors de l'audience de mai 2005 traitaient des coûts d'accommodent qu'ils supportent actuellement pour les passagers ayant une déficience. Les experts des transporteurs en cause ont aussi présenté des rapports détaillant les montants dépensés pour divers types de services d'accessibilité et de mesures d'accommodement, lesquels ont été mis à jour ultérieurement avec des données plus complètes.
[752] Le rapport d'Ernst & Young, daté du 25 novembre 2005, donne, pour Air Canada, des coûts annuels totalisant 9 363 400 $ en coûts d'exploitation et 241 000 $ en dépenses annuelles d'immobilisation pour fournir une aide aux personnes ayant une déficience. Environ 87 pour cent des coûts totaux se rapportent aux services fournis par l'équipe spéciale d'aide (SPAT) d'Air Canada qui compte 153 employés à temps plein.
[753] Un rapport similaire, préparé pour WestJet par Siebert/Pask et daté du 1er décembre 2005, donnait les coûts totaux engagés par le transporteur pour fournir des services aux personnes ayant une déficience, soit 1 586 000 $ en 2003,1 750 000 $ en 2004 et des coûts calculés au prorata de 1 913 000 $ pour 2005. Sur ces montants, les dépenses d'immobilisation se chiffraient à 428 000 $ en 2003, 100 000 $ en 2004, 42 000 $ (estimation) en 2005.
[754] Dans un mémoire daté du 17 mai 2007, l'avocat des transporteurs en cause indique que les rapports visaient à mettre en évidence les coûts qu'ils engagent pour rendre tous leurs services accessibles aux personnes ayant une déficience, dont les demandeurs. L'avocat des transporteurs en cause affirme que la décision de la Cour suprême dans l'affaire CCD c. VIA justifie cette approche et indique clairement que la question centrale dans cette affaire est l'accessibilité du système dans son ensemble. L'avocat ajoute que cela reflète la position des demandeurs, à savoir que lorsque les mesures d'accommodement les plus complètes possibles sont liées à des coûts excessifs, il peut encore être nécessaire d'envisager des mesures moins complètes. Selon l'avocat, les rapports de Ernst & Young et Siebert/Pask montrent bien que de telles mesures d'accommodement sont déjà en place et que les coûts connexes sont importants. Il ajoute que l'Office doit, dans le cadre de son analyse du caractère excessif, considérer que ces mesures d'accommodement font partie des systèmes et des opérations des transporteurs de façon qu'on ne mélange pas les groupes de futurs demandeurs potentiels, comme la Cour suprême l'a signalé dans sa décision concernant l'affaire CCD c. VIA; en effet, une telle approche permet de traiter l'environnement actuel des transporteurs en cause et les coûts liés à cet environnement, dont on doit tenir compte dans toute analyse visant à déterminer une contrainte excessive.
[755] En outre, l'avocat des transporteurs en cause fait valoir que la possibilité pour les demandeurs d'accéder au réseau de services de transport aérien d'une façon sûre et sécuritaire qui respecte leur dignité et leur confort est sans aucun doute augmentée par les fonds dépensés pour les procédures de certificats de santé, l'aide spéciale en matière de réservation, l'aide dans l'aérogare, les transferts entre le fauteuil roulant personnel et le fauteuil d'embarquement, le transfert entre le fauteuil d'embarquement et le siège et l'aide en matière de mobilité dans la cabine, les toilettes « spéciales » et la formation détaillée du personnel. L'avocat fait valoir qu'un point important à prendre en considération pour la question de la contrainte excessive est le fait que les transporteurs en cause dépensent actuellement environ 13 millions de dollars pour les mesures d'accommodement destinées aux personnes ayant une déficience, y compris la catégorie de demandeurs représentée par la demande de CCD. Il fait aussi valoir les faits suivants :
- la mesure d'accommodement demandée par les demandeurs est déraisonnable;
- les obstacles identifiés ne sont pas abusifs;
- Les mesures déjà prises par Air Canada et WestJet pour l'accommodement des demandeurs constituent des mesures raisonnables.
[756] Dans un mémoire daté du 29 mai 2007, l'avocat des demandeurs allègue que nombre des services figurant dans les rapports Siebert/Pask et Ernst & Young ne sont pas valables pour le groupe demandeur et il ajoute que le service d'aide et d'accueil n'est pas nécessaire pour les personnes qui voyagent avec un Accompagnateur ou qui sont obèses. En outre, à cet égard, les demandeurs font valoir qu'il est une erreur de prendre en considération la totalité des coûts d'accommodement pour toutes les personnes ayant une déficience lorsqu'on examine si le coût d'une mesure d'accommodement donnée pour certaines personnes est une contrainte excessive. Les demandeurs se réfèrent à la décision de la Cour suprême dans l'affaire CCD c. VIA qui précise qu'il ne s'agit pas d'une lutte entre les personnes valides et les personnes ayant une déficience pour maintenir les tarifs à un bas niveau en évitant les dépenses liées à l'élimination de la discrimination. En outre, les demandeurs attirent l'attention sur cette partie de la décision de la Cour suprême :
224 Les formes de déficience ne sont jamais toutes en cause lorsqu'on prétend qu'une forme particulière soulève une question de discrimination. Bien qu'elles fassent indubitablement intervenir des considérations conceptuelles analogues, elles peuvent néanmoins commander des mesures correctives complètement différentes. Une analyse de l' « accommodement raisonnable », de la « contrainte excessive » ou de l'« obstacle abusif » est nécessairement fonction de l'identité du plaignant, de la nature de la plainte, de l'environnement dont on se plaint, des mesures correctives qui peuvent être requises et de celles qui sont raisonnablement possibles. Compte tenu de la nature de la demande et de l'identité des parties qui étaient devant lui, l'Office aurait agi déraisonnablement en sollicitant des observations sur toutes les formes de déficience imaginables.
[757] Les demandeurs soutiennent que la position des transporteurs en cause, qui font valoir que les coûts historiques d'accommodement sont pertinents, est qu'il est suffisant que seules des parties de leurs réseaux soient accessibles de sorte qu'ils ne sont pas tenus de régler la question des obstacles relatifs aux personnes ayant une déficience qui ont besoin d'une place supplémentaire pour voyager par avion. Les demandeurs ajoutent qu'une telle position est contraire à la détermination de la Cour suprême dans sa décision concernant l'affaire CCD c. VIA, à savoir que le système au complet doit être accessible. Pour terminer, les demandeurs affirment que le fait d'avoir pris des mesures d'accommodement pour une personne ne constitue pas un argument de défense pour justifier la discrimination envers une autre personne. Les demandeurs affirment que, sur la base des éléments susmentionnés, les rapports de Ernst & Young et Siebert/Pask sont complètement en dehors de la question de la détermination, par l'Office, du caractère excessif d'une politique 1P1T pour les transporteurs en cause sur le marché intérieur.
Analyse de l'Office
[758] Les rapports d'experts présentés par les transporteurs en cause donnent les coûts historiques globaux des mesures d'accommodement pour toutes les personnes ayant une déficience, mais ils n'indiquent pas l'élément de coût lié à la prestation de services et d'installations aux personnes ayant une déficience qui ont besoin d'une place supplémentaire pour elles-mêmes ou leur Accompagnateur et qui pourraient être admissibles aux avantages d'une politique 1P1T. À cet égard, l'Office est d'avis que ces coûts historiques, qui doivent être engagés pour les services aériens intérieurs essentiellement en vertu de la partie VII du RTA, ne se rapportent à la présente cause que s'ils font partie des coûts d'exploitation et des coûts fixes totaux des transporteurs en cause et que si ces derniers fournissent des preuves de l'impact du coût supplémentaire d'une politique 1P1T sur leur santé financière. En plus de toute contrainte opérationnelle découlant d'une politique 1P1T, l'Office doit déterminer si le coût d'une politique 1P1T représente un obstacle abusif pour Air Canada et au WestJet dans le contexte des répercussions économiques et financières de ce coût et ce ne sera pas en examinant combien on dépense déjà pour les services actuels d'accommodement et d'accessibilité.
2. Capacité des transporteurs en cause d'absorber le coût d'une politique 1P1T
[759] Des preuves concernant la capacité des transporteurs en cause d'absorber le coût d'une politique 1P1T ont été fournies pour les éléments suivants :
- le caractère cyclique de l'industrie du transport aérien intérieur;
- l'impact d'une politique 1P1T sur la capitalisation boursière des transporteurs en cause;
- l'impact d'une politique 1P1T sur les revenus bruts, la cote de solvabilité et le coût du capital des transporteurs en cause
a) Caractère cyclique de l'industrie du transport aérien intérieur
[760] Les transporteurs en cause ont présenté des preuves indiquant que l'industrie du transport aérien a un caractère cyclique qui dépend d'événements indépendants de sa volonté. En conséquence, ils doivent maintenir un contrôle rigoureux sur les coûts.
[761] M. MacKay indique que de 1998 à 2006, pendant qu'il était président-directeur général de l'Association du transport aérien du Canada, il a observé le caractère cyclique de l'industrie du transport aérien au fil des années, notamment :
- une « croissance très rapide » du trafic passager dans la dernière partie des années 90, avec une pointe en 2000 et au début de 2001;
- une « chute très brutale » qui a commencé avant le 11 septembre 2001 et qui s'est poursuivie pendant la « période du SRAS » environ un an et demi plus tard;
- une « stabilisation, puis une croissance graduelle » qui, dans les 12 mois qui ont précédé novembre 2006, s'est accélérée dans une certaine mesure.
[762] M. MacKay a aussi décrit le caractère cyclique de l'industrie transport aérien sur une base annuelle dans les termes suivants :
- une « pointe » du trafic au Canada pendant l'été;
- une « retombée » du trafic à l'automne;
- des « petites pointes » de trafic aux environs de Noël; en janvier et jusqu'au début de mars, surtout pour les vols nolisés, et en mars pour les vacances scolaires
- un « tassement » jusqu'aux vacances d'été.
[763] M. MacKay affirme que la « préoccupation absolue » des membres de l'ATAC pendant qu'il était président-directeur général était la gestion des coûts étant donné que le modèle d'entreprise des compagnies aériennes est tel qu'elles n'ont aucun contrôle sur les coûts des services de navigation aérienne, du carburant, des services aéroportuaires et des coûts auxiliaires liés à d'autres activités gouvernementales, comme l'immigration. M. MacKay ajoute que le marché du travail, un intrant important, est « très difficile ».
[764] Lors de son contre-interrogatoire par l'avocat des demandeurs, M. MacKay souligne que la marge de manœuvre des transporteurs aériens pour ce qui est de fixer des prix en vue d'absorber les coûts est très étroite, même dans un « marché en expansion », étant donné que toute perturbation géopolitique ou autre touchant le réseau enraye le modèle de fixation des prix très rapidement. À cet égard, et en ce qui concerne la perspective du « ciel ouvert » avec les États-Unis, M. MacKay admet que ce sera très avantageux pour les transporteurs canadiens si l'accord est assorti de conditions raisonnablement réciproques.
[765] M. Dunleavy soumet que dans les années où l'économie est forte et qu'il n'y a pas de grosses perturbations externes comme une flambée de maladie contagieuse comme le SRAS, un grand acte de terrorisme comme celui qui s'est produit le 11 septembre 2001 ou la guerre en Irak, les transporteurs aériens peuvent faire des bénéfices raisonnables. En ce qui concerne les résultats financiers de WestJet, qui a connu 31 trimestres consécutifs de rentabilité, M. Dunleavy admet qu'ils sont très bons par rapport à d'autres transporteurs aériens.
[766] M. Dunleavy explique les répercussions sur les transporteurs traditionnels et les transporteurs à faibles coûts pendant un ralentissement de l'économie mondiale. Plus particulièrement, M. Dunleavy fait remarquer que si on offre une place gratuitement, la demande sera maximisée et le marché sera saturé, ce qui mènera au bout du compte à un stade où le niveau des tarifs donnera lieu à une chute spectaculaire de la demande. M. Dunleavy ajoute que les transporteurs traditionnels ont des organisations et des structures de coûts qui reposent sur la capacité d'imposer des tarifs relativement élevés et, pendant les périodes d'expansion économique, les transporteurs augmentent leur flotte pour absorber la demande, mais quand il y a un ralentissement brutal de l'économie, étant donné qu'ils doivent conserver le même niveau de demande pour couvrir les coûts fixes élevés relatifs à leurs aéronefs, ils sont obligés de réduire considérablement les tarifs. M. Dunleavy ajoute qu'il s'agit du problème général auquel fait face l'industrie du transport aérien, à savoir atteindre une rentabilité constante et durable et il explique pourquoi les transporteurs traditionnels passent de la rentabilité aux pertes lorsque le cycle économique mondial change.
[767] En ce qui concerne l'expérience des transporteurs à faibles coûts pendant une période de ralentissement économique important, M. Dunleavy explique que grâce à leur structure de coûts plus bas, ces transporteurs sont en mesure de susciter une forte hausse de la demande du fait de leurs bas tarifs. M. Dunleavy ajoute que ces transporteurs ont simplement à baisser légèrement leurs tarifs pour maintenir le même niveau de trafic.
[768] Pendant son contre-interrogatoire, M. Dunleavy a fait remarquer, dans le contexte des répercussions à long terme d'une décision éventuelle de l'Office concernant l'obligation, pour WestJet, d'appliquer une politique 1P1T, que même si l'économie mondiale actuelle et la « motivation des entreprises » sont assez bonnes au point que les volumes de trafic sont assez élevés, de telles conditions ne sont pas durables à long terme. M. Dunleavy explique qu'en règle générale, le cycle économique dure de sept à dix ou onze ans. Il formule une préoccupation vis-à-vis d'une situation où il y a un ralentissement brutal de l'économie mondiale, ce qui entraîne une disparition très rapide du trafic avec des pertes de revenus, alors que la structure de coûts est toujours en place.
[769] Au sujet des structures de coûts susmentionnées, M. Dunleavy fait remarquer que l'achat et l'entretien des aéronefs sont très coûteux de sorte que les problèmes surgissent lorsqu'il y a une période de ralentissement économique où le trafic « s'évanouit ». Il donne en exemple les événements du 11 septembre 2001. En réponse à cette déclaration, l'avocat des demandeurs souligne que WestJet a un modèle d'entreprise qui lui a permis de survivre aux événements de 2001 et à la flambée des coûts du carburant.
[770] Mme Guillemette décrit le marché du transport aérien comme étant extrêmement dynamique. Elle est aussi d'avis que des événements indépendants de la volonté d'Air Canada peuvent influer sur le marché et la demande. Comme il est mentionné plus haut au paragraphe 578, pendant le contre-interrogatoire, lorsqu'on fait état du rapport annuel de 2005 d'Air Canada, qui indique que le modèle d'entreprise du transporteur aérien est solide et souple vu que la compagnie a fait des bénéfices nets de 258 millions de dollars malgré la flambée des prix du pétrole brut qui ont gonflé sa facture de carburant de 592 millions de dollars, Mme Guillemette répond que cela n'indique pas qu'Air Canada peut faire face à des hausses de coûts assez importantes, mais plutôt qu'elle a su contrôler les coûts de façon très rigoureuse et qu'elle a pris d'autres initiatives de réduction des coûts, de main-d'œuvre ainsi que l'instauration d'un nouveau modèle d'entreprise qui prévoit des façons différentes de générer des revenus.
[771] Lors du contre-interrogatoire par l'avocat des demandeurs, M. Tretheway exprime l'opinion que, dans le moment, avec la baisse du prix du carburant, la conjoncture économique assez favorable et la suppression de capacité à la suite du retrait de Jetsgo et Canjet, Air Canada et WestJet sont en quelque sorte au sommet de leur cycle économique. M. Tretheway précise que les deux transporteurs profitent du fait qu'une capacité a été retirée du marché. Cependant, comme on l'a déjà indiqué, M. Tretheway indique qu'il est probable que l'économie va ralentir à un certain moment à l'avenir. Pour terminer, le professeur Lazar décrit que l'industrie du transport aérien est vulnérable et fragile de façon cyclique.
[772] En réponse à une suggestion selon laquelle le modèle de rabais utilisé par WestJet et le passage d'Air Canada à un modèle autre que le modèle de coûts traditionnel amélioreraient la probabilité de répercuter les coûts sur le consommateur, M. Crosson indique, lors de son contre-interrogatoire par l'avocat des demandeurs, qu'il n'est pas certain qu'il y ait une relation. M. Crosson doute aussi de la relation entre la hausse régulière des tarifs moyens de transport intérieur et l'attente, exprimée par M. MacKay, que cette nouvelle tendance devrait se poursuivre avec une plus grande possibilité de répercuter les coûts. Pour terminer, M. Crosson indique aussi qu'il ne voit pas de rapport entre « ciel ouvert », comme il est mentionné ci-dessus, et une plus grande possibilité de répercuter les coûts.
[773] L'Office admet que l'industrie du transport aérien est, de certaines façons, particulièrement vulnérable au ralentissement de l'économie, surtout en raison de ses coûts fixes relativement élevés et de la part des voyages d'agrément dans ses affaires, mais il est d'avis que la plupart des entreprises sont exploitées, à un certain degré, dans un environnement cyclique et le fait qu'une compagnie fasse partie d'une industrie cyclique n'influe pas sur la question de savoir si les coûts d'accommodement constituent une contrainte excessive. En outre, l'Office est d'avis que le simple fait de dire qu'un ralentissement de l'économie est probable, comme l'a fait M. Tretheway, n'est pas en soi suffisant pour montrer que les transporteurs, voire même toute autre entreprise, ne peuvent pas supporter un coût. Ce qu'il faut établir ici, c'est que les transporteurs ne pourront pas résister à un futur ralentissement de l'économie. Dans ces conditions, l'Office estime que les preuves fournies par MM. Tretheway, MacKay et Dunleavy en ce qui concerne les revers de fortune de l'industrie canadienne du transport aérien et la saisonnalité de la demande ne sont guère utiles pour prendre une décision en la matière.
[774] Cependant, il est évident, d'après les événements récents et les preuves fournies par les transporteurs en cause (que l'Office accepte), qu'il est essentiel que les transporteurs maintiennent un contrôle rigoureux sur les coûts pour pouvoir réagir, en cas de ralentissement important de l'économie, d'une façon qui permet de soutenir des niveaux appropriés de trafic, et que le modèle d'entreprise à faibles coûts et des contrôles rigoureux donnent aux transporteurs les moyens de le faire.
[775] Compte tenu de ce qui précède, l'Office estime que les éléments de preuve présentés par les transporteurs en cause au sujet du caractère cyclique de l'industrie du transport aérien, quand on les examine avec les éléments de preuve relatifs à leur plus grande capacité de résister à d'importants événements économiques négatifs grâce à l'intensification des efforts de contrôle des coûts, n'ont pas montré qu'ils seraient incapables de soutenir l'impact d'une politique 1P1T.
[776] En outre, l'Office estime que l'affirmation de M. Tretheway, selon laquelle Air Canada et WestJet sont au sommet de leur cycle d'affaires, illustre peut-être les bons résultats financiers des transporteurs et la conjoncture économique favorable dans laquelle ils évoluent actuellement. Cependant, l'Office est d'avis que cette situation n'indique pas l'imminence ou l'impact d'une future baisse de rendement que l'on devrait prendre en considération. En fait, comme il a été noté précédemment, le propre témoin des transporteurs en cause, M. MacKay a déclaré que les transporteurs aériens, pour la première fois en 15 ans, ont su soutenir des hausses de tarifs qui, à son avis, ont donné lieu à des niveaux de bénéfices raisonnables pour la première fois depuis longtemps. Il a aussi fait remarquer que le trafic passager a continué de croître. En outre, l'Office constate que WestJet a été capable de survivre et d'avoir 31 trimestres consécutifs de rentabilité, le résultat direct de l'adoption d'un modèle d'entreprise à faibles coûts, pendant les ralentissements importants de l'économie qui ont été précipités par des événements comme la flambée de SRAS, les attaques terroristes du 11 septembre 2001 et la guerre d'Irak. De la même façon, l'Office note l'explication de Mme Guillemette concernant le rendement financier favorable d'Air Canada en 2005, à savoir qu'elle est attribuable à des contrôles de coûts très rigoureux. À cet égard, l'Office estime qu'il est raisonnable de supposer qu'Air Canada a, depuis la fin de la protection contre ses créanciers, pris des mesures pour contrôler les coûts de façon à se prémunir contre des événements économiques défavorables et à pouvoir livrer concurrence aux transporteurs à faibles coûts.
b) Impact d'une politique 1P1T sur la capitalisation boursière d'Air Canada et de WestJet
[777] Bien qu'ils aient eu toutes les occasions de produire des données sur les répercussions du coût d'une politique 1P1T, les transporteurs en cause ont décidé de présenter des preuves seulement pendant la deuxième semaine des audiences de novembre 2006 qui portaient sur l'importance des répercussions financières d'une politique 1P1T. Ces preuves ont été présentées après que les demandeurs aient demandé pourquoi les transporteurs en cause ne les avaient pas encore produites. L'Office avait décidé auparavant de ne pas ordonner aux transporteurs en cause de produire des données au sujet de l'impact financier d'une politique 1P1T, mais plutôt, à leur demande, de leur permettre de décider des preuves qu'ils présenteraient à l'appui de leurs arguments. Cependant, l'Office convenait que ce type de données serait utile pour son enquête à condition que les transporteurs en cause puisse les divulguer d'une façon qui ne portait pas préjudice aux demandeurs. Avec le consentement de l'Office, les transporteurs en cause ont déposé, le 22 novembre 2006, un mémoire préparé par M. Crosson de Ernst et Young, daté du 21 novembre 2006, qui visait, selon ses propres termes, à fournir une gamme de facteurs de valeurs indicatives, de façon que l'Office puisse évaluer les répercussions approximatives, en termes de valeur, sur Air Canada et WestJet de l'adoption d'une politique 1P1T.
[778] L'avocat des transporteurs en cause explique qu'on a demandé à M. Crosson de les préparer en partant de l'hypothèse que le coût d'une politique 1P1T ne serait pas répercuté sur les consommateurs. M. Crosson note plusieurs limitations du mémoire, notamment le fait que le travail s'est borné à un examen général des facteurs et des approches se rapportant à l'évaluation de la valeur actuelle d'une réduction des bénéfices annuels d'Air Canada et de WestJet avant impôts; le fait qu'on n'a pas effectué d'étude détaillée de l'industrie ni d'analyse du rendement des investissements; le fait que le rapport n'est pas un rapport d'évaluation au sens de ce terme dans « CICBV Standard 110 » et qu'on n'a pas essayé d'évaluer l'impact d'une politique 1P1T sur la capitalisation boursière ou la valeur des actions d'Air Canada et de WestJet.
[779] Le mémoire énonce deux approches pour l'évaluation de l'impact en termes de valeur sur les transporteurs en cause : une « approche de marché » est une « approche de revenu ».
[780] Par « approche de marché », on entend l'évaluation d'un bien ou d'un titre à partir de ce que les investisseurs paieraient pour un bien ou un titre similaire sur le marché avec application de multiplicateurs de marché (tirés de la mesure des bénéfices ou des revenus) aux bénéfices ajustés en fonction des dépenses comme les impôts et intérêts. À cet égard, le rapport conclut que le multiplicateur de marché le plus approprié est le rapport entre la valeur totale d'entreprise (VTE) et les bénéfices avant intérêts et impôts (BAII). Lors du contre-interrogatoire, M. Crosson explique qu'à cause de la volatilité des multiplicateurs de marché des sociétés, on prend une plus large gamme de multiplicateurs provenant de sociétés comparables dans la même industrie, ce qui signifie que ces compagnies sont en activité et rentables. M. Crosson conclut que, pour l'évaluation de l'impact d'une politique 1P1T, étant donné la gamme des multiplicateurs présentés par des transporteurs aériens considérés comme comparables à Air Canada et à WestJet, les multiplicateurs de marché de l'ordre de 11 à 13 fois les coûts annuels avant impôts d'une politique 1P1T sont appropriés.
[781] « L'approche de revenu » repose sur l'hypothèse que la valeur d'un bien ou d'un titre est la valeur actuelle de la capacité de bénéfice future attribuable au bien ou titre qui peut être distribué aux investisseurs. M. Crosson fait remarquer que l'approche de revenu la plus couramment utilisée est une analyse de la valeur actualisée des flux de trésorerie, laquelle consiste à faire des prévisions sur un élément de flux de trésorerie sur une certaine période, puis de l'actualiser à un taux donné. M. Crosson explique, pendant l'interrogatoire principal, que l'approche de revenu sert aussi à évaluer l'impact sur les flux de trésorerie négatifs et, par conséquent, peut être utilisé pour évaluer l'impact du coût d'une politique 1P1T. M. Crosson conclut que, pour l'évaluation de l'impact d'une politique 1P1T, des multiplicateurs de revenu de l'ordre de 9 à 11 fois les coûts annuels avant impôts d'une telle politique sont appropriés.
[782] M. Crosson énonce la conclusion générale que lorsqu'on considère tant les approches de marché que de revenu, l'impact, en termes de valeur négative, de l'adoption d'une politique 1P1T serait environ de 9 à 13 fois le coût annuel avant impôts d'une telle politique. Plus particulièrement, M. Crosson conclut que pour chaque million de dollars de coût additionnel avant impôts attribuable à une politique 1P1T, Air Canada et WestJet subiront une perte de valeur actuelle estimative variant entre 9 et 13 millions de dollars.
[783] Même s'il a nuancé sa réponse en notant qu'il n'avait pas vérifié l'application de la méthodologie indiquée dans le mémoire, M. Lewis convient avec l'avocat des transporteurs en cause que la méthodologie utilisée par M. Crosson convient pour évaluer l'impact d'une politique 1P1T sur la valeur totale d'entreprise des transporteurs si l'on suppose que le coût ne peut pas être répercuté sur le consommateur. Cependant, pendant l'interrogatoire principal, M. Lewis indique que selon lui, le mémoire de M. Crosson ne traite pas des répercussions du coût d'une politique 1P1T pour la viabilité commerciale des transporteurs.
[784] Lors du contre-interrogatoire, M. Crosson convient que les multiplicateurs de marché indiqués n'aident pas à tirer des conclusions sur la viabilité économique d'Air Canada ou de WestJet à la lumière des pertes de revenu estimatives liées à l'adoption, par les transporteurs en cause, d'une nouvelle politique 1P1T.
[785] Quand on lui demande si le mémoire laisse entendre que le coût d'une politique 1P1T aura inévitablement un impact sur la capitalisation boursière des transporteurs, M. Crosson affirme que même si l'on ne sait pas si le coût pourrait être répercuté sur le consommateur, il est hautement improbable que l'impact soit neutre. M. Crosson explique que son opinion à cet égard est basée sur le fait que, compte tenu des connaissances générales sur les entreprises et sur l'impact de l'imposition de coûts à une entreprise commerciale, tout changement des conditions de coûts a un impact sur ses affaires et sur sa valeur. Cependant, en ce qui concerne cette valeur, M. Crosson ne pense pas que les rapports d'analystes sur Air Canada auraient révélé le changement de capitalisation boursière de la compagnie quand on a appliqué le rabais offert en vertu de la politique sur les accompagnateurs au plein tarif de classe économique seulement, au lieu de tous les tarifs applicables.
[786] Lors du contre-interrogatoire, M. Crosson indique que, dans le cadre du processus d'évaluation d'entreprise, il est nécessaire d'évaluer le pourcentage du coût connexe qui va être répercuté sur les consommateurs afin d'évaluer l'impact d'un changement de politique donnée sur la valeur d'une entreprise. Plus particulièrement, M. Crosson précise que si l'on voulait examiner en détail l'impact d'une politique 1P1T sur la valeur d'une compagnie aérienne, il faudrait utiliser l'information spécialisée dont il dispose à titre d'évaluateur d'entreprise, mais aussi tenir compte de ce que chacun des transporteurs ferait d'un point de vue commercial, notamment s'ils changeraient les tarifs dans le contexte des modèles de fixation de tarifs actuels. M. Crosson note qu'on tiendrait compte à cet égard des travaux exécutés par le professeur Lazar concernant l'élasticité-prix.
[787] M. Lewis a appliqué les multiplicateurs de marché indiqués dans le mémoire de Ernst & Young à son estimation du coût d'une politique 1P1T et il a évalué son impact en termes de valeur, dans le contexte des changements quotidiens de la capitalisation boursière d'Air Canada et de WestJet à la suite de la fluctuation du cours des actions.
[788] En utilisant une capitalisation boursière estimative de 18 milliards de dollars pour Air Canada, son estimation de 5,1 millions de dollars pour le coût d'une politique 1P1T pour cette compagnie et un multiplicateur de marché de 12, M. Lewis a estimé à 61 mllions de dollars l'impact sur la valeur actuelle d'Air Canada de l'adoption d'une politique 1P1T. M. Lewis conclut qu'en supposant qu'aucun coût d'une politique 1P1T ne se répercutait sur le consommateur, l'impact sur la valeur actuelle d'Air Canada de la mise en œuvre d'une telle politique équivaudrait à une baisse de la valeur marchande de la société de 0,3 pour cent (61 M$ ÷18 G$).
[789] M. Lewis indique, sur la base d'une étude des actions ordinaires de catégorie A détenues par ACE Aviation Holdings Inc. (ci-après ACE) sur une période de trois mois, que la capitalisation boursière d'Air Canada fluctue chaque jour d'environ 1,5 à 2 pour cent avec un écart standard de 1,3 pour cent. Il ajoute que la baisse de valeur de 0,3 pour cent, qui résulterait de l'adoption d'une politique 1P1T selon ses calculs, est si faible par rapport au 1,3 pour cent et au plafond du marché qu'il serait impossible pour un statisticien ou un analyste de la remarquer dans la fluctuation quotidienne du cours des actions. M. Lewis précise aussi que, sur cette base, le changement de capitalisation boursière représenté par le coût d'une politique 1P1T, si son coût n'est pas répercuté sur le consommateur, ne serait pas « important » dans la mesure où ce concept est défini en termes de l'érosion grave de la viabilité commerciale d'une entreprise.
[790] Lors du contre-interrogatoire, M. Lewis explique que si la valeur, en pourcentage, de l'impact sur la capitalisation boursière du coût d'une politique 1P1T était supérieure à la fluctuation de la valeur quotidienne des actions des transporteurs, on la considérerait comme discernable ou mesurable. M. Lewis ajoute qu'un changement de 2 à 3 pour cent serait remarqué par le marché ou, en d'autres termes, au moins équivalent sinon supérieur à l'écart dû aux fluctuations quotidiennes aléatoires ou prévues du cours des actions. M. Lewis précise que quelque chose peut être mesurable ou discernable sans être « important ». Il souligne qu'en dehors d'une situation qui met une société au bord de la faillite, il s'agit d'une question de réglementation qui, d'après son expérience, doit être réglée devant un tribunal.
[791] Plus tard, lors du contre-interrogatoire, M. Lewis a consenti à une correction, à savoir que la capitalisation boursière d'Air Canada était en fait de 1,8 milliard de dollars et non les 18 milliards de dollars qu'il a utilisés pour calculer l'impact sur la valeur de la société d'une politique 1P1T. Dans ces conditions, M. Lewis a convenu que l'impact du coût d'une politique 1P1T sur Air Canada, estimé à 5 millions de dollars, serait 3 pour cent de la capitalisation boursière, ce qui, en a-t-il convenu, serait supérieur au « bruit ».
[792] Lors du contre-interrogatoire, en réponse à une question de l'avocat des demandeurs qui demande si le concept du « bruit » sur le marché signifie quelque chose qui se trouve dans la marge d'erreur ou qui est invisible en termes d'impact sur le cours des actions, M.Crosson répond que le « bruit » est en général tout ce qui se produit en arrière-plan et empêche de voir facilement l'impact donné d'un événement. M. Crosson estime que quelque chose de l'ordre de 0,3 pour cent n'est pas du « bruit » car il est définissable et qu'on peut évaluer l'impact.
[793] Pour ce qui est de caractériser l'impact du coût d'une politique 1P1T sur Air Canada et WestJet, l'Office note l'évaluation qu'a présentée M. Lewis à titre d'expert des demandeurs. M. Lewis a comparé la baisse estimative de la valeur d'entreprise à l'issue de la mise en œuvre d'une politique 1P1T avec le bruit du marché pour illustrer l'importance de l'impact de cette mise en œuvre sur la valeur d'entreprise des transporteurs en cause.
[794] On considère généralement que le bruit de marché est la fluctuation du cours et du volume des actions qui ne reflète pas le sentiment général et qui peut gêner l'orientation du marché. Au nombre des bruits de marché figurent les petites corrections et la volatilité quotidienne, causées par des événements imprévus qui ne sont pas considérés comme ayant un impact durable sur la valeur de l'entreprise. L'Office croit comprendre que M. Lewis a présenté le contexte du bruit de marché comme un point de repère, lequel indique les changements de la valeur de l'entreprise qui se produisent chaque jour et, dans ces conditions, sont d'une portée qui, par définition, peut être considérée comme non menaçante pour la santé de l'organisation.
[795] Plus particulièrement, M. Lewis a calculé le bruit de marché sur la base des variations quotidiennes moyennes (maximum/minimum) du cours des actions, exprimées en pourcentage de leur prix, en utilisant un échantillon des données concernant les actions ordinaires de catégorie A d'ACE, données qui ont été recueillies pendant les trois mois précédant l'audience de novembre 2006.
[796] M. Lewis a comparé ensuite le bruit du marché avec la baisse estimative de la valeur actuelle d'Air Canada à l'issue de la mise en œuvre d'une politique 1P1T. M. Lewis a calculé cette baisse en utilisant un multiplicateur de marché de 12 et l'a exprimée en pourcentage de la capitalisation boursière du transporteur. L'Office note que, selon M. Lewis, la baisse de la valeur actuelle d'Air Canada découlant d'une politique 1P1T devrait être calculée à l'aide de la valeur médiane de la gamme de multiplicateurs de marché fourni par M. Crosson (entre 9 et 13), et que M. Lewis a utilisé une valeur de 12.
[797] L'Office note que les transporteurs en cause n'ont pas contesté l'approche de M. Lewis pour ce qui est d'illustrer l'impact du coût d'une politique 1P1T, ni la validité des données d'échantillon utilisées par M. Lewis, notamment la taille, la période ou la source de l'échantillon, c'est-à-dire les actions d'ACE. L'Office note aussi que, malgré une erreur de calcul de M. Lewis, les transporteurs en cause n'ont pas demandé si l'utilisation des variations quotidiennes (maximum/minimum) du cours des actions donnait une représentation exacte du bruit de marché et ils n'ont pas contesté l'utilisation de la valeur médiane de multiplicateurs de marché donnée par M. Crosson, reconnaissant que M. Lewis avait utilisé au bout du compte 12 et non 11. De façon plus essentielle, les transporteurs en cause n'ont pas contesté l'utilisation du bruit de marché comme contexte valide pour l'évaluation de l'importance du coût d'une politique 1P1T.
[798] La méthodologie proposée par M. Lewis pour le calcul du bruit de marché comprend l'examen de l'importance des variations maximales/minimales du cours des actions et de l'importance du cours de l'action elle-même pendant la période choisie pour l'échantillon. Cependant, vu que le bruit de marché reflète des variations aléatoires du cours des actions qui sont temporaires et qui ne donnent pas lieu à un changement durable de leur valeur, l'Office estime qu'il n'est pas indiqué d'exprimer les variations quotidiennes du cours des actions en pourcentage de ce cours. L'Office est d'avis qu'il est plus approprié d'exprimer le bruit de marché en termes de changement de la valeur de l'entreprise, soit la valeur absolue en dollars des variations quotidiennes maximales/minimales de la capitalisation boursière.
[799] Compte tenu de ce qui précède, l'Office a calculé la variation quotidienne maximale/minimale de la capitalisation boursière pour les catégories d'actions émises dans le public, en utilisant les variations quotidiennes des cours multipliées par le nombre d'actions en circulation dans chaque catégorie. L'Office a regroupé ensuite les résultats pour chaque catégorie d'actions afin d'avoir le total des variations pour chacun des transporteurs. (Les données sur le cours des actions utilisées par l'Office sont présentées à l'annexe E)
[800] En utilisant la même période de trois mois que M. Lewis (1er août 2006 au 31 octobre 2006), l'Office a déterminé que les variations quotidiennes maximales/minimales de la capitalisation boursière d'Air Canada pour cette période tendraient à être de l'ordre de 16 millions de dollars à 124 millions de dollars.
[801] En utilisant un multiplicateur de marché de 11, qui est la valeur médiane de l'intervalle présenté par M. Crosson, l'Office estime que la mise en œuvre d'une politique 1P1T aura un impact d'environ 78 millions de dollars (7,1 millions de dollars en pertes de revenu annuelles nettes x multiplicateur de marché de 11) sur la valeur totale d'entreprise d'Air Canada. Étant donné que cette valeur se trouve dans la gamme des variations quotidiennes maximales/minimales de la capitalisation boursière d'Air Canada, selon la détermination de l'Office, l'analyse indique que l'impact d'une politique 1P1T ne peut pas être distingué des fluctuations quotidiennes. En fait, l'analyse indique qu'il y a des jours où le bruit de marché aura un impact plus grand sur la valeur d'entreprise d'Air Canada que la mise en œuvre d'une politique 1P1T.
[802] L'Office a effectué la même analyse pour WestJet et a constaté que les variations quotidiennes maximales/minimales de la capitalisation boursière de la compagnie pour cette période se chiffrent entre 10 millions de dollars et 90 millions de dollars. Ici encore, avec un multiplicateur de marché de 11, l'Office estime que la mise en œuvre de la politique aura un impact d'environ 25 millions de dollars (2,3 millions de dollars en pertes de revenu annuelles nettes x multiplicateur de marché 11) sur la valeur totale d'entreprise de WestJet. L'Office note la même conclusion pour WestJet à savoir qu'il y a des jours où des événements aléatoires, qui se manifestent comme du bruit de marché, auront un impact plus grand sur la valeur totale de l'entreprise du transporteur en cause que la mise en œuvre d'une politique 1P1T.
[803] Compte tenu de ce qui précède, l'Office estime que l'analyse présentée par M. Lewis donne un contexte utile et pertinent pour évaluer l'importance de l'impact du coût d'une politique 1P1T sur la valeur d'entreprise d'Air Canada et de WestJet. L'Office est aussi d'avis que l'impact d'une politique 1P1T sur la valeur de l'entreprise des transporteurs en cause devrait se situer dans la gamme des variations de la capitalisation boursière que l'on associe au « bruit de marché ».
[804] L'Office note que, dans son mémoire, M. Crosson indique qu'il l'a préparé de telle façon que l'Office puisse évaluer l'impact approximatif sur la valeur des transporteurs d'une politique 1P1T. Les indications fournies par les transporteurs en cause montrent qu'ils se sont employés à illustrer l'impact approximatif d'une politique 1P1T en termes de réduction de la valeur de leur entreprise, mais ils n'ont fourni aucune preuve concernant l'importance de cet impact. Plus particulièrement, en ce qui concerne l'impact d'une politique 1P1T sur la capitalisation boursière d'Air Canada et de WestJet, même si la preuve indique que l'impact du coût d'une telle politique serait comparable à du « bruit », qui s'exprime en termes de fluctuations quotidiennes du cours des actions des transporteurs en cause, ces derniers ont choisi de ne pas fournir d'éléments de preuve pour montrer l'effet négatif de ce coût, sauf en termes généraux, se limitant à déclarer que tout changement des conditions de coûts pour une entreprise a un impact sur ses affaires et sur sa valeur. Pour ce qui est d'approche retenue pour la présentation des arguments des transporteurs en cause, l'avocat de ces derniers a indiqué dans son mémoire du 27 septembre 2006 qu'ils ne s'attendaient pas à offrir une opinion d'expert concernant la capacité des transporteurs en cause d'engager des coûts, déclaration que l'avocat a clarifiée pendant l'audience en disant que ce genre de preuve est destiné à la question ultime devant le Comité et qu'ils ne se proposaient pas de présenter cette preuve. L'avocat des transporteurs en cause a fait valoir que la présentation d'une opinion indiquant que les transporteurs en cause ne seraient pas en mesure d'absorber le coût d'une politique 1P1T reviendrait à usurper la compétence de l'Office pour décider de la question. Cependant, l'Office n'est pas d'accord avec cette position des transporteurs en cause et il souligne qu'il revient entièrement aux intimées de prouver la contrainte excessive.
[805] Ici encore, même s'il n'est pas nécessaire de montrer que le coût d'accommodement nuirait à la rentabilité des activités de l'intimé, il est essentiel que ce dernier produise des données sur l'importance de l'impact du coût pour lui, pour prouver la contrainte excessive et s'acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe, et qu'il montre que le coût et l'importance de son impact lui seraient nuisibles à un point tel qu'il lui serait déraisonnable, irréalisable ou impossible de fournir l'accommodement demandé. L'Office conclut que, vu qu'ils ont décidé de ne pas présenter de données montrant qu'ils ne seraient pas en mesure d'absorber le coût d'une politique 1P1T, les transporteurs en cause ne se sont pas acquittés du fardeau de la preuve au sujet de l'importance des répercussions financières d'une politique 1P1T.
c) Impact d'une politique 1P1T sur les revenus bruts, la cote de solvabilité et le coût du capital des transporteurs en cause
[806] Dans son rapport du 21 juillet 2006, M. Lewis examine les effets d'une politique 1P1T sur les transporteurs en cause en termes de pertes de revenus et/ou une hausse correspondante des tarifs. À cet égard, M. Lewis conclut que son estimation des effets financiers d'une politique 1P1T ne constituerait pas un fardeau net important sur le rendement commercial des transporteurs en cause; « l'importance » étant évaluée dans les termes suivants : (i) baisse potentielle des revenus nets de la compagnie aérienne en proportion des recettes brutes; (ii) emprise sur le marché des transporteurs aériens pour éviter une telle baisse de revenus au moyen de l'augmentation des tarifs sans rencontrer de résistance du marché; (iii) effet d'une politique 1P1T sur la cote de solvabilité et le coût du capital de la compagnie aérienne.
[807] En termes de la baisse potentielle des revenus nets attribuable à une politique 1P1T, M. Lewis conclut que la baisse des revenus bruts annuels pour Air Canada, sur la base de son estimation d'un coût annuel de 5,1 millions de dollars pour une politique 1P1T, serait de un quinzième de 1 pour cent (0,15 pour cent). Il conclut que le montant comparable pour WestJet serait de un dix-neuvième de 1 pour cent (0,19 pour cent), sur la base de son estimation d'un coût annuel de 2,2 millions de dollars d'une d'une politique 1P1T pour le transporteur.
[808] Au sujet de l'emprise sur le marché des transporteurs aériens pour éviter une telle baisse de revenus au moyen de la hausse des tarifs pour le public voyageur sans rencontrer de résistance du marché, comme on l'a vu au paragraphe 581, M. Lewis donne un coût d'une politique 1P1T de 30 ¢ à 40 ¢ pour un billet de 300 $, soit environ un dixième de 1 pour cent, et il estime qu'il est très inhabituel, d'après son expérience des études d'élasticité économétrique, d'avoir une tendance statistique aussi faible concernant l'effet d'une hausse de tarifs. M. Lewis note que les tarifs augmentent et baissent périodiquement d'un plus grand pourcentage pour toutes sortes d'autres raisons et il affirme que cette hausse du prix des billets est si faible que l'on ne pourrait discerner le coût d'une politique 1P1T, statistiquement parlant, en termes de hausses de tarifs et qu'il n'y aurait aucune diminution statistiquement mesurable ou « descriptible » du trafic passager.
[809] En outre, M. Lewis est d'avis que les organismes de prêts considéreraient un effet prospectif d'une politique 1P1T inférieur à 0,2 pour cent des revenus bruts comme étant dans la marge d'erreur pour les prévisions générales de revenus, ce qui n'influerait pas sur le rendement financier ou le coût du capital des transporteurs aériens. Au cours de son témoignage à l'interrogatoire principal, M. Lewis indique que, selon son expérience, un impact de 0,2 pour cent des revenus bruts n'influerait pas sur la fixation du coût des capitaux empruntés ou de l'assurance-cautionnement et il note qu'un changement de 0,2 pour cent se situe en dehors de la fourchette …. ou de l'incertitude que l'on accepterait de toute façon en général. M. Lewis indique qu'il fonde son opinion sur son expérience de l'analyse des risques et de l'analyse de solvabilité pour des établissements financiers examinant des possibilités qui dépendent beaucoup de la qualité des prévisions en matière de revenus. Pour terminer, pour ce qui est de savoir si un impact de 0,2 pour cent des revenus bruts menacerait la viabilité, M. Lewis note qu'un tel impact est plus faible que le type de coût qu'il a l'habitude de voir considéré comme un signe de préjudice financier important ou de la nécessité, sur les marchés financiers, de modifier le taux des emprunts.
[810] M. Crosson est d'accord avec l'avocat des demandeurs pour dire qu'un impact de 0,2 pour cent sur les revenus bruts serait dans la marge d'erreur pour les prévisions générales de revenus, faisant remarquer qu'à son avis les analystes qui font des prévisions sur les revenus des compagnies aériennes penseraient qu'elles sont exactes à 0,2 pour cent près.
[811] Les transporteurs en cause n'ont pas fourni de détails précis sur la question de l'impact d'une politique 1P1T sur leurs revenus bruts, leur cote de solvabilité et le coût du capital. Ils ont plutôt fait des déclarations générales concernant la santé financière de l'industrie du transport aérien et les transporteurs eux-mêmes, lesquelles sont indiquées dans la présente lorsqu'on examine les effets financiers d'une politique 1P1T.
[812] Comme on l'a indiqué ci-dessus, M. MacKay a évoqué la santé de l'industrie du transport aérien, déclarant que les compagnies aériennes sont, pour la première fois en 15 ans, capables de soutenir des hausses de tarifs qui, à son avis, ont donné lieu à certains montants de bénéfices raisonnables pour la première fois depuis longtemps. M. MacKay note aussi que le trafic passager a continué d'augmenter, mais il souligne que pendant qu'il était en poste à l'ATAC, la préoccupation de l'industrie était la gestion des coûts.
[813] En réponse au commentaire de l'avocat des demandeurs, selon lequel les 31 trimestres consécutifs de rentabilité de WestJet sont « incroyables », M. Dunleavy reconnaît que c'est très bon par rapport aux points de référence que sont les autres transporteurs aériens.
[814] Lorsqu'on fait état du rapport annuel de 2005 d'Air Canada, qui indique que le modèle d'entreprise du transporteur aérien est solide et souple vu que la compagnie a fait des bénéfices nets de 258 millions de dollars malgré la flambée des prix du pétrole brut qui ont gonflé sa facture de carburant de 592 millions de dollars, Mme Guillemette répond qu'elle n'est pas d'accord avec l'avocat des demandeurs qui prétend que cela indique qu'Air Canada peut faire face à des hausses de coûts assez importantes.
[815] Lors du contre-interrogatoire par l'avocat des demandeurs, M. Tretheway indique que les transporteurs n'ont pas un taux de rendement approprié des capitaux propres et qu'il n'est pas porté à considérer qu'Air Canada est en bonne santé financière alors qu'il y a moins de deux ans, elle liquidait son patrimoine d'actions et la plus grande partie de sa dette. En ce qui concerne WestJet, M. Tretheway considère que le transporteur a été très prospère par le passé, mais dans le cycle économique le plus récent, son rendement a fléchi et, en fait, le cours de ses actions est beaucoup plus bas. M. Tretheway ajoute que, dans ces conditions, la santé financière d'un transporteur aérien doit être évaluée dans un contexte différent, c'est-à-dire la question de savoir s'il survivrait au prochain ralentissement de l'économie qui pourrait coïncider avec une autre attaque terroriste et, à cet égard, il est d'avis que les transporteurs aériens canadiens n'ont pas pour le moment un taux de rendement des capitaux propres suffisant pour l'amener à croire qu'ils pourraient attirer suffisamment de capitaux afin de survivre pendant tout le prochain cycle économique.
[816] L'Office est d'avis que la proposition présentée par M. Lewis est valide, à savoir qu'au moyen d'une comparaison avec les revenus bruts, il est possible d'obtenir une indication de l'importance relative des pertes de revenus annuelles nettes estimatives attribuables à une politique 1P1T. Plus particulièrement, l'Office accepte le commentaire de M. Lewis, qui a été corroboré par M. Crosson, selon lequel un impact sur les revenus bruts de 0,2 pour cent seraient dans la marge d'erreur pour les prévisions générales de revenus. L'Office est aussi d'accord avec l'affirmation de M. Lewis, qui n'a pas été contestée par les transporteurs en cause, voulant qu'une baisse de 0,2 pour cent des revenus bruts soit inférieure à ce qu'on associe généralement avec un signe de préjudice financier important où la nécessité, sur les marchés financiers, de modifier le taux des emprunts.
[817] Comme il est établi plus haut, au paragraphe 667, l'Office a déterminé que le coût d'une politique 1P1T pour Air Canada est estimé à 7,1 millions de dollars en pertes de revenus nettes annuelles (avant impôts) et il note qu'en 2005, Air Canada a déclaré des revenus passagers d'environ 8,2 milliards de dollars. Sur la base de ces chiffres, l'Office estime que les revenus passagers d'Air Canada baisseraient de 0,09 pour cent à la suite de la mise en œuvre d'une politique 1P1T au pays. Les chiffres comparables pour WestJet sont des pertes estimatives (avant impôts) de 2,3 millions de dollars contre 1,4 milliard de dollars au chapitre des « revenus invités » et de ses services d'affrètement et autres revenus. En conséquence, l'Office estime à 0,16 pour cent la baisse des revenus passagers de WestJet à la suite de la mise en œuvre d'une politique 1P1T au pays. Dans ces conditions, les pertes de revenus pour les transporteurs en cause seraient inférieures à 0,2 pour cent de leurs revenus passagers.
[818] Compte tenu de ce qui précède, l'Office est d'avis que sur le plan des revenus passagers bruts d'Air Canada et de WestJet, le coût d'une politique 1P1T ne serait pas important si on le considère dans le contexte des incidences pour la cote de solvabilité et des réactions des marchés financiers étant donné que l'impact pour les transporteurs se situerait dans la marge d'erreur concernant leurs prévisions générales de revenus.
Conclusion de l'Office sur le caractère excessif de la contrainte exercée au niveau des répercussions financières d'une politique 1P1T
[819] Les demandeurs, dans leur mémoire concernant la décision de la Cour suprême dans l'affaire CCD c. VIA, notent que la Cour suprême a indiqué que le critère de la contrainte excessive ne se résume pas à l'efficacité et que, au bout du compte, le facteur décisif pour ce qui est d'avoir recours aux coûts est de fournir la preuve d'une ingérence majeure dans l'exploitation de l'entreprise d'un fournisseur de services. Les demandeurs affirment qu'un intimé qui choisit une défense basée sur les coûts sera tenu de prouver que l'accommodement va menacer sa survie ou modifier son caractère essentiel. Ils ajoutent que la capacité d'un fournisseur de services de déplacer et de récupérer des coûts dans son entreprise rendra moins probable l'établissement d'une contrainte excessive. En faisant ces affirmations, les demandeurs font valoir, pour l'essentiel, que la Cour a adopté les déclarations formulées dans le document « Politique et directives concernant le handicap et l'obligation d'accommodement » de la Commission ontarienne des droits de la personne. Pour terminer, les demandeurs font valoir que les intimées n'ont pas saisi les nombreuses occasions de produire des données qui porteraient à croire que le principe de la politique 1P1T serait une ingérence majeure dans leur entreprise, surtout quand on envisage la possibilité de déplacer les dépenses connexes dans l'entreprise.
[820] Dans leur mémoire concernant la décision de la Cour suprême dans l'affaire CCD c. VIA, les transporteurs en cause font fortement objection à la proposition voulant qu'il y ait contrainte excessive seulement lorsque tous les moyens raisonnables d'accommodement ont été épuisés et que les coûts menaceraient la survie ou le caractère essentiel de l'entreprise. Les transporteurs en cause ne sont pas d'accord avec l'affirmation des demandeurs selon laquelle la Cour suprême du Canada a adopté les principes énoncés dans le document « Politique et directives concernant le handicap et l'obligation d'accommodement » de la Commission ontarienne des droits de la personne.
[821] L'Office a examiné les mémoires des parties susmentionnés et il est d'avis qu'un intimé peut faire la preuve d'une contrainte excessive relative à une contrainte de coûts en l'absence d'une preuve que le coût rendrait l'intimé non viable. Malgré cela, si un intimé montre que le coût d'accommodement menacerait sa viabilité ou qu'il lui serait impossible de l'absorber, on considérerait alors presque certainement qu'il constitue une contrainte excessive. En outre, l'Office est d'accord avec les transporteurs en cause pour dire qu'il n'y a pas seulement contrainte excessive lorsque tous les moyens raisonnables d'accommodement ont été épuisés et que les coûts menaceraient la survie ou le caractère essentiel d'une entreprise. Cela étant dit, pour s'acquitter du fardeau de la preuve, un intimé doit fournir la preuve qu'un coût a un impact très important et, en plus, qu'il constituerait une contrainte excessive, c'est-à-dire que le coût et l'importance de son impact lui seraient préjudiciables au point qu'il serait déraisonnable, irréalisable ou impossible pour lui de fournir l'accommodement demandé.
[822] Comme il a déjà été mentionné plus tôt, l'Office a déterminé que même si les transporteurs en cause prétendent prévoir des coûts d'exploitation beaucoup plus élevés s'ils devaient mettre en œuvre une politique 1P1T et qu'ils ont fourni des rapports détaillant les coûts d'accommodement historique, ils n'ont pas fourni les deux séries de données suivantes :
- les coûts se rapportant au groupe cible de personnes ayant une déficience qui vont être touchées par la décision de l'Office en la matière;
- les répercussions exactes des coûts susmentionnés sur les transporteurs.
[823] Dans ces conditions, l'Office rejette ces coûts historiques qu'il considère comme étant non pertinents dans le cadre de son examen des répercussions financières d'une politique 1P1T sur les transporteurs en cause.
[824] En ce qui concerne la capacité des transporteurs en cause d'absorber le coût d'une politique 1P1T, l'Office a déterminé, lors de son examen du caractère cyclique de l'industrie du transport aérien intérieur, que les preuves fournies par les transporteurs en cause à cet égard, lorsqu'elles sont examinées avec les preuves concernant leur capacité renforcée de soutenir des événements économiques négatifs importants, du fait de l'intensification de leurs efforts en matière de contrôle de coûts, ne montrent pas que l'impact d'une politique 1P1T sur les transporteurs en cause leur causerait un préjudice au point qu'il serait déraisonnable, irréalisable ou impossible pour eux de fournir l'accommodement demandé.
[825] Selon l'approche retenue pour la présentation des arguments des transporteurs en cause, l'avocat de ces derniers a indiqué dans son mémoire du 27 septembre 2006 qu'ils n'avaient pas l'intention d'offrir une opinion d'expert concernant la capacité des transporteurs en cause d'absorber des coûts, déclaration que l'avocat a clarifiée pendant l'audience en disant que ce genre de preuve était destiné à la question ultime de l'affaire devant le Comité et qu'ils ne se proposaient pas de présenter cette preuve.
[826] L'avocat des transporteurs en cause a prétendu que la présentation d'une opinion d'expert indiquant que les transporteurs en cause ne seraient pas en mesure d'absorber le coût d'une politique 1P1T reviendrait à usurper la compétence de l'Office pour décider de la question. Cependant, l'Office n'est pas d'accord avec cette position des transporteurs en cause et il souligne qu'il revient entièrement aux intimées de faire la preuve d'une contrainte excessive. L'Office réitère que même s'il n'est pas nécessaire de montrer que le coût d'accommodement nuirait à la rentabilité des activités de l'intimé, il est essentiel que ce dernier produise des données sur l'importance de l'impact du coût pour lui, pour prouver la contrainte excessive et s'acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe, et qu'il montre que le coût et l'importance de son impact lui seraient nuisibles à un point tel qu'il lui serait déraisonnable, irréalisable ou impossible de fournir l'accommodement demandé. Ayant décidé de ne pas produire de preuve à cet égard, les transporteurs en cause ne se sont pas acquittés du fardeau de la preuve au sujet de l'importance des répercussions financières qu'aurait sur eux une politique 1P1T.
[827] Plus particulièrement, en ce qui concerne l'impact d'une politique 1P1T sur la capitalisation boursière d'Air Canada et de WestJet, même si la preuve indique que l'impact du coût d'une telle politique serait comparable à du « bruit », qui s'exprime en termes de fluctuations quotidiennes du cours des actions des transporteurs en cause, ces derniers ont choisi de ne pas fournir d'éléments de preuve pour montrer l'effet négatif de ce coût, sauf en termes généraux, se limitant à déclarer que tout changement des conditions de coûts pour une entreprise a un impact sur ses affaires et sur sa valeur.
[828] En ce qui concerne l'impact d'une politique 1P1T sur les revenus bruts, la cote de solvabilité et le coût du capital des transporteurs en cause, comme il est indiqué ci-dessus, l'Office accepte l'affirmation de M. Lewis, qui a été corroborée par M. Crosson, à savoir qu'un impact sur les revenus bruts de 0,2 pour cent se situerait dans la marge d'erreur pour les prévisions générales de revenus. L'Office est aussi d'accord avec le commentaire de M. Lewis, qui n'a pas été contesté par les transporteurs en cause, selon lequel une baisse de 0,2 pour cent des revenus bruts serait inférieure à ce qu'on associe généralement avec un signe de préjudice financier important ou la nécessité, sur les marchés financiers, de modifier le taux des emprunts. Compte tenu du fait que le coût estimatif annuel net après impôts d'une politique 1P1T représente, selon les calculs de l'Office, une baisse de moins de 0,2 pour cent des revenus bruts des transporteurs en cause, l'Office conclut que le coût d'une politique 1P1T ne serait pas important dans le contexte des incidences pour la cote de solvabilité et des réactions des marchés financiers.
Conclusion de l'Office sur les contraintes de coûts
[829] À la lumière de ce qui précède, l'Office conclut que ni Air Canada ni WestJet n'ont prouvé que les contraintes de coûts qu'elles ont évoquées et présentées en termes des répercussions économiques et financières d'une politique 1P1T sur le marché intérieur, lesquelles ont été examinées par l'Office dans sa décision, constituent une contrainte excessive. En conséquence, l'Office, sur la base des preuves fournies, conclut que les contraintes de coûts présentées ne constituent pas une contrainte excessive.
Contraintes opérationnelles
[830] Les transporteurs en cause ont allégué qu'il est impossible d'avoir un mécanisme de contrôle efficace pour déterminer l'admissibilité de deux catégories de personnes ayant une déficience aux avantages d'une politique 1P1T :
- les personnes qui ont besoin d'une place supplémentaire pour leur Accompagnateur;
- les personnes qui ont besoin d'une place supplémentaire pour elles-mêmes en raison de leur obésité.
[831] Comme différents mémoires ont été présentés dans chaque catégorie, l'Office les examinera séparément.
A. DÉtermination de l'admissibilité pour les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un accompagnateur
Position des transporteurs en cause
[832] Comme on l'a vu précédemment aux paragraphes 279 à 281 au moment d'aborder l'incidence des abus sur le facteur de fréquence no 1 pour ce groupe cible de personnes ayant une déficience, les transporteurs en cause ont affirmé qu'il était impossible de mettre en place un processus de contrôle efficace.
[833] Le Dr Bekeris, médecin principal et directeur principal par intérim des Services de santé au travail d'Air Canada, a témoigné au sujet du processus de contrôle actuel de la compagnie au moyen duquel on évalue les personnes ayant une déficience pour voir si elles sont aptes à voyager et leur faire part des conditions du voyage. Il décrit Meda Desk, qui est un groupe d'agents spécialisés du service à la clientèle, au bureau des réservations, qui s'occupe des personnes ayant une déficience afin de répondre à leurs besoins. Les agents de ce service recueillent des données médicales auprès des personnes ayant une déficience et de leurs dispensateurs de services médicaux à l'aide du formulaire d'aptitude à voyager et, une fois rempli, le formulaire, est envoyé au groupe du Dr Bekeris, où il est évalué par des médecins ou des infirmiers ou infirmières en santé au travail. Parfois, le Service de santé au travail a besoin d'un supplément d'information et peut communiquer directement avec le dispensateur de services médicaux de la personne pour avoir plus de détails et/ou comprendre les circonstances avant de déterminer si la personne est apte à voyager et, dans ce cas, si des conditions devraient être imposées pour le voyage. Le Dr Bekeris indique que son personnel tire parfois une conclusion différente du dispensateur de soins médicaux de la personne et le personnel va communiquer directement avec lui pour essayer de régler les différences, mais c'est la décision de son groupe qui l'emporte s'il a été déterminé que c'était dans l'intérêt de la sécurité. La décision du groupe est renvoyée au Meda Desk qui est chargé de la transmettre à la personne ayant une déficience et de prendre les dispositions nécessaires en termes de réservation.
[834] Dans le cas des Accompagnateurs, le Dr Bekeris indique que les personnes ayant une déficience peuvent devoir voyager avec un Accompagnateur pour l'une des trois raisons suivantes :
- raison médicale : un acte, une thérapie ou une intervention sont nécessaires, y compris la surveillance;
- raison de sécurité : une personne a besoin d'une aide physique en cas d'évacuation d'urgence ou de décompression;
- pour soins personnels : une personne ne peut pas voir à ses besoins personnels, par exemple pour manger, pour prendre des médicaments et pour utiliser la toilette.
[835] Il affirme que son bureau déterminera la nécessité d'avoir un Accompagnateur dans les deux premiers cas et qu'il peut décider qu'une personne a besoin d'un Accompagnateur, contrairement à l'opinion du dispensateur de services médicaux de la personne. Il ajoute qu'il est possible que son bureau ne tienne pas compte de l'expression d'un besoin relatif à un Accompagnateur pour des raisons médicales, mais il ne se rappelle pas qu'il y ait eu un tel cas. En revanche, il affirme que son bureau n'est pas en mesure d'évaluer les passagers qui réclament un accompagnateur pour des raisons personnelles. Il ajoute que la présence d'un Accompagnateur pour aider au moment des repas, à la prise de médicaments par voie orale et à l'utilisation de la toilette n'est pas évaluée et qu'elle ne peut pas être justifiée sur le plan médical. Il ajoute qu'en règle générale, il ne voit pas la personne qui est évaluée et que les conclusions sont tirées sur la base des données médicales fournies par le dispensateur de services médicaux de la personne.
[836] Le Dr Bekeris donne l'exemple des passagers qui utilisent un fauteuil roulant ou qui sont aveugles — si ces personnes déclarent avoir besoin d'un Accompagnateur pour répondre à leurs besoins personnels, un billet du médecin n'est habituellement pas nécessaire pour confirmer ce besoin, et il dit qu'il ne serait pas en mesure de contredire ce besoin exprimé. Les employées agissant comme témoin, Juliane Lambert pour Air Canada et Lisa Puchala pour WestJet, conviennent qu'elles ne pourraient pas contredire le besoin d'un Accompagnateur exprimé par des personnes ayant une déficience appartenant à ces groupes; toutefois, elles reconnaissent que la majorité des personnes qui utilisent un fauteuil roulant ou qui sont aveugles sont autonomes et voyagent de manière indépendante, sans Accompagnateur.
[837] Le Dr Bekeris affirme que le niveau d'autonomie des personnes qui utilisent un fauteuil roulant et des personnes aveugles, par exemple, sont des « questions qui ne sont pas déterminées du point de vue médical, mais plutôt du point de vue fonctionnel ». (traduction) Il est d'avis que ces types d'évaluations fonctionnelles exigent beaucoup d'énergie et de temps, et que le processus d'évaluation actuellement utilisé par Air Canada ne permettrait pas de garantir que seules les personnes qui ont un besoin légitime d'un Accompagnateur seraient admissibles, et qu'Air Canada ne serait pas en mesure d'exercer cette fonction.
[838] Comme suite à l'engagement pris lors de l'audience de novembre 2006 visant à fournir le nombre d'Accompagnateurs approuvés par le bureau médical, le Dr Bekeris a présenté des dossiers pour 2005 montrant que 3 074 autorisations médicales ont été traitées par son groupe cette année-là :
- 368 demandes d'autorisation médicale ont été acceptées après modification;
- 98 demandes d'autorisation médicale ont été rejetées;
- 1 224 demandes d'autorisation pour un Accompagnateur ont été acceptées.
[839] Toutefois, l'avocat des transporteurs en cause explique en ce qui a trait aux autorisations pour un Accompagnateur « qu'aucune autorisation n'est nécessaire pour les personnes correspondant aux profils des personnes non autonomes établis dans les tarifs ». (traduction)
[840] L'avocat des transporteurs en cause a fait valoir dans son plaidoyer final qu'une évaluation fonctionnelle serait requise pour les personnes ayant une déficience qui disent avoir besoin d'un Accompagnateur et que ces évaluations sont difficiles à effectuer et controversées, comme l'ont reconnu les tribunaux canadiens dans certaines causes. Il mentionne aussi les conséquences potentielles d'une mauvaise évaluation. À cet égard, les transporteurs en cause se réfèrent au témoignage de M. Lewis dans lequel ce dernier estimait que la responsabilité de la décision quant à savoir si une personne a besoin d'un Accompagnateur ne devrait pas incomber à une seule personne, en raison du dilemme moral qu'aurait à subir l'employé responsable d'une perte de vie s'il devait refuser à une personne le droit de voyager avec un accompagnateur ou un compagnon.
Position des demandeurs
[841] Contrairement à ce qu'affirment les transporteurs en cause, les demandeurs font valoir que des mécanismes d'évaluation efficaces sont actuellement en place dans le secteur du transport de passagers et qu'il est possible d'élaborer et de mettre en œuvre un mécanisme approprié pour qu'une politique 1P1T puisse être administrée adéquatement. Les demandeurs se rapportent à la preuve présentée par leur témoin expert, M. Lewis, qui a déclaré que l'accès aux avantages d'une politique 1P1T est une situation que l'on peut contrôler, comme le prouvent les processus de surveillance dans de nombreux réseaux de transport de passagers dans l'ensemble du pays et aux États-Unis.
[842] L'avocat des demandeurs est d'avis que puisque les transporteurs en cause vont établir la norme, administrer la procédure et surveiller le tarif, il ne s'agirait pas d'une politique impossible à administrer pour ceux-ci, car, comme il l'affirme : « ce n'est pas comme si les personnes ayant une déficience menaient le monde ». (traduction) Il donne comme exemple la suggestion de M. Lewis selon laquelle, en se fondant sur les chiffres de Mme Furrie voulant que 1,5 pour cent des Canadiens adultes ayant une déficience vivent dans une demeure comptant sur les services d'un préposé aux soins à temps plein, il serait très facile d'établir une preuve objective et documentée du besoin d'un Accompagnateur pour ce sous-groupe de la population.
[843] Les demandeurs soutiennent que cette position est aussi confirmée par le fait qu'Air Canada dispose déjà d'un mécanisme servant à évaluer si les personnes ayant une déficience sont, entre autres, aptes à voyager et si elles ont besoin d'un Accompagnateur, et notamment si elles sont admissibles au rabais de 50 pour cent sur le tarif d'Accompagnateur. Ils font remarquer que, contrairement au témoignage du Dr Bekeris voulant que les transporteurs en cause ne pourraient dire non aux demandes des personnes ayant une déficience qui disent avoir besoin d'un accompagnateur, la preuve soumise par le Dr Bekeris relativement aux autorisations médicales données par son service montrent que celui-ci a rejeté l'autodétermination soumise par 98 personnes en un an. En outre, le témoignage de Mme Lambert confirme que le Meda Desk peut exiger qu'une personne ayant une déficience subisse une évaluation afin de déterminer si elle est apte à voyager, si elle est autonome ou non, et si elle a besoin d'un Accompagnateur pour voyager par avion.
[844] Les demandeurs soulignent aussi que bien que WestJet n'offre pas un tarif réduit pour les personnes qui ont besoin d'un Accompagnateur, elle dispose d'un mécanisme permettant d'évaluer les personnes ayant une déficience, notamment leur autonomie et leur aptitude à voyager.
[845] En réponse à l'argument des transporteurs en cause voulant qu'ils ne seraient pas en mesure de contrôler l'admissibilité, les demandeurs soulignent qu'aucune preuve n'a été soumise indiquant qu'Air Canada ait été inondée de demandes lorsqu'un rabais de 50 pour cent sans restrictions sur le prix du billet d'un Accompagnateur était en vigueur et font valoir que si tel avait été le cas, les transporteurs en cause en auraient fait mention.
[846] Finalement, pour appuyer leurs positions à savoir que les transporteurs en cause sont en mesure de restreindre et de contrôler l'admissibilité, les demandeurs se rapportent à un document intitulé Comments of Air Canada and Air Canada Jazz to the U.S. Department of Transportation Office of the Secretary, on the US Notice of Proposed Rulemaking – Nondiscrimination on the Basis of Disability in Air Travel, daté du 4 mars 2005. Les demandeurs font valoir que ces observations montrent qu'Air Canada est opposée à l'élimination des limites quant au nombre de passagers ayant une déficience qui peuvent voyager à bord de ses vols, et à ce que l'on fasse du droit à l'autodétermination un droit absolu. Les demandeurs soulignent que les transporteurs en cause ont clairement dit dans ce document que : « Les passagers sont habituellement les mieux placés pour déterminer s'ils peuvent être autonomes pendant la durée d'un vol, mais il peut y avoir des situations où le transporteur peut être préoccupé par cette détermination ou en désaccord avec celle-ci. » (traduction) Les demandeurs mentionnent que puisqu'Air Canada souhaitait continuer de faire partie du processus de détermination, cela confirmait et montrait qu'elle accepte que la détermination ne soit pas laissée seulement aux personnes ayant une déficience.
[847] De même, WestJet a soumis des observations sur cette question dans lesquelles elle s'objectait à la proposition selon laquelle il lui serait interdit de limiter le nombre de personnes ayant une déficience par vol et qu'elle ne pourrait pas demander un certificat de santé si elle était d'avis qu'une assistance médicale pourrait être requise en cours de vol. WestJet a aussi fait valoir qu'elle devrait être autorisée à effectuer des déterminations au cas par cas quant à savoir si des personnes ayant une déficience ont besoin d'un Accompagnateur, soit pour leurs besoins personnels, soit pour des raisons de sécurité.
Analyse de l'Office
[848] L'Office a déjà déterminé, aux paragraphes 320 à 330 ci-dessus, qu'il était possible pour les transporteurs en cause d'éliminer le risque d'abus en identifiant adéquatement les personnes ayant une déficience qui sont tenues, en vertu de leurs tarifs, de voyager avec un Accompagnateur afin que ce dernier puisse voir à certains besoins essentiels en matière de sécurité et de soins personnels pendant la durée du vol, par opposition aux autres personnes, ayant une déficience ou non, qui préfèrent voyager avec un membre de la famille ou un ami comme compagnon pour des raisons personnelles. Par conséquent, cette section ne portera que sur l'examen par l'Office des arguments ayant trait à la faisabilité d'élaborer un mécanisme d'évaluation efficace permettant cette identification adéquate.
[849] L'Office estime que la position des transporteurs en cause voulant qu'un processus d'évaluation efficace soit impossible est, à sa face même, déraisonnable. Des mécanismes de contrôle visant à déterminer l'admissibilité sont communs dans notre société, et il ne fait aucun doute que les personnes ayant une déficience font l'objet d'évaluations à diverses fins, notamment l'admissibilité à une aide financière ou autre, dans divers contextes comme l'impôt sur le revenu, la sécurité du revenu et les transports publics.
[850] L'Office note que l'expert des transporteurs en cause, le professeur Lazar, a reconnu lors de son contre-interrogatoire que si les compagnies aériennes déterminent qui est admissible, elles vont restreindre grandement leur nombre, si bien qu'en bout de ligne ce nombre sera extrêmement faible, et les coûts éventuels d'une telle politique pour les compagnies aériennes seraient assez minimes, et probablement beaucoup moindres que le coût d'une contestation de cette politique. Bien qu'il ait abordé le jour suivant la difficulté de fixer des limites, sa position initiale contredit clairement la position des transporteurs en cause voulant qu'ils ne soient pas en mesure d'évaluer le besoin d'un Accompagnateur et l'admissibilité aux avantages d'une politique 1P1T.
[851] Selon la preuve présentée, il est clair que les transporteurs en cause peuvent évaluer et évaluent les personnes ayant une déficience afin d'établir leur aptitude à voyager, leur autonomie et la nécessité d'imposer certaines conditions de voyage. Les deux transporteurs en cause disposent déjà de processus d'évaluation : Air Canada utilise son Meda Desk, et WestJet utilise Medlink. Dans l'exercice de cette fonction, la preuve soumise démontre que les transporteurs en cause peuvent adopter et adoptent des positions contraires aux besoins déclarés par la personne, ce qui, dans certains cas, peut aussi être contraire à l'avis du préposé aux soins médicaux de la personne. Cela est conforme à l'expérience de l'Office en ce qui a trait à cette fonction, comme le démontrent des décisions antérieures en vertu de l'article 172 de la LTC (Décisions nos 604-AT-A-2006, 647-AT-A-2006 et 684-AT-A-2006).
[852] Le droit à l'autodétermination, c'est-à-dire la capacité pour une personne de déterminer elle-même ses besoins et dans quelles circonstances ils s'appliquent, est considéré comme un principe important de l'accessibilité et un élément fondamental du respect qui est dû aux personnes ayant une déficience dans notre société, mais, comme les autres principes d'accessibilité, il ne s'agit pas d'un principe absolu. L'Office a accepté depuis longtemps que les transporteurs doivent ultimement avoir le droit de substituer leur propre évaluation des besoins liés à une déficience à celle des personnes ayant une déficience, s'il y a lieu et à la condition qu'un processus de consultation adéquat ait été mené préalablement.
[853] Par ailleurs, l'Office est d'accord avec la position des demandeurs voulant que, contrairement à la prétention des transporteurs en cause comme quoi ils ne restreignent pas et ne peuvent pas restreindre le nombre de personnes ayant une déficience à bord des vols, leurs tarifs reflètent des directives émises par Transports Canada qui recommandent qu'on limite le nombre de personnes ayant une déficience par vol, par déficience et par type d'aéronef pour des raisons de sécurité.
[854] L'Office note aussi les observations d'Air Canada relativement à l'élargissement des règles américaines suivantes à ses activités que propose le US DOT et qui soutiennent clairement le caractère raisonnable des conclusions de l'Office énoncées ci-dessus :
- 14 CFR 382.17, qui prévoit « qu'un transporteur ne peut restreindre le nombre de personnes ayant une déficience pouvant être transportées à bord d'un vol » (traduction) — en réponse, Air Canada note que « l'administration de l'aviation civile du Canada et plusieurs autres organismes de transport aérien apparentés du ministère » (traduction) limitent le nombre de passagers à mobilité réduite qui peuvent être transportés à bord d'un vol pour des raisons de sécurité et font valoir que le US DOT « ne peut se substituer aux fonctions fondamentales de contrôle de la sécurité exercées par d'autres autorités de l'aviation civile » (traduction);
- 14 CFR 382.21 et 14 CFR 382.23, qui « limitent assez sévèrement le droit d'un transporteur d'exiger un certificat médical des passagers, et qui ne semblent pas permettre aux transporteurs de contester les déterminations faites en vertu de ces certificats » (traduction) — en réponse, Air Canada note que des questions à propos des certificats médicaux peuvent survenir et surviennent, et que les transporteurs devraient « être autorisés à poser des questions précises sur la capacité d'un passager de subir les conditions auxquelles il pourrait être confronté à bord d'un vol » (traduction) de sorte que les transporteurs puissent « s'assurer eux-mêmes de l'aptitude du passager à voyager, ou de son autonomie pendant le vol » (traduction) peut-être en obtenant « une preuve médicale supplémentaire par l'entremise de leurs propres conseillers médicaux » (traduction);
- 14 CFR 382.29, qui dit « qu'il revient toujours au passager de décider s'il a besoin ‘d'une aide pour ses activités ou besoins personnels', et le transporteur ne peut jamais exiger qu'un passager voyage avec un accompagnateur pour l'aider dans ces fonctions. Le transporteur ne peut exiger la présence d'un accompagnateur que si cette aide est ‘essentielle pour la sécurité' (traduction) — en réponse, Air Canada affirme « qu'il y a des situations où le transporteur a des raisons légitimes d'être en désaccord avec une autodétermination […] Dans de tels cas, le transporteur a le droit d'exiger que ces passagers voyagent avec un accompagnateur chargé de leur sécurité [...] En ce qui a trait aux fonctions personnelles, [...] dans de très rares cas (lorsque le transporteur est en désaccord avec une autodétermination d'autonomie) le transporteur devrait être autorisé à exiger que le passager voyage avec un compagnon. » (traduction).
[855] L'Office note que les observations d'Air Canada reflètent la compréhension qu'a l'Office de ces questions, fondée sur ses décisions antérieures (c'est-à-dire que les transporteurs aériens peuvent limiter le nombre de personnes ayant une déficience à bord de tout vol, et qu'ils peuvent contester et contestent l'autodétermination faite par celles-ci, y compris lorsqu'elle est appuyée d'une preuve médicale, au besoin). L'Office note aussi que les transporteurs en cause ont maintenant adopté une position dans cette instance qui est contraire à cette réalité.
[856] L'avocat des transporteurs en cause a fait valoir dans son plaidoyer final que les évaluations fonctionnelles qui seraient exigées pour les personnes ayant une déficience qui affirment avoir besoin d'un Accompagnateur sont jugées comme étant « difficiles et controversées », mais aucune preuve n'a été soumise pour étayer cette affirmation. Il a aussi mentionné les répercussions potentielles d'une mauvaise évaluation et fait référence au témoignage de M. Lewis dans lequel celui-ci se disait d'avis que la responsabilité de la décision quant à savoir si une personne a besoin d'un Accompagnateur ne devrait pas incomber à une seule personne, en raison du dilemme moral qu'aurait à subir l'employé responsable d'une perte de vie s'il devait refuser à une personne le droit de voyager avec un accompagnateur ou un compagnon.
[857] L'Office reconnaît que les évaluations de l'aptitude et des conditions de voyage peuvent, dans certains cas, être difficiles et même controversées, en particulier lorsque l'évaluation faite par un transporteur en cause diffère de celle faite par une personne ayant une déficience ou son médecin, mais que cela en soi ne signifie pas qu'il est déraisonnable, impraticable ou impossible de créer ou de modifier les processus de contrôle et d'évaluation afin de déterminer, de manière efficace et sensible, le besoin d'une personne ayant une déficience de voyager avec un Accompagnateur.
[858] En ce qui a trait à l'argument des transporteurs en cause comme quoi ils ne peuvent nier le choix d'une personne de voyager avec un accompagnateur ou un compagnon en raison des conséquences potentielles d'un tel refus, l'Office rejette cet argument. L'Office ne remet pas en question le droit d'une personne à l'autodétermination et son choix de voyager avec un compagnon; toutefois, ce droit n'entraîne pas automatiquement un droit de bénéficier des avantages économiques d'une politique 1P1T. Il est important de souligner que l'Office définit un Accompagnateur aux fins de la présente instance conformément aux dispositions du tarif des transporteurs en cause comme étant une personne qui est tenue, en vertu du tarif des transporteurs en cause, de voyager avec une personne ayant une déficience pour des raisons précises et clairement définies ayant trait à des soins personnels et/ou à la sécurité et ne comprend pas les compagnons de voyage, les membres de la famille ou les amis voyageant avec des personnes ayant une déficience pour d'autres raisons personnelles. La présente décision ne doit pas être interprétée comme élargissant l'admissibilité au-delà des critères actuellement définis dans les tarifs servant à déterminer le besoin d'un Accompagnateur.
[859] L'Office note le témoignage de M. Lewis concernant la faisabilité d'établir des mécanismes efficaces de contrôle de l'admissibilité, et reconnaît qu'il y a des experts dans ce domaine qui se spécialisent dans l'élaboration d'évaluations fonctionnelles permettant d'assurer la dignité de la personne ayant une déficience, tout en répondant aux besoins des transporteurs en cause relativement au contrôle de l'admissibilité. En fait, les transporteurs en cause n'ont pas nié que cette expertise existe et aucune preuve du contraire n'a été déposée devant l'Office. L'Office note l'opinion de M. Lewis comme quoi les limitations fonctionnelles qui amèneraient une personne ayant une déficience à être tenue de voyager avec un Accompagnateur, comme l'incapacité de prendre elle-même ses médicaments, de manger et d'utiliser les toilettes, sont plus faciles à administrer que les critères actuellement appliqués dans l'industrie du transport de passagers. L'Office constate que les transporteurs en cause disposent déjà d'un mécanisme et ont de l'expérience relativement à ce type d'évaluation, bien qu'à des fins différentes. L'Office est d'avis qu'avec une expertise adéquate, il serait possible de s'appuyer sur ce mécanisme et de le perfectionner pour accomplir cette fonction.
Conclusion de l'Office sur le caractère abusif de la détermination de l'admissibilité pour les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un Accompagnateur
[860] M. Lewis a reconnu qu'il peut être difficile d'établir un test objectif, mais il est d'avis que cela est possible, notamment à l'aide d'une expertise externe appropriée. Selon la preuve qui lui a été soumise, l'Office juge cette opinion raisonnable. Le fait que les transporteurs n'effectuent pas ce type d'évaluation actuellement ne signifie pas qu'ils ne pourraient pas le faire à l'avenir. L'Office conclut que les transporteurs en cause n'ont pas réussi à démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il existe des contraintes d'ordre opérationnel qui les empêchent de mettre en œuvre une politique 1P1T relativement à la catégorie des personnes ayant une déficience qui sont tenues, conformément aux tarifs des transporteurs en cause, de voyager avec un Accompagnateur.
B. DÉtermination de l'admissibilité des personnes qui ont une déficience en raison de leur obésité
Position des transporteurs en cause
[861] Les deux transporteurs en cause affirment qu'une politique 1P1T à l'égard des personnes qui ont une déficience en raison de leur obésité sera impossible à administrer. Ils font valoir que même s'ils fournissent des mesures d'accommodement spéciales à l'aéroport, le jour même du voyage, lorsque les coefficients d'occupation le permettent, il est déraisonnable de s'attendre à ce qu'ils puissent mettre en place un mécanisme d'évaluation qui fonctionne autrement qu'au cas par cas.
[862] Les transporteurs en cause affirment aussi que l'évaluation des personnes obèses afin de déterminer si elles peuvent « prendre place » dans un siège d'aéronef et si elles ont une déficience en raison de leur obésité est irréalisable, car il est impossible d'appliquer des critères objectifs pour déterminer la capacité de prendre place et le confort. Ils font valoir qu'au contraire ce test est subjectif de par sa nature même.
[863] Bon nombre de personnes se plaignent du manque de confort des sièges d'aéronef, et le professeur Katzmarzyk note que dans l'étude du professeur Allison, les plaintes à ce propos proviennent aussi de personnes de poids normal. Puisque autant les personnes obèses que non obèses peuvent exprimer de l'inconfort, les transporteurs en cause font valoir que leur capacité d'accepter ou de refuser la demande d'une personne pour un siège additionnel pour des raisons de confort dépendra fortement du caractère plausible de la plainte de la personne relativement au manque de confort ou à la douleur.
[864] Les transporteurs en cause soulignent l'importance de l'inconfort ou de la douleur dans la détermination de « la capacité de prendre place » et affirment que ce concept de « capacité de prendre place » sera très problématique étant donné que tous les sujets de l'étude du professeur Allison pouvaient « prendre place » dans le siège. L'avocat affirme que le fait que Mme McKay-Panos ne pouvait prendre place dans le siège signifie qu'elle ne pouvait utiliser ce siège sans un niveau de confort acceptable, ce qui, à son avis, entraîne la difficile et subjective détermination de ce qui constitue un niveau de confort acceptable, ou un niveau de douleur acceptable.
[865] Les transporteurs en cause affirment que lors de son contre-interrogatoire, Mme Ringaert, témoin expert de l'intervenante, s'est dite d'accord avec l'idée qu'il faille respecter l'autodétermination faite par la personne, car la douleur est une question subjective et que nous ne sommes pas en mesure de contredire une personne quant à la douleur qu'elle dit éprouver. Les transporteurs en cause font valoir qu'autant le professeur Katzmarzyk que le Dr Bekeris sont d'accord sur le fait qu'il est impossible de contester un rapport d'inconfort.
[866] Selon les transporteurs en cause, un autre élément qui vient compliquer cette question est le fait qu'on ne parle pas simplement de s'asseoir pendant 15 minutes, mais plutôt pendant trois heures ou davantage à bord d'un vol intérieur. Ils soulignent que l'inconfort dû au siège ne peut que s'accroître au fur et à mesure du déroulement du voyage.
[867] Enfin, les transporteurs en cause font valoir que l'utilisation du « test de l'accoudoir » pour mesurer « la capacité de prendre place » est « absolument irréalisable » (traduction), et affirment que l'expert de l'intervenante, Mme Ringaert, l'a admis lorsqu'elle a convenu que des problèmes de subjectivité vont à nouveau surgir si c'est le passager qui décide si l'accoudoir peut s'abaisser ou non.
Position des demandeurs
[868] Les demandeurs affirment que le test pour mettre en œuvre une politique 1P1T à l'égard des personnes qui sont obèses et qui pourraient ne pas pouvoir prendre place dans un siège doit être objectif, et que ce type de test est faisable, comme le montre le « test de l'accoudoir » utilisé par Southwest Airlines. Les demandeurs font valoir que ce test ne repose pas sur ce que la personne ressent, et qu'il est administré par un grand transporteur aérien des États-Unis, sans problème apparent. Les demandeurs affirment que l'expert des transporteurs en cause, le professeur Allison, est d'accord avec cette proposition, car il a reconnu qu'il s'agissait du test le plus objectif dont il ait entendu parler et qu'il ne pouvait en établir un qui le soit davantage.
Position de l'intervenante
[869] L'avocate de l'intervenante affirme que l'accent que mettent les transporteurs en cause sur la notion de confort ou d'inconfort dans un siège pose un problème, car le concept de confort est « vague ». À son avis, la notion de confort n'est pas pertinente, car très peu de personnes sont confortables lorsqu'elles s'assoient dans un siège d'aéronef, et ce, peu importe la dimension du siège ou la taille de la personne. L'avocate note plutôt que « le critère absolu » de la politique de Southwest Airlines permettant de déterminer si un passager est corpulent consiste à déterminer si les accoudoirs peuvent être abaissés.
[870] Mme Ringaert affirme que lorsqu'on se demande si une personne peut prendre place dans un siège, il faut tenir compte des sensations éprouvées par la personne dans ce siège et la déclaration faite par celle-ci. Le fait de s'asseoir dans un siège et d'abaisser l'accoudoir est une mesure, mais elle se demande s'il s'agit d'une mesure complète. Elle mentionne d'autres facteurs qui doivent être pris en compte lorsqu'on évalue le confort d'un siège d'aéronef, notamment si le passager éprouve des douleurs, si des parties du corps se trouvent dans l'allée, s'il y a un bon support sous les fesses et si la personne est en mesure d'attacher sa ceinture de sécurité.
Analyse de l'Office
[871] L'Office reconnaît les difficultés que pose l'objectivité des notions de confort et d'inconfort, comme le montrent les résultats de l'étude anthropométrique dynamique du professeur Allison présentés dans son troisième rapport, qui indiquaient notamment que :
- le pourcentage de personnes qui disent éprouver un niveau d'inconfort très élevé dans certains sièges d'aéronef est plus élevé chez les personnes non obèses que chez les personnes obèses;
- tous les sujets, peu importe leur IMC et leurs mesures des circonférences semblant clairement dépasser les dimensions du siège, ont signalé être capables de s'asseoir dans le siège.
[872] Ces résultats confirment l'affirmation selon laquelle « la capacité de prendre place » n'est pas synonyme de « confort ».
[873] Le professeur Katzmarzyk mentionne qu'il connaît des méthodes ergonomiques qui auraient permis une mesure du confort plus objective, comme des électrodes et des capteurs de pression utilisés pour mesurer le niveau de confort de sacs à dos et de fauteuils roulants. Le professeur Katzmarzyk soulève un autre point important, à savoir qu'en l'absence d'obésité et de dimensions qui excèdent celles du siège, il n'est pas pertinent de se demander si une personne éprouve de la douleur, car celle-ci ne ferait pas partie de la population cible des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité et que l'on pourrait supposer que la douleur exprimée est due à une autre cause.
[874] Comme l'a reconnu l'Office dans la décision de Calgary, l'obésité en soi n'est pas une déficience aux termes de la partie V de la LTC. Cela dit, comme dans d'autres cas de déficience, il y a des cas où il est évident à la suite du processus d'évaluation initiale mené par le transporteur qu'une personne ayant une déficience en raison de son obésité ne pourra pas prendre place dans un siège de l'aéronef du transporteur et qu'après son évaluation, des mesures d'accommodement pourront être prises lors de la réservation. Toutefois, en raison de la nature de cette déficience, une évaluation personnelle de la capacité d'une personne de prendre place dans un siège d'aéronef pourrait être requise; en particulier, lorsque l'incapacité d'une personne de prendre place dans un siège d'aéronef d'un vol particulier n'est pas évidente, il faudra évaluer cette personne dans le siège de l'aéronef afin de déterminer son admissibilité.
[875] D'après les résultats du troisième rapport du professeur Allison, l'Office estime que l'évaluation de la notion plus subjective de « confort » pose de nombreuses difficultés : comme il semblait y avoir un sous-signalement des problèmes liés à la « capacité de prendre place », on a décidé de se fier uniquement à l'évaluation faite par des observateurs; et on a noté un signalement très important de problèmes de « confort » par des sujets qui n'étaient pas obèses et qui pouvaient clairement « prendre place » dans un siège d'aéronef.
[876] Toutefois, comme le montre l'expérience de Southwest Airlines, il est clair et évident qu'un test objectif est possible. En outre, l'Office a déjà déterminé, au paragraphe 394 ci-dessus, qu'il doit examiner avec soin cet élément de preuve et lui accorder une valeur importante parmi l'ensemble des opinions et des hypothèses soumises par les autres experts, et en particulier pour la présente instance, car Southwest Airlines est le seul grand transporteur en Amérique du Nord qui a l'expérience de l'administration d'un test visant à évaluer la capacité de prendre place dans un siège d'aéronef afin de déterminer l'admissibilité à un avantage financier. Le fait que le personnel de Southwest Airlines administre ce test de l'accoudoir le jour même du voyage afin de déterminer l'admissibilité à une mesure d'accommodement vient contredire la position des transporteurs en cause comme quoi ce test est impraticable. Il ne fait aucun doute qu'il s'agit de la meilleure preuve déposée devant l'Office et ce qui se rapproche le plus d'une étude anthropométrique dynamique qui reproduit même certaines des autres conditions, comme une incitation accrue à déclarer l'admissibilité étant donné l'avantage financier important prévu par la politique 1P1T de Southwest Airlines. Le fait que cette preuve a été produite au moyen d'un exposé conjoint des faits signé par les demandeurs et les transporteurs en cause vient appuyer l'utilisation par l'Office de cette preuve incontestée. Par conséquent, en l'absence d'une preuve du contraire, l'Office accepte que la preuve montrant la mise en œuvre d'une politique 1P1T par Southwest Airlines appuie la proposition voulant qu'il est possible de régler les contraintes opérationnelles soulevées par les transporteurs en cause.
Conclusion de l'Office sur le caractère abusif de la détermination de l'admissibilité pour les personnes ayant une déficience en raison de leur obésité
[877] L'Office estime qu'il est possible de surmonter les difficultés que représente l'administration d'un test objectif, comme le montre la preuve qui lui a été soumise par la voie d'un exposé conjoint des faits relativement à Southwest Airlines. L'Office conclut que les transporteurs en cause n'ont pas réussi à démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il existe des contraintes opérationnelles qui les empêchent de mettre en œuvre une politique 1P1T à l'égard de la catégorie des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité.
Conclusions de l'Office sur les contraintes opérationnelles
[878] Les deux transporteurs en cause ont soulevé des contraintes opérationnelles relativement à leur capacité de refuser à des personnes ayant une déficience le droit de bénéficier des avantages d'une politique 1P1T. Toutefois, comme l'ont souligné les demandeurs, une analyse appropriée repose sur la manière d'évaluer adéquatement l'admissibilité de la personne aux avantages d'une telle politique. La preuve soumise à l'Office, en particulier celle de M. Lewis, établit clairement que les transporteurs en cause, en faisant les efforts voulus, peuvent régler de manière efficace et efficiente ces contraintes en élaborant et en appliquant un processus d'évaluation professionnel fondé sur des critères d'admissibilité pour évaluer les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un Accompagnateur pour voyager par avion et celles qui ont une déficience en raison de leur obésité.
[879] L'Office reconnaît que les systèmes d'évaluation actuels des transporteurs ne tiennent pas compte de l'évaluation des personnes qui peuvent avoir une déficience en raison de leur obésité et que le processus d'évaluation dans ces cas-là sera plus complexe, mais l'expérience de Southwest Airlines semble soutenir la proposition qu'il est possible de surmonter cette complexité en élaborant et en mettant en œuvre avec sensibilité un test, comme le test de l'accoudoir qu'elle utilise. L'Office n'a pas l'intention de dicter aux transporteurs en cause de quelle manière ils devraient évaluer l'admissibilité, mais il lui semble qu'il existe des moyens raisonnables et pratiques de le faire. Un processus d'évaluation qui pourrait inclure une évaluation médicale initiale et peut-être associée à un test d'évaluation objectif, comme celui utilisé par Southwest Airlines, pourrait être perçu par les personnes obèses comme étant lourd et difficile. Toutefois, l'Office est d'avis que ce type d'évaluation permet de garantir l'objectivité et qu'il est raisonnable étant donné l'avantage financier qui serait offert en vertu d'une politique 1P1T.
[880] Les transporteurs en cause ont affirmé que l'un des problèmes de la mise en œuvre d'une politique 1P1T serait les répercussions négatives qu'elle aurait sur le système de gestion du rendement, notamment le biaisement des algorithmes, mais ils n'ont pas produit de preuve pour étayer cette affirmation. Malgré les nombreux témoignages entendus au sujet des systèmes de gestion du rendement des transporteurs en cause, cette question n'a jamais été soulevée lors de l'audience et, par conséquent, l'Office n'examinera pas cet argument plus avant.
[881] Par conséquent, l'Office conclut que les transporteurs en cause n'ont pas réussi à démontrer qu'il existe des contraintes opérationnelles qui les empêcheraient de mettre en œuvre une politique 1P1T à l'égard des populations cibles des personnes ayant une déficience. De plus, il ne fait aucun doute que la mise en œuvre d'une politique 1P1T comportera des difficultés, mais l'Office conclut que les transporteurs en cause n'ont pas démontré que ces difficultés représentent une contrainte excessive.
Partie VI - Analyse et constatations sur le caractère excessif de la contrainte relativement aux services aériens intérieurs d'Air Canada et de WestJet
[882] L'Office conclut que les arguments présentés par les transporteurs en cause relativement à l'incapacité qu'ils perçoivent de refuser à une personne le droit de voyager avec un accompagnateur ou un compagnon de voyage sont liés aux critères requis pour évaluer leur admissibilité et doivent donc être examinés dans le contexte de leurs répercussions et de leurs contraintes opérationnelles. Aucune autre observation n'a été faite relativement aux contraintes liées à la sécurité.
[883] Comme il est mentionné ci-dessus, l'Office est d'avis que les préoccupations opérationnelles soulevées par les transporteurs en cause peuvent être valides, car la mise en œuvre d'une politique 1P1T devra se faire soigneusement en portant l'attention voulue aux mécanismes des critères d'admissibilité, mais la preuve présentée à l'Office établit que de tels mécanismes sont disponibles, efficaces et couramment utilisés par d'autres fournisseurs de services, notamment des fournisseurs de services de transport. De fait, l'Office a noté que les deux transporteurs en cause ont déjà mis en place des mécanismes relativement aux critères d'admissibilité utilisés pour les personnes ayant une déficience à d'autres fins, comme par exemple pour évaluer l'aptitude à voyager, et que ces mécanismes pourraient être étoffés pour permettre d'exercer cette fonction. Par conséquent, l'Office conclut que les transporteurs n'ont pas démontré que les préoccupations opérationnelles qu'ils ont soulevées représentent une contrainte excessive.
[884] En ce qui a trait aux contraintes liées aux coûts, après une appréciation de la preuve déposée, le coût estimé par l'Office de l'adoption d'une politique 1P1T pour Air Canada et pour WestJet est de beaucoup inférieur aux estimations faites par les transporteurs cause et leurs experts. L'Office reconnaît que le coût d'une politique 1P1T pour Air Canada et WestJet en termes de pertes annuelles de revenus nets est non négligeable, mais il juge que le coût ne représente qu'une perte de revenus de 41 ¢ et de 16 ¢ par voyage-passagers intérieur pour Air Canada et pour WestJet respectivement. L'Office conclut aussi que le coût d'une politique 1P1T pour les transporteurs en cause ne représente qu'environ une diminution de 0,09 pour cent des revenus passagers d'Air Canada et une diminution d'environ 0,16 pour cent des revenus passagers de WestJet, par rapport aux revenus passagers de 2005. Dans son appréciation de la preuve, l'Office a déterminé que les transporteurs en cause n'ont pas réussi à démontrer que les répercussions économiques et financières découlant du coût de l'adoption d'une politique 1P1T représentaient pour eux une contrainte excessive.
[885] En résumé, autant Air Canada que WestJet n'ont pas su démontrer que les contraintes qu'ils ont soulevées relativement à la mesure d'accommodement demandée par les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience, prises individuellement ou collectivement, représentent une contrainte excessive pour ces fournisseurs de services de transport.
Solutions de rechange raisonnables
[886] Bien que la preuve montre que les transporteurs en cause appliquent certaines solutions de rechange à la mesure d'accommodement demandée en vertu d'une politique 1P1T, l'Office n'a entendu aucune preuve voulant que l'application d'une politique 1P1T par les intimées représenterait pour eux une contrainte excessive. Par conséquent, étant donné la nature du test visant à déterminer le caractère abusif de l'obstacle en cause qui est abordé dans la partie IV débutant au paragraphe 171, l'Office n'a pas besoin d'examiner les solutions de rechange, car elles ne sont pas raisonnables étant donné qu'elles prévoient des niveaux d'accommodement moindres que ceux qui ont déjà été jugés raisonnables par l'Office dans la présente décision. Toutefois, l'Office conclut qu'il pourrait être utile de formuler des observations sur les mémoires qui ont été présentés relativement aux solutions de rechange.
[887] Dans leur mémoire du 17 mai 2007, les transporteurs en cause se rapportent à l'ensemble des autres services qu'ils fournissent aux personnes ayant une déficience, autant de leur propre initiative qu'en raison des exigences réglementaires et des dispositions des codes de pratiques, comme la fourniture de fauteuils roulants de bord, d'autres équipements spécialisés et d'une assistance, notamment au moment de la réservation, à l'aéroport et à bord de l'aéronef, et font remarquer que « ces mesures d'accommodement » sont offertes aux demandeurs. Dans ce même document, les transporteurs en cause affirment que « les mesures déjà prises par ces transporteurs visant à fournir des mesures d'accommodement aux demandeurs représentent des accommodements raisonnables » (traduction) de telle sorte « que d'exiger de ces transporteurs qu'ils fournissent les mesures d'accommodement additionnelles demandées (c'est-à-dire l'application d'une politique 1P1T), et qu'ils assument les coûts additionnels afférents, reviendrait à les forcer à subir une contrainte excessive. » (traduction)
[888] L'Office est d'accord avec l'affirmation des transporteurs en cause comme quoi le coût de ces services fait partie de l'ensemble des coûts dont il doit tenir compte dans la présente instance (voir le paragraphe 758 ci-dessus), mais il estime qu'il ne s'agit pas de solutions de rechange raisonnables à la mesure d'accommodement demandée par les demandeurs dans cette instance. Les demandeurs ont affirmé vouloir le retrait des politiques tarifaires discriminatoires des intimées de telle sorte qu'ils puissent utiliser les services aériens intérieurs aux mêmes coûts que les autres passagers et ont ajouté que le fait qu'ils ont aussi accès à divers autres services d'accessibilité comme la fourniture d'un fauteuil roulant ne règle en aucun cas l'obstacle à leurs possibilités de déplacement que représente la politique tarifaire discriminatoire.
[889] L'Office n'a entendu aucune preuve voulant que l'Administration de l'aéroport international de Gander ou WestJet aient envisagé des solutions de rechange de nature économique afin d'accommoder les personnes ayant une déficience touchées par leurs politiques tarifaires. Les deux intimées ont plutôt fait valoir que leurs politiques tarifaires étaient raisonnables, peu importe les conséquences discriminatoires qu'elles ont sur les personnes ayant une déficience; à cet égard, l'Administration de l'aéroport international de Gander a fait valoir le montant minime des frais d'améliorations aéroportuaires et WestJet, les tarifs réduits déjà offerts par le transporteur et sa position comme quoi « cela ne s'applique pas aux réalités modernes auxquels sont confrontés les transporteurs à rabais ». (traduction) WestJet soutient que « les modèles de tarification actuels des transporteurs à rabais reposent sur des marges si faibles et des volumes si élevés que tout rabais additionnel sur les tarifs entraînerait une perte importante de leurs revenus ». (traduction) Toutefois, l'Office a déjà déterminé qu'il n'y a pas de preuve concrète voulant que la mise en œuvre d'une politique 1P1T représenterait une contrainte excessive du point de vue financier ou économique et, par conséquent, il estime qu'il ne s'agit pas d'une position raisonnable.
[890] Par contre, Air Canada a appliqué différentes solutions de rechange de nature économique pour les personnes ayant une déficience au cours des 15 dernières années. Par exemple, relativement aux tarifs d'accompagnateur, en 1995, le ministre des Transports a demandé à l'Office de revoir le projet de règlement sur les tarifs aériens pour Accompagnateurs afin d'examiner en détail des moyens consensuels pour atteindre les normes d'accessibilité avant de recourir à l'adoption d'un règlement. Par la suite, l'ATAC a annoncé que ses membres allaient offrir sur une base volontaire un rabais de 50 pour cent sur le tarif payé par une personne ayant une déficience pour son Accompagnateur. La preuve soumise à l'Office établit qu'Air Canada a offert initialement le rabais de 50 pour cent pour Accompagnateur sur le prix du billet payé par la personne ayant une déficience pour son siège, mais qu'à un moment donné elle a modifié sa politique, et le rabais de 50 pour cent n'a été offert que sur le plein tarif (comme les tarifs Latitude), de sorte que les personnes ayant une déficience étaient moins enclines à utiliser le rabais sur le prix du billet d'Accompagnateur, car l'achat du billet à tarif réduit (maintenant connu comme étant les tarifs Tango) coûtait généralement moins cher que l'achat d'un billet et d'un second billet pour Accompagnateur avec le rabais sur le plein tarif en vertu de cette politique.
[891] Dans son mémoire du 17 mai 2007, Air Canada s'objecte à la position des demandeurs qui qualifient ce changement de politique de « retour en arrière », mais il n'en demeure pas moins que, pour ces personnes ayant une déficience, cela signifie une diminution importante au plan des avantages ou de l'accommodement. Air Canada a souligné les autres mesures qu'elle a adoptées et les coûts qu'elle a engagés afin d'améliorer l'accessibilité de son réseau, mais ces services ne sont pas des solutions de rechange à la mesure d'accommodement que souhaitent les demandeurs.
[892] Enfin, les transporteurs en cause offrent tous deux des mesures d'accommodement spéciales aux personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel pour répondre à leurs besoins, en particulier aux personnes qui ont une déficience en raison de leur obésité; par exemple, ils peuvent offrir sans frais supplémentaires un siège additionnel nécessaire pour répondre aux besoins d'une personne ayant une déficience, à l'aéroport le jour du voyage. Toutefois, l'Office estime qu'une mesure d'accommodement ne peut être jugée comme étant une solution de rechange raisonnable que si elle respecte la dignité des personnes ayant une déficience. Comme le montrent les expériences de Mme McKay-Panos avec Air Canada dont elle a fait état dans sa déclaration initiale de novembre 2006 déposée au dossier, les mesures d'accommodement spéciales offertes par les transporteurs en cause dépendent de la disponibilité des sièges à bord de l'aéronef et n'offrent donc aucune certitude aux personnes ayant une déficience que leurs besoins seront adéquatement satisfaits ou qu'elles seront en mesure de voyager la journée en question, soit parce que le vol est complet ou survendu, ou pire encore, en raison du refus du personnel du transporteur d'appliquer la politique. C'est ainsi que ces personnes peuvent ne pas être en mesure de voyager comme elles l'avaient prévu ou qu'elles peuvent être traitées de manière indigne, humiliante et potentiellement dangereuse si elles doivent voyager dans un siège qui ne répond pas à leurs besoins liés à leur déficience.
[893] Par conséquent, en l'absence de moyens permettant d'assurer aux personnes ayant une déficience que l'on peut répondre à leurs besoins de transport liés à leur déficience, l'Office conclut qu'il ne s'agit pas d'une solution de rechange raisonnable à une mesure d'accommodement. Ainsi, elle ne peut être utilisée pour justifier l'existence des politiques tarifaires des transporteurs en cause. Toutefois, comme il a été établi au début de la présente section, l'Office n'a pas besoin de faire cette détermination étant donné qu'il a conclu que les intimées n'ont pas établi la défense de contrainte excessive.
Analyse et constatations du caractère abusif des obstacles
[894] L'Office estime indiqué d'énoncer de nouveau certains principes d'accessibilité déjà mentionnés dans la présente décision.
[895] L'importance qu'accorde le Parlement à un réseau de transport fédéral accessible aux personnes ayant une déficience se reflète dans la politique nationale des transports du Canada, qui prévoit, entre autres, que les liaisons en provenance ou à destination d'un point du Canada assurées par chaque transporteur ou mode de transport devraient s'effectuer, dans la mesure du possible, à des prix et selon des modalités qui ne constituent pas un obstacle abusif à la circulation des personnes, y compris les personnes ayant une déficience.
[896] Conformément à la politique nationale des transports, l'Office a reconnu plusieurs principes d'accessibilité de longue date, qui sont en harmonie avec la jurisprudence générale en matière de droits de la personne. Ces principes reflètent les intérêts de la communauté des personnes ayant une déficience et sont utilisés par l'Office à la fois pour déterminer l'existence d'obstacles et pour évaluer le caractère abusif des obstacles trouvés, ce qui nécessite de concilier ces intérêts et ceux de l'industrie.
[897] Un de ces principes est que les personnes ayant une déficience ont le même droit que les autres de participer pleinement à tous les aspects de la vie en société et que pour exercer ce droit, ces personnes doivent bénéficier de l'égalité d'accès au transport. Ce principe traduit la reconnaissance du fait que les personnes ayant une déficience ont les mêmes besoins de transport pour affaires, pour leurs loisirs et pour des raisons de santé que les autres et veulent disposer des mêmes options, y compris en ce qui concerne les modes de transport, les heures de départ, les coûts, la qualité des services et la possibilité de voyager avec des amis, des parents ou des collègues.
[898] Un autre principe fondamental de l'accessibilité est que les personnes ayant une déficience doivent être traitées avec dignité et respect. Une partie du droit à être traitée avec dignité est la notion que toutes les personnes ayant une déficience ont le droit d'être traitées de la même manière, peu importe les raisons sous-jacentes de leur déficience, et le fait qu'il ne doit pas y avoir de discrimination entre personnes ayant une déficience en ce qui a trait au droit à ces avantages. Ce principe a récemment été renforcé par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Tranchemontagne c. Ontario (Directeur du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées), [2006] 1 R.C.S. 513. Par ailleurs, la Cour d'appel fédérale dans l'affaire McKay-Panos c. Air Canada a statué que :
[44] À cet égard, l'aisance relative avec laquelle l'existence d'une déficience peut être établie lors de la première étape ne devrait pas être interprétée comme empêchant l'Office de tenir compte de l'ensemble des considérations pertinentes à l'étape de l'obstacle abusif de l'analyse notamment, par exemple, de l'étiologie, s'il est démontré qu'elle est pertinente.
[899] L'Office estime que tenir compte de l'étiologie dans le cas des personnes ayant une déficience en raison de leur obésité dans son analyse du caractère abusif des obstacles constatés contreviendrait à ce principe.
[900] Un aspect important du droit à l'égalité pour les personnes ayant une déficience particulièrement pertinent dans cette affaire est que les personnes ayant une déficience ne doivent pas subir un désavantage économique en raison de leur déficience et ne devraient pas avoir à payer plus pour leurs services de transport que les autres passagers qui n'ont pas de déficience, notamment dans les cas où les fournisseurs de services de transport doivent fournir différents services pour assurer un accès équivalent au réseau de transport fédéral. Ce principe de l'accessibilité est le fondement de ce qu'on appelle communément au sein de la communauté des personnes ayant une déficience le principe 1P1T.
[901] Pour déterminer si un obstacle auquel est confrontée une personne ayant une déficience est abusif, il faut en arriver à un équilibre entre les diverses responsabilités des fournisseurs de services de transport et le droit des personnes ayant une déficience à voyager sans rencontrer d'obstacle, et c'est dans cette recherche d'équilibre que l'Office applique les concepts de caractère abusif et de contrainte excessive.
[902] Lorsqu'un fournisseur de services de transport peut justifier qu'il offre un peu moins qu'un accès équivalent, y compris aucune mesure d'accommodement, l'Office ne conclura pas à l'existence d'un obstacle abusif. Toutefois, si l'Office estime que le fournisseur de services de transport intimé n'a pas réussi à démontrer que les mesures d'accommodement fournies sont raisonnables dans les circonstances, alors l'Office peut conclure qu'il y a là obstacle abusif et exiger des mesures correctives pour éliminer cet obstacle abusif.
[903] En ce qui a trait au principe 1P1T, l'Office a déterminé que les tarifs additionnels exigés par Air Canada et WestJet à l'égard de certaines personnes qui, en raison de leur déficience, ont besoin de plus d'un siège pour elles-mêmes ou pour leur Accompagnateur, et les frais d'améliorations exigés par l'Administration de l'aéroport international de Gander à l'égard des accompagnateurs qui doivent voyager avec certaines personnes ayant une déficience lorsqu'elles utilisent les services aériens, représentent un désavantage économique qui limite effectivement les possibilités de déplacement des personnes qui ont besoin d'un siège additionnel lorsqu'elles voyagent par avion, que ce soit à des fins d'emploi, d'études, de loisirs, de soins de santé ou pour des situations d'urgence.
[904] L'Office reconnaît que l'obligation de mettre en œuvre une politique 1P1T représenterait pour les intimées des défis au chapitre des coûts et de l'exploitation, mais il a conclu, selon la preuve présentée, que cela n'entraînerait pas de contrainte excessive pour eux. Plus précisément, l'Office a déterminé que l'Administration de l'aéroport international de Gander n'a fourni aucune preuve et ne s'est donc pas acquitté de son fardeau de preuve pour démontrer qu'il serait déraisonnable, irréaliste ou impossible de sa part de satisfaire à la demande des personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un Accompagnateur sans que cela ne crée une contrainte excessive. De plus, l'Office a déterminé que les pertes de revenus nets par année des transporteurs en cause découlant d'une politique 1P1T, qui représentent moins de 0,2 pour cent de leurs revenus passagers bruts annuels et des pertes de revenus de 41 ¢ et de 16 ¢ par voyage intérieur pour Air Canada et pour WestJet, respectivement, les répercussions économiques et financières de ces coûts sur eux, et la nécessité pour les transporteurs en cause d'élaborer de nouveaux mécanismes d'évaluation de l'admissibilité, ou de modifier les mécanismes existants, de manière à pouvoir appliquer adéquatement les nouvelles politiques, ne constituent pas pour eux, selon la preuve soumise à l'Office, une contrainte excessive.
[905] De plus, l'Office a examiné attentivement la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire CCD c. VIA, où elle dit :
Pour justifier le maintien d'un obstacle discriminatoire, on invoque dans presque tous les cas ce qu'il en coûterait pour l'atténuer ou l'éliminer afin de répondre aux besoins de la personne qui demande l'accès. Il s'agit là d'un facteur qui peut légitimement être pris en compte : Central Alberta Dairy Pool c. Alberta (Commission des droits de la personne), 1990 2. R.C.S. 489, p. 520-521. Cependant, dans l'arrêt Grismer, par. 41, notre Cour a averti que les tribunaux doivent « se garder de ne pas accorder suffisamment d'importance à l'accommodement de la personne handicapée. »
[906] L'Office reconnaît la preuve soumise par l'expert des demandeurs relativement aux répercussions sociales positives d'une politique 1P1T, soit :
- une diminution de la pression sur les systèmes d'aide sociale et sur le fardeau fiscal relativement à l'augmentation des niveaux de revenu et du niveau de vie attribuable à une plus grande mobilité liée au travail pour les personnes ayant une déficience;
- une valeur d'assurance découlant du maintien de l'accès au transport aérien dans l'éventualité d'une déficience, reconnaissant la réalité actuarielle voulant que du point de vue statistique, tous les membres de la société courront le risque d'avoir un jour ou l'autre une déficience permanente ou temporaire;
- la garantie ou la préservation du droit d'accès des personnes ayant une déficience.
[907] L'Office est d'avis que les augmentations prévues du prix des billets découlant d'une politique 1P1T de 77 ¢ et de 44 ¢ pour les vols intérieurs d'Air Canada et de WestJet, respectivement, sont raisonnables si l'on tient compte qu'une telle politique aurait pour effet d'accroître l'accessibilité au réseau de transport fédéral pour les personnes ayant une déficience grave.
[908] Il est important que les personnes ayant une déficience aient accès à un réseau de transport fédéral sans obstacles abusifs. Dans la présente affaire, les limites à cet accès sont :
- les frais d'améliorations imposés par l'Administration de l'aéroport international de Gander à l'égard des Accompagnateurs qui doivent voyager avec des personnes ayant une déficience lorsqu'elles utilisent les services aériens intérieurs;
- les politiques d'Air Canada et de WestJet consistant à imposer un tarif additionnel pour les sièges dont ont besoin des personnes ayant une déficience lorsqu'elles utilisent leurs services aériens intérieurs.
[909] L'Office doit évaluer ce droit d'accès en tenant compte du fait que l'Administration de l'aéroport international de Gander n'a pas été en mesure de fournir de preuves établissant une contrainte excessive et qu'Air Canada et WestJet n'ont pas été en mesure de démontrer que les coûts (sur le plan des répercussions économiques et financières connexes) et les contraintes opérationnelles auxquelles elles feraient face relativement à la mise en œuvre d'une politique 1P1T représenteraient une contrainte excessive. À cet égard, l'Office conclut que :
- les politiques tarifaires des transporteurs en cause, soit Air Canada, Air Canada Jazz et WestJet, relativement à leurs services aériens intérieurs;
- et la politique en matière de frais d'améliorations aéroportuaires de l'Administration de l'aéroport international de Gander
représentent des obstacles abusifs pour les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience pour voyager par avion, dans la mesure où elles exigent que ces personnes, en raison des besoins liés à leur déficience, paient des tarifs et des frais additionnels supérieurs à ce que les autres passagers paient pour les mêmes services de transport.
[910] Une analyse du caractère abusif doit prendre en compte tous les facteurs énumérés dans la politique nationale des transports décrits à l'article 5 de la LTC, mais le facteur coût est assurément au centre de l'analyse de l'Office dans la présente affaire. La question consiste à déterminer le coût estimatif pour chaque intimée qu'entraîne le retrait des obstacles économiques auxquels font face les personnes ayant une déficience qui seraient admissibles à l'application d'une politique 1P1T et les répercussions financières et économiques de ce coût pour chacune des intimées.
[911] L'Office est convaincu que l'estimation du taux de fréquence sur laquelle il s'est appuyé pour rendre la présente décision offre un fondement suffisant et raisonnable pour la détermination du caractère abusif du coût d'une politique 1P1T sur le plan des répercussions économiques et financières pour les transporteurs en cause. Cela dit, l'Office reconnaît qu'après une certaine période d'application, l'exactitude des estimations du taux de fréquence et des coûts pourrait s'améliorer avec le temps. Contrairement aux coûts fixes associés à un changement structurel visant à améliorer l'accessibilité, le coût associé à une politique 1P1T est un coût permanent qui peut varier avec le temps de sorte que les répercussions économiques et financières afférentes sur les intimées peuvent aussi varier.
[912] Compte tenu du caractère particulier de cette affaire, l'Office estime approprié de souligner un mécanisme disponible en vertu de la LTC. L'article 32 de la LTC confère à l'Office le pouvoir de réviser une décision lorsqu'il a une justification suffisante de le faire, par exemple si l'évolution des circonstances, notamment des faits nouveaux ou une nouvelle preuve qui n'étaient pas disponibles au moment où il a rendu sa décision, est suffisamment importante pour entraîner l'application de cette disposition. Une telle évolution des circonstances pourrait découler du fait que l'expérience des parties avec la mise en œuvre et l'administration de la politique requise par la décision diffère de manière importante de la preuve et de son interprétation qui ont servi de fondement à la présente décision.
Partie VII - Arrêté visant des mesures correctives
[913] Ayant déterminé que les politiques tarifaires des transporteurs en cause, soit Air Canada, Air Canada Jazz et WestJet, relativement à leurs services aériens intérieurs et que la politique en matière de frais d'améliorations aéroportuaires de l'Administration de l'aéroport international de Gander représentent des obstacles abusifs pour les personnes ayant une déficience qui ont besoin d'un siège additionnel en raison de leur déficience lorsqu'elle utilisent les services aériens intérieurs, l'Office enjoint par les présentes aux intimées de modifier leurs politiques et leurs procédures actuelles afin d'incorporer un régime 1P1T pour ces personnes ayant une déficience en adoptant les mesures correctives suivantes :
1. L'administration de l'aéroport international de Gander
[914] À l'égard des services aériens intérieurs, l'Administration de l'aéroport international de Gander ne peut exiger ou percevoir de frais d'améliorations aéroportuaires pour les sièges additionnels dont ont besoin les personnes ayant une déficience qui sont tenues de voyager avec un Accompagnateur en vertu des tarifs intérieurs des transporteurs aériens.
[915] L'Office reconnaît qu'il peut être complexe d'assurer la coordination nécessaire à la perception par les transporteurs aériens des frais d'améliorations pour le compte de l'Administration de l'aéroport international de Gander, en vertu des modalités du PE avec l'ATAC. Toutefois, tant l'Administration que l'ATAC ont décliné l'invitation à participer aux diverses audiences. Ainsi l'Office n'a aucune information précise à cet égard. Par conséquent, l'Office estime indiqué d'accorder un délai de 12 mois à l'Administration de l'aéroport international de Gander, délai que l'Office juge suffisant, pour la prise des mesures correctives qui s'imposent pour instaurer une procédure ou un mécanisme de contrôle des passagers ayant une déficience qui doivent, en vertu des tarifs des transporteurs aériens, voyager avec un Accompagnateur, afin de s'assurer que les frais d'améliorations ne soient pas perçus auprès de ces passagers pour leur Accompagnateur.
2. Air Canada, Air Canada Jazz et WestJet
[916] Les transporteurs en cause ne peuvent exiger un tarif pour les sièges additionnels fournis aux personnes ayant une déficience suivantes :
- les personnes qui sont tenues de voyager avec un Accompagnateur en vertu du tarif du transporteur, comme il a été indiqué plus haut;
- les personnes qui ont une déficience en raison de leur obésité;
- les personnes qui, en raison de leur déficience, ont besoin d'un siège additionnel pour elles-mêmes pour voyager par avion.
[917] En ce qui a trait à l'adoption de mesures correctives, l'Office estime qu'étant donné qu'il a été déterminé que des mesures correctives étaient nécessaires dans l'intérêt du respect des droits des personnes ayant une déficience, la mise en œuvre de ces mesures doit se faire dans un délai raisonnable afin d'éviter tout retard inutile dans le processus.
[918] Toutefois, l'Office reconnaît aussi que pour assurer l'efficacité des mesures correctives, les intimées doivent avoir suffisamment de temps pour élaborer de nouveaux mécanismes d'évaluation de l'admissibilité ou pour modifier des mécanismes existants, de manière à ce qu'elles puissent appliquer adéquatement les nouvelles politiques. Compte tenu de la preuve soumise par M. Lewis voulant qu'une expertise professionnelle pourrait être requise afin d'aider les transporteurs dans cette tâche et soulignant l'importance qu'il y ait un mécanisme d'évaluation de l'admissibilité efficace en place avant la mise en œuvre de la politique, l'Office convient que le temps requis pour la mise en œuvre des mesures correctives peut varier. Dans la présente affaire, étant donné que les transporteurs en cause auront à élaborer et à mettre en œuvre des mécanismes d'évaluation de l'admissibilité probablement avec une aide extérieure, l'Office est d'avis qu'un délai de 12 mois est raisonnable pour l'élaboration et la mise en œuvre des mesures correctives ordonnées.
[919] L'Office enjoint par les présentes à Air Canada, Air Canada Jazz et WestJet de mettre en œuvre les mesures correctives dans un délai de 12 mois suivant la date de la présente décision. L'Office est convaincu que ce délai est suffisant pour les transporteurs étant donné qu'ils disposent déjà de processus d'évaluation et qu'une expertise professionnelle est disponible pour les aider dans l'élaboration de méthodes d'évaluation appropriées pour ces populations cibles.
Partie VIII – Coûts
[920] Les demandeurs sont par les présentes tenus de soumettre leurs observations écrites à l'appui de leur demande d'adjudication des dépens dans les sept jours suivant la publication de la présente décision. Les intimées auront ensuite sept jours pour déposer leur réponse aux observations des demandeurs, à la suite de quoi les demandeurs auront trois jours pour déposer leur réplique, le cas échéant.
Membres
- Gilles Dufault
- Beaton Tulk
- Le présent sommaire exécutif ne fait pas partie de la décision de l'Office et on ne doit pas s'y fier afin d'appliquer ou d'interpréter la décision.↑
- À la suite du décès de M. Norman en 2006, sa succession a maintenu la demande de celui-ci.↑
- Marian Robson et Baljinder Gill étaient également membres du Comité et ont participé à différentes audiences. Cependant, le mandat de Mme Robson a expiré le 30 juin 2006 et celui de M. Gill, le 25 avril 2007.↑
- Pour les besoins de la présente décision, ne sont pas considérés comme des services de transport aérien intérieurs les tronçons de vols intérieurs compris dans l'itinéraire de voyages aériens internationaux achetés comme un tout, puisque les liaisons intérieures ainsi assurées font partie d'un service aérien international. Toute mesure de réparation ne s'applique pas à ces tronçons de vols intérieurs.↑
- Dans la présente décision, il importe de faire la distinction entre le terme « Accompagnateur », que l'Office utilise pour désigner les personnes qui sont tenues par les tarifs intérieurs des transporteurs en cause d'accompagner certaines personnes ayant une déficience pour répondre aux besoins spécifiques de ces dernières relativement aux soins personnels à dispenser en cours de vol et/ou aux besoins liés à la sécurité dans l'éventualité d'une évacuation d'urgence ou de décompression, et le terme « accompagnateur » utilisé dans un sens plus général pour faire référence tant aux Accompagnateurs qu'aux autres compagnons de voyage tels que des membres de la famille ou des amis qui voyagent avec des personnes ayant une déficience à d'autres fins.↑
- Il importe de noter qu'il y a des personnes ayant une déficience qui ne sont pas autonomes pour un vol longue distance, mais qui peuvent voyager de manière autonome pour de courts trajets si elles n'ont pas besoin d'une assistance pour leurs soins personnels pendant la durée du voyage.↑
- Air Canada Jazz et WestJet n'ont jamais offert un service de civière et n'ont donc jamais été en mesure de répondre aux besoins de cette catégorie de personnes ayant une déficience.↑
- Statistique Canada, un portrait des personnes ayant une incapacité↑
- En réponse à un engagement contracté lors de la seconde audience, le Dr Bekeris, médecin principal et directeur principal par intérim des Services de santé au travail d'Air Canada, a précisé que 1 224 autorisations médicales ont été données à des personnes ayant une déficience qui ont voyagé avec des Accompagnateurs en 2005. Toutefois, il a ajouté que ce nombre ne comprend pas le nombre des autorisations modifiées qui ont été accordées ni le nombre des personnes autorisées pendant une certaine période et qui n'avaient pas besoin d'une nouvelle autorisation pour leur Accompagnateur.↑
- Il convient de mentionner que d'après le professeur Lazar, ce chiffre représente le nombre de voyages effectués à bord des vols intérieurs et transfrontaliers d'Air Canada par des passagers ayant acheté des billets pour lesquels les Accompagnateurs ont bénéficié du tarif aérien pour Accompagnateur.↑
- Dans son premier rapport du 25 novembre 2005, le professeur Lazar a établi une estimation basse du nombre de personnes ayant une déficience qui voyagent par avion au Canada, soit 832 000, et une estimation élevée de 882 000. Dans son second rapport, daté du 1er juin 2006, il fait référence aux estimations basse et élevée, mais les chiffres sont passés à 833 000 et 881 000, respectivement.↑
- Les données de l'ESLA de 1991 concernent des adultes, âgés de 15 ans et plus et vivant dans un domicile au Canada, avec projection pour 1995.↑
- L'expression « personnes ayant des difficultés à voyager » a été définie, dans l'étude Goss Gilroy, comme étant des personnes qui, en raison de problèmes de santé, sont incapables de se prévaloir des services de transport ou qui utilisent des services de transport avec plus de difficultés que les membres du grand public.↑
- Aux fins de calcul dans la présente décision, la valeur utilisée est 3,636... (26 000 ÷ 715 000), celle-ci étant le quotient obtenu par la division des valeurs retenues dans le rapport Goss Gilroy et utilisées par le Dr Lewis dans l'établissement du taux de 3,6 pour cent. De façon plus précise, ces valeurs représentent les 26 000 personnes ayant une déficience qui ont indiqué avoir des difficultés ayant limité leurs déplacements lors de longs voyages par avion et les 715 000 personnes ayant une déficience qui ont indiqué avoir effectué de longs voyages par avion.↑
- En 1995, sur une population totale de 3,8 millions de personnes ayant une déficience, 715 000 ont voyagé par avion.↑
- Comme il est indiqué au paragraphe 334, aux fins de calcul, dans la présente décision, la valeur utilisée est 3,636... (26 000 ÷ 715 000), celle-ci étant le quotient obtenu par la division des valeurs retenues dans le rapport Goss Gilroy et utilisées par le Dr Lewis dans l'établissement du taux de 3,6 pour cent, une valeur de 3,636... .↑
- Le professeur Katzmarzyk a indiqué que les récents résultats de l'Enquête nationale sur la santé de la population ne portait pas sur la prévalence des différentes catégories d'obésité. Cela dit, les données de 2005 que vient de publier Statistique Canada ont fait état d'un taux global de prévalence de l'obésité de 24 pour cent au sein de la catégories d'obésité des classes 1 à III. Les différences entre les chiffres du tableau 1 pour les classes I à III de 2004, dans le premier rapport du professeur Allison, et les chiffres pour les mêmes classes en 2005 sont minimes.↑
- Sturm et al. (2004), utilisant les données du United States of America Behaviour Risk Surveillance Survey↑
- Le professeur Allison a utilisé les données provenant de l'enquête NHANES III des É.-U. de 1991 comme éléments substituts pour la population canadienne actuelle, en termes de dimensions corporelles, et a utilisé des données brutes de l'enquête pour créer un sous-ensemble de 16 233 adultes qui ne sont pas enceintes et qui sont âgés de plus de 18 ans pour lesquels il n'y avait pas de données manquantes sur la largeur biacromiale (distance entre les épaules), la largeur biiliaque (entre les hanches), le tour de taille, le tour de fesses et le tour de cuisse.↑
- Selon l'enquête NHANES III menée aux É.-U., le professeur Allison a défini « déficience fonctionnelle » par des exemples de personnes qui avaient de la difficulté à marcher 10 pas sans prendre de pause, à soulever un poids de 10 livres, à se déplacer d'une pièce à l'autre sur un étage, qui avaient besoin d'un appareil, comme une canne ou une marchette, pour se déplacer ou qui utilisaient un fauteuil roulant.↑
- La largeur frontale des sièges d'Air Canada était de 17,75 pouces à 18,125 pouces, et celle des sièges de WestJet était de 17,25 pouces à 17,312 pouces.↑
- Pour les besoins du calcul, le taux de 75,732 (24 439 244 ÷ 32 270 507) a été retenu, celui-ci étant le quotient obtenu de la division du nombre défini comme étant la population adulte canadienne composée de personnes âgées de 20 ans et plus par le nombre représentatif de la population canadienne en 2005, selon Statistique Canada (Statistiques démographiques annuelles, 2005, catalogue no 91-213-XIB [p. 50]↑
- Le rapport Goss Gilroy signale que 17,7 pour cent des personnes ayant une déficience ne voyagent pas sur de longues distances en raison de leur état ou d'un problème de santé.↑
- Les transports au Canada 2005, rapport annuel, page 91. Publié par Transports Canada.↑
- Dans la présente décision, l'élasticité par rapport au prix est exprimée sous forme de nombres positifs ou absolus.↑
- L'analyse de l'Office semble indiquer que la prise en considération des 1 124 voyages effectués dans le cadre de la politique d'Air Canada sur les tarifs aériens des Accompagnateurs dans les calculs réduirait les pertes de revenus de moins de 95 000 $.↑
- 1 124 personnes ont réclamé une réduction de 50 pour cent dans le cadre de la politique d'Air Canada sur les tarifs aériens des accompagnateurs au cours de la période de 12 mois allant de mai 2005 à avril 2006.↑
- Centre des statistiques de l'aviation de Statistique Canada : Bulletin de service, publication 51-004, volume 37, numéro 4↑
- Ministère des Finances du Canada, « Élasticités de la demande de transport aérien de passagers : concepts, problèmes et mesure » (www.fin.gc.ca/consultresp//Airtravel/airtravStdy_f.html)↑
- Cette méthode est conforme à la méthodologie qui est abordée dans la section débutant au paragraphe 483 pour établir le trafic passagers intérieur du transporteur aérien sous forme de pourcentage du trafic passagers total.↑
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