Décision n° 436-C-A-2007

le 11 septembre 2007

le 11 septembre 2007

RELATIVE à une plainte déposée par Julien-Paul Dufour contre Air Transat A.T. Inc. exerçant son activité sous le nom d'Air Transat concernant la franchise des bagages enregistrés appliquée aux vols à destination de la République dominicaine par rapport à celle qui est appliquée aux vols vers d'autres destinations.

Référence no M4120-3/07-02960


PLAINTE

[1] Le 15 mai 2007, Julien-Paul Dufour a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (ci-après l'Office) la plainte décrite dans l'intitulé.

[2] Le 23 mai 2007, Air Transat A.T. Inc. exerçant son activité sous le nom d'Air Transat (ci-après Air Transat) a été invitée à répondre à la plainte à la lumière des articles 111 et 113 du Règlement sur les transports aériens DORS/88-58, modifié (ci-après le RTA).

[3] Le 14 juin 2007, Air Transat a déposé sa réponse à la plainte, et le 19 juin 2007, M. Dufour y a répliqué.

QUESTION

[4] L'Office doit déterminer si les franchises de bagages énoncées dans le tarif international régulier CTA(A) No 4 d'Air Transat et dans son tarif de vols affrétés CTA(A) No 5 établissent une distinction injuste au sens de l'article 111 du RTA pour ce qui est des services entre des points au Canada et des points à l'étranger.

POSITIONS DES PARTIES

[5] M. Dufour indique qu'il trouve abusive la franchise des bagages enregistrés appliquée par Air Transat aux vols en direction de la République dominicaine, laquelle franchise est de 20 kilogrammes, parce qu'elle est moins élevée que celle qui est appliquée aux vols en direction d'autres pays, tel qu'Haïti et le Portugal, pour lesquels il cite les franchises suivantes : 50 kilogrammes et 23 kilogrammes [cette dernière est réellement de 40 kilogrammes, selon les tarifs du transporteur], respectivement. M. Dufour fait savoir que lorsqu'il se rend en République dominicaine, il fait acte de bienfaisance pour les siens et apporte toujours avec lui plusieurs valises contenant des vêtements, des médicaments et divers articles pour sa famille. Toutefois, s'il voyage avec Air Transat, il doit débourser des frais de 10 $ par kilogramme pour tout excédent de bagages. M. Dufour signale que bien que la République dominicaine et Haïti soient deux points situés sur la même île, la franchise de bagages est différente pour chacune de ces destinations.

[6] Pour sa part, Air Transat fait valoir que sa politique à l'égard des franchises de bagages repose sur le principe que les besoins en bagages des passagers varient en fonction des destinations et des routes, ainsi que des caractéristiques propres au marché de services de chacune de ces destinations.

[7] Air Transat argue que les passagers qui ont recours aux services internationaux qu'elle exploite vers des destinations soleil, comme la République dominicaine, sont principalement des gens qui voyagent à des fins touristiques qui ont acheté des forfaits-vacances, tout compris, généralement d'une durée d'une ou de deux semaines. Au moment de déterminer la franchise de bagages, on a tenu compte de la durée relativement courte du séjour de ces passagers et du fait que leurs valises contiennent essentiellement des vêtements légers et de plage. Voilà ce qui explique, selon Air Transat, pourquoi la franchise de bagages a été fixée à 20 kilogrammes pour la plupart de ces destinations. Air Transat fait valoir que cette pratique est conforme aux normes de l'industrie et elle ajoute qu'une telle pratique est non seulement efficace d'un point de vue opérationnel et commercial, mais elle est aussi plus saine sur le plan écologique car elle permet de réduire la consommation de carburant requise pour ces vols.

[8] En ce qui concerne la franchise de bagages pour les vols vers Haïti, qui est exceptionnellement fixée à 50 kilogrammes par personne, par rapport à celle de 20 kilogrammes appliquée à d'autres destinations, Air Transat explique que les passagers qui se rendent à Haïti sont presque exclusivement des parents et amis de gens qui y résident, et que la durée du séjour de ces voyageurs étant, en général, plus longue que la durée moyenne des voyages à forfait, ils apportent plus de bagages. Air Transat souligne qu'en raison des difficultés économiques actuelles en Haïti, les canadiens d'origine haïtienne qui se rendent dans ce pays ont tendance à apporter aux membres de leur famille des vêtements et des biens de consommation de base qui ne sont pas disponibles en Haïti. Air Transat a tenu compte de cette réalité.

[9] Pour ce qui est des destinations qu'elle dessert en Europe, comme le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne, Air Transat fait valoir que la plupart des passagers qui s'y rendent sont des touristes et que la franchise maximale de bagages par personne qui a été fixée pour ces destinations le reflète. En ce qui concerne le Portugal, la Grèce et l'Italie, la clientèle des services est largement constituée de parents et enfants qui s'y rendent pour de longs séjours chez des membres de leur famille ou amis pendant les vacances d'été. Air Transat soutient qu'elle répond aux besoins de ces voyageurs en accordant des franchises de bagages plus élevées, et qu'une telle pratique est dans l'intérêt des consommateurs.

[10] Air Transat fait valoir que sa politique qui consiste à imposer des caractéristiques et des exigences différentes pour une route en particulier par rapport à une autre constitue un avantage dans de nombreux cas pour les consommateurs, et elle ne peut donc pas être qualifiée d'abusive.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

[11] Pour en arriver à ses constations, l'Office a tenu compte de tous les éléments de preuve soumis par les parties au cours des plaidoiries, ainsi que des dispositions pertinentes des tarifs d'Air Transat.

[12] La compétence de l'Office sur les plaintes concernant les taxes et les conditions de transport applicables au transport international à destination et en provenance du Canada est établie, en partie, dans l'article 111, lequel prévoit ce qui suit :

(1) Les taxes et les conditions de transport établies par le transporteur aérien, y compris le transport à titre gratuit ou à taux réduit, doivent être justes et raisonnables et doivent, dans des circonstances et des conditions sensiblement analogues, être imposées uniformément pour tout le trafic du même genre.

(2) En ce qui concerne les taxes et les conditions de transport, il est interdit au transporteur aérien :

a) d'établir une distinction injuste à l'endroit de toute personne ou de tout autre transporteur aérien;

b) d'accorder une préférence ou un avantage indu ou déraisonnable, de quelque nature que ce soit, à l'égard ou en faveur d'une personne ou d'un autre transporteur aérien;

c) de soumettre une personne, un autre transporteur aérien ou un genre de trafic à un désavantage ou à un préjudice indu ou déraisonnable de quelque nature que ce soit.

[13] Les dispositions tarifaires pertinentes s'appliquant en l'espèce sont la Règle 7.1 du tarif international régulier et la Règle 8.1 du tarif de vols affrétés, qui, toutes deux, prévoient en partie ce qui suit :

Le transporteur accepte de transporter comme bagage tout bien personnel que le passager juge nécessaire ou convenable de porter ou d'utiliser, ou qui assurera son confort ou répondra à un besoin pendant le voyage, sous réserve des conditions suivantes :

...

d) Les passagers (à l'exception des enfants de moins de 2 ans) de la classe économique auront droit à une franchise maximale de bagages de 20 kilogrammes par personne pour leurs bagages enregistrés (40 kilogrammes dans la classe Club Transat) sans frais supplémentaires sous réserve des exceptions suivantes : 50 kilogrammes pour les vols entre le Canada et des points situés à Haïti; 40 kilogrammes pour les vols entre le Canada et des points situés au Portugal; 30 kilogrammes pour les vols entre le Canada et des points situés en Grèce et en Italie; 25 kilogrammes pour les vols entre le Canada et Amsterdam, Londres-Gatwick, Nice, ainsi que pour les passagers qui se rendent en Floride pour faire une croisière, et 23 kilogrammes pour les vols entre le Canada et tous les autres points situés en Europe et dans le Royaume-Uni. Si le poids total excède la franchise maximale, sous réserve de l'espace disponible, des frais supplémentaires de 7 $CAN (ou l'équivalent dans d'autres devises) par kilogramme pour l'excédent de bagages seront applicables à tous les vols entre le Canada et l'Europe ou le Royaume-Uni et des frais supplémentaires de 10 $CAN (ou l'équivalent dans d'autres devises) par kilogramme pour l'excédent de bagages seront applicables à tous les vols entre le Canada et les É.-U. et toutes les destinations au Mexique, aux Caraïbes, à Cuba et en Amérique latine. Le poids de toute pièce de bagages enregistrés ne devra pas excéder 32 kilogrammes ou 70 livres, sinon, le bagage sera envoyé comme s'il s'agissait de marchandises et les frais afférents au transport de marchandises s'appliqueront. [traduction]

[14] L'Office est d'avis qu'au moment de déterminer si une condition de transport appliquée par un transporteur aérien établit « une distinction injuste » au sens de l'article 111 du RTA, l'Office doit adopter une approche contextuelle qui fait l'équilibre entre le droit du public voyageur de ne pas être assujetti aux conditions de transport qui sont discriminatoires et les obligations réglementaires, opérationnelles et commerciales des transporteurs aériens.

[15] La première question que l'Office doit examiner afin de déterminer si une condition de transport appliquée par un transporteur aérien établit « une distinction injuste » au sens de l'article 111 du RTA est de savoir si la condition de transport est en soi discriminatoire.

[16] Une condition est discriminatoire si elle distingue une catégorie particulière de trafic et lui accorde un traitement différent sans motif valable.

[17] Dans le cas présent, l'Office note que la franchise des bagages enregistrés d'Air Transat pour la République dominicaine est moins élevée qu'elle l'est pour certains autres pays, mais cette condition s'applique à tous les passagers, sans exception, se rendant à la même destination.

[18] L'Office est d'avis que la comparaison faite par M. Dufour relativement aux différentes franchises qui sont appliquées pour les vols entre la République dominicaine et Haïti ainsi qu'entre le Portugal et la République dominicaine n'est pas valable du fait qu'il s'agit de marchés de services tout à fait distincts auxquels s'appliquent des mesures concurrentielles tout à fait différentes. À cet égard, l'Office est d'avis que les transporteurs aériens ne sont aucunement tenus de fixer leurs taxes et conditions de transport en fonction des divers motifs de voyage des passagers. Pour ces raisons, l'Office estime que les franchises des bagages enregistrés d'Air Transat ne sont pas discriminatoires. Par conséquent, l'Office n'a pas à statuer sur la question de savoir si lesdites franchises établissent « une distinction injuste ».

CONCLUSION

[19] À la lumière de ce qui précède, l'Office rejette, par les présentes, la plainte.

Membres

  • Gilles Dufault
  • John Scott
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