Décision n° 567-AT-A-2002

le 23 octobre 2002

Décision renversée - Décision de la Cour d'appel fédérale (2006CAF 8)

le 23 octobre 2002

DEMANDE présentée par Linda McKay-Panos conformément aux paragraphes 172(1) et (3) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, au sujet des sièges que lui a assignés Air Canada sur les vols effectués entre Calgary (Alberta) et Ottawa (Ontario) en août 1997 et de la politique de ce même transporteur d'exiger des prix plus élevés aux passagers qui requièrent plus d'espace assis en raison de leur obésité.

Référence no U3570/97-21


DEMANDE

Le 19 novembre 1997, Linda McKay-Panos a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé.

Le 12 décembre 1997, Air Canada a demandé une prolongation jusqu'au 23 janvier 1998 pour déposer sa réponse à la demande, ce à quoi l'Office a acquiescé par la décision no LET-A-334-1997 du 16 décembre 1997.

Le 23 janvier 1998, Air Canada a déposé sa réponse à la demande, et le 3 février 1998, Mme McKay-Panos y a répliqué.

À la suite de ces plaidoiries, l'Office a entamé une série de consultations qui avaient comme objectif de recueillir des renseignements supplémentaires qui l'aideraient dans sa décision. Ces consultations sont expliquées dans la décision no 646-AT-A-2001 du 12 décembre 2001 (ci-après la décision de Calgary).

Cette demande a soulevé, pour la première fois auprès de l'Office, la question de savoir si l'obésité constitue une déficience aux termes de la partie V de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC). Afin d'aborder cette question, l'Office a tenu une audience publique à Calgary du 24 au 27 septembre et du 1er au 3 octobre 2001. À la suite de cette audience, l'Office a rendu la décision de Calgary le 12 décembre 2001. Dans cette dernière décision, l'Office, à la lumière des témoignages d'experts entendus et contestés au cours de l'audience, a conclu que l'obésité proprement dite ne constitue pas une déficience aux termes de la partie V de la LTC, mais que certaines personnes obèses peuvent avoir une déficience en raison de leur obésité. L'Office a aussi indiqué qu'il allait donc étudier, en fonction de chaque cas pris individuellement, la question de savoir si une personne qui est obèse est aussi une personne ayant une déficience aux termes des dispositions sur le transport accessible de la LTC.

Conformément à la décision de Calgary, l'Office a décidé d'ouvrir des plaidoiries pour déterminer si Mme McKay-Panos a une déficience. Mme McKay-Panos a déposé son mémoire sur cette question le 29 janvier 2002. Air Canada a répondu au mémoire de Mme McKay-Panos le 1er mars 2002 et Mme McKay-Panos y a répliqué le 20 mars 2002.

Simultanément, le 20 décembre 2001, le Conseil des Canadiens avec déficiences (ci-après le CCD) a fait une demande pour intervenir dans ce dossier. Le 27 décembre 2001, l'Office a fait part aux parties de la demande du CCD et les a invitées à déposer leurs commentaires sur celle-ci. Air Canada a déposé ses commentaires sur la demande du CCD le 9 janvier 2002. Mme McKay-Panos n'a déposé aucun commentaire. Dans sa décision no LET-AT-A-21-2002 du 23 janvier 2002, l'Office a refusé d'octroyer le statut d'intervenant au CCD.

QUESTION

L'Office doit déterminer si Mme McKay-Panos a une déficience aux fins de la partie V de la LTC.

POSITIONS DES PARTIES

Mme McKay-Panos

Mme McKay-Panos explique qu'elle a communiqué avec Air Canada le 14 juin 1997 pour réserver un billet aller-retour afin de voyager entre Calgary et Ottawa, partant de Calgary le 21 août 1997 et y revenant le 24 août 1997. Mme McKay-Panos affirme que pendant la conversation téléphonique, elle a mentionné à l'agent d'Air Canada son poids et sa taille et a demandé si les sièges seraient assez grands pour elle. Elle a aussi offert d'acheter deux sièges de classe économique ou un siège dans la classe affaires. Mme McKay-Panos indique que l'agent lui a répondu qu'elle n'avait pas besoin d'acheter deux sièges puisqu'un siège près cloison fournit plus d'espace que tout autre siège en classe économique. Mme McKay-Panos ajoute que l'agent d'Air Canada lui a confirmé que des sièges près cloison sont assignés aux personnes plus larges.

Mme McKay-Panos soutient que lorsqu'elle est montée à bord de l'aéronef à Calgary le 21 août 1997, elle a eu beaucoup de difficulté à s'asseoir dans le siège qui lui avait été assigné. Elle indique que ni elle ni la personne assise à côté d'elle ne pouvaient utiliser les tablettes parce que ses hanches dépassaient l'accoudoir, là où sont repliées les tablettes dans les rangées de sièges près cloison. Elle s'est aussi fait heurtée par les agents de bord ou leur chariot. Elle explique que pendant l'escale d'une heure à Toronto, elle a beaucoup souffert et a dû rester debout tout au long de cette heure. Lorsque l'aéronef a décollé pour la portion Toronto-Ottawa du voyage, on lui a offert un siège disponible dans la classe affaires.

Mme McKay-Panos indique que le 22 août 1997, elle « [traduction] a terriblement souffert et a été incapable de sortir de son lit pendant plusieurs heures ». Elle affirme que, de ce fait, elle a appelé Air Canada afin de prendre des dispositions pour son vol de retour et qu'à ce moment-là, on l'a avisée que le vol était survendu et qu'on ne pouvait pas changé son siège pour un autre en classe économique. L'employé d'Air Canada lui a toutefois fait savoir qu'elle pouvait acheter un siège en classe affaires pour le tronçon Toronto-Calgary du vol de retour. Mme McKay-Panos ajoute que lorsqu'elle est arrivée à l'aéroport d'Ottawa le 24 août 1997, elle a demandé au préposé à l'enregistrement au comptoir d'Air Canada si des changements de sièges pouvaient être effectués pour répondre à ses besoins. Selon Mme McKay-Panos, on lui a répondu qu'aucun changement de siège n'était possible puisque le vol était survendu, mais on lui a dit qu'elle pourrait refaire sa demande à l'arrivée de son vol à l'aéroport de Toronto. Mme McKay-Panos affirme qu'à son arrivée à Toronto, Air Canada a refusé de la transférer dans la classe affaires sans payer un surplus. Par conséquent, elle a acheté un billet en classe affaires pour le tronçon Toronto-Calgary de son vol pour un montant de 972$.

Mme McKay-Panos maintient que la décision de Calgary indique que l'Office utilisera la classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (ci-après la CIF) élaborée par l'Organisation mondiale de la santé (ci-après l'OMS). Le modèle de la CIF tient compte de trois éléments pour déterminer si une personne a une déficience ou non : l'invalidité, les limitations d'activité et les restrictions de participation.

En ce qui concerne l'élément d'invalidité, Mme McKay-Panos indique que l'obésité est une invalidité aux termes de l'analyse de la déficience et qu'elle présente une obésité morbide depuis 1997, ce qui est confirmé par son médecin. Pour ce qui est des limitations d'activité, Mme McKay-Panos soutient que l'activité en l'espèce est l'exigence d'être assise dans un siège en tant que passagère. Elle fait référence à son expérience décrite plus haut, surtout à la difficulté qu'elle a eue à s'asseoir dans le siège passager, les douleurs qu'elle a ressenties, la difficulté qu'elle a eu à atteindre la tablette et au fait que les agents de bord l'ont heurtée, pour étayer ses limitations face à cette activité. Quant aux restrictions de participation, Mme McKay-Panos explique qu'elle a souffert d'être limitée dans son accès au transport public au Canada. Cette limite est démontrée dans les difficultés qu'elle a eues au moment d'organiser son voyage.

Mme McKay-Panos maintient qu'elle a souffert à cause des stéréotypes, qu'elle a été la cible de discrimination et qu'elle a été traitée de manière impolie et empreinte de jugement. Mme McKay-Panos affirme qu'elle n'a pas été traitée avec dignité à cause de son obésité. Finalement, les frais supplémentaires pour acheter un deuxième siège en classe économique ou un siège en classe affaires signifient qu'elle ne peut pas participer équitablement aux voyages aériens, une activité qui est disponible aux Canadiens ordinaires à des fins professionnelles et personnelles. Mme McKay-Panos conclut qu'elle satisfait aux exigences de la CIF et, donc, qu'elle a une déficience.

Air Canada

Air Canada explique que sa politique concernant les personnes qui requièrent plus d'espace assis est d'offrir l'option d'acheter un deuxième siège à 50 pour cent du prix adulte total ou à 100 pour cent du tarif excursion applicable. Aussi, un seul siège peut être acheté en classe plein service ou, lorsque cela est possible, l'utilisation de deux sièges pour le prix d'un seul est autorisée si un siège est disponible.

Air Canada indique que l'expérience de Mme McKay-Panos a poussé la compagnie aérienne à réviser l'information fournie aux clients qui sont obèses. Air Canada déclare que lorsqu'elle a réalisé que même s'il est approprié d'assigner des sièges près cloison aux personnes qui nécessitent un siège supplémentaire pour transporter un article fragile, par exemple un instrument de musique, il n'en va pas de même lorsque le deuxième siège est nécessaire à cause de la taille du passager. Afin de prévenir qu'une telle situation se reproduise, Air Canada a donné une nouvelle directive à ses employés soulignant le fait que de tels sièges ne sont pas appropriés pour les personnes qui sont obèses et en a aussi avisé l'agent qui a recommandé à Mme McKay-Panos de réserver un siège près cloison.

À propos des circonstances du vol du 21 août 1997, Air Canada affirme que le coefficient d'occupation de ce vol était de 98,5 pour cent, ce qui a probablement contribué au fait qu'aucun autre siège n'a pu être offert à Mme McKay-Panos par le personnel de bord. Air Canada indique aussi que la demande présentée par Mme McKay-Panos pour acheter un billet en classe plein service pour le tronçon Toronto-Calgary de son vol a été considérée en priorité. Aussi, Air Canada a donné une nouvelle directive au personnel de bord qui prévoit que lorsque des personnes obèses sont assises dans les sièges près cloison, on doit offrir un autre siège à cette personne qui est préférablement adjacent à un siège libre. Finalement, Air Canada a offert à Mme McKay-Panos un remboursement de 972 $, le coût de son billet en classe affaires.

Air Canada considère que la méthode suivie par Mme McKay-Panos pour convaincre l'Office qu'elle a une déficience ne tient pas compte du mandat de l'Office défini à l'article 170 de la LTC. Air Canada affirme que l'Office ne peut pas tenir compte de l'obstacle au moment de déterminer si Mme McKay-Panos a une déficience ou non et il ne peut pas examiner la structure tarifaire d'Air Canada à cette étape puisque ces facteurs sont seulement pertinents au moment de l'analyse du caractère indu de l'obstacle. Si l'Office accepte cette méthode, cela rendrait inefficace l'exigence d'une déficience prévue à l'article 170 de la LTC.

Air Canada se base aussi sur l'affaire Cook v. Rhode Island, 10 F. 3d 17 (1st Cir. 1993) pour illustrer le fait que lorsque les tribunaux ont accepté l'obésité comme étant une déficience, il n'était question que des attitudes, des stéréotypes et des préjudices auxquels font face les personnes obèses. Air Canada soutient qu'il n'a pas été prouvé que les attitudes étaient discriminatoires et qu'elles ont mené à des restrictions de participation. Après avoir examiné les allégations de Mme McKay-Panos au sujet des restrictions de participation, Air Canada conclut que la seule preuve présentée par Mme McKay-Panos est reliée à l'obstacle. Air Canada affirme que Mme McKay-Panos n'a pas réussi à identifier de limitations d'activité ou de restrictions de participation propres à appuyer l'argument selon lequel est une personne ayant une déficience.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

Mandat de l'Office

Les arguments présentés par Mme McKay-Panos semblent être basés sur une interprétation de la décision de Calgary qui, selon elle, permet à l'Office de conclure qu'elle a une déficience en appliquant simplement la CIF. L'Office accepte qu'il doit interpréter la partie V de la LTC de façon générale et en fonction de l'objet visé, mais l'Office doit déterminer jusqu'à quel point et de quelle manière la CIF doit être utilisée pour interpréter l'intention de la partie V de la LTC.

Dans la décision de Calgary, l'Office a fait référence à son mandat législatif. L'Office a soulevé les points suivants afin d'expliquer, en partie, sa conclusion dans cette décision.

L'article 5 de la LTC établit la politique des transports du Canada. Les parties suivantes sont celles qui sont pertinentes :

Il est déclaré que, d'une part, la mise en place d'un réseau sûr, rentable et bien adapté de services de transport viables et efficaces, accessibles aux personnes ayant une déficience, utilisant au mieux et aux moindres frais globaux tous les modes de transport existants, est essentielle à la satisfaction des besoins des expéditeurs et des voyageurs - y compris des personnes ayant une déficience - en matière de transports comme à la prospérité et à la croissance économique du Canada et de ses régions, et, d'autre part, que ces objectifs sont plus susceptibles de se réaliser en situation de concurrence de tous les transporteurs, à l'intérieur des divers modes de transport ou entre eux, à condition que, compte dûment tenu de la politique nationale, des avantages liés à l'harmonisation de la réglementation fédérale et provinciale et du contexte juridique et constitutionnel : ... g) les liaisons assurées en provenance ou à destination d'un point du Canada par chaque transporteur ou mode de transport s'effectuent, dans la mesure du possible, à des prix et selon des modalités qui ne constituent pas : ...

(ii) un obstacle abusif à la circulation des personnes, y compris les personnes ayant une déficince, ...

Il est en outre déclaré que la présente loi vise la réalisation de ceux de ces objectifs qui portent sur les questions relevant de la compétence législative du Parlement en matière de transports.

En ce qui concerne le transport des personnes ayant une déficience, l'objectif de la LTC est de rendre le réseau de transport du Canada accessible à ces personnes. Cependant, cette accessibilité ne doit pas être illimitée. L'article 5 de la LTC fait ainsi référence aux obstacles abusifs et non à tous les obstacles. Aussi, l'alinéa 5g) de la LTC oblige chaque transporteur à ne pas créer, dans la mesure du possible, d'obstacles abusifs. Ces critères indiquent qu'un transporteur n'a pas une obligation absolue, mais qu'elle est modulée par les circonstances. Dans l'affaire VIA Rail Canada Inc. c. Office national des transports [2001] 2 C.F. 25, aux pages 40 et 41, la Cour fédérale d'appel a commenté l'article 3 de la Loi de 1987 sur les transports nationaux, L.R.C. (1985), ch. 28 (3e suppl.). Dans ses sections pertinentes, cette disposition est similaire à l'article 5 de la LTC :

[39] Pour déterminer si l'obstacle était indu, l'Office aurait dû d'abord examiner l'objet poursuivi par la Loi sur les transports nationaux. Cet objet est exposé au paragraphe 3(1), qui prévoit que le réseau de transport national devrait être, entre autres choses, rentable, bien adapté, viable et efficace. Le réseau doit répondre aux besoins de tous les voyageurs, y compris ceux ayant une déficience. À mon avis, la possibilité que les objectifs économiques et commerciaux de la Loi, les besoins des passagers n'ayant pas de déficiences et ceux des passagers qui en ont, puissent être incompatibles dans certaines circonstances a été envisagée par le Parlement et elle est l'objet de l'alinéa 3(1)g). Cette disposition prévoit que chaque transporteur, dans la mesure du possible, doit exploiter son entreprise selon des modalités qui ne constituent pas un obstacle abusif à la mobilité des personnes ayant une déficience. L'utilisation des mots « dans la mesure du possible », qui s'ajoute à l'emploi du terme « abusif », me conforte encore dans mon opinion que l'Office devait pondérer les intérêts des deux parties pour que la prise en compte des intérêts de l'une n'entraîne pas une contrainte disproportionnée pour l'autre.

L'Office est d'avis que cela signifie que la politique des transports du Canada peut être interprétée de façon générale afin d'accomplir ses objectifs. Cependant, l'Office ne peut pas, en adoptant une interprétation des dispositions de la LTC de façon générale et en fonction de l'objet visé, dépasser les paramètres fixés par le Parlement.

La partie V de la LTC établit la politique concernant le transport accessible des personnes ayant une déficience. Lus parallèlement, les articles 170 et 172 de la LTC donnent à l'Office les pouvoirs concurrents de prendre des règlements afin d'éliminer les obstacles abusifs aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience dans le réseau de transports fédéral et de faire des enquêtes sur des sujets qui pourraient faire l'objet de règlements. Dans le dernier cas, l'Office a, en vertu du paragraphe 172(3) de la LTC, le pouvoir accessoire d'ordonner des mesures correctives ou le versement d'une indemnité destinée à couvrir les frais supportés par une personne ayant une déficience en raison de l'obstacle abusif.

Pour agir en vertu de l'article 172 de la LTC et ordonner des mesures correctives, l'Office doit être satisfait des éléments suivants :

  1. Il y a une personne ayant une déficience;
  2. Cette personne a fait face à un obstacle;
  3. Cet obstacle était abusif.

Ces trois étapes sont clairement délimitées par le Parlement et l'Office doit prendre la LTC telle qu'elle est. Dans l'affaire Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Brocklehurst, [2002] 2 C.F. 141 et dans l'affaire Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Gordon Moffatt, et al, la Cour fédérale d'appel a réaffirmé que l'Office, en tant que tribunal administratif, ne peut pas modifier ou ajouter quoi que ce soit à la LTC sans agir en dehors de ses pouvoirs.

La décision de Calgary

C'est en ayant le cadre législatif en tête que l'Office doit maintenant appliquer la méthode élaborée dans la décision de Calgary. L'extrait suivant de cette décision établit les principes directeurs et la conclusion.

RÉSUMÉ DES CONSTATATIONS

En conclusion, l'Office détermine :

(i) que la preuve produite sur la question de savoir si l'obésité est une maladie et au sujet de l'association entre l'obésité et les problèmes de santé, notamment les comorbidités et la qualité de vie liée à la santé, a été instructive sur la question de l'obésité, mais qu'elle ne permet pas de déterminer si l'obésité est une déficience aux termes de la partie V de la LTC;

(ii) qu'il faut qu'il y ait invalidité pour qu'il y ait déficience aux termes de la partie V de la LTC;

(iii) qu'une invalidité à elle seule ne suffit pas à conclure que l'obésité est une déficience aux termes de la partie V de la LTC;

(iv) que d'après la preuve produite, les personnes obèses ne se heurtent pas forcément à des limitations d'activité et/ou à des restrictions de participation dans le cadre du réseau fédéral de transport;

(v) que, pour déterminer qu'une personne obèse a une déficience aux termes de la LTC, il est nécessaire de démontrer que la personne se heurte à des limitations d'activité et/ou des restrictions de participation dans le cadre du réseau fédéral de transport;

(vi) qu'une preuve factuelle de l'existence de limitations d'activité et/ou des restrictions de participation est nécessaire pour conclure qu'une personne obèse est une personne ayant une déficience.

CONCLUSION

L'Office conclut, à la lumière des plaidoiries des parties et de la preuve entendue et contestée au cours de l'audience, que l'obésité en soi n'est pas une déficience aux termes de la partie V de la LTC. Néanmoins, l'Office estime que la preuve suggère qu'il y a sans doute des personnes dans la population des personnes obèses qui ont une déficience aux termes de la partie V de la LTC, laquelle peut être attribuée à leur obésité.

Par conséquent, l'Office continuera d'étudier, en fonction de chaque cas pris individuellement, la question de savoir si une personne obèse est une personne ayant effectivement une déficience aux termes des dispositions sur le transport accessible de la LTC.

Il est important de mentionner que des concepts comme « l'invalidité », « les limitations d'activité » et « les restrictions de participation » sont pris dans la CIF. La CIF combine les composantes des modèles médical et social des déficiences. Contrairement au modèle médical qui se concentre seulement sur le problème médical de la personne, la CIF regarde le problème médical (appelé l'invalidité par la CIF) pour ensuite considérer les limitations d'activité découlant de l'invalidité. Les limitations d'activité sont définies comme les difficultés qu'une personne rencontre lorsqu'elle exécute une tâche ou une action. Finalement, en ce qui concerne les restrictions de participation, on examine la participation de la personne dans des situations de la vie pour évaluer comment la participation de cette personne est restreinte. Dans la décision de Calgary, l'Office a mentionné que « [traduction] la CIF pourrait lui être utile à l'avenir dans son analyse des questions de déficience ».

La CIF est une classification polyvalente conçue pour servir plusieurs disciplines et différents secteurs. Dans un document intitulé « CIF - Introduction », l'OMS explique :

Bien que la CIF soit en fait une classification des états de santé et des états liés à la santé, elle est également utilisée par des secteurs comme les assurances, la sécurité sociale, le monde du travail, l'éducation, l'économie, la politique sociale et le développement législatif en général, ainsi que la modification de l'environnement. C'est la raison pour laquelle elle a été acceptée comme l'une des classifications sociales par les Nations Unies, que l'on s'y réfère et qu'elle intègre les Règles pour l'égalisation des chances des handicapés.7Ainsi, la CIF fournit un instrument approprié pour la mise en œuvre tant des mandats internationaux en matière de droits humains que dans le domaine des législations nationales.

La CIF est donc utile pour toute une gamme d'applications différentes, par exemple la sécurité sociale, l'évaluation et la maîtrise des dépenses de santé, les enquêtes de populations aux niveaux local, national et international. Elle propose un cadre conceptuel de l'information applicable aux soins de santé individuels, y compris la prévention, la promotion de la santé et l'amélioration de la participation, puisqu'elle permet de lever ou d'atténuer les obstacles posés par la société et qu'elle encourage la mise en place de systèmes d'aide sociale et de facilitateurs. Elle est également utile pour étudier les systèmes de santé, qu'il s'agisse de les évaluer ou de formuler des politiques.

Puisque la portée et les objectifs de la CIF sont très généraux, l'Office est d'avis que la CIF doit être appliquée avec prudence car son mandat est limité par le Parlement au domaine très précis du transport. Si l'Office retenait la CIF comme son principal cadre pour l'application de la LTC, cela entraînerait l'abrogation des pouvoirs du Parlement en ajoutant dans la législation un élément extérieur que le Parlement n'a jamais considéré.

Il est clair pour l'Office que Mme McKay-Panos se fonde sur la CIF dans le but d'élaborer sa position selon laquelle elle a une déficience. L'Office note que Mme McKay-Panos a présenté ses arguments en expliquant que l'obésité est une invalidité et que ses limitations d'activité découlent de l'obligation de rester assise dans un siège qui est trop petit pour elle. Mme McKay-Panos affirme aussi que cela cause aussi des restrictions de participation parce qu'elle ne peut pas avoir accès au réseau de transport du Canada comme les autres Canadiens.

Si l'Office devait accepter le fait que Mme McKay-Panos a appliqué correctement la CIF à sa situation, il semble que Mme McKay-Panos a présumé que satisfaire aux normes de la CIF voudrait dire qu'elle serait considérée une personne ayant une déficience aux termes de la partie V de la LTC. Cependant, l'Office n'a jamais suggéré que cela serait la conclusion lorsqu'il a décrit la CIF comme un outil « utile » dans la décision de Calgary. Permettre que le modèle de la CIF soit un facteur déterminant pour décider si un individu est une personne ayant une déficience créerait, de fait, une catégorie de personnes, c'est-à-dire les personnes obèses, comme étant des personnes ayant une déficience aux termes de la partie V de la LTC. L'Office a pourtant déclaré explicitement dans la décision de Calgary que l'obésité, en soi, n'est pas une déficience aux termes de la partie V de la LTC.

L'Office n'accepte pas cette façon d'agir parce que cela oblige l'Office, lorsqu'il évalue la déficience d'une personne, à se concentrer sur l'obstacle, c'est-à-dire le siège. Une telle approche passe outre les trois étapes délimitées par la LTC qui suggèrent à l'Office de considérer l'obstacle au moment d'évaluer l'obstacle et non pas à l'étape où il doit évaluer la déficience d'un demandeur. Ce n'est pas l'obstacle qui rend une personne sourde, aveugle ou paraplégique et l'Office n'est pas d'accord pour dire que ce devrait être différent dans le cas de l'obésité. L'Office estime que la CIF, un outil utile, doit être lue parallèlement avec la LTC et non le contraire. Autrement, cela équivaudrait à dire que la CIF a préséance sur la LTC, une conclusion que l'Office, en tant que tribunal administratif, n'a pas l'autorité d'entériner. Dans le cadre de la partie V de la LTC, avant que l'Office discute de l'obstacle, il doit avoir, au préalable, déterminer que Mme McKay-Panos est effectivement une personne ayant une déficience.

L'Office juge que d'être incapable de s'asseoir confortablement dans un siège n'est pas une preuve suffisante de l'existence d'une déficience puisque plusieurs personnes sont inconfortables dans le siège à cause, entre autres, de la grandeur du siège et de l'espace pour les jambes. La question à laquelle on doit répondre ici est distincte de la question de service reliée à la taille des sièges dans un aéronef.

Mme McKay-Panos est-elle une personne ayant une déficience aux termes de la partie V de la LTC?

Mme McKay-Panos a déposé auprès de l'Office une lettre signée par son médecin qui confirme que le 12 août 1997, elle présentait une obésité morbide. La décision de Calgary conclut que l'obésité, en soi, n'est pas une déficience mais que certaines personnes dans la population des personnes qui sont obèses peuvent avoir une déficience. L'Office note ici que la décision de Calgary fait précisément référence à des « personnes » qui pourraient répondre aux critères de la partie V de la LTC. Cependant, elle ne permet pas de créer un sous-groupe de personnes obèses, par exemple ceux qui présentent une obésité morbide, pour les inclure de façon prioritaire.

La décision de Calgary précise aussi que pour conclure qu'une personne qui est obèse est aussi une personne ayant une déficience il faut une preuve factuelle de limitations d'activité et de restrictions de participation. Lorsqu'il considère la preuve soumise par Mme McKay-Panos, l'Office note que la majorité de la preuve portant sur les limitations d'activité est reliée au siège qui, comme mentionné plus haut, n'est pas pertinent à la question de savoir si elle a une déficience au sens de la LTC.

De plus, l'Office estime que Mme McKay-Panos n'a pas mentionné de limitations d'activité liées à l'accès du réseau de transport. Mme McKay-Panos peut d'elle même, comme la majorité des Canadiens, accéder aux aéroports, enregistrer ses bagages, se présenter aux points de sûreté dans les aéroports et se rendre à la porte d'embarquement. Dans les circonstances de ce cas, et à la lumière de ce qui précède, l'Office détermine que Mme McKay-Panos n'a pas de déficience aux termes de la partie V de la LTC.

Pour en arriver à cette conclusion, l'Office ne met pas en doute le fait que Mme McKay-Panos peut avoir des problèmes de santé et des invalidités, et subir des limitations ou des restrictions causés par son obésité. Cependant, Mme McKay-Panos n'a pas présenté de preuve persuasive qui démontre qu'elle est une personne ayant une déficience aux termes de la partie V de la LTC. Vu le mandat de l'Office en vertu de la LTC, l'Office conclut qu'elle n'a pas de déficience au sens de la LTC.

En conséquence, l'Office, par les présentes, rejette la demande.

OPINION DISSIDENTE DE GILLES DUFAULT

J'ai examiné tous les éléments de preuve versés au dossier depuis que la demande a été déposée le 19 novembre 1997. J'ai lu la décision et les raisons de la majorité et j'exprime respectueusement ma dissidence à l'égard des raisons et de la conclusion de la majorité. En conséquence, je me dissocie de la décision rendue dans cette affaire.

Contexte

Linda McKay-Panos affirme que son obésité est une déficience au sens de la partie V de la LTC. Pour la première fois depuis que l'Office national des transports du Canada a été mandaté pour trancher les questions de transport accessible en 1988, cette demande a obligé l'Office à effectuer un examen plus approfondi de ce qui devrait être dans son cadre d'analyse lorsqu'il détermine si une personne a une déficience. Jusqu'au moment où Mme McKay-Panos a déposé sa demande en novembre 1997, l'existence d'une déficience n'était généralement pas contestée parce que les demandeurs étaient tous assujettis à des conditions qui rendaient évident ou qui laissaient accepter le fait qu'ils étaient des personnes ayant une déficience.

Pour en arriver à ma propre conclusion, j'ai examiné le dossier de Mme McKay-Panos en entier. L'historique de cette demande et des plaidoiries dont l'Office a été saisi est résumé dans la décision de l'Office no 646-AT-A-2001, qui aborde la question préliminaire de savoir si l'obésité est une déficience. Cette décision a été rendue à la suite d'une audience tenue à Calgary et pour cette raison, comme la majorité, je l'appellerai la « décision de Calgary ». D'autres plaidoiries ont été déposées après la publication de la décision de Calgary pour donner l'occasion aux parties de faire des présentations sur la question de savoir si Mme McKay-Panos a une déficience au sens de la partie V de la LTC.

Résumé des questions

Je tiens à dire, dès le départ, qu'il y a plusieurs questions essentielles sur lesquelles je ne suis pas d'accord avec la majorité. Pour des raisons de clarté, je les énumérerai ci-dessous et je les traiterai par la suite séparément en détail.

1. La décision de Calgary

Selon moi, l'Office (en l'occurrence, les mêmes membres qui examinent la présente affaire) a fait trois autres constatations à l'unanimité que je juge importantes. Ces trois constatations sont les suivantes :

  1. La partie V de la LTC est, de par sa nature, un texte législatif sur les droits de la personne.
  2. En tant que texte législatif sur les droits de la personne, la partie V de la LTC doit recevoir une interprétation large, libérale et fondée sur l'objet visé;
  3. La classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (ci-après la CIF) de l'Organisation mondiale de la santé a été acceptée aux fins de la question de juridiction et pourrait être utile à l'avenir dans l'analyse par l'Office des questions de déficience.

La majorité, en parvenant à sa conclusion dans la présente affaire, a choisi d'interpréter et d'appliquer ces constatations d'une façon qui, selon moi, est totalement incompatible avec la décision de Calgary et avec les principes de ces mêmes constatations.

2. L'utilisation du modèle de la CIF dans le cas de Mme McKay-Panos

L'Office, dans la décision de Calgary, a clairement retenu le modèle de l'analyse de la déficience contenu dans la CIF et, en fait, a basé son résumé des constatations sur ce modèle. Cependant, la majorité a décidé de ne pas appliquer la CIF au cas de Mme McKay-Panos.

Je ne suis pas d'accord avec cette démarche. Je suis d'avis que le modèle de la CIF fournit un cadre analytique utile, convenable et important pour l'Office en général et, en particulier, dans le cas de Mme McKay-Panos.

3. Le siège

Air Canada a soutenu, et la majorité est d'accord, que le siège de l'aéronef ne peut pas être considéré dans l'analyse de l'Office pour déterminer si Mme McKay-Panos est une personne ayant une déficience puisque le siège est seulement pertinent au moment de la détermination ultérieure de savoir si la personne s'est heurtée à un obstacle dans le réseau de transport. Air Canada a affirmé que ce même facteur ne pouvait être utilisé dans l'analyse de la déficience et dans l'analyse de l'obstacle.

J'estime que le siège de l'aéronef fait partie intégrante de l'expérience d'un voyage par avion et qu'il convient tout à fait que l'Office, lorsqu'il évalue les capacités d'une personne (que ces capacités soient inhérentes, comme dans le cas des limitations d'activité, ou imposées par la société, comme dans le cas des restrictions de participation), examine le siège au moment de déterminer si une personne a une déficience au sens de la partie V de la LTC.

Discussion sur les questions

1. La décision de Calgary

a) La partie V de la LTC est, de par sa nature, un texte législatif sur les droits de la personne

Le rôle de l'Office est, en grande partie, d'être le régulateur économique du réseau de transport fédéral au Canada. Son mandat se trouve majoritairement dans la LTC. Cette loi comprend la partie V, qui confie à l'Office le mandat d'éliminer les obstacles abusifs aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience dans le réseau de transport fédéral. De plus, la politique nationale de transport, telle qu'énoncée dans l'article 5 de la LTC, prévoit, entre autres objectifs, que le réseau de transport fédéral doit être accessible, sans obstacles abusifs, aux personnes ayant une déficience.

L'Office n'est pas un tribunal des droits de la personne, mais le Parlement lui a confié un mandat d'une telle nature dans la partie V de la LTC. À mon avis, le fait que l'Office soit obligé, en vertu de l'article 171 de la LTC, de coordonner ses activités avec celles de la Commission des droits de la personne en ce qui concerne le transport des personnes ayant une déficience confirme clairement la nature de ce mandat. Par conséquent, j'estime que la partie V de la LTC est incontestablement un texte législatif sur les droits de la personne.

b) En tant que texte législatif sur les droits de la personne, la partie V de la LTC doit recevoir une interprétation large, libérale et fondée sur l'objet visé;

L'Office a fait cette constatation dans la décision de Calgary comme principe directeur à appliquer dans l'interprétation de sa législation. Cette constatation était fondée sur des arrêts de la Cour suprême du Canada. Par ailleurs, je fais remarquer qu'Air Canada était d'accord pour que ce principe soit appliqué au travail de l'Office aux termes de la partie V de la LTC. Aux pages 1491-1492 des transcriptions de l'audience de Calgary, l'avocat d'Air Canada a déclaré :

[traduction] Nous ne suggérons pas que vous devriez utiliser une interprétation restrictive ou conservatrice. Nous reconnaissons qu'au moins un des objectifs principaux de la partie V de la Loi sur les transports du Canada est de retirer les obstacles abusifs et qu'il s'agit d'un texte législatif important qui devrait être interprété de façon générale, libérale et fondée sur l'objet visé. Nous n'avons rien contre cela.

Je suis d'accord avec la majorité lorsqu'elle déclare que « l'Office ne peut pas, en adoptant une interprétation des dispositions de la LTC de façon générale et en fonction de l'objet visé, dépasser les paramètres fixés par le Parlement. » (page 5 de la présente décision). Cependant je fais remarquer que le Parlement, en adoptant les dispositions sur l'accessibilité de la LTC, n'a pas défini le concept de déficience pour l'Office. Selon moi, le Parlement a plutôt confié cette tâche à l'Office, tâche qui doit être accomplie dans le contexte de l'exécution de son mandat aux termes de la partie V de la LTC. Ainsi, le Parlement a permis à l'Office d'adopter l'interprétation large, libérale et en fonction de l'objet visé qu'il estime nécessaire pour s'assurer que cet important concept soit défini et appliqué au fil du temps et dans le contexte de la société telle qu'elle est au moment de l'interprétation et non pas figé dans le temps au moment où la loi a été adoptée.

c) La CIF

Dans la décision de Calgary, l'Office a déterminé que la CIF pourrait lui être utile à l'avenir dans l'analyse des questions de déficience. L'Office en a conclu ainsi pour plusieurs raisons comme l'indique la décision de Calgary. Par exemple, l'Office a reconnu que les limitations d'activité ou les restrictions de participation vécues par une personne pourraient être pertinentes au moment de déterminer si un problème médical constitue une déficience. La Cour suprême du Canada a également adopté cette démarche pour identifier et analyser la déficience. Enfin, Air Canada a elle-aussi accepté cette démarche pour analyser la déficience (question qui sera abordée en détail ci-après). À la page 1491 des transcriptions de l'audience de Calgary, l'avocat d'Air Canada a indiqué :

[traduction] Premièrement, nous acceptons, aux fins de cette audience, le modèle de la CIF. Nous n'enjoignons pas le comité à prendre une approche biomédicale ou autre. Nous vous demandons d'évaluer la preuve que nous avons déposée auprès de vous en vertu des lignes directrices interprétatives du modèle de la CIF.

L'avocat d'Air Canada a même étoffé cette déclaration avec l'interprétation d'Air Canada de la LTC et de la CIF, mais il n'en demeure pas moins qu'Air Canada a convenu que le modèle de la CIF constitue une ligne directrice appropriée pour fins d'analyse des questions de déficience par l'Office.

J'estime que l'Office a retenu le modèle de la CIF dans la décision de Calgary. Dans le résumé des constatations fourni par l'Office dans la décision de Calgary, et reproduit aux pages 6 et 7 de la présente décision, l'Office a fait état de la nécessité de trouver des invalidités et des limitations d'activité ou des restrictions de participation afin de conclure qu'un individu est une personne ayant une déficience aux termes de la partie V de la LTC. En procédant ainsi, l'Office a expressément utilisé la langue et les notions du modèle de l'analyse de la déficience de la CIF dans les alinéas (ii), (iii), (iv), (v) et (vi) de ces constatations.

Finalement, compte tenu de l'orientation fournie par l'Office dans la décision de Calgary, on peut comprendre pourquoi les présentations ultérieures de Mme McKay-Panos se concentraient sur l'analyse de la déficience selon la CIF.

2. L'utilisation de la CIF dans le cas de Mme McKay-Panos

Je considère que la CIF est un modèle approprié que l'Office devrait utiliser dans le cas de Mme McKay-Panos.

La CIF est un modèle de l'analyse de la déficience axé sur la participation et le mandat de l'Office est clairement axé sur la participation. Même si la majorité a déjà cité l'introduction à la CIF de l'Organisation mondiale de la santé dans la présente décision, elle est tellement importante pour moi que je crois qu'il vaut la peine de la répéter ici :

Bien que la CIF soit en fait une classification des états de santé et des états liés à la santé, elle est également utilisée par des secteurs comme les assurances, la sécurité sociale, le monde du travail, l'éducation, l'économie, la politique sociale et le développement législatif en général, ainsi que la modification de l'environnement. C'est la raison pour laquelle elle a été acceptée comme l'une des classifications sociales par les Nations Unies, que l'on s'y réfère et qu'elle intègre les Règles pour l'égalisation des chances des handicapés. Ainsi, la CIF fournit un instrument approprié pour la mise en œuvre tant des mandats internationaux en matière de droits humains que dans le domaine des législations nationales.

La CIF est donc utile pour toute une gamme d'applications différentes, par exemple la sécurité sociale, l'évaluation et la maîtrise des dépenses de santé, les enquêtes de populations aux niveaux local, national et international. Elle propose un cadre conceptuel de l'information applicable aux soins de santé individuels, y compris la prévention, la promotion de la santé et l'amélioration de la participation, puisqu'elle permet de lever ou d'atténuer les obstacles posés par la société et qu'elle encourage la mise en place de systèmes d'aide sociale et de facilitateurs. Elle est également utile pour étudier les systèmes de santé, qu'il s'agisse de les évaluer ou de formuler des politiques.[soulignement ajouté]

Même s'il s'agit seulement d'une brève introduction de la CIF provenant de l'Organisation mondiale de la santé, le témoignage de Jerome Bickenbach, le concepteur du modèle socio-politique de l'analyse de la déficience qui est la base de la CIF, et celui d'autres personnes lors de l'audience de Calgary, démontrent clairement que la CIF s'applique très bien au travail de l'Office aux termes de la partie V de la LTC.

La question de l'obésité est très complexe et la preuve recueillie à l'audience de Calgary souligne ce fait. Étant donné la nature et le mandat de l'Office, nous, en tant que membres de l'Office, ne sommes pas des experts médicaux ni des experts en matière de politique sociale. Le fait que nous pouvons choisir, à un moment ou à un autre, d'appliquer les normes ou les modèles élaborés pour aider à la détermination qui doit être faite dans l'exercice de notre mandat n'entraînerait pas « l'abrogation des pouvoirs du Parlement en ajoutant dans la législation un élément extérieur que le Parlement n'a jamais considéré. » comme l'affirme la majorité à la page 8 de la présente décision. J'estime plutôt qu'il s'agit d'une approche nécessaire et prudente à la prise de décisions pour assurer la qualité des décisions prises dans des cas souvent divers, complexes et parfois techniques. Je crois que l'utilisation d'un cadre analytique comme le modèle de la CIF est similaire à l'utilisation par l'Office des modèles économiques basés sur le marché dans la détermination de la méthodologie du coût du capital ou des principes de comptabilité généralement acceptés et ainsi de suite dans d'autres secteurs complexes et techniques.

De plus, l'utilisation d'un modèle d'analyse de la déficience comme la CIF est, selon moi, nécessaire pour évaluer si les conditions physiques qui ne sont pas des déficiences évidentes, comme l'obésité, sont des déficiences aux termes de la partie V de la LTC.

Je note que cette approche a été récemment appuyée par la Cour suprême du Canada. Dans l'affaire Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); et dans l'affaire Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), [2000] 1 R.C.S. 665 (Boisbriand), la Cour suprême du Canada énonce ce qui suit au sujet de la CIF et de son utilisation :

74 La communauté internationale se réfère de plus en plus à la classification de l'Organisation mondiale de la santé (« OMS ») intitulée Classification internationale des handicaps : déficiences, incapacités et désavantages - Manuel de classification des conséquences des maladies (1980). À titre d'exemple, l'Organisation des Nations Unies, dans le cadre de l'Année internationale des personnes handicapées, a adopté un Programme d'action mondial concernant les personnes handicapées, Rés. A.G. 37/52 (1982), qui vise à favoriser la rééducation et à promouvoir l'égalité des personnes atteintes de handicap tel que défini par l'OMS : Proulx, loc. cit., aux pp. 324 à 328.

75 On retrouve la définition suivante du terme « désavantage » (« handicap » en anglais) dans la Classification internationale des handicaps :

Dans le domaine de la santé, le désavantage social d'un individu est le préjudice qui résulte de sa déficience ou de son incapacité et qui limite ou interdit l'accomplissement d'un rôle considéré comme normal compte tenu de l'âge, du sexe et des facteurs socio-culturels.

76 Je suis entièrement d'accord avec le juge Philippon qu'il ne faut pas enfermer le motif de « handicap » dans une définition étanche et dépourvue de souplesse. Au lieu de créer une définition exhaustive de ce concept, il me semble plus utile de proposer des lignes directrices qui faciliteront l'interprétation tout en permettant aux tribunaux d'adapter la notion de handicap selon divers facteurs biomédicaux, sociaux ou technologiques. Compte tenu de l'avancement rapide de la technologie biomédicale et, plus particulièrement, de la technologie génétique et du fait que ce qui aujourd'hui constitue un handicap peut l'être ou ne pas l'être demain, une définition trop étanche ne servirait pas nécessairement l'objet de la Charte en cette matière.

77 Ces lignes directrices pourraient être en accord de façon plus générale avec le modèle socio-politique que propose J. E. Bickenbach, Physical Disability and Social Policy (1993). Ce n'est toutefois pas dire qu'il faille écarter les fondements biomédicaux du « handicap » mais plutôt souligner que, pour les fins de la Charte, il importe d'aller au-delà de ce seul critère. C'est alors qu'une approche multidimensionnelle qui tient compte de l'élément socio-politique s'avère très pertinente. En mettant l'emphase sur la dignité humaine, le respect et le droit à l'égalité, plutôt que sur la condition biomédicale tout court, cette approche reconnaît que les attitudes de la société et de ses membres contribuent souvent à l'idée ou à la perception d'un « handicap ». Ainsi, une personne peut n'avoir aucune limitation dans la vie courante sauf celles qui sont créées par le préjudice et les stéréotypes.

Ces commentaires sont faits au sujet du concept de « handicap » tel qu'il se trouve dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, L.R.Q., ch. C-12, mais j'estime qu'ils sont toujours pertinents à la question dont l'Office est présentement saisi puisqu'il est peu important de savoir si quelqu'un utilise le terme « handicap » ou « déficience ».

À mon avis, les directives de la Cour suprême du Canada sur la question appuient clairement la pertinence de l'application par l'Office du modèle de la CIF lorsqu'il est saisi de la question de savoir si un demandeur, comme Mme McKay-Panos, a une déficience. De plus, comme je l'ai mentionné plus tôt, Air Canada appuyait cette approche.

Cependant, à l'audience de Calgary et dans sa présentation du 1er mars 2002, Air Canada a élaboré une proposition fondée sur le mandat de l'Office. Air Canada a affirmé que, puisque la LTC établit une distinction entre l'existence de la déficience et le fait qu'il y ait un obstacle, il serait mal avisé pour l'Office de se concentrer sur l'obstacle (dans le cas actuel, le siège) et d'en conclure l'existence d'une déficience. La majorité a retenu cette proposition, mais, à mon avis, cette proposition est sans fondement et je ne peux pas l'accepter.

Partant, si Air Canada admet que la partie V de la LTC devrait être interprétée de façon libérale et en fonction de l'objet visé par le législateur et que le modèle de la CIF devrait fournir des lignes directrices interprétatives à l'Office, il me semble qu'Air Canada contredit ces deux propositions lorsqu'elle suggère que l'Office devrait adopter une approche stricte lorsqu'il interprète le mandat qui lui est conféré par la loi et qu'il devrait retirer de son analyse la composante pertinente des limitations d'activité ou des restrictions de participation que la CIF oblige à examiner, c'est-à-dire le siège. Cela représente un oui théorique et un non pratique en même temps de la part d'Air Canada.

Dans la décision de Calgary, l'Office a indiqué que la CIF était un outil utile pour l'Office dans son analyse des questions de déficience. Cependant, l'Office n'a pas indiqué que la CIF avait la priorité sur la LTC. De plus, l'application du cadre analytique fourni par la CIF aux tâches de l'Office ne signifierait pas que la CIF a priorité sur la LTC. La décision de Calgary ne fait pas obstacle à la discrétion de l'Office et, en appliquant la CIF, l'Office n'agirait pas au delà de sa compétence. Cela signifierait plutôt que l'Office exercerait pleinement sa compétence en choisissant de suivre les recommandations de la Cour suprême du Canada qui considère que le modèle socio-politique proposé par J. E. Bickenbach et incorporé dans la CIF est approprié et en reconnaissant que la CIF fournit une orientation utile pour déterminer si une personne a une déficience.

3. Le siège

À mon avis, l'accessibilité du réseau de transport fédéral signifie que chaque phase du cycle de transport est accessible et permet à une personne ayant une déficience de voyager entre le point A et le point B dans un mode de transport public sans se heurter à des obstacles abusifs.

Il est évident que le cycle de transport fait intervenir plusieurs composantes pertinentes comme, au point d'origine, l'accès à l'aéroport, l'enregistrement des bagages, les contrôles aux points de sécurité et l'embarquement dans l'aéronef pour accéder au siège; au cours du voyage lui-même, demeurer assis conformément aux exigences réglementaires et l'accès aux commodités à bord; et, au point de destination, descendre de l'aéronef, sortir du secteur de sûreté et récupérer ses bagages. À mon avis, parmi ces composantes, le siège est l'élément le plus important et est crucial à l'expérience de transport lorsqu'on voyage à bord d'un aéronef.

La majorité considère qu'une fois que Mme McKay-Panos a accédé à l'aéroport, enregistré ses bagages et embarqué dans l'aéronef, elle a accédé au réseau de transport fédéral. Je ne suis pas d'accord. Je ne vois en effet aucune raison valable pour laquelle la majorité a retiré le siège de son analyse, surtout si on tient compte du fait que le Règlement de l'aviation canadien, DORS/96-433 oblige les passagers, pour des raisons de sécurité évidentes, d'être assis et de boucler leur ceinture une fois dans l'aéronef (voir les paragraphes 605.22, 605.25 et 705.40 du Règlement de l'aviation canadien). Contrairement à la majorité, j'estime que le siège fait partie intégrante du réseau de transport fédéral et le fait d'y accéder est essentiel à toute personne voyageant par avion. Le siège ne peut pas être banalisé comme une simple question de service puisqu'il n'est pas moins important à l'accessibilité du réseau de transport aérien que les escaliers ou la passerelle d'embarquement menant à l'aéronef et, à cet égard, la structure de la porte de l'aéronef.

Air Canada a suggéré que l'obstacle est le siège lui-même plutôt que d'associer le siège avec les limitations d'activité ou les restrictions de participation conformément au modèle de la CIF. Lorsqu'elle parlait de la CIF lors de l'audience à Calgary, Air Canada utilisait l'exemple d'un ton monotone pour illustrer que ce problème peut limiter la capacité d'une personne à être acteur shakespearien, mais que cela n'aurait aucune conséquence si la même personne était un avocat qui rédige des mémoires. Dans les deux cas, l'invalidité est comparée aux éléments essentiels de l'activité à effectuer afin d'évaluer la capacité d'une personne à participer dans cette activité. C'est pourquoi la CIF est axée sur la participation. C'est aussi pourquoi il est impossible d'ignorer le siège, comme Air Canada le suggère, au moment de déterminer si oui ou non un passager d'une compagnie aérienne a vécu des limitations d'activité ou des restrictions de participation parce que le fait d'être assis dans le siège fait partie intégrante de l'expérience du voyage. Qui plus est, si l'on doit accepter la proposition d'Air Canada voulant que le siège même soit l'obstacle et donc, qu'il ne peut être considéré au moment d'évaluer la déficience d'un demandeur, on excluerait toutes les plaintes liées aux sièges provenant d'une personne obèse.

Comme on le mentionne plus haut, avant la décision de Calgary, l'existence de la déficience était évidente dans la plupart, sinon toutes, les plaintes d'accessibilité que l'Office a examinées (à cet égard, mes collègues citent des exemples de personnes aveugles, sourdes et paraplégiques - tous des cas de déficience évidente). La CIF et le modèle socio-politique de déficience exigent qu'on examine la déficience dans son contexte. Comme l'illustre l'exemple du ton monotone cité par Air Canada, qu'on a vu plus haut, une personne peut avoir une déficience (faire face à des limitations d'activité et/ou des restrictions de participation liées à une déficience) dans un contexte mais pas dans un autre. La décision de Calgary a reconnu cela. Cette même décision a aussi reconnu que l'existence de limitations d'activité ou de restrictions de participation doit être attestée dans le contexte du réseau de transport fédéral. Dans la plupart des cas, il est difficile, parfois impossible, de dissocier l'obstacle du contexte.

De plus, la LTC n'interdit pas à l'Office d'examiner les obstacles ou d'y faire référence dans sa détermination de savoir si une personne a une déficience aux termes de la partie V de la LTC et dans le contexte du réseau de transport fédéral. Je soutiens pour ma part que d'examiner une déficience sans faire aucun renvoi à l'obstacle rend l'exercice inutile, c'est-à-dire sans tenir compte du contexte qui semble si nécessaire lorsqu'on utilise le modèle de la CIF de l'analyse de la déficience.

Constatations

Conformément à mon analyse ci-dessus, j'examinerai maintenant le cas de Mme McKay-Panos afin de déterminer si elle a une déficience aux termes de la partie V de la LTC. La décision de Calgary a établi les critères pour faire cette détermination. Je prendrai chacun de ces critères et je les appliquerai au cas de Mme McKay-Panos.

(i) Il faut qu'il y ait invalidité pour qu'il y ait déficience aux termes de la partie V de la LTC

La CIF, que l'Office, dans la décision de Calgary, a reconnue comme un outil utile dans l'analyse des questions de déficience, offre les définitions suivantes :

Les déficiences désignent des problèmes des fonctions organiques ou des structures anatomiques, comme un écart ou une perte importante. Le terme organique se réfère à l'ensemble de l'organisme humain et englobe donc le cerveau et ses fonctions. Les fonctions organiques désignent les fonctions physiologiques des systèmes organiques, y compris les fonctions psychologiques. Les structures anatomiques désignent les parties du corps humain, telles que les organes, les membres et leurs composantes. Les déficiences représentent des écarts par rapport à certaines normes généralement acceptées de l'état biomédical du corps et de ses fonctions. (CIH, page 10)

Dans la CIF, les problèmes de poids sont considérés comme étant une fonction du corps et sont classés sous la catégorie « Fonctions des systèmes digestif, métabolique et endocrinien ». Dans la classification no b530 « Fonctions de maintien du poids », la CIF inclut les fonctions de maintien d'un indice de masse corporelle [IMC] acceptable et les déficiences comme l'insuffisance pondérale, la cachexie, l'amaigrissement, l'excès pondéral, l'émaciation ainsi que l'obésité primaire et secondaire. (CIH, page 65) Donc, selon la CIF, les personnes obèses ont une invalidité.

Mme McKay-Panos a déposé un document signé par son médecin qui confirme qu'en août 1997, elle présentait une obésité morbide. Cette preuve n'a pas été contredite par Air Canada. Lors de l'audience à Calgary, l'Office a entendu des témoignages concernant l'impact important de l'obésité morbide sur les fonctions d'une personne. Il a alors été clairement démontré qu'en raison du nombre de problèmes médicaux et autres auxquels elles font face, les personnes qui présentent une obésité morbide ont un haut niveau de difficulté fonctionnelle. L'obésité morbide se situe à une extrémité de l'échelle et touche trois pour cent de la population selon des statistiques fournies à l'audience par le Dr David Allison, un témoin expert d'Air Canada. Cette condition « [traduction] représente une déviation de certaines normes généralement acceptées par la population dans la structure biomédicale du corps et de ses fonctions ». D'après ce qui précède, je n'ai aucune difficulté à conclure que Mme McKay-Panos a une invalidité.

Je note que cette constatation crée en effet une catégorie de personnes qui ont une invalidité, c'est-à-dire ceux qui présentent une obésité morbide. Cependant, un individu qui appartient à cette catégorie de personnes, limitée ici à ceux qui présentent une obésité morbide, doit respecter, à titre individuel, les prochaines étapes de l'analyse afin d'être considéré une personne ayant une déficience aux termes de la partie V de la LTC. Donc, je suis en désaccord avec la majorité lorsqu'elle suggère que « [...] le modèle de la CIF [...] créerait, de fait, une catégorie de personnes, c'est-à-dire les personnes obèses, comme étant des personnes ayant une déficience aux termes de la partie V de la LTC. » (page 8 de la présente décision)

Je note aussi la présentation de Mme McKay-Panos du 13 décembre 2000 dans laquelle elle soutient que son obésité est un symptôme d'un autre problème médical, c'est-à-dire le syndrome de Stein Leventhal, ou syndrome des ovaires polykystiques. Ce fait n'est pas nécessaire pour arriver à la conclusion que Mme McKay-Panos a une invalidité selon la CIF, mais cela appuie clairement la constatation d'une composante biomédicale et souligne la complexité de sa condition.

(ii) Une invalidité à elle seule ne suffit pas à conclure que l'obésité est une déficience aux termes de la partie V de la LTC

À la lumière de ma conclusion en (i), j'examinerai maintenant les prochaines étapes de l'analyse :

(iii) Pour déterminer qu'une personne obèse a une déficience aux termes de la LTC, il est nécessaire de démontrer que la personne se heurte à des limitations d'activité ou à des restrictions de participation dans le contexte du réseau fédéral de transport

(iv) Une preuve factuelle de l'existence de limitations d'activité ou de restrictions de participation est nécessaire pour conclure qu'une personne obèse est une personne ayant une déficience

La CIF définit les limitations d'activité comme étant les difficultés qu'une personne peut rencontrer, lorsqu'elle exécute une tâche, en raison d'une invalidité, évaluées par rapport à la norme généralement acceptée par la population. La norme par rapport à laquelle la capacité ou la performance d'une personne est évaluée consiste en la capacité ou la performance d'une personne qui n'a pas un problème de santé similaire. La CIF dit clairement que l'analyse de la déficience doit prendre en compte l'objectif qu'une personne a en tête et, en acceptant d'utiliser le modèle comme guide, on doit regarder les activités de la personne.

Selon la CIF, les restrictions de participation sont des problèmes auxquels une personne peut se heurter dans la vie de tous les jours à la suite des limitations d'activité. L'objectif des restrictions de participation est d'évaluer comment les limitations d'activité affectent la capacité d'une personne à participer à des situations de la vraie vie. Comme pour les limitations d'activité, la CIF évalue les restrictions de participation par rapport à la norme généralement acceptée par la population. De cette façon, si une personne, à cause de ses limitations d'activité, a des difficultés lors de son voyage qu'une personne normale n'a pas, on peut dire que cette personne éprouve des restrictions de participation.

L'intention générale d'un voyageur est de voyager du point A au point B. À cet égard, une compagnie aérienne a pour rôle de transporter des personnes d'un point d'origine à un point de destination. Lorsqu'un passager achète un billet d'avion, il loue un espace à bord de l'aéronef pour être transporté du point A au point B. Dans un aéronef, l'espace loué consiste en un siège et toutes les caractéristiques et commodités qui y sont associées, que ces caractéristiques ou commodités soient intégrées au siège, comme la tablette, les écouteurs ou les prises pour les ordinateurs et la ceinture de sécurité, ou que ces commodités soient des secteurs de service, comme la salle de toilettes.

J'estime qu'un siège d'aéronef est plus qu'une simple chaise. Un siège d'aéronef est l'environnement dans lequel un passager vit pour la durée du vol et le siège a effectivement été conçu et construit pour cette raison. À cause de l'espace limité dans les aéronefs, toutes les activités et le bien-être du passager sont centrés sur le siège que le passager occupe. De plus, le passager est obligé de s'asseoir dans ce siège et de boucler sa ceinture dans les circonstances prescrites par le règlement de sécurité aérienne.

S'asseoir dans le siège et accéder aux caractéristiques ou aux commodités y intégrées constituent les activités essentielles d'un passager à bord d'un aéronef durant la plus grande partie du voyage et, en conséquence, le siège doit être considéré en relation à sa conception et aux commodités qu'il offre à un passager moyen. Les sièges d'un aéronef comme ceux à bord desquels Mme McKay-Panos a voyagé les 21 et 24 août 1997 ont été conçus pour que les passagers moyens puissent effectuer les fonctions suivantes :

  1. s'asseoir dans le siège et d'en sortir facilement pour des raisons de sécurité;
  2. s'asseoir dans le siège sans être inconfortable ou ressentir de la douleur;
  3. brancher des écouteurs et/ou un ordinateur;
  4. incliner le siège;
  5. utiliser la tablette pour lire, écrire ou manger;
  6. respecter les règles de sécurité à bord de l'aéronef qui demandent que les passagers soient assis et qu'ils aient bouclé leur ceinture dans les circonstances prescrites.

Pour déterminer si un passager ayant une invalidité a fait face à des limitations d'activité, il faut d'abord établir si le passager peut effectuer les fonctions susmentionnées. La preuve incontestée de Mme McKay-Panos sur les circonstances de ses vols et sur les difficultés auxquelles elle a fait face en prenant place dans le siège qui lui a été assigné me mène à conclure qu'elle ne pouvait pas effectuer la plupart des fonctions susmentionnées. Elle ne pouvait pas utiliser un siège d'aéronef comme la personne moyenne pour qui le siège est conçu. Elle s'est donc heurtée à des limitations d'activité.

De plus, l'impact de ces difficultés sur la capacité de Mme McKay-Panos de voyager est important. Le fait qu'elle n'ait pu prendre place dans le siège qui lui était assigné pour son vol de retour à Calgary vient appuyer cette constatation. Elle s'est donc heurtée également à des restrictions de participation.

Conclusion

Pour les raisons susmentionnées, je conclus que Mme McKay-Panos a une déficience aux termes de la partie V de la LTC. En conséquence, j'aurais examiné les autres questions de savoir si elle s'est heurtée à des obstacles et, dans l'affirmative, de savoir si ces obstacles étaient abusifs.

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