Décision n° 387-AT-A-2003
le 30 juin 2003
Référence no U3570/02-54
DEMANDE
Le 5 décembre 2002, Lonnie Nelligan a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande décrite dans l'intitulé. La demande de M. Nelligan comprenait des copies de l'échange qu'il avait eu avec un représentant du transporteur aérien à l'automne de 2002 au sujet de cet incident, y compris des copies de l'itinéraire, du rapport de bagages retardés qu'il avait rempli le 2 septembre 2002 et du certificat pour le crédit d'impôt des personnes handicapées.
Le 6 janvier 2003, K.L.M. Royal Dutch Airlines (ci-après KLM) a répondu à la demande, en fournissant des copies de l'échange avec M. Nelligan, du dossier passager de ce dernier et de l'article 16 du contrat de transport, soit sa politique sur la limite de responsabilité du transporteur relativement aux bagages endommagés. Le 20 janvier 2003, KLM a déposé des extraits de son manuel de traitement des passagers, y compris des sections portant sur la manutention des bagages et le traitement des passagers qui requièrent une attention particulière. Le 28 janvier 2003, M. Nelligan a répliqué à la réponse de KLM.
Le 2 avril 2003, KLM a transmis un autre mémoire à l'Office, y compris une copie de son manuel révisé des relations avec la clientèle en date du 3 mars 2003. M. Nelligan a commenté ce mémoire à la même date.
Le 14 avril 2003, M. Nelligan a fourni une copie d'une facture en date du 8 avril 2003 émise par la Hamilton Health Sciences Corporation pour le coût de remplacement de la pièce manquante de sa prothèse. Le 30 mai 2003, KLM a indiqué par écrit que M. Nelligan serait pleinement remboursé.
Le 3 juin 2003, en réponse à une demande formulée par le personnel de l'Office, KLM a déposé des commentaires en matière tarifaire concernant la possibilité de déroger aux limites de responsabilité établies à l'égard des bagages enregistrés dans le cas de réclamations qui visent des appareils fonctionnels .
Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai pour une période indéterminée.
QUESTIONS PRÉLIMINAIRES
Bien que M. Nelligan et KLM aient tous deux déposé des mémoires après les délais prescrits, l'Office, en vertu de l'article 8 des Règles générales de l'Office national des transports, DORS/88-23 (ci-après les Règles générales), les accepte, les jugeant pertinents et nécessaires à son examen de la présente affaire.
Quant à la demande de M. Nelligan relative à une indemnisation pour perte de salaire, la compétence de l'Office en vertu du paragraphe 172(3) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC) se limite au remboursement des frais encourus par une personne ayant une déficience en raison d'un obstacle abusif. L'Office est d'avis que le terme « frais » contenu dans le libellé du paragraphe 172(3) de la LTC s'applique aux débours ou à une quelconque dépense qui réduisent les biens totaux d'une personne. Ainsi, il ne peut être interprété comme signifiant la valeur du travail d'une personne, la perte de temps ou des dommages comparables qui pourraient autrement être réclamés pour d'autres voies. Par conséquent, l'Office conclut qu'il n'est pas habilité à examiner la demande de M. Nelligan voulant que KLM soit tenue de lui rembourser la perte de salaire.
QUESTION
L'Office doit déterminer si la perte de la pièce manquante de la prothèse de M. Nelligan a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement et, dans l'affirmative, quelles mesures correctives s'imposent.
FAITS
M. Nelligan est un amputé et porte une prothèse. Lorsqu'il voyage, il en transporte une de rechange qui est démontée. Celle-ci consiste en un genou en titane, un membre inférieur et une emboîture.
M. Nelligan voyageait avec KLM de Glasgow en Écosse à Toronto au Canada (via Amsterdam) le 2 septembre 2002. À l'aéroport de Glasgow, M. Nelligan a consigné un bagage contenant la prothèse susmentionnée, en s'assurant de la déclarer et de l'étiqueter comme aide à la mobilité. La valise contenait également un sac fourre-tout renfermant les outils connexes, le lubrifiant, des pièces de rechange et deux sacs en plastique avec divers souvenirs. À l'arrivée à Toronto, M. Nelligan a été informé que ses bagages n'étaient pas à bord du vol et un représentant de KLM lui a demandé de remplir le formulaire de déclaration des bagages retardés.
Le transporteur a par la suite retrouvé les bagages de M. Nelligan et, le 4 septembre 2002, ils lui ont été livrés. Cependant, la valise de M. Nelligan qui contenait la prothèse de rechange avait été endommagée et M. Nelligan a constaté qu'il y manquait plusieurs pièces, dont le genou en titane.
Par lettre du 23 octobre 2002, le superviseur des services de bagages de KLM a avisé M. Nelligan que KLM n'avait pas été en mesure de retracer ses biens et qu'on lui rembourserait la valeur des objets perdus, jusqu'à concurrence de la responsabilité maximale du transporteur se chiffrant à 9,07 $ la livre ou 20 $ le kilogramme relativement aux bagages enregistrés. Ce montant correspond à celui prévu dans le tarif no NTA(A) 311 de KLM et dans sa politique sur la responsabilité à l'égard des bagages. Par conséquent, KLM a émis un chèque à M. Nelligan au montant de 640 $US, soit la responsabilité maximale prévue dans son tarif.
Dans une lettre du 31 octobre 2002, M. Nelligan accuse réception du chèque, indiquant toutefois qu'il ne l'encaisserait que lorsqu'il aurait été pleinement remboursé pour le coût du genou en titane de la prothèse.
Le 3 mars 2003, KLM a modifié son manuel des relations avec la clientèle afin de permettre aux agents d'excéder la limite de responsabilité pour la perte de dispositifs médicaux ou d'appareils fonctionnels ou les dommages à ceux-ci. Le chapitre 4.1.1 du manuel des relations avec la clientèle de KLM, lequel porte sur les plaintes et les réclamations relatives aux bagages des passagers ayant une déficience, prévoit ce qui suit :
En cas de dommage ou de perte d'un appareil fonctionnel ou d'un dispositif médical, KLM excédera les limites de responsabilité. En principe, le montant réclamé sera payé, lorsqu'il aura été démontré qu'il y a effectivement eu des dommages, et sera porté au compte des dommages ou de la perte de bagages, selon le cas.
KLM a indiqué qu'elle enverrait un autre chèque à M. Nelligan sur réception d'une facture ou d'une évaluation des coûts des pièces devant être remplacées. Le 14 avril 2003, M. Nelligan a déposé une facture pour le remplacement du genou en titane de sa prothèse se chiffrant à 1 596,45 $CAN.
Le 30 mai 2003, KLM a ajouté qu'elle rembourserait les frais suivants :
Coût de la prothèse (genou en titane) : 1162,00 $US
Coûts de remplacement d'autres pièces : 299,00 $US
Le 3 juin 2003, en réponse a une demande formulée par le personnel de l'Office, KLM a indiqué que sa responsabilité à l'égard de tout bagage se limite au poids des bagages enregistrés et que son acceptation d'assumer une plus grande responsabilité relativement à tout appareil fonctionnel est volontaire. Ainsi, seul le manuel des relations avec la clientèle fait état de cette politique et non le tarif du transporteur. KLM a également indiqué qu'elle allait modifier son tarif dans un avenir rapproché en raison de la mise en œuvre prévue de la Convention de Montréal et qu'à ce moment-là elle discuterait des appareils fonctionnels avec ses conseillers juridiques.
POSITIONS DES PARTIES
M. Nelligan déclare qu'il avait consigné deux bagages à l'aéroport de Glasgow. Il ajoute que ceux-ci étaient verrouillés et que leur contenu était intact au moment de l'enregistrement. De plus, il a déclaré que le plus petit contenait une aide à la mobilité et que l'agent l'a étiqueté en conséquence. M. Nelligan indique qu'à son arrivée à Toronto, on l'a avisé que les bagages n'étaient pas à bord du vol et qu'il a rempli la paperasserie nécessaire pour déclarer la perte de ses bagages. Alors que le préposé au comptoir l'avait initialement avisé que ses bagages lui seraient livrés à domicile le 3 septembre 2002, M. Nelligan avait dû prendre des arrangements avec son voisin pour les recevoir le 4 septembre 2002, car il serait absent.
M. Nelligan souligne que lorsque les bagages ont été livrés, son voisin a constaté qu'un des cadenas manquait. Il ajoute que le voisin n'accepterait la livraison qu'après avoir indiqué sur le récépissé que le messager lui a remis qu'il manquait un cadenas.
M. Nelligan indique que le genou en titane de sa prothèse de rechange n'était pas dans le bagage non verrouillé et étiqueté de la mention qu'il contenait une aide à la mobilité. M. Nelligan ajoute qu'il a immédiatement rapporté la perte au service de messagerie et que, le jour suivant, un représentant non identifié de cette compagnie lui a téléphoné et déclaré que lorsqu'il avait ouvert le bagage aux fins de vérification par Douanes Canada, tout était là. M. Nelligan indique que son interlocuteur refusait de répondre à ses questions. De plus, il se demande comment le représentant du service de messagerie aurait pu savoir si le contenu de la valise était intact ou non.
M. Nelligan fait valoir que la perte du genou en titane de sa prothèse de rechange lui a occasionné des dépenses additionnelles et d'autres inconvénients. Il explique que sa prothèse doit régulièrement être vérifiée en atelier et qu'il porte la prothèse de rechange entre-temps. M. Nelligan explique qu'il s'écoule normalement cinq à sept jours pour ce faire et que cela explique pourquoi il voyage avec une prothèse de rechange. Depuis la perte du genou en titane de sa prothèse de rechange, il a dû s'absenter du travail pendant deux jours, alors que cette pièce de la prothèse qu'il portait faisait l'objet d'une mise au point. Il ajoute qu'il doit être à l'atelier pendant que les techniciens démontent la prothèse, font les ajustements nécessaires et la remontent. Cette procédure prend deux à trois heures. En outre, si toutefois le genou en titane de sa prothèse requiert de nouvelles pièces, il est sans prothèse jusqu'à ce que les pièces soient reçues. M. Nelligan déclare que l'attente à l'atelier est à la fois nouvelle et inhabituelle tant pour lui que pour les techniciens.
M. Nelligan reconnaît que KLM a traité l'incident avec diligence. Cependant, il avait initialement soutenu que le transporteur ne l'avait pas indemnisé adéquatement pour le coût du genou en titane de sa prothèse, soit environ 1 500 $CAN. Finalement, bien que KLM ait accepté de lui rembourser le coût total du remplacement de cette pièce, M. Nelligan indique qu'il a perdu deux journées de salaire pendant que l'on s'affairait à reconstruire la pièce de la prothèse qu'il portait, soit 340 $ additionnels qu'il souhaite toucher.
KLM avait initialement indiqué que M. Nelligan avait reçu le montant maximal pour la réclamation de bagages. De plus, bien que le montant de 640 $ US ne constitue pas nécessairement l'équivalent de la perte qu'a subie M. Nelligan, il a été établi en fonction du poids des bagages figurant sur le formulaire rempli par M. Nelligan. KLM indique qu'à ce moment-là son tarif ne contenait aucune disposition visant le paiement du coût réel d'un article perdu, sauf si un tel article avait été déclaré et que les frais connexes avaient été payés avant le voyage.
Cependant, KLM a par la suite revu sa politique et modifié son manuel des relations avec la clientèle, en date de mars 2003. Ainsi, les agents sont maintenant autorisés à excéder les limites de responsabilité pour la perte d'appareils fonctionnels ou de dispositifs médicaux ou les dommages à ceux-ci. Par conséquent, KLM déclare qu'elle remboursera pleinement M. Nelligan, y compris les coûts liés au remplacement du genou en titane et des autres pièces.
CONCLUSION
L'Office note qu'après avoir reçu la plainte de M. Nelligan, KLM a reconnu la nécessité de modifier sa politique afin de permettre d'excéder la limite de responsabilité à l'égard de la perte des appareils fonctionnels ou des dispositifs médicaux ou des dommages à ceux-ci, ce qu'elle a fait de sa propre initiative. L'Office note plus précisément que KLM a modifié son manuel des relations avec la clientèle par l'ajout du chapitre 4.1.1 qui prévoit qu'en cas de perte ou de dommage d'appareils fonctionnels ou de dispositifs médicaux, KLM excédera la limite de responsabilité qui s'applique normalement aux bagages perdus ou endommagés.
L'Office est d'avis que la modification de la politique de KLM dénote l'importance que revêt l'aide à la mobilité d'une personne ayant une déficience, une prothèse par exemple, pour assurer son autonomie. De plus, l'Office est d'avis que la nouvelle politique de KLM permettra d'empêcher le dépôt de plaintes comme celle de M. Nelligan sur l'insuffisance de l'indemnisation relative à la perte d'un appareil fonctionnel ou d'un dispositif médical d'une personne, ou aux dommages à ceux-ci. L'Office note que KLM a offert de rembourser à M. Nelligan le plein montant du genou en titane de sa prothèse et l'en félicite.
De plus, l'Office note que KLM a indiqué qu'elle modifiera son tarif prochainement en prévision de la mise en œuvre de la Convention de Montréal. Elle en profitera pour discuter des appareils fonctionnels à ce moment-là.
À la lumière des mesures proactives que KLM a prises afin de régler la plainte de M. Nelligan, et de tenter de régler le problème systématiquement dans son manuel des relations avec la clientèle, l'Office n'entend pas poursuivre le dossier.
Membres
- Guy Delisle
- Keith Penner
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