Décision n° 4-R-2024
Demande déposée par Mirine Cho contre Canadian Pacific Kansas City Limited (CPKC) concernant le bruit et les vibrations
Résumé
[1] Mirine Cho a déposé une demande auprès de l’Office des transports du Canada (Office) au titre de la Loi sur les transports au Canada (LTC) concernant le bruit et les vibrations produits par l’exploitation de CPKC, dont de prétendus travaux de construction, près de sa résidence, vers le point milliaire 49 de la subdivision Adirondack de CPKC, à Mont‑Royal (Québec).
[2] Mme Cho réclame une ordonnance de l’Office qui interdirait à CPKC d’exploiter des trains ou d’effectuer des travaux de construction dans le secteur entre 23 h 30 et 6 h.
[3] CPKC fait valoir qu’elle limite les vibrations et le bruit produits à un niveau raisonnable, compte tenu de ses obligations relatives au niveau de services, de ses besoins en matière d’exploitation, et des caractéristiques du secteur. CPKC soutient que la demande devrait être rejetée.
[4] Pour les motifs énoncés ci‑après, l’Office conclut que les vibrations et le bruit produits par l’exploitation de CPKC ont causé une perturbation importante à Mme Cho à sa résidence, mais qu’ils sont à un niveau raisonnable compte tenu du secteur, ainsi que des obligations relatives au niveau de services et des besoins en matière d’exploitation de CPKC. Par conséquent, l’Office rejette la demande.
Observation préliminaire
[5] Dans sa demande, Mme Cho fait référence à des travaux de construction effectués près de sa résidence par CPKC entre les 11 et 22 juin 2023. CPKC a précisé qu’elle faisait des travaux d’entretien et non de construction durant cette période. Mme Cho n’a pas remis en question la déclaration de CPKC. Par conséquent, l’Office fera référence aux travaux comme étant des travaux d’entretien.
Contexte
[6] La résidence de Mme Cho est une unité dans un immeuble de condos du 245, chemin Bates, situé à environ 100 mètres de la ligne de chemin de fer de CPKC.
[7] La subdivision Adirondack a été construite en 1882. D’autres compagnies de chemin de fer utilisent les voies de CPKC dans ce secteur, mais la plainte de Mme Cho porte essentiellement sur le transport ferroviaire de marchandises effectué durant la nuit par CPKC et sur les travaux d’entretien qui ont eu lieu entre les 11 et 22 juin 2023.
La loi
[8] La LTC impose à une compagnie de chemin de fer l’obligation de limiter les vibrations et le bruit produits à un niveau raisonnable compte tenu de ses obligations relatives au niveau de services, de ses besoins en matière d’exploitation et du lieu d’exploitation du chemin de fer.
[9] La LTC prévoit également que si l’Office reçoit une plainte et qu’il conclut qu’une compagnie de chemin de fer ne respecte pas les obligations que lui impose la LTC de limiter le bruit et les vibrations, il peut ordonner à la compagnie de chemin de fer d’apporter à la construction ou à l’exploitation de son chemin de fer toute modification que l’Office estime raisonnable.
[10] Le cadre législatif et la politique nationale des transports contenue dans la LTC établissent clairement que, dans l’exercice de son mandat dans les dossiers relatifs au bruit et aux vibrations ferroviaires, l’Office doit soupeser les intérêts des différentes parties. D’une part, les compagnies de chemin de fer participent à des activités qui causent forcément du bruit et des vibrations, et ces activités sont nécessaires pour leur permettre de respecter leurs diverses obligations relatives au niveau de services, de répondre à leurs besoins en matière d’exploitation, et de maintenir « un système de transport national compétitif et rentable qui […] est essentiel à la satisfaction des besoins de ses usagers et au bien-être des Canadiens et favorise la compétitivité et la croissance économique dans les régions rurales et urbaines partout au Canada ». D’autre part, les compagnies de chemin de fer doivent prendre en compte les intérêts des collectivités touchées afin de déterminer la meilleure façon de mener leurs activités tout en respectant leur obligation au titre de la LTC de limiter les vibrations et le bruit produits à un niveau raisonnable.
Cadre d’analyse
[11] Dans sa décision 35-R-2012 (Normandeau et Tymchuk c CP), l’Office a établi le cadre d’analyse pour déterminer si une compagnie de chemin de fer remplit ses obligations relativement au bruit et aux vibrations.
- L’Office doit d’abord déterminer l’existence de bruit et de vibrations qui constituent une perturbation importante au confort ordinaire ou aux commodités de l’existence selon des normes qui s’appliquent à une personne moyenne.
- S’il y a perturbation importante, l’Office doit évaluer le bruit et les vibrations en fonction des critères énoncés dans la LTC.
[12] Pour déterminer l’existence de bruit et de vibrations susceptibles de causer une perturbation importante à un demandeur, l’Office examine plusieurs éléments, comme ceux indiqués dans les Lignes directrices sur la résolution des plaintes relatives au bruit et aux vibrations ferroviaires (Lignes directrices) et dans Normandeau et Tymchuk c CP, notamment :
- la présence de bruits environnants autres que ceux émanant de l’exploitation ferroviaire, tels que le bruit d’une autoroute;
- les activités ferroviaires dans le lieu touché, y compris tout changement pertinent;
- les caractéristiques et l’importance du bruit ou des vibrations (comme le niveau et les types de bruit [ponctuel ou continu], l’heure, la durée et la fréquence);
- les normes pertinentes pour évaluer l’importance des effets du niveau de bruit et de vibrations;
- les répercussions, sur les personnes touchées, des perturbations causées par le bruit ou les vibrations;
- les méthodes et les mesures d’atténuation prises par les parties.
[13] Il revient au demandeur de démontrer que le bruit ou les vibrations causées par les activités courantes d’une compagnie de chemin de fer constituent une perturbation importante.
[14] Si l’Office conclut que le bruit ou les vibrations causent une perturbation importante, il doit déterminer s’ils sont limités à un niveau raisonnable dans les circonstances, en fonction des critères énoncés dans la LTC, à savoir les obligations d’une compagnie de chemin de fer relatives au niveau de services, ses besoins en matière d’exploitation et le lieu d’exploitation du chemin de fer.
Positions des parties
Mme Cho
[15] Mme Cho affirme que deux trains de marchandises de CPKC passent près de sa résidence tous les jours entre 23 h 30 et minuit, et qu’un autre passe 3 ou 4 fois par semaine entre 1 h et 4 h du matin. Elle soutient que chaque passage dure de 4 à 8 minutes.
[16] Mme Cho affirme également que CPKC a effectué des travaux dans le secteur entre 1 h et 2 h du matin, du 11 au 14 juin, puis du 19 au 22 juin 2023.
[17] Mme Cho a présenté les éléments suivants pour soutenir son affirmation :
- un journal de l’heure et de la date auxquelles des trains de marchandises sont passés près de sa résidence entre le 26 juin 2023 et le 2 septembre 2023, pendant la nuit;
- trois captures d’écran montrant des relevés du niveau sonore pris avec son téléphone intelligent à l’intérieur de sa résidence, toutes fenêtres fermées, le plus élevé étant à 81 dB à 23 h 55, le 26 juillet 2023;
- six vidéos différentes de trains qui passent et une vidéo de travaux ferroviaires en cours;
- un extrait d’un rapport produit par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) concernant le bruit environnant et son incidence sur le sommeil.
[18] Mme Cho soutient que son sommeil est perturbé tous les jours par le passage des trains de marchandises de CPKC, que cela affecte sa santé, lui causant des migraines, de la fatigue et une impression d’avoir le cerveau embrumé, et l’empêche de se concentrer lorsqu’elle est au travail. Elle affirme que, selon l’OMS, un son continu ne devrait pas dépasser 30 dBA.
[19] Mme Cho réclame une ordonnance de l’Office qui interdirait à CPKC d’exploiter des trains entre 23 h 30 et 6 h.
CPKC
[20] CPKC affirme que sa subdivision Adirondack a été construite en 1882, bien avant que la résidence de Mme Cho ne soit bâtie. CPKC affirme que selon une carte de Google, l’immeuble a été construit vers 2017. Elle remarque que sa résidence est près d’un aiguillage de liaison ferroviaire, mais affirme que sa ligne de chemin de fer et l’aiguillage étaient là avant 2017, donc que son exploitation dans ce secteur date d’avant la construction de la résidence de Mme Cho et de son emménagement à cet endroit. CPKC estime à 22 mètres la distance entre son aiguillage et l’immeuble de Mme Cho.
[21] CPKC affirme que sa subdivision Adirondack fait partie intégrante de la chaîne d’approvisionnement mondiale d’import-export qui transite par le port de Montréal et dessert une clientèle intérieure et internationale. La subdivision est le siège d’une part importante du trafic du train de banlieue EXO, ainsi que pour le transport de marchandises par la compagnie de chemin de fer Québec-Gatineau, ce qui en fait un corridor ferroviaire très important et très achalandé.
[22] CPKC soutient que, selon Statistique Canada, la circonscription électorale fédérale d’Outremont où habite Mme Cho a une densité de population de 8 677,6 personnes au kilomètre carré, et que la Méthodologie de mesure et de présentation d’un rapport sur le bruit ferroviaire (méthodologie) produite par l’Office indique qu’un secteur avec une telle densité de population serait classé comme étant une « zone urbaine résidentielle bruyante ».
[23] CPKC a évalué les impacts potentiels du bruit à l’intérieur de la résidence de Mme Cho. Avec la méthodologie, CPKC estime à 61 dBA le niveau sonore moyen attribuable à la liaison ferroviaire pendant une heure, à l’extérieur de la résidence de Mme Cho. Pour prendre en compte le facteur de réduction du bruit de l’extérieur vers l’intérieur de la résidence de Mme Cho, CPKC a appliqué une correction de 27 dBA lorsque les fenêtres sont fermées, ce qui donne un niveau sonore moyen attribuable au bruit de la liaison ferroviaire pendant une heure de 34 dBA à l’intérieur de sa résidence. À des fins de comparaison, CPKC soutient que, selon la méthodologie, le bruit ambiant aux alentours (y compris tous les sons, sauf ceux causés par l’exploitation de CPKC) à l’extérieur de la résidence de Mme Cho est estimé à 65 dBA durant le jour et à 55 dBA la nuit. CPKC estime également à 87 dBA (maximum) le niveau de bruit maximum (Lmax) provenant de la liaison ferroviaire à l’extérieur de la résidence de Mme Cho.
[24] CPKC soutient que, selon le rapport de l’OMS présenté par Mme Cho, un niveau sonore continu supérieur à 30 dBA peut nuire au sommeil, mais que le passage de ses trains ne donne pas lieu à un son continu, car la durée de l’exposition au son est de 4 à 6 minutes. De plus, CPKC affirme que le bruit de la liaison ferroviaire que Mme Cho supporte n’est pas très différent des niveaux de bruits de fond auxquels l’on peut s’attendre dans une « zone urbaine résidentielle bruyante ».
[25] CPKC affirme que Mme Cho ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver que le bruit cause une perturbation importante.
[26] CPKC affirme également que, même si l’Office devait conclure que le niveau de bruit causé par son exploitation constitue une perturbation importante, le bruit est limité à un niveau raisonnable compte tenu de ses obligations relatives au niveau de services, de ses besoins en matière d’exploitation et du secteur avoisinant.
[27] CPKC affirme que, selon ses obligations relatives au niveau de services, il livre et ramasse le trafic ferroviaire à partir du port de Montréal via son embranchement d’Outremont et sa gare de triage d’Hochelaga.
[28] CPKC affirme que l’Administration portuaire, qui exploite et entretient le chemin de fer et contrôle la disponibilité des voies dans le port de Montréal, lui a attribué un créneau prioritaire quotidien, entre midi et minuit, pour livrer et ramasser des wagons. En conséquence, CPKC achemine le trafic sur sa subdivision Adirondack en fonction de ce créneau. Elle soutient que les perturbations que Mme Cho affirme subir sont attribuables à ces trains, ou locomotives, qui reviennent de sa gare de triage d’Hochelaga.
[29] En ce qui concerne le bruit des travaux d’entretien que signale Mme Cho, CPKC affirme qu’elle remplaçait les traverses d’aiguillage sur sa subdivision Adirondack près de la résidence de Mme Cho. CPKC affirme que ses voies dans ce secteur sont utilisées par les trains de banlieue EXO pour le transport de passagers qui passent entre 6 h 06 et 23 h 39, et que l’entretien était prévu durant la nuit pour éviter de perturber les services d’EXO.
Analyse et détermination
Question 1 : Le bruit produit par l’exploitation de CPKC constitue-t-il une perturbation importante?
[30] CPKC estime que les éléments de preuve déposés par Mme Cho sont insuffisants et présente les arguments suivants :
- les sept vidéos ne montrent pas de mesures du niveau sonore.
- les captures d’écran provenant d’une application pour téléphone intelligent pour mesurer le niveau sonore à l’intérieur de sa résidence, les fenêtres fermées, ne comprennent pas de mesures du bruit ambiant à l’intérieur de sa résidence, à des fins de comparaison.
[31] L’Office conclut que la preuve de Mme Cho est insuffisante. En conséquence, il ne peut pas comparer le bruit ferroviaire au bruit ambiant à l’intérieur de sa résidence. En l’absence de preuve sur le niveau sonore réel à cet endroit, l’Office admet les calculs de CPKC, dans lesquels sont pris en compte le niveau sonore moyen pendant une heure et le niveau de bruit maximum. Les calculs de CPKC, effectués à partir de la méthodologie et acceptés par l’Office, montrent que le niveau de bruit maximum à l’extérieur de la résidence de Mme Cho causé par l’aiguillage de liaison est de 87 dBA. Le bruit de fond pourrait noyer ou réduire l’intensité perçue de sons précis dans certaines situations, mais le bruit causé par la liaison ferroviaire est bien supérieur aux niveaux de bruit ambiant estimés par CPKC (soit 65 dBA le jour et 55 dBA la nuit). En conséquence, l’Office conclut que le bruit ambiant n’aura pas d’effet masquant.
[32] Même si CPKC n’a pas fourni de calculs concernant le niveau sonore maximum, à l’intérieur de la résidence de Mme Cho, causé par la liaison ferroviaire, une réduction de 27 dBA, tirée de la méthodologie, peut être appliquée lorsque la fenêtre est fermée. Le correctif (87 dBA moins 27 dBA) donnerait un niveau sonore maximum de 60 dBA.
[33] Selon le rapport de l’OMS présenté par Mme Cho, des événements de bruit non continus dépassant 45 dBA augmentent la probabilité de perturber le sommeil. Ainsi, d’après ces facteurs, le niveau sonore maximum, à l’intérieur de la résidence de Mme Cho, causé par la liaison ferroviaire serait d’environ 15 dBA supérieur au seuil de perturbation du sommeil établi par l’OMS. Comme il est indiqué dans la méthodologie, lorsqu’un train passe sur une liaison ferroviaire, l’interaction entre les roues d’acier et le rail produit un bruit en deux temps (badong) qui peut parfois dépasser le bruit produit par la voie tangentielle. Dans le cas présent, ce son précis se produit pendant que les gens dorment et qu’ils sont plus sensibles au bruit. L’Office conclut que l’affirmation de Mme Cho concernant son sommeil perturbé, ce qui lui cause de la fatigue et une perte de concentration, est logique compte tenu des niveaux de décibels supérieurs estimés.
[34] Selon ce qui précède, l’Office conclut que le bruit causé par le passage des trains de CPKC sur l’aiguillage près de la résidence de Mme Cho constitue une perturbation importante pour Mme Cho à sa résidence.
Question 2 : CPKC respecte-t-elle son obligation de limiter les vibrations et le bruit produits à un niveau raisonnable, compte tenu de ses obligations relatives au niveau de services, de ses besoins en matière d’exploitation et du secteur avoisinant?
[35] Puisque l’Office a déterminé que l’exploitation de CPKC cause une perturbation importante à Mme Cho à son lieu de résidence, il doit maintenant déterminer si le bruit est limité à un niveau raisonnable, compte tenu des critères indiqués dans la LTC.
[36] La LTC règlemente les éléments économiques des transports donc, en ce qui concerne le bruit ferroviaire, elle établit un juste équilibre entre les intérêts des demandeurs et ceux des compagnies de chemin de fer qui fournissent les services de transport ferroviaire et leurs clientèles qui les reçoivent.
[37] La résidence de Mme Cho est située à côté d’une route principale de CPKC pour le transport de marchandises à destination et en provenance du port de Montréal. L’Office convient que l’exploitation de CPKC dans ce secteur date d’avant l’existence de la résidence de Mme Cho, soit de plus d’une centaine d’années. Mme Cho n’a pas indiqué s’il y a un obstacle entre sa propriété et le chemin de fer, ou si des caractéristiques d’atténuation du bruit ont été intégrées dans l’immeuble, par exemple aux fenêtres ou à d’autres éléments, mais elle était ou aurait dû être consciente que la résidence qu’elle a achetée se trouvait très proche d’une exploitation ferroviaire.
[38] Voici un extrait de la décision 69-R-2014 (Girard c CP) de l’Office dans laquelle les circonstances étaient semblables à celles du cas présent :
Une Municipalité prend un risque lorsqu’elle décide de permettre un aménagement résidentiel à proximité d’une emprise de chemin de fer et l’Office est d’avis que les Municipalités ont la responsabilité d’évaluer les questions de compatibilité avant d’approuver un aménagement résidentiel le long d’une emprise de chemin de fer, et que si elles approuvent un tel aménagement, elles doivent s’assurer que les mesures d’atténuation nécessaires ont été prévues. L’Office note que la Municipalité semble avoir autorisé la construction résidentielle le long du principal corridor ferroviaire est-ouest de CP. Toutefois, aucun élément de preuve ne lui a été présenté qui démontre que des mesures d’atténuation ont été mises en œuvre. En fait, CP souligne qu’aucun terre-plein ou mur d’insonorisation n’a été mis en place.
L’Office reconnaît que M. Girard est dérangé par les niveaux de bruit et de vibrations produits par le passage des trains. Toutefois, M. Girard a acheté une maison située près d’un corridor ferroviaire à forte densité de trafic et [traduction] aucun élément de preuve ne montre que le promoteur immobilier ou la Municipalité auraient mis des mesures d’atténuation en place.
[39] Dans le cas présent, l’Office n’a aucune preuve lui donnant à penser que la Municipalité ou le promoteur se serait soucié de l’impact que le bruit et les vibrations risquaient d’avoir sur les résidents lorsque la décision a été prise de construire un quartier résidentiel si près d’une ligne de chemin de fer de CPKC.
[40] Les articles 113 et 114 de la LTC énoncent les obligations relatives au niveau de services des compagnies de chemin de fer, qu’on appelle généralement les « obligations de transporteur public ». Aux termes de ces articles, chaque compagnie de chemin de fer, dans le cadre de ses attributions, doit fournir les installations convenables pour la réception, le chargement, le transport, le déchargement et la livraison sans délai des marchandises à transporter sur son chemin de fer.
[41] L’Office reconnaît que, dans le cadre de ces obligations prévues dans la loi, CPKC doit transporter les marchandises à destination et en provenance du port de Montréal et les acheminer selon un créneau prioritaire assigné par l’Administration portuaire. CPKC ne fixe pas les heures de ces créneaux, et ce n’est pas une question de choix ou de commodité pour elle.
[42] En ce qui concerne ses obligations de limiter les vibrations et le bruit produits à un niveau raisonnable, compte tenu de ses obligations de transporteur public, CPKC affirme qu’elle a construit et bien entretenu son infrastructure ferroviaire dans le secteur. L’Office n’a aucune information lui donnant à penser qu’il pourrait ordonner des mesures supplémentaires pour atténuer la perturbation importante que subit Mme Cho en raison de l’exploitation de CPKC.
[43] De par sa nature, l’exploitation ferroviaire cause du bruit et des vibrations. Dans le cas présent, le bruit causé par le passage des trains sur l’aiguillage de CPKC près de la résidence de Mme Cho provoque une perturbation importante. Toutefois, lorsque l’Office soupèse les préoccupations concernant le bruit soulevées par Mme Cho et les facteurs énoncés à l’article 95.1 de la LTC, il doit accorder beaucoup de poids aux obligations de CPKC relatives au niveau de services et à ses besoins en matière d’exploitation.
[44] En ce qui concerne les travaux d’entretien qui ont eu lieu après minuit, CPKC a indiqué que cette période était nécessaire pour éviter d’interférer avec l’exploitation du train de banlieue EXO, qui fournit des services réguliers sur ces mêmes voies, entre 6 h 06 et 23 h 39. CPKC répète que les travaux ne sont pas prévus de manière à l’accommoder. La réparation demandée par Mme Cho serait que les travaux d’entretien se fassent dans le jour. Or, ils auraient lieu durant les heures d’exploitation d’EXO, ce qui perturberait les services de train de banlieue.
[45] L’Office a tenu compte de l’importance de services ferroviaires voyageurs efficaces afin de trouver un juste équilibre entre les intérêts des personnes qui se plaignent du bruit causé par le transport ferroviaire et les intérêts de la compagnie de chemin de fer. Comme l’Office l’a conclu dans sa décision 221-R-2010 (Groenestein et Wiltshire c Agence métropolitaine de transport) à propos d’une plainte en matière de bruit, il est dans l’intérêt du public que le fournisseur de services de train de banlieue maintienne son niveau de services pour que le transport public reste efficace pour la population urbaine qu’il dessert. L’Office a conclu que, dans les circonstances de ce cas, il ne serait pas raisonnable d’ordonner une mesure corrective qui gênerait la capacité d’une société de transport publique de remplir son mandat et qui aurait une incidence sur le service de transport ferroviaire de marchandises dans tout le corridor. L’Office conclut qu’une telle mesure ne serait pas non plus raisonnable dans le cas présent.
L’Office a conclu que le bruit de l’exploitation de CPKC cause une perturbation importante à Mme Cho à son lieu de résidence. Toutefois, compte tenu de la fréquence des perturbations signalées par Mme Cho, des niveaux sonores produits par l’exploitation de CPKC, ainsi que des éléments suivants :
- CPKC a d’importantes obligations relatives au niveau de services à remplir sur les voies de la subdivision Adirondack;
- les travaux d’entretien ont été prévus de manière à ne pas interférer avec les services de train de banlieue d’EXO;
- CPKC doit mener ses activités à l’intérieur du créneau prioritaire qui lui est assigné;
- la résidence de Mme Cho est située à côté d’une route principale sur laquelle CPKC transporte les marchandises à destination et en provenance du port de Montréal;
- CPKC menait ses activités dans le secteur bien avant que Mme Cho n’y emménage;
l’Office conclut qu’une telle perturbation est raisonnable selon les critères prévus dans la LTC.
Conclusion
[46] Par conséquent, l’Office rejette la demande.
Dispositions en référence | Identifiant numérique (article, paragraphe, règle, etc.) |
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Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10 | 5; 95.1; 95.3; 113; 114 |
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