Décision n° 418-AT-A-2005
Suivi - décision no 245-AT-A-2006
le 30 juin 2005
DEMANDE présentée par Jim Derksen et le Conseil des Canadiens avec déficiences en vertu du paragraphe 172(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996), ch. 10, concernant les procédures d'Air Canada pour évaluer et confirmer si elle peut transporter les aides à la mobilité des personnes ayant une déficience dans ses aéronefs et l'inaccessibilité de l'aéronef de type Canadair Regional Jet pour M. Derksen sur la route Ottawa-Winnipeg.
Référence no U3570/05-2
DEMANDE
[1] Le 4 janvier 2005, M. Derksen et le Conseil des Canadiens avec déficiences (ci-après CCD) ont déposé conjointement auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la demande énoncée dans l'intitulé.
[2] Le 10 janvier 2005, Air Canada avait 30 jours pour déposer sa réponse à la demande, y compris une copie du dossier de réservation, ainsi que tous les dossiers et documents concernant la réservation de M. Derksen. Puisque les demandes de service ont été effectuées par l'entremise d'un agent de voyage, on a demandé à Thomas Cook Travel Agency LTD. (ci-après Thomas Cook Travel) de déposer les documents concernant les communications entre lui et Air Canada au sujet du voyage de M. Derksen. Le 27 janvier 2005, Thomas Cook Travel a déposé sa réponse.
[3] Le 9 février 2005, Air Canada a déposé sa réponse à la demande, y compris une copie du dossier passager (ci-après le DP) de M. Derksen et des renseignements supplémentaires ont été déposés par Air Canada le 11 février 2005. M. Derksen et CCD ont déposé leur réplique le 21 février 2005. M. Derksen et CCD ont déposé un autre mémoire le 23 février 2005.
[4] Dans sa décision no LET-AT-A-140-2005 du 6 mai 2005, l'Office a demandé des renseignements supplémentaires aux parties ainsi qu'à Thomas Cook Travel. Thomas Cook Travel a fourni sa réponse le 12 mai 2005. Le 16 mai 2005, Air Canada a fourni sa réponse à la décision et le 17 mai 2005, M. Derksen et CCD ont fourni leur réponse.
[5] Aux termes du paragraphe 29(1) de la Loi sur les transports au Canada (ci-après la LTC), l'Office est tenu de rendre sa décision au plus tard 120 jours après la date de réception de la demande, sauf s'il y a accord entre les parties pour une prolongation du délai. Dans le cas présent, les parties ont convenu de prolonger le délai jusqu'au 30 juin 2005.
OBSERVATION PRÉLIMINAIRE
[6] Dans leur demande, M. Derksen et CCD ont soulevé la question générale du remplacement des gros aéronefs par de petits aéronefs sur les routes de l'ensemble du Canada. CCD affirme qu'il semble que dans le cadre de la restructuration des transporteurs aériens, l'utilisation de petits aéronefs semblables au Canadair Regional Jet (ci-après CRJ) devient de plus en plus courante. CCD et M. Derksen sont d'avis que cette décision créera plus d'obstacles pour les personnes ayant une déficience et les autres. CCD et M. Derksen affirment que la question doit être étudiée de tous les points de vue et notent qu'elles n'ont pas les ressources pour entreprendre une telle étude. Elles proposent que l'Office considère la mise sur pied d'un comité d'examen indépendant qui se pencherait sur les enjeux pour les personnes ayant une déficience découlant de l'utilisation accrue des petits aéronefs.
[7] La question de l'accessibilité aux petits aéronefs par les personnes ayant une déficience ne date pas d'hier et l'Office reconnaît depuis longtemps les problèmes d'accessibilité précis inhérents à l'utilisation de petits aéronefs : les problèmes auxquels sont confrontées un nombre croissant de collectivités canadiennes qui sont uniquement desservies par de petits aéronefs et les problèmes que les personnes ayant une déficience ont à utiliser ces aéronefs. Toutefois, l'Office a, dans la décision no 140-AT-A-2003 du 14 mars 2003, CCD c. Air Canada Regional Inc., affirmé que dans l'exécution de son mandat en vertu de la partie V de la LTC, l'Office n'a pas l'habitude d'intervenir dans les pratiques commerciales internes des fournisseurs de services de transport au point de dicter quel équipement de transport général ils doivent utiliser pour exercer leurs activités. De plus, l'Office note que les transporteurs choisissent d'utiliser des aéronefs précis sur des routes précises pour différentes raisons complexes, commerciales internes et économiques, y compris la capacité de l'aéronef et la demande et que le transporteur a le droit de déployer sa flotte afin de répondre aux besoins précis du marché d'une région en particulier. L'Office est toujours du même avis et, par conséquent, cette affaire ne sera pas considérée dans la présente décision.
[8] Bien que la réponse de M. Derksen et de CCD à la décision no LET-AT-A-140-2005 ait été déposée après le délai prescrit, l'Office, en vertu de l'article 5 des Règles générales de l'Office des transports du Canada, DORS/2005-35, l'accepte la jugeant pertinente et nécessaire à l'examen de la présente affaire.
QUESTION
[9] L'Office doit déterminer si les procédures d'Air Canada pour évaluer et confirmer si elle peut transporter les aides à la mobilité des personnes ayant une déficience dans ses aéronefs et l'inaccessibilité de l'aéronef CRJ pour M. Derksen sur la route Ottawa-Winnipeg ont constitué des obstacles abusifs à ses possibilités de déplacement et, le cas échéant, quelles mesures correctives devraient être prises.
FAITS
[10] M. Derksen utilise un fauteuil roulant électrique et lorsqu'il voyage il nécessite un accès de plain-pied, une aide physique totale avec les transferts du fauteuil roulant au siège de l'aéronef, un accompagnateur et le transport de son fauteuil roulant.
[11] Le fauteuil roulant de M. Derksen a 26 pouces de largeur, 36 pouces de hauteur et 44 pouces de longueur. Son fauteuil roulant a un châssis fixe et ne se plie pas. Seuls les repose-pieds peuvent être retirés, ce qui modifierait seulement la longueur de l'aide à la mobilité, mais non la hauteur.
[12] M. Derksen a réservé un vol direct entre Ottawa et Winnipeg le dimanche 14 novembre 2004 par l'entremise de Thomas Cook Travel. M. Derksen a demandé à l'avance que son aide à la mobilité soit transportée, de l'aide avec son fauteuil roulant, y compris de l'aide pour le transfert.
[13] Avant le jour du voyage, l'agent de voyage a fourni au MEDA Desk d'Air Canada, à deux reprises, les dimensions du fauteuil roulant électrique de M. Derksen et l'information au sujet de ce dernier. Les agents d'Air Canada ont vérifié auprès de la station exploitant le vol que les dimensions du fauteuil roulant de M. Derksen qui avaient été communiquées permettaient de croire que le fauteuil faisait dans la soute du CRJ. Air Canada a assuré l'agent de voyage qu'elle pourrait transporter le fauteuil roulant électrique de M. Derksen dans l'aéronef.
[14] M. Derksen devait voyager sur le vol no AC 8475 au départ d'Ottawa (Ontario) à 17 h et arrivant à Winnipeg (Manitoba) à 18 h 59, le 14 novembre 2004. Le vol no AC 8475 était exploité par Jazz Air, Inc. exerçant son activité sous le nom d'Air Canada Jazz au moyen d'un CRJ de 50 sièges.
[15] Le DP de M. Derksen affiche un code WCHC qui est décrit par Air Canada comme « non autonome, mais médicalement apte à voyager avec un accompagnateur » [traduction libre]. M. Derksen a besoin d'aide avec son fauteuil roulant et les transferts, ainsi qu'un siège avec un accoudoir relevable. En tant que personne ayant une déficience voyageant souvent avec Air Canada, un dossier permanent a été créé dans le système d'Air Canada, valide pour une période de deux ans (jusqu'en janvier 2006), qui contient de l'information afin de s'assurer que le passager n'a pas besoin de fournir les certificats de santé pour certains services.
[16] Le dossier permanent de M. Derksen confirme qu'il est un passager ayant une déficience, la nature de sa déficience, le besoin d'un accompagnateur et le fait qu'il peut se prévaloir du tarif pour son accompagnateur en Amérique du Nord.
[17] Air Canada et Air Canada Jazz ont mis en place des procédures pour s'occuper des réservations des passagers ayant des besoins spéciaux, y compris les passagers voyageant avec un fauteuil roulant électrique. Les procédures d'Air Canada sont établies dans le chapitre d'information central (ci-après le CIC) d'Air Canada.
[18] Air Canada a aussi des procédures pour le chargement et le déchargement des bagages et des marchandises. Les aides à la mobilité sont considérées des bagages prioritaires.
[19] Les dimensions de la porte de la soute du CRJ d'Air Canada sont de 33 pouces de hauteur par 43 pouces de largeur. La capacité intérieure de la soute est de 314 pieds cubes. La porte de la soute du CRJ est située juste derrière un des moteurs. Cette configuration particulière limite le chargement et le transport des objets de grande taille, qu'il s'agisse d'aides à la mobilité, de bagages ou de marchandises.
[20] Le jour du voyage, on a informé M. Derksen au comptoir d'enregistrement que son aide à la mobilité ne faisait pas dans la soute de l'aéronef et, par conséquent, qu'il se voyait refuser l'embarquement à bord du vol no AC 8475. M. Derksen et son accompagnateur ont plutôt voyagé sur le vol d'Air Canada no AC 461 vers Toronto qui partait au même moment que le vol no AC 8475. Le vol no AC 461 est arrivé à Toronto à 18 h 11, M. Derksen a alors pris le vol d'Air Canada no AC 267 à 19 h 55 et est arrivé à Winnipeg à 21 h 36.
[21] En guise de geste de bonne volonté et afin de rendre son voyage plus confortable, M. Derksen et son accompagnateur ont pu voyager dans la classe affaires sans frais supplémentaires.
POSITIONS DES PARTIES
M. Derksen et CCD
[22] M. Derksen affirme qu'avant le voyage, Air Canada lui a assuré, ainsi qu'à l'agent de voyage, à deux reprises, que le CRJ de 50 sièges sur le vol direct entre Ottawa et Winnipeg pourrait transporter son fauteuil roulant électrique et qu'il pourrait embarquer dans l'aéronef et débarquer au moyen d'une passerelle.
[23] M. Derksen affirme que l'agent d'enregistrement l'a informé qu'il était peu probable que le petit aéronef pourrait transporter son fauteuil roulant électrique. M. Derksen ajoute que les dimensions ont été prises encore une fois et transmises par téléphone à un autre agent d'Air Canada et éventuellement le directeur de service a été convoqué au comptoir d'enregistrement. On lui expliqué que puisque les poignées du fauteuil roulant électrique étaient plus hautes que 30 pouces, il ne faisait pas dans la soute de l'aéronef. De plus, M. Derksen note que le directeur a brièvement discuté de la possibilité de transporter l'aide à la mobilité sur le côté. Toutefois, le directeur était préoccupé par le fait que cette option n'était peut-être pas sécuritaire pour le fauteuil roulant et/ou le vol et M. Derksen reconnaît qu'il ne pouvait pas s'opposer à ces préoccupations. En ce qui a trait à la suggestion du directeur de service que les poignées du fauteuil roulant de M. Derksen soient retirées pendant le transport, M. Derksen souligne qu'il dépend de son fauteuil roulant et qu'il croyait que son fauteuil roulant aurait pu être endommagé s'il était démonté. Toutefois, M. Derksen précise que son fauteuil roulant a un châssis fixe et qu'il ne se plie pas. Seuls les repose-pieds peuvent être retirés, ce qui modifierait uniquement la longueur de l'aide à la mobilité et non la hauteur.
[24] M. Derksen fait remarquer qu'on l'a accompagné dans l'aéronef vers 17 h et qu'il a voyagé d'Ottawa à Toronto. M. Derksen ajoute qu'il est resté dans le fauteuil roulant d'Air Canada de 18 h 15 à 19 h 55 après quoi on l'a accompagné à l'aéronef et il est arrivé à Winnipeg vers 21 h 30. M. Derksen indique qu'il a dû être transféré à dix reprises entre son fauteuil roulant, celui d'Air Canada, un fauteuil roulant de bord et un siège d'aéronef. À cet égard, M. Derksen explique que cela lui a causé des désagréments surtout parce qu'il a subi une intervention chirurgicale environ six semaines avant de voyager et était préoccupé par le fait d'être transféré physiquement. M. Derksen ajoute que cette préoccupation est ce qui l'a poussé à demander à CCD de réserver des vols directs. M. Derksen affirme que le vol indirect a entraîné des coûts supplémentaires pour CCD, du temps supplémentaire et lui a causé des désagréments.
[25] CCD et M. Derksen affirment que jusqu'au début de l'automne 2004, Air Canada utilisait de plus gros aéronefs pour le service direct entre Winnipeg et Ottawa. CCD indique que depuis l'introduction du CRJ, le service direct entre Ottawa et Winnipeg est devenu inaccessible pour plusieurs utilisateurs de fauteuils roulants électriques. CCD et M. Derksen ajoutent que le service qui était auparavant accessible a été remplacé par un service inaccessible, restreignant ainsi les possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience. De plus, CCD et M. Derksen affirment qu'Air Canada fournit des renseignements inexacts aux passagers puisqu'elle a dit à M. Derksen à deux reprises qu'il n'aurait pas de difficultés lors de son voyage à bord de l'aéronef de 50 sièges.
[26] À la suite de l'incident décrit ci-dessus, M. Derksen et CCD veulent qu'un plus gros aéronef soit utilisé pour les vols directs entre Winnipeg et Ottawa.
Air Canada
[27] Air Canada reconnaît que M. Derksen est une personne ayant une déficience au sens de la partie V de la LTC. Air Canada note que le fauteuil roulant de M. Derksen est muni d'une pile.
[28] Air Canada précise que Thomas Cook Travel a bel et bien communiqué avec le MEDA Desk afin de confirmer la possibilité de transporter le fauteuil roulant électrique de M. Derksen dans l'aéronef exploité pour le vol direct entre Ottawa et Winnipeg. Air Canada note que les agents qui s'occupaient du MEDA Desk ont reçu des dimensions et ont vérifié avec la station qui exploitait le vol que les dimensions du fauteuil roulant correspondaient à celles de la soute de l'aéronef et cela a été confirmé. Air Canada indique que, malheureusement, aucune note n'a été prise au sujet de la conversation et qu'il n'existe pas de preuve des dimensions exactes qui ont été fournies par l'agent de voyage au MEDA Desk et par le MEDA Desk à la station.
[29] Air Canada explique que le jour du voyage, M. Derksen et son compagnon de voyage sont arrivés 45 minutes avant le vol. De plus, Air Canada ajoute que la hauteur « inhabituelle » des poignées du fauteuil roulant de M. Derksen a été remarquée et le directeur du service à la clientèle a été appelé au comptoir d'enregistrement. Air Canada souligne qu'après vérification, il a été déterminé que parce que les poignées avaient une hauteur de plus de 30 pouces, il n'était pas possible que le fauteuil roulant soit transporté dans ce type d'aéronef. Le directeur du service a offert de « retirer les poignées ou de démonter en partie le fauteuil pour qu'il puisse entrer » [traduction libre]. Air Canada précise que M. Derksen les a informés que ce n'était pas une solution.
[30] En ce qui a trait aux questions posées par les agents de voyage, Air Canada note que l'accent est placé sur le type de fauteuil roulant et le type de pile puisque cette dernière nécessite une manutention spéciale car elle est considérée une « marchandise dangereuse » au sens de la réglementation. Air Canada explique qu'il n'y a aucune mention dans ses procédures qui oblige l'obtention des dimensions de l'aide à la mobilité des personnes.
[31] Air Canada souligne qu'elle a remarqué au cours des deux dernières années, l'apparition de fauteuils roulants électriques et personnalisés de plus en plus sophistiqués qui peuvent être plus gros que ceux qui étaient utilisés au moment de l'adoption de la réglementation, de l'établissement des procédures et du matériel de formation. En effet, au cours des six derniers mois, Air Canada affirme qu'elle a traité une situation dans laquelle une aide à la mobilité électrique pesait plus de 400 livres. De plus, Air Canada note qu'elle examinera les procédures du MEDA Desk et des centres d'appel pour obtenir les dimensions et le poids des aides à la mobilité afin de s'assurer qu'une décision est prise à l'avance si les aides à la mobilité ne peuvent être transportées dans la soute d'un aéronef en particulier.
[32] Air Canada indique qu'elle est en voie de terminer un CIC qui précisera les dimensions de la porte de la soute et de la soute sur des petits aéronefs et la taille maximale des fauteuils roulants qui peuvent être transportés dans ces aéronefs. De plus, Air Canada soutient que tous les agents des centres d'appel recevront une note de service les avisant de l'importance de vérifier les données susmentionnées auprès des passagers voyageant avec un fauteuil roulant électrique. Air Canada ajoute qu'elle fournira un communiqué à tous les agents de voyage au sujet de ce qui précède.
[33] Air Canada regrette que les dimensions précises du fauteuil roulant de M. Derksen, y compris les poignées, semblent ne pas avoir été communiquées ou comprises correctement, à un niveau ou à un autre (du passager à l'agent de voyage, de l'agent de voyage au MEDA Desk ou du MEDA Desk à la station). De plus, Air Canada souligne que les modalités de transport qui sont imprimées au dos des billets ou incluses dans les modalités jointes à l'itinéraire/au reçu des billets électroniques déclarent clairement ce qui suit :
Le transporteur s'efforcera de transporter le passager et les bagages dans des délais raisonnables. Les heures indiquées à l'horaire ou ailleurs ne sont nullement garanties et ne font pas partie du présent contrat. Le transporteur peut sans préavis, remplacer le transporteur ou l'aéronef par un autre et modifier ou omettre les arrêts indiqués sur le billet au besoin. Les horaires peuvent être modifiés sans préavis. Le transporteur ne s'engage pas à assurer les correspondances. [traduction libre]
[34] Entre outre, Air Canada soutient que l'Office doit d'abord déterminer s'il y avait un obstacle aux possibilités de déplacement de M. Derksen et, dans l'affirmative, si cet obstacle était abusif. Air Canada note que le terme « obstacle » n'est pas défini dans la LTC. L'Office a reconnu qu'il existe un obstacle lorsqu'un transporteur met en place une fonction ou un équipement ou omet de fournir un service et que cet ajout ou cette omission constitue un obstacle aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience. Air Canada affirme respectueusement qu'une fois qu'il a été déterminé que le fauteuil roulant électrique de M. Derksen ne pouvait pas passer par la porte de la soute du CRJ, il est devenu nécessaire que le transporteur change l'aéronef et modifie les escales qui étaient indiquées sur le billet.
[35] À cet égard, Air Canada souligne qu'elle a le droit d'effectuer ces substitutions dans le cadre des modalités de transport. Selon Air Canada, l'application des modalités de transport ne peut être considérée comme un « obstacle ». Air Canada affirme aussi que l'utilisation d'un CRJ sur une route donnée ne peut constituer un obstacle car le CRJ s'adapte au transport de certains fauteuils roulants électriques.
[36] Air Canada reconnaît que les transferts supplémentaires nécessaires en raison des correspondances ont pu causer un certain inconfort à M. Derksen en raison de sa récente intervention chirurgicale. Toutefois, Air Canada affirme que les transferts ne sont pas eux-mêmes des obstacles. Comme l'a déclaré M. Derksen, la route qu'il a dû emprunter nécessitait dix transferts. Air Canada note qu'elle ne compte que neuf transferts, comme suit :
- de son propre fauteuil roulant au fauteuil roulant de l'aéroport à Ottawa;
- du fauteuil roulant de l'aéroport au fauteuil roulant de cabine sur le vol vers Toronto;
- du fauteuil roulant de cabine à son siège;
- du siège au fauteuil roulant de cabine à son arrivée à Toronto;
- du fauteuil roulant de cabine au fauteuil roulant de l'aéroport;
- du fauteuil roulant de l'aéroport au fauteuil roulant de cabine pour le vol vers Winnipeg;
- du fauteuil roulant de cabine à son siège;
- u siège au fauteuil roulant de cabine à son arrivée à Winnipeg;
- du fauteuil roulant de cabine à son propre fauteuil roulant.
[37] Air Canada note que la réservation initiale de M. Derksen aurait nécessité au moins cinq transferts, comme suit :
- de son propre fauteuil roulant au fauteuil roulant de l'aéroport à Ottawa;
- du fauteuil roulant de l'aéroport au fauteuil roulant de cabine sur le vol vers Winnipeg;
- du fauteuil roulant de cabine à son siège;
- du siège au fauteuil roulant de cabine à son arrivée à Winnipeg;
- du fauteuil roulant de cabine à son propre fauteuil roulant.
[38] Air Canada affirme respectueusement que si l'Office devait conclure néanmoins qu'il existe un obstacle aux possibilités de déplacement de M. Derksen, l'obstacle n'était pas abusif. Air Canada déclare qu'une fois qu'il a été déterminé que le fauteuil roulant ne pouvait passer par la porte de la soute de l'aéronef, il était impossible pour Air Canada de transporter ladite aide à la mobilité sur le vol direct entre Ottawa et Winnipeg en utilisant un CRJ. Air Canada souligne que le fait de transporter M. Derksen sur ce vol sans son aide à la mobilité aurait été une solution de rechange plus nuisible.
[39] Air Canada est d'avis qu'il lui était impossible de transporter le fauteuil roulant personnel de M. Derksen dans la soute du CRJ, le seul endroit où une telle aide à la mobilité pourrait être transportée. De plus, Air Canada soutient qu'aucune autre mesure n'aurait pu être prise par Air Canada à ce moment pour permettre le transport de M. Derksen et de son fauteuil roulant électrique sur un vol direct entre Ottawa et Winnipeg. Air Canada souligne que M. Derksen a été transporté sur des vols de correspondance dans un bref délai; Air Canada est donc d'avis que le concept d'obstacle abusif ne peut être appliqué dans ce cas.
[40] Par ailleurs, Air Canada déclare que M. Derksen, ou plus particulièrement CCD, conteste la présence du CRJ, un aéronef de 50 sièges, comme l'aéronef utilisé sur certaines routes à destination et en provenance de Winnipeg ou d'autres villes au Canada. À cet égard, Air Canada signale qu'en tant que transporteur, Air Canada a le droit de déployer sa flotte afin de respecter les besoins des marchés précis d'une région en particulier et son analyse a révélé que les besoins du marché de Winnipeg au cours de l'hiver sont mieux satisfaits avec un plus grand nombre de voyages sur de petits aéronefs qu'un nombre moins élevé de vols avec de plus gros aéronefs. Air Canada affirme aussi que cette considération est conforme à l'obligation de l'Office d'équilibrer les responsabilités des fournisseurs de transport à la population en entier avec les besoins des passagers ayant une déficience.
Réplique de M. Derksen et CCD
[41] CCD et M. Derksen notent la suggestion d'Air Canada que le modèle de fauteuil roulant est le problème. À cet égard, CCD et M. Derksen font valoir qu'à leur connaissance il n'existe aucune norme pour la taille des fauteuils roulants dans la réglementation ou les lignes directrices de l'accessibilité du transport aérien. Les demanderesses constatent que le Code de pratiques - Accessibilité des voitures de chemin de fer et conditions de transport ferroviaire des personnes ayant une déficience incorpore les normes de l'Association canadienne de normalisation (ci-après l'ACN) pour les fauteuils roulants personnels. Les demanderesses affirment que le fauteuil roulant de M. Derksen n'est pas excessivement gros et qu'en fait il correspond aux normes de l'ACN qui sont en place depuis au moins 1990. À cet égard, les « dimensions typiques des fauteuils roulants habituellement utilisés par les adultes » (CA/CSAB651-M90 tableau B5) précisent que les poignées ont 920 mm de hauteur ou 36 3/16 pouces et les poignées du fauteuil roulant de M. Derksen ont en fait 915 mm ou environ 36 pouces de hauteur. De plus, CCD et M. Derksen affirment que c'est en fait l'exigence d'Air Canada de 30 pouces de hauteur pour les poignées qui ne respecte pas les normes de l'ACN par environ 158 mm ou environ 6 3/16 pouces.
[42] CCD soutient que lorsque Air Canada a mis en service les CRJ, elle aurait raisonnablement dû savoir qu'ils ne s'adapteraient pas aux dimensions typiques des fauteuils roulants personnels habituellement utilisés par les adultes au Canada. CCD est d'avis qu'il ne s'agit pas d'un problème créé par les personnes ayant une déficience.
[43] Les demanderesses notent qu'Air Canada affirme dans son mémoire qu'elle « regrette que les dimensions précises du fauteuil roulant, y compris les poignées, ne semblaient pas avoir été communiquées correctement ou comprises, à un niveau ou à un autre (du passager à l'agent de voyage, de l'agent de voyage au MEDA Desk ou du MEDA Desk à la station). » [traduction libre] Les demanderesses notent que même si leur principale plainte ne concerne pas les communications, CCD réaffirme que les dimensions correctes du fauteuil roulant ont été communiquées à l'agent de voyage, et ensuite communiquées directement par le personnel de CCD au personnel d'Air Canada.
[44] De plus, les demanderesses réfutent l'affirmation d'Air Canada qu'un transporteur a le droit d'apporter, aux termes des modalités de transport, les substitutions d'aéronefs et que l'application des modalités de transports ne peut être considérée comme un « obstacle ». Selon CCD et M. Derksen, Air Canada semble dire qu'elle « peut se soustraire à la protection de la LTC ». À cet égard, CCD et M. Derksen sont d'avis « qu'Air Canada ne le peut pas car si cela était autorisé, le transporteur pourrait mettre fin, en vertu d'un contrat, à ses obligations afférentes à l'élimination des obstacles abusifs. » [traduction libre]
[45] CCD et M. Derksen sont d'avis qu'Air Canada, dans sa réponse, reconnaît l'obstacle abusif qu'elle a créé pour les personnes ayant une déficience comme M. Derksen lorsqu'elle a choisi d'utiliser l'aéronef CRJ sur le vol direct régulier entre Ottawa et Winnipeg.
[46] En ce qui a trait à la position d'Air Canada qu'aucune autre mesure n'aurait pu être prise par Air Canada à ce moment pour permettre le transport de M. Derksen et de son fauteuil roulant électrique sur un vol direct entre Ottawa et Winnipeg, CCD affirme qu'elle s'objecte à cette position et explique qu'une fois que le transporteur détermine que certaines personnes ayant une déficience ne peuvent voyager sur certains aéronefs, lorsqu'il a reçu un préavis, le transporteur devrait substituer le petit aéronef pour un plus gros qui pourrait s'adapter aux besoins de cette personne. CCD fait remarquer que cette approche serait semblable à l'entente dans l'industrie de l'autobus par laquelle, avec un préavis, on s'assure qu'un autobus accessible est utilisé pour desservir une route en particulier afin de répondre aux besoins des passagers ayant une déficience.
Thomas Cook Travel
[47] Thomas Cook Travel affirme que le 2 septembre 2004, elle a appelé Air Canada pour demander des renseignements sur les vols pour M. Derksen et son accompagnateur, mais aucune réservation n'a été faite. Le 21 septembre 2004, l'agent de voyage a appelé Air Canada à nouveau afin de vérifier les heures des vols du 12 au 14 novembre 2004.
[48] Dans un courriel entre elle et CCD, Thomas Cook Travel explique que le voyage de retour a un nombre limité de sièges et que seul le tarif plein prix en classe économique est disponible sur le vol sans escale, ce qui est très dispendieux. De plus, le courriel déclare que le problème d'espace est causé par le fait qu'à partir de novembre, Air Canada réduira ses services pour le marché de Winnipeg et réduira la taille des aéronefs, passant de l'Airbus (175 sièges) au CRJ (50 sièges).
[49] Thomas Cook Travel explique que le 22 septembre 2004, CCD a rappelé pour réserver les vols sans escale entre Winnipeg et Ottawa avec WestJest et pour le retour d'Ottawa à Winnipeg avec Air Canada. À cet égard, Thomas Cook Travel note qu'elle a confirmé avec CCD le type de fauteuil roulant utilisé par M. Derksen.
[50] Thomas Cook Travel affirme qu'elle a réservé une place pour M. Derksen avec les deux transporteurs aériens et qu'elle a avisé Air Canada et WestJet du type/des exigences du fauteuil roulant de M. Derksen et a demandé un fauteuil Washington pour le vol. Thomas Cook Travel note qu'elle se rappelle avoir reçu un appel de CCD juste avant la date de voyage de M. Derksen au cours duquel CCD demandait si le vol d'Air Canada pouvait transporter l'aide à la mobilité de M. Derksen. À cet égard, Thomas Cook Travel explique qu'elle a communiqué avec le MEDA Desk pour vérifier si Air Canada pouvait transporter le fauteuil roulant de M. Derksen et, en réponse, Air Canada a demandé les dimensions du fauteuil roulant électrique de M. Derksen.
[51] De plus, Thomas Cook Travel note qu'elle a fourni à Air Canada la longueur, la largeur et la hauteur du fauteuil roulant électrique de M. Derksen et qu'Air Canada l'a avisée qu'il n'y aurait pas de problèmes. Thomas Cook Travel note aussi qu'elle ne peut malheureusement pas trouver ses notes concernant les dimensions précises fournies à Air Canada.
ANALYSE ET CONSTATATIONS
[52] Pour en arriver à ses constatations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries.
[53] La demande doit être présentée par une personne ayant une déficience ou en son nom. L'Office note que M. Derksen utilise un fauteuil roulant électrique et qu'il nécessite l'aide d'un accompagnateur lorsqu'il voyage. Il est donc une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions d'accessibilité de la LTC.
[54] Pour déterminer s'il existe un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience au sens du paragraphe 172(1) de la LTC, l'Office doit d'abord déterminer si les possibilités de déplacement de la personne qui présente la demande ont été restreintes ou limitées par un obstacle. Le cas échéant, l'Office doit alors décider si l'obstacle était abusif. Pour répondre à ces questions, l'Office doit tenir compte des circonstances de l'affaire dont il est saisi.
Les possibilités de déplacement ont-elles été restreintes ou limitées par un obstacle ?
[55] L'expression « obstacle » n'est pas définie dans la LTC, ce qui donne à penser que le Parlement ne voulait pas limiter la compétence de l'Office compte tenu de son mandat d'éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. De plus, le terme « obstacle » a un sens large et s'entend habituellement d'une chose qui entrave le progrès ou la réalisation.
[56] Pour déterminer si une situation constitue ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience dans un cas donné, l'Office se penche sur les déplacements de cette personne qui sont relatés dans la demande. Dans le passé, l'Office a conclu qu'il y avait eu des obstacles dans plusieurs circonstances différentes. Par exemple, dans certains cas des personnes n'ont pas pu voyager, d'autres ont été blessées durant leurs déplacements (notamment quand l'absence d'installations convenables durant le déplacement affecte la condition physique du passager) et d'autres encore ont été privées de leurs aides à la mobilité endommagées pendant le transport. De plus, l'Office a identifié des obstacles dans les cas où des personnes ont finalement été en mesure de voyager, mais les circonstances découlant de l'expérience ont été telles qu'elles ont miné leur sentiment de confiance, de dignité, de sécurité, situation qui pourrait décourager ces personnes de voyager à l'avenir.
Le cas présent
Procédures d'Air Canada pour évaluer et confirmer si elle peut transporter les aides à la mobilité des personnes ayant une déficience dans ses aéronefs
[57] L'Office note qu'avant le voyage, le MEDA Desk d'Air Canada a reçu l'information concernant le fauteuil roulant électrique de M. Derksen ainsi que ses dimensions à deux reprises et qu'Air Canada a confirmé les préparatifs de voyage de M. Derksen, y compris le transport de son aide à la mobilité. De plus, l'Office note que M. Derksen a subi une intervention chirurgicale six semaines avant son voyage et, pour éviter de multiples transferts, il a réservé un vol direct avec Air Canada entre Ottawa et Winnipeg.
[58] L'Office accepte que M. Derksen ait choisi de voyager avec Air Canada parce que le MEDA Desk a confirmé que son aide à la mobilité pourrait être transportée sur le vol direct. Toutefois, le jour du voyage, M. Derksen a été informé que son aide à la mobilité n'entrerait pas dans la soute de l'aéronef et donc qu'il ne pouvait pas voyager sur le vol initialement prévu. M. Derksen a plutôt voyagé sur un vol indirect via Toronto exploité par Air Canada en utilisant un gros aéronef, ce qui a augmenté le temps de déplacement de M. Derksen par deux heures et demie. En raison de l'escale à Toronto, M. Derksen a subi plusieurs transferts supplémentaires entre son fauteuil roulant et son siège d'aéronef qu'il n'aurait pas effectués s'il avait voyagé sur le vol qui était initialement prévu. M. Derksen note que les transferts supplémentaires en raison de l'escale lui ont causé de l'inconfort en raison de sa récente intervention chirurgicale.
[59] À la lumière de ce qui précède, l'Office estime que les procédures d'Air Canada pour évaluer et confirmer si elle peut transporter les aides à la mobilité des personnes ayant une déficience dans ses aéronefs a constitué un obstacle aux possibilités de déplacement de M. Derksen.
L'inaccessibilité de l'aéronef CRJ pour M. Derksen sur la route Ottawa-Winnipeg
[60] L'Office note que M. Derksen utilise un fauteuil roulant électrique et qu'il nécessite un accès de plain-pied, une aide physique totale avec les transferts du fauteuil roulant de bord au siège de l'aéronef, un accompagnateur et le transport de son aide à la mobilité. L'Office note aussi que M. Derksen a subi une intervention chirurgicale six semaines avant la date de son voyage et était préoccupé par le risque d'être transporté physiquement, il a donc réservé un vol direct avec Air Canada entre Ottawa et Winnipeg afin d'éviter les transferts multiples.
[61] Le jour du voyage, M. Derksen s'est vu refusé l'embarquement sur le vol no AC 8475 puisque son aide à la mobilité ne passait pas par la porte de la soute du CRJ.
[62] À la lumière de ce qui précède, l'Office estime que l'inaccessibilité de l'aéronef CRJ pour M. Derksen sur la route Ottawa-Winnipeg a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement.
L'obstacle était-il abusif ?
[63] À l'instar du terme « obstacle », l'expression « abusif » n'est pas définie dans la LTC, ce qui permet à l'Office d'exercer sa discrétion pour éliminer les obstacles abusifs dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « abusif » a également un sens large et signifie habituellement que quelque chose dépasse ou viole les convenances ou le bon usage (excessif, immodéré, exagéré). Comme une chose peut être jugée exagérée ou excessive dans un cas et non dans un autre, l'Office doit tenir compte du contexte de l'allégation d'obstacle abusif. Dans cette approche contextuelle, l'Office doit trouver un juste équilibre entre le droit des passagers ayant une déficience d'utiliser le réseau de transport de compétence fédérale sans rencontrer d'obstacles abusifs, et les considérations et responsabilités commerciales et opérationnelles des transporteurs. Cette interprétation est conforme à la politique nationale des transports établie à l'article 5 de la LTC et plus précisément au sous-alinéa 5g)(ii) de la LTC qui précise, entre autres, que les modalités en vertu desquelles les transporteurs ou modes de transport exercent leurs activités ne constituent pas, dans la mesure du possible, un obstacle abusif aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience.
[64] L'industrie des transports élabore ses services pour répondre aux besoins des utilisateurs. Les dispositions d'accessibilité de la LTC exigent quant à elles que les fournisseurs de services de transport du réseau de transport de compétence fédérale adaptent leurs services dans la mesure du possible aux besoins des personnes ayant une déficience. Certains empêchements doivent toutefois être pris en considération, par exemple les mesures de sécurité que les transporteurs doivent adopter et appliquer, les horaires qu'ils doivent s'efforcer de respecter pour des raisons commerciales, la configuration du matériel et les incidences d'ordre économique qu'aura l'adaptation d'un service sur les transporteurs aériens. Ces empêchements peuvent avoir une incidence sur les personnes ayant une déficience. Ainsi, ces personnes ne pourront pas nécessairement embarquer avec leur propre fauteuil roulant, elles peuvent devoir arriver à l'aérogare plus tôt aux fins de l'embarquement et elles peuvent devoir attendre plus longtemps pour obtenir de l'assistance au débarquement que les personnes n'ayant pas de déficience. Il est impossible d'établir une liste exhaustive des obstacles qu'un passager ayant une déficience peut rencontrer et des empêchements que les fournisseurs de services de transport connaissent dans leurs efforts pour répondre aux besoins des personnes ayant une déficience. Il faut en arriver à un équilibre entre les diverses responsabilités des fournisseurs de services de transport et le droit des personnes ayant une déficience à voyager sans rencontrer d'obstacle, et c'est dans cette recherche d'équilibre que l'Office applique le concept d'obstacle abusif.
Le cas présent
Procédures d'Air Canada pour évaluer et confirmer si elle peut transporter les aides à la mobilité des personnes ayant une déficience dans ses aéronefs
[65] Ayant déterminé que les procédures d'Air Canada pour évaluer et confirmer si elle peut transporter les aides à la mobilité des personnes ayant une déficience dans ses aéronefs constituaient un obstacle aux possibilités de déplacement de M. Derksen, l'Office doit maintenant déterminer si cet obstacle était abusif.
[66] Il est évident que M. Derksen croyait que son fauteuil roulant pourrait être transporté dans le CRJ d'Air Canada sur le vol direct entre Ottawa et Winnipeg. Avant la date de son voyage, à deux reprises, l'agent de voyage de M. Derksen a discuté du transport de son fauteuil roulant avec le MEDA Desk d'Air Canada et a fourni certaines dimensions de l'aide à la mobilité. De plus, les agents d'Air Canada ont vérifié auprès de la station exploitant le vol que les dimensions du fauteuil roulant de M. Derksen données au MEDA Desk d'Air Canada confirmaient que le fauteuil roulant pourrait être transporté dans la soute du CRJ et ont assuré à l'agent de voyage de M. Derksen que ce serait possible. Toutefois, le jour du voyage, il a été déterminé que l'aide à la mobilité de M. Derksen, de fait, ne faisait pas dans la soute du CRJ.
[67] L'Office prend note de l'affirmation d'Air Canada que lorsqu'elle traite avec les agents de voyage, l'accent est mis sur le type de fauteuil roulant et de piles qui sont transportés. L'Office note aussi qu'Air Canada a affirmé que ses procédures n'exigent pas que les agents obtiennent les dimensions de l'aide à la mobilité d'une personne.
[68] À la lumière de ce qui précède, il est évident que les procédures d'Air Canada afin d'évaluer et de confirmer si elle peut transporter les aides à la mobilité des personnes ayant une déficience dans ses aéronefs sont telles qu'elles n'empêchent pas qu'un incident similaire à celui vécu par M. Derksen se reproduise. Plus précisément, Air Canada n'a pas de procédures pour les agents de son MEDA Desk et de ses centres d'appel afin qu'ils demandent et consignent les dimensions des aides à la mobilité pour évaluer si Air Canada peut les transporter dans ses aéronefs.
[69] À cet égard, l'Office note qu'Air Canada, à la lumière de la demande de M. Derksen, examinera les procédures pour son MEDA Desk et ses centres d'appel afin d'exiger les dimensions et le poids des dispositifs de mobilité afin de s'assurer qu'une décision pourra être prise avant le voyage afin de savoir s'ils peuvent être transportés dans ses aéronefs. L'Office note aussi qu'Air Canada est en voie de terminer un CIC qui sera rendu disponible à tous ses agents et qui communiquera les dimensions de la porte de la soute et de la soute de ses petits aéronefs en plus de la taille maximale des fauteuils roulants qui peuvent être transportés. De plus, Air Canada a indiqué que tous les agents des centres d'appel recevront une note de service les avisant de l'importance de vérifier les données susmentionnées auprès des passagers qui utilisent un fauteuil roulant électrique. Finalement, l'Office note qu'Air Canada a déclaré qu'elle émettrait aussi un communiqué à tous les agents de voyage au sujet de ce qui précède.
[70] Il est évident, selon les intentions exprimées par Air Canada de modifier le CIC, qu'il aurait été possible pour Air Canada de fournir à M. Derksen, avant le voyage, de l'information afin de savoir s'il était possible de voyager avec le CRJ. L'Office estime que même si la majorité des personnes peuvent préparer leur voyage à l'avance selon des facteurs communs comme les coûts et l'horaire, les personnes ayant une déficience doivent généralement considérer d'autres facteurs spécifiques à leurs besoins découlant de leur déficience. Ils doivent connaître les façons selon lesquelles leurs besoins peuvent être respectés par les différents fournisseurs services de transport afin qu'ils puissent prendre des décisions éclairées à savoir s'ils peuvent voyager et s'ils voyageront. Par conséquent, l'information que les personnes ayant une déficience doivent obtenir lors du processus de planification du voyage est souvent très importante puisque, dans certains cas, cette information déterminera si la personne peut voyager ou non.
[71] Comme il est mentionné ci-dessus, Air Canada a reconnu le besoin de modifier ses procédures en ce qui a trait au transport des aides à la mobilité dans ses aéronefs afin qu'elle puisse déterminer exactement, au moyen d'un échange de renseignements avec les personnes ayant une déficience, si l'aide à la mobilité de la personne peut être transportée.
[72] À la lumière de ce qui précède, l'Office estime que les procédures d'Air Canada pour évaluer et confirmer si elle peut transporter les aides à la mobilité des personne ayant une déficience dans ses aéronefs a constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de M. Derksen et aux possibilités de déplacement des personnes qui utilisent des aides à la mobilité en général.
L'inaccessibilité de l'aéronef CRJ pour M. Derksen sur la route Ottawa-Winnipeg
[73] Ayant déterminé que l'inaccessibilité de l'aéronef CRJ pour M. Derksen sur la route Ottawa-Winnipeg a constitué un obstacle à ses possibilités de déplacement, l'Office doit maintenant déterminer si cet obstacle était abusif.
[74] Le jour du voyage, une fois qu'il a été déterminé que le fauteuil roulant électrique de M. Derksen ne passerait pas par la porte de la soute du CRJ, le directeur des services d'Air Canada a offert « retirer les poignées ou de démonter en partie le fauteuil pour qu'il puisse entrer » [traduction libre] dans l'aéronef. Toutefois, l'Office note qu'à cet égard M. Derksen a précisé que son fauteuil roulant a un châssis fixe, ne se plie pas et seuls les repose-pieds peuvent être retirés. M. Derksen a aussi précisé que le retrait des repose-pieds modifierait seulement la longueur de son aide à la mobilité et non la hauteur et, par conséquent, le démontage de son fauteuil roulant n'aurait pas permis de le transporter à bord du CRJ.
[75] L'Office note qu'une fois qu'il a été déterminé que l'aide à la mobilité de M. Derksen ne pouvait pas être transportée dans l'aéronef CRJ d'Air Canada, M. Derksen et son accompagnateur ont pu voyager en classe affaires sans frais supplémentaires avec le vol no AC 461 d'Air Canada qui avait une correspondance à Toronto. L'Office reconnaît que pour que M. Derksen puisse voyager en effectuant le nombre minimal de transferts, il devait faire un vol direct, mais l'Office note que les besoins de M. Derksen ont été respectés au sein du réseau de transport d'Air Canada sur un vol indirect partant dans le même délai que son vol prévu à l'origine.
[76] De plus, l'Office note la position d'Air Canada qu'aucune autre mesure n'aurait pu être prise par Air Canada au moment pour permettre le transport de M. Derksen et de son fauteuil roulant électrique sur un vol direct entre Ottawa et Winnipeg. L'Office note aussi que dans leur réponse, CCD et M. Derksen ont exprimé leur désaccord avec la position d'Air Canada et ont expliqué qu'une fois qu'un transporteur détermine que les besoins d'une personne ayant une déficience ne peuvent être respectés sur certains aéronefs, lorsqu'il reçoit un préavis, le transporteur devrait substituer le gros aéronef à un petit aéronef qui pourrait répondre aux besoins de cette personne. Toutefois, l'Office reconnaît que les transporteurs choisissent d'utiliser des aéronefs précis sur des routes précises pour différentes raisons complexes, commerciales internes et économiques, y compris la capacité de l'aéronef et la demande. Comme d'autres transporteurs, Air Canada a le droit de déployer ses aéronefs pour répondre à la demande du marché comme bon lui semble.
[77] À la lumière de ce qui précède, l'Office estime que l'inaccessibilité de l'aéronef CRJ pour M. Derksen sur la route Ottawa-Winnipeg n'a pas constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacement.
CONCLUSION
[78] À la lumière de ce qui précède, l'Office a déterminé que les procédures d'Air Canada pour évaluer et confirmer si elle peut transporter les aides à la mobilité des personnes ayant une déficience dans ses aéronefs a constitué un obstacle abusif aux possibilités de déplacement de M. Derksen et aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience qui utilisent une aide à la mobilité en général.
[79] À la lumière des constatations précédentes, l'Office ordonne, par les présentes, à Air Canada de prendre les mesures suivantes dans les trente (30) jours suivant la date de la présente décision :
- fournir à l'Office une copie des procédures d'Air Canada qui ont été mises en place pour évaluer et confirmer si elle peut transporter les aides à la mobilité des personnes ayant une déficience dans ses aéronefs, y compris le CIC modifié;
- fournir à l'Office une copie de la note de service envoyée aux agents du MEDA Desk et des centres d'appel les avisant de l'importance de vérifier auprès des passagers utilisant une aide à la mobilité voyageant sur de petits aéronefs que l'aide à la mobilité passera par la porte de la soute de l'aéronef, y compris la taille maximale des aides à la mobilité qui peuvent être transportées;
- fournir à l'Office une copie du communiqué qui sera envoyée à tous les agents de voyage les avisant de l'importance de vérifier auprès des passagers voyageant sur de petits aéronefs avec leur aide à la mobilité que l'aide à la mobilité passera par la porte de la soute de l'aéronef, y compris la taille maximale des aides à la mobilité qui peuvent être transportées.
[80] À la suite d'un examen par l'Office de la pertinence des mesures prises par Air Canada pour retirer l'obstacle abusif, l'Office déterminera si d'autres mesures sont nécessaires.
[81] En ce qui a trait à l'inaccessibilité de l'aéronef CRJ pour M. Derksen sur la route Ottawa-Winnipeg, l'Office a déterminé que cela constituait un obstacle à ses possibilités de déplacement, toutefois l'obstacle n'était pas abusif.
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