Décision n° 443-AT-A-2008

le 28 août 2008

le 28 août 2008

DEMANDE présentée par Éric Valcourt concernant les difficultés qu'il a rencontrées avec American Airlines, Inc.

Référence no U3570/08-8


INTRODUCTION

[1] Le 29 janvier 2008, Éric Valcourt a déposé auprès de l'Office des transports du Canada (l'Office) une demande concernant son allergie aux chats et les difficultés qu'il a rencontrées avec American Airlines, Inc. (American Airlines) à bord du vol no AA1478, de Miami, Floride, États-Unis d'Amérique à Montréal (Québec) Canada, le 2 janvier 2008.

QUESTION

[2] L'Office doit déterminer si le niveau d'accommodement offert par American Airlines relativement à l'allergie de M. Valcourt a constitué un obstacle abusif à ses possibilités de déplacements et, le cas échéant, quelles mesures correctives devraient être prises.

FAITS

[3] M. Valcourt est allergique aux chats.

[4] Le 22 octobre 2007, M. Valcourt a acheté un billet aller-retour de son agent de voyages CAA-voyages Québec, pour un voyage avec American Airlines entre Montréal et San Salvador, El Salvador, avec une correspondance à Miami. Le départ était prévu le 14 décembre 2007 et le retour le 2 janvier 2008. M. Valcourt n'a pas demandé à son agent de voyages d'informer le transporteur de son allergie aux chats au moment de la réservation. Aucune note au dossier passager (PNR) de M. Valcourt ne faisait état de son allergie aux chats.

[5] American Airlines permet le transport des animaux de compagnie à bord de ses vols. Ses politiques, son site Web et son tarif reflètent tous adéquatement ce fait.

MÉMOIRES

[6] M. Valcourt prétend qu'il a informé American Airlines de son allergie grave aux chats au cours d'un entretien téléphonique en novembre 2007 et qu'American Airlines l'a informé qu'elle ne transporte pas d'animaux de compagnie dans la cabine passagers.

[7] M. Valcourt fait valoir que pendant qu'il attendait dans la salle d'embarquement à l'Aéroport international de Miami (l'aéroport de Miami) au retour de son voyage, il a eu une réaction allergique à un chat, et il a appris que le chat en question voyagerait à bord de son vol. M. Valcourt indique qu'il a avisé un agent d'American Airlines de son allergie aux chats et a demandé de voyager à bord d'un autre vol. M. Valcourt prétend que l'agent d'embarquement lui a suggéré de prendre ses médicaments et monter à bord de l'aéronef ou d'acheter un nouveau billet pour un autre vol.

[8] M. Valcourt prétend qu'il a pris ses médicaments prescrits contre les allergies pour atténuer sa réaction allergique. M. Valcourt avait également en sa possession un « EpiPen » et il fait valoir qu'une fois à bord de l'aéronef, il a demandé au passager à côté de lui d'être prêt à l'aider à administrer son « EpiPen », mais que finalement, il n'en a pas eu besoin. M. Valcourt prétend qu'en dépit du fait qu'il ait pris ses médicaments, il a eu une réaction allergique importante et a été malade durant et après son vol.

[9] En ce qui a trait à l'accommodement de passagers qui ont des allergies, American Airlines fait valoir qu'elle peut accommoder les passagers qui sont allergiques aux animaux en modifiant leur itinéraire le plus possible et qu'elle peut déplacer ces passagers à bord d'un autre vol qui n'a pas d'animaux dans la cabine passagers sans qu'ils aient à payer des frais pour le changement d'itinéraire.

[10] American Airlines fait également valoir que le dossier de données du vol no AA1478 ne contenait aucune indication et qu'elle n'a aucune preuve d'un avis, à aucun moment, concernant l'allergie aux chats de M. Valcourt. American Airlines ajoute qu'aucun des agents d'embarquement, responsables du vol de M. Valcourt de Miami à Montréal, ne se souvenait d'avoir reçu de l'information à propos d'un passager qui a eu une réaction allergique à un chat, et que le Gestionnaire des services à la clientèle responsable du départ du vol n'a aucun souvenir de cet incident. American Airlines a fourni des déclarations écrites, signées par les employés, à cet égard. De plus, American Airlines indique qu'en ce qui a trait à la possibilité de ce que M. Valcourt décrit comme une réaction allergique grave aux chats, y compris le risque de choc anaphylactique, d'inconscience et d'arrêt respiratoire nécessitant l'usage d'un « EpiPen » — ce qui de l'avis du transporteur dépasse une réaction allergique ou asthmatique normale — une telle situation médicale aurait été enregistrée dans le rapport de vol et M. Valcourt aurait été débarqué pour des raisons médicales et déplacé à bord d'un autre vol afin d'éviter une urgence médicale à bord.

[11] American Airlines est d'avis que M. Valcourt n'a jamais porté son allergie aux chats à l'attention du personnel du transporteur, ce qui a empêché American Airlines de fournir une aide ou un niveau adéquat d'accommodement, conformément à ses politiques.

ANALYSE ET CONSTATATIONS

[12] L'Office doit d'abord déterminer si la preuve au dossier est suffisante pour conclure que M. Valcourt est une personne ayant une déficience et qu'il a rencontré un obstacle lors d'un voyage avec American Airlines de Miami à Montréal.

Est-ce que M. Valcourt est une personne ayant une déficience?

[13] L'Office a appuyé une approche méthodologique à la détermination de l'existence d'une déficience dans les cas où l'existence d'une déficience n'est pas évidente ou apparente. L'existence d'une déficience pourrait ne pas être évidente ou apparente puisque l'état de santé sous-jacent présente un grand nombre de situations dont un vaste éventail de degrés de gravité des symptômes et de limitations de possibilités de déplacement, ce qui pourrait empêcher l'Office de déterminer l'existence d'une déficience simplement en raison de l'existence de la maladie. L'Office a appliqué ce type d'analyse aux cas mettant en cause des personnes qui ont des allergies. Dans la décision no 243-AT-A-2002 du 10 mai 2002, l'Office a conclu que les allergies ne sont pas en soi une déficience aux termes de la partie V de la Loi sur les transports au Canada, L.C. (1996) ch. 10, modifiée (la LTC). Toutefois, l'Office a conclu que certaines personnes ayant des allergies ont peut-être une déficience attribuable à ces allergies aux termes de la partie V de la LTC. L'Office a également indiqué que « pour trancher la question de savoir si une personne allergique fait face à des limitations d'activités et/ou à des restrictions de participation dans le cadre du réseau fédéral de transport dans un contexte particulier, il faut analyser chaque cas selon son bien-fondé. » À cet égard, l'Office a conclu que ...« Il faut une preuve factuelle de l'existence de limitations d'activités et/ou de restrictions de participation ... pour conclure qu'une personne allergique est une personne ayant une déficience pour l'application de la partie V de la LTC ».

[14] Bien que l'Office accepte la preuve de M. Valcourt selon laquelle il est allergique aux chats, l'Office est d'avis que l'état de santé de M. Valcourt nécessiterait une preuve additionnelle pour permettre à l'Office de déterminer s'il est une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions d'accessibilité de la LTC. Ainsi, la décision de l'Office à savoir s'il doit chercher une preuve additionnelle sera dictée par sa conclusion quant à la question de savoir si M. Valcourt a rencontré un obstacle à ses possibilités de déplacement lorsqu'il a voyagé avec American Airlines.

Démarche de l'Office pour conclure en la présence ou non d'un obstacle

[15] Le mandat que confère la partie V de la LTC à l'Office consiste à veiller à l'élimination des obstacles abusifs que les personnes ayant une déficience rencontrent lorsqu'elles se déplacent dans le réseau de transport de compétence fédérale. Le mot « obstacle » n'est pas défini dans la LTC, mais il se prête à une interprétation libérale, car il s'entend généralement de ce qui s'oppose au passage ou à l'obtention d'un résultat. Par exemple, les difficultés ou les obstacles aux possibilités de déplacement des personnes ayant une déficience peuvent survenir dans les installations des fournisseurs de services de transport; ou découler du matériel ou de l'application de politiques, de procédures ou de pratiques; ou résulter du fait que les fournisseurs de services de transport ne se conforment pas à ces dernières, ou encore qu'ils n'ont pas su prendre des mesures positives afin d'assurer leur respect, y compris le fait de ne pas avoir assuré la formation adéquate des employés et des agents contractuels.

[16] Lorsqu'il se penche sur la question de savoir si une situation a constitué ou non un « obstacle » aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience, l'Office examine généralement l'incident relaté dans la demande afin de déterminer si la personne qui l'a présentée a établi à première vue :

  • qu'un obstacle aux possibilités de déplacement d'une personne ayant une déficience a été le résultat d'une distinction, d'une exclusion ou d'une préférence;
  • que l'obstacle était lié à la déficience de cette personne;
  • que l'obstacle est discriminatoire du fait qu'il a imposé un fardeau à la personne ou l'a privée d'un avantage.

Est-ce que M. Valcourt a, de prime abord, indiqué qu'il a rencontré un obstacle?

[17] Comme la preuve des parties relative aux questions soulevées par M. Valcourt est contradictoire, l'Office doit décider si M. Valcourt a fourni suffisamment de preuve pour renverser la preuve déposée par American Airlines.

[18] En ce qui concerne le poids de cette preuve contraire, et dans tout différend, il importe de déterminer quelle partie a l'obligation de prouver le point en litige. Dans les causes civiles, la règle générale veut que le demandeur porte le fardeau juridique de la preuve. Il est donc tenu d'établir, selon la prépondérance des probabilités, c'est-à-dire selon la prépondérance de la preuve, que sa version reflète adéquatement les faits à l'étude et que sa position est la bonne. Ce principe s'applique également aux allégations d'obstacles aux termes de la partie V de la LTC.

[19] Il incombe donc à M. Valcourt de convaincre l'Office que sa version concernant l'avis fourni à American Airlines au sujet de son allergie est plus probable que celle d'American Airlines. Comme l'Office est confronté à plusieurs versions des faits, comprenant des différences irréconciliables, il doit déterminer si M. Valcourt a prouvé ses allégations d'obstacle contre American Airlines.

Avis préalable

[20] L'Office est conscient que les transporteurs aériens, de façon générale, consignent les demandes de services spéciaux dans le PNR des passagers, tout spécialement lorsque ces demandes ont trait à un état de santé grave, à une déficience ou à tout autre aspect concernant leur bien-être ou leur sécurité. Cette pratique avantage à la fois les passagers et les transporteurs en assurant que les besoins des passagers sont respectés et que les transporteurs disposent d'un avis acceptable pour être en mesure d'offrir les services demandés.

[21] M. Valcourt prétend qu'au moment de la réservation en octobre 2007, son agent de voyages n'était pas certain si American Airlines acceptait des animaux de compagnie à bord de ses aéronefs. Il n'a pas demandé à son agent de noter son allergie aux chats dans son dossier de réservation puisqu'il tenait à en aviser le transporteur lui-même. Par conséquent, M. Valcourt a finalisé sa réservation avec American Airlines sans avoir confirmé la politique du transporteur relativement au transport des animaux de compagnie dans ses aéronefs et American Airlines n'a pas été informée de l'allergie de M. Valcourt au moment de la réservation.

[22] M. Valcourt prétend qu'il a appelé American Airlines quelque temps en novembre 2007. Il fait valoir qu'il a avisé American Airlines par téléphone de son allergie grave aux chats, et qu'on l'a informé que le transporteur n'acceptait pas d'animaux de compagnie dans la cabine passagers. Les mémoires de M. Valcourt ne permettent pas d'établir clairement s'il a demandé qu'une note concernant son allergie aux chats soit incluse dans son dossier auprès du transporteur. Americal Airlines a confirmé que le PNR de M. Valcourt ne portait aucune mention de ce fait et qu'elle n'avait aucun dossier faisant état de son allergie aux chats.

[23] M. Valcourt indique qu'il est très prudent en ce qui a trait à son exposition aux chats. Les précautions qu'il prend incluent de s'assurer qu'il ne sera pas en présence d'un chat dans les nouveaux endroits où il entre et qu'aucun chat n'y est entré au cours des trois derniers mois. Si c'est le cas, M. Valcourt n'ira pas dans les endroits ou ne prendra pas place dans les véhicules en question. Il est clair pour l'Office que le fait de ne pas entrer dans un endroit ou une voiture où un chat a peut-être été présent au cours des trois derniers mois permet d'éviter tout contact avec les allergènes qui déclencheront une réaction allergique chez M. Valcourt.

[24] À la lumière de la description de M. Valcourt de la gravité de son allergie aux chats, des conséquences d'une exposition et des précautions qu'il dit prendre pour éviter tout contact avec les chats, et sans égard au fait qu'American Airlines transporte ou non des animaux de compagnie dans la cabine passagers, l'Office détermine que M. Valcourt n'a pas à être en présence d'un chat pour être exposé aux allergènes potentiels, mais plutôt qu'il a uniquement besoin d'être exposé aux allergènes potentiels, tels que les poils ou les squames, pour avoir une réaction allergique. De tels allergènes pourraient être transportés à bord de l'aéronef par tout passager sur ses vêtements ou dans ses bagages à main. De ce fait, l'Office se demande pourquoi M. Valcourt n'a pas demandé à son agent de voyages de noter son allergie aux chats dans son dossier de réservation par mesure de précaution et pourquoi M. Valcourt ne s'est pas assuré qu'une note concernant son allergie aux chats soit incluse dans son dossier avec American Airlines lorsqu'il a communiqué avec le transporteur en novembre 2007. Comme une allergie aussi grave que celle décrite par M. Valcourt pourrait être déclenchée par le poil et les squames de chats présents dans la cabine passagers, même en l'absence d'un chat, il incombe au passager allergique de s'assurer, par mesure de précaution, que le transporteur soit au fait de son allergie, tant pour la sécurité du passager que pour assurer que le transporteur dispose d'un avis préalable suffisant pour être en mesure de se préparer en conséquence.

[25] À la lumière de ce qui précède, l'Office conclut, selon la prépondérance des probabilités, que M. Valcourt n'a pas donné un avis préalable suffisant à American Airlines concernant son allergie aux chats.

Pré-embarquement et accommodement en cours de vol

[26] Dans un mémoire à l'Office du 11 avril 2008, M. Valcourt indique que lorsqu'il attendait dans la salle d'embarquement à l'aéroport de Miami, environ une heure avant le vol, il a commencé à ressentir des symptômes d'allergie et il a entendu un chat miauler. Il a avisé un agent d'American Airlines de la gravité de son allergie aux chats et a demandé d'être déplacé à bord d'un autre vol. M. Valcourt prétend que l'agent d'embarquement lui a indiqué de prendre ses médicaments et embarquer à bord du vol ou d'acheter un nouveau billet pour un autre vol. M. Valcourt prétend qu'il a demandé à l'agent de noter son allergie aux chats dans son dossier. M. Valcourt n'a pas indiqué avoir informé un quelconque employé d'American Airlines de son allergie en cours de vol. M. Valcourt fait plutôt valoir qu'il a avisé le passager à ses côtés qu'il aurait peut-être besoin d'aide pour administrer son « EpiPen », mais que finalement, il n'en a pas eu besoin. Toutefois, dans une correspondance par courriel entre lui et son agent de voyages en date du 16 janvier 2008, dans laquelle il expose les difficultés qu'il a rencontrées au cours de son voyage, incluant le retard de ses bagages, un vol annulé et les douanes, M. Valcourt n'a pas indiqué qu'il a demandé de l'aide dans la salle d'embarquement à Miami, avant le départ, déclarant seulement qu'il a avisé American Airlines de la situation une fois à bord de l'aéronef et à l'arrivée à Montréal.

[27] American Airlines indique que le PNR et le dossier de données du vol no AA1478 ne contenaient aucune indication et qu'elle n'a aucune preuve d'un avis, à aucun moment, concernant l'allergie aux chats de M. Valcourt. American Airlines soumet également qu'aucun des agents d'embarquement responsables du vol de M. Valcourt de Miami à Montréal ne se souvenait d'avoir reçu de l'information à propos d'un passager qui a eu une réaction allergique à un chat. American Airlines a fourni des témoignages des employés responsables du vol tant à Montréal qu'à Miami. Les déclarations des employés étaient également uniformes en ce qui a trait à la façon dont ils doivent appliquer les politiques et les procédures, dans un tel cas. De plus, l'Office accepte la déclaration d'American Airlines qu'en ce qui a trait à la possibilité de ce que M. Valcourt décrit comme une réaction allergique grave aux chats, y compris le risque de choc anaphylactique, d'inconscience et d'arrêt respiratoire nécessitant l'usage d'un « EpiPen » — ce qui de l'avis du transporteur dépasse une réaction allergique ou asthmatique normale — une telle situation médicale aurait été enregistrée dans le rapport de vol et M. Valcourt aurait été débarqué pour des raisons médicales et déplacé à bord d'un autre vol afin d'éviter une urgence médicale à bord.

[28] À la lumière de la preuve présentée, y compris les événements relatés par M. Valcourt dans ses mémoires qui sont incompatibles avec ses échanges avec son agent de voyages, les versions contradictoires des parties en ce qui a trait aux événements concernant le pré-embarquement et la preuve déposée par American Airlines pour appuyer sa position, l'Office n'est pas convaincu que la version de M. Valcourt est suffisamment convaincante ou que sa version est plus probable que la version d'American Airlines et conclut que la preuve de M. Valcourt est insuffisante pour appuyer une inférence voulant que les événements se soient produits comme il les a décrits.

CONCLUSION

[29] L'Office conclut que M. Valcourt n'a pas démontré de façon suffisante qu'il a rencontré un obstacle lorsqu'il a voyagé avec American Airlines de Miami à Montréal, le 2 janvier 2008. Par conséquent, l'Office ne nécessitera pas la preuve additionnelle qui servirait à déterminer si M. Valcourt est une personne ayant une déficience aux fins de l'application des dispositions relatives à l'accessibilité de la LTC. La demande de M. Valcourt est donc rejetée.

Membres

  • John Scott
  • J. Mark MacKeigan
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